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Musique et musiciens d’Église dans le département des ALPES-MARITIMES autour de 1790
Vue de Nice, prise des bords du Paillon, en arrivant de France, par Augustin de Louvois, tirée de Nice et ses environs, ou Vingt vues dessinées d'après nature, en 1812, dans les Alpes-Maritimes. Par A... de L... [Auguste de Louvois], À Paris chez Remoissenet, Md. d'Estampes, Quai Malaquais, n° 9 Et à Genève, chez J.-J. Paschoud, imprimeur-libraire, 1814. Source gallica.bnf.fr / BnF, Estampes et photographie, VE-168-PET FOL. On remarque la tour de l'horloge et le dôme de la cathédrale au centre de l'image, dominés par la colline du château et, plus loin, le mont Boron, avec la citadelle du Montalban, qui défend aussi Villefranche.
Avec le département des Alpes-Maritimes, tardivement constitué, l’enquête Muséfrem s’aventure pour la première fois hors du royaume de France dans ses frontières de 1790 (si l’on exclut le Vaucluse). Politiquement, le territoire dépend en effet de deux souverainetés principales, dont le fleuve Var (qui prend sa source au nord du département, sur le territoire d’Entraunes) trace la frontière : le royaume de France à l’ouest, seule partie du territoire concernée par les lois de 1790, et le royaume de Piémont-Sardaigne, dont la capitale est Turin, à l’est. C’est cette seconde partie qui devient en 1793 le premier département des Alpes-Maritimes, où la constitution civile du clergé et la suppression des chapitres ne s’appliquent pas avec rigueur, ce qui a pour conséquence l’absence des suppliques individuelles ou collectives qui font, partout ailleurs, la richesse de l’enquête Muséfrem. Pour autant, les Alpes-Maritimes recèlent un grand nombre d’édifices cultuels et offrent un éventail de pratiques liturgiques, qui permettent d’imaginer un univers sonore plus étoffé et plus varié que ce que les archives laissent entrevoir.
I - Un territoire complexe et multiple
Le département des Alpes-Maritimes n’a atteint ses dimensions actuelles que fort récemment, en 1947, ce qui en fait le département métropolitain le plus tardivement achevé. Regroupant des territoires aux histoires distinctes, il offre également des paysages contrastés, depuis le littoral jusqu’aux sommets du Mercantour, culminant à 3 143 mètres au Gélas.
● ● ● 1793-1947 : la longue construction du territoire départemental
Un premier département des Alpes-Maritimes est créé le 4 février 1793, après l’annexion du comté de Nice à la jeune République française. Outre le comté, il inclut également les terres des princes de Monaco : l’actuel territoire de la principauté, ainsi que les communes de Menton et de Roquebrune (qui se détachent de la souveraineté monégasque en 1848). Ce jeune département recouvre donc la rive gauche du Var, fleuve qui marque la limite avec le département du même nom, dans lequel est alors intégré l’arrondissement de Grasse (englobant Antibes, Cannes, Vence…). Le congrès de Vienne met fin dès 1814 à l’existence de ce premier département des Alpes-Maritimes, réintégré au royaume du Piémont jusqu’en 1860.
À l’occasion du plébiscite organisé cette année là en Savoie et dans le comté de Nice, ces territoires demandent en effet leur rattachement à la France. Napoléon III accepte néanmoins de laisser le nouveau roi d’Italie, Victor-Emmanuel, profiter de ses territoires de chasse à cheval sur la ligne de crête – il s’agit en réalité pour l’Italie de conserver un avantage militaire face à la France, et elle fortifie ensuite abondamment le versant sud jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, les communes de Tende et de La Brigue, dans la haute vallée de la Roya, restent italiennes, de même que, plus à l’ouest, les pentes situées au nord de Saint-Martin-Vésubie et la vallée isolée de Mollières, village d’agriculteurs éleveurs, qui dépend du Valdeblore. Ces territoires, qui forment aujourd’hui une partie du parc national du Mercantour, sont rattachés par le traité de Paris du 10 février 1947, avec en prime les villages de Piène et de Libre, en aval de Breil-sur-Roya. En 1860, le nouveau département des Alpes-Maritimes est agrandi de l’arrondissement de Grasse, arraché au département du Var, qui perd ainsi tout lien avec le fleuve à l’origine de son nom.
D’un point de vue ecclésiastique, si le diocèse de Nice – se limitant en 1792 à l’essentiel du comté de Nice, à l’est du fleuve Var – concorde aujourd’hui avec le département, c’est aussi le résultat d’une longue construction. Ainsi, les territoires d’outre-Var (vu de Nice) forment jusqu’en 1790 les modestes diocèses de Grasse et de Vence, tout comme Nice suffragants d’Embrun. Inclus ensuite dans le diocèse de Toulon-Fréjus, dont ils constituent la partie la plus riche, ils ne sont intégrés au diocèse de Nice qu’en 1886, après plus de deux décennies de tergiversations et de tractations, liées à la résistance des évêques et du clergé, sur les deux rives du fleuve – les îles de Lérins, exclues du règlement final, dépendent toujours du diocèse de Fréjus. Aujourd’hui encore, les différences entre la Provence orientale et l’ancien comté de Nice se font sentir au sein du diocèse.
En 1793, déjà, d’autres territoires ecclésiastiques, inclus dans le nouveau département des Alpes-Maritimes, étaient venus grossir celui du diocèse de Nice : la part du diocèse français de Glandèves [Alpes-de-Haute-Provence] dépendant du comté de Nice, composée de la haute vallée du Var, autour de Puget-Théniers, où un administrateur ecclésiastique représentait l’évêque pour les paroisses sardes, et d’une partie de la vallée de l’Estéron. Enfin, la frange alpine orientale du diocèse de Nice englobe depuis la Révolution française des territoires dépendant précédemment au spirituel de l’évêque de Vintimille : la vallée de la Roya, avec Tende, Breil ou La Brigue, la haute Bévéra, autour de Sospel, et le littoral à Menton et Roquebrune – le chef-lieu de la principauté de Monaco, dépend déjà, quant à lui, du diocèse de Nice.
Le département des Alpes-Maritimes est, par ailleurs, une terre de contrastes, par ses reliefs, du littoral méditerranéen aux sommets du Mercantour, par son climat qui pèse sur le régime torrentiel de ses cours d’eau, dominés par le Var, mais aussi sur la végétation, entre garrigues et oliveraies, terrains cultivés des marges urbaines et forêts denses des versants montagnards, par ses aspects linguistiques, enfin : provençal et français (dans les villes surtout) se partagent l’ouest, tandis que le nissart et différents idiomes italo-ligures règnent à l’est du Var – dans la vallée de la Roya, chaque village a son dialecte : tendasque, brigasque… Les villes sont peu nombreuses et, hormis Nice, demeurent modestes, ponctuant le littoral, de Cannes à Menton, ou l’arrière-pays de façon sporadique (Grasse, Vence, Sospel).
● ● ● Villages perchés et petites villes épiscopales de l’arrière-pays varois
Des deux côtés du Var, l’activité dominante est agro-pastorale. Dans les deux petits diocèses de l’ouest, les villes épiscopales sont implantées à la charnière entre bas et haut pays. La montagne du Cheiron (culminant à 1 778 m), qui au-delà de l’austère plateau de Calern, domine Grasse au nord et marque la limite du diocèse avec celui de Glandèves, offre des prairies rases propices à l’élevage ovin. Ce type de paysage est caractéristique des contrées qui bordent le Var jusqu’à sa source, progressivement ombragées par les forêts à mesure que la pente et l’altitude augmentent. L’été, de nombreux troupeaux, venus de toute la Provence, paissent sur les pelouses d’altitude, sous la garde de bergers.
L’élevage des mulets et toutes les activités qui s’y rapportent (muletiers, bâtiers, maréchaux-ferrants, selliers, corroyeurs…) sont présents partout, témoignant de l’importance de ce mode de transport sur un territoire où dominent les chemins pierreux étroits.
En 1790, la "petite ville" de Grasse est néanmoins "assez peuplée" (Hesseln, t. 3, p. 254) : du point de vue démographique, elle domine nettement la partie provençale du département, avec ses presque 12 000 habitants (contre près de 9 500 en 1765, selon Expilly). Elle le doit en premier lieu au développement de la tannerie, dès le Moyen Âge. Grâce à l’utilisation de la poudre de myrrhe et de lentisque, plantes qui poussent à l’état sauvage dans les environs, le cuir prend une couleur verte et surtout gagne une plus grande résistance (Hesseln, t. 3, p. 257). La parfumerie se développe à la fois pour la fabrication de gants et pour celle de savons, de pommades, d’essences et de parfums "connus dans toute l’Europe", favorisée par le climat exceptionnel qui permet sur les pentes orientées au sud, en contrebas de la ville, la culture de plantes dont "tous les jardins qui entourent la ville […] sont parfumés" (jasmins, rosiers, tubéreuses, orangers, citronniers, cédrats et bergamotes, dont le bois sert à faire des tabatières), en plus des classiques vignes, oliviers, figuiers, mûriers ou cassis, qui, selon Hesseln (qui, malgré la vue imprenable sur la mer, n’aime guère cette ville, selon lui laide et sale : mais il ne s’y est sans doute jamais rendu et reprend le jugement de Smollett), "donnent de la verdure en tout temps". Tanneurs et parfumeurs apparaissent souvent dans les familles des enfants de chœur et des bénéficiers de la cathédrale. Grasse produit également de la soie, soit brute, soit travaillée en fils ou en rubans.
Dépendante de la viguerie de Grasse, Vence est une petite cité de 4 600 habitants, qui se love dans l’espace ovale de ses remparts anciens. Aucune activité particulière n’a justifié, semble-t-il, de mention dans la courte notice que lui consacre le Dictionnaire de Robert de Hesseln (t. 6, p. 535-536).
Toute proche de Vence, la petite ville de Saint-Paul (environ 1 000 habitants) est fortifiée et possède son propre gouverneur. Le ressort de son bailliage (dont Vence est exclue) s’étend jusqu’à Saint-Laurent, à l’embouchure du Var. L’abbé Tisserand la décrit comme "un jardin d’oliviers et d’orangers sous lesquels on cultive la vigne et mille autres plantes" (Tisserand, p. 287), ce que Robert de Hesseln résume en évoquant ses vins réputés (Hesseln, t. 6, p. 124).
● ● ● Le littoral : un paradis odorant au climat doux
Les témoignages s’accordent sur les agréments que présente la bande littorale de ce qu’on n’appelle pas encore la Côte d’Azur : une douceur permanente, même en hiver, des arbres fruitiers à foison et une mer généreuse. Outre les oliviers, présents sur tout le territoire ou presque, l’abondance de citronniers et d’orangers constitue un marqueur de ce littoral enchanteur. Les jardins des environs immédiats de Nice, complantés en fruitiers et en céréales ou en légumes sont remarqués par Millin (Millin, p. 560-561), qui admire l’ingéniosité des systèmes d’irrigation.
Le port d’Antibes vu depuis la terre, par Nicolas Ozanne, en 1776. Source gallica.bnf.fr / BnF, Estampes et photographie, EF-67-BOITE FOL. On remarque le fort carré à gauche.
Avec un peu plus de 4 000 habitants, Antibes est la deuxième ville la plus peuplée de l’ouest du futur département. Colonie grecque à son origine (vers le Ve siècle av. J.-C.), elle a perdu en 1244, au profit de Grasse, mieux protégée des incursions sarrasines, le siège épiscopal qu’elle détenait depuis huit siècles. Siège d’amirauté, Antibes est désormais résolument tournée vers la mer. Les pêcheurs antibois envoient leurs prises jusqu’à Grasse, où on les consomme fraîches, mais c’est le poisson salé qui constitue "le principal commerce des habitans" (Hesseln, t. 1, p. 166). Les fortifications renforcées par Vauban soulignent, avec le "fort Carré" aux avant-postes à l’est, sa position de première place-forte française face au Piémont. Elle prouve du reste son efficacité en 1707 et en 1746-1747, en résistant victorieusement à deux sièges – et encore en 1815, face aux Autrichiens –, tandis que Cannes est occupée dans ces deux occasions (et doit même héberger l’état-major anglo-piémontais en 1746-1747).
Cannes, peuplée de quelque 2 600 âmes (les chiffres avancés sont très variables : nous avons retenu la proposition de Froeschlé-Chopard 2008, p. 214), est regroupée sur la colline du Suquet, où se dresse l’église paroissiale, qui surplombe une jolie baie où les barques peuvent mouiller à l’abri ou s’échouer sur la plage, car il n’y a pas de port. La pêche des anchois et des sardines, salés sur place pour être revendus, constitue le principal revenu de la petite cité, dont profite en premier lieu son seigneur, l’abbé de Lérins, qui en tirerait, selon Expilly, "au moins neuf mille livres de rente par an" (ce qui correspond au revenu de la mense abbatiale, en effet). Une partie provient toutefois des cultures diverses pratiquées sur son terroir : "des vins, des huiles, des figues, des citrons, des oranges & autres fruits, qui y sont tous excellens".
Prise de la ville et du comté de Nice par l'armée française le 29 7.bre 1792. Source gallica.bnf.fr / BnF, Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (128). Cette vue, très simplifiée, permet de comprendre la position de la ville entre la mer, le Paillon et la colline du château, à l’est de laquelle est creusé le port. On voit bien aussi la rade de Villefranche, au-delà du mont Boron, sur lequel est édifié le fort du Montalban.
Nice est sans conteste la ville la plus importante du territoire. Entre 20 et 23 000 habitants y occupent un espace originellement borné par la colline du château à l’est, le Paillon à l’ouest et la mer au sud (Bordes, 1976, p. 208 ; mais un recensement de 1793 donne plus de 24 000 habitants à la ville : Combet, p. 10 et 442). De nouveaux quartiers s’étendent d’une part vers le nord et l’est, autour de la place Victor et du nouveau port, et d’autre part au-delà du Paillon, en direction du Var, où se regroupent les auberges et autres hébergements qui accueillent les visiteurs de plus en plus nombreux dans la seconde moitié du siècle.
"Nice est un séjour délicieux : nous y passâmes six jours pendant lesquels je fis de longues promenades sur les montagnes fleuries et parfumées qui l’entourent, et sur les bords de la mer". Ainsi s’exprime Madame de Genlis, de passage autour de 1780 (Barety, p. 172), rejoignant tous les témoignages des visiteurs de la ville, réjouis du "climat vraiment délicieux [et de] l’éternel printemps dont elle jouit" (Lavallée, p. 17). Les Anglais commencent à y prendre leurs quartiers d’hiver dès les années 1760, pour profiter d’une douceur qui "doit avoir mille charmes pour un habitant des bords de la Tamise" (Millin, p. 565). Les touristes (Britanniques, Allemands, Suisses…) sont peut-être 300 durant l’hiver 1783-1784 (Bordes, 1976, p. 209).
La fin de l’Ancien Régime voit l’éclosion d’un commerce qui fera florès au temps des chemins de fer : la culture de fleurs, dont les bénédictins de Saint-Pons sont les pionniers. En 1780, 4 000 pots d’œillets leur procurent un revenu non négligeable (Hildesheimer, p. 98).
Avec Villefranche, qui lui est intimement liée – sa rade peut abriter une flotte importante –, Nice tire un grand bénéfice de sa situation d’unique débouché maritime des États de Piémont et, ce faisant, point de contact avec la Sardaigne, dont le duc de Savoie est le roi depuis 1720 et qui nourrit le Piémont de son blé. Tobias Smollett évoque le grand nombre de marchands, dont "quelques-uns passent pour être à l’aise", qui peuplent Nice et y commercent avec le Levant aussi bien qu’avec l’Angleterre, l’Allemagne du Nord ou la Suisse. Il donne l’exemple d’un négociant qui achète des mousselines indiennes à Londres, les convoie par mer jusqu’à Villefranche, et de là les revend en Suisse. Mais, ajoute-t-il aussitôt, "la plus grosse part passe en France par contrebande", de même qu’une grande quantité des marchandises arrivées du Piémont, grâce à la route qui se développe alors entre Turin et Nice.
● ● ● En cheminant sur la route royale de Nice à Turin
L’existence de cet axe structurant du commerce dans la partie orientale du département explique en grande partie l’apparition d’orgues dans des bourgs et villages apparemment modestes, mais qui tirent leur richesse du trafic important animant leurs vallées.
En recevant le comté de Nice, en 1388, le duc de Savoie, qui détient déjà le Piémont, acquiert un débouché maritime et le contrôle de la totalité de l’approvisionnement en sel de ses États. Cette précieuse denrée est en effet achetée aux salines de la Méditerranée et doit traverser les montagnes pour arriver jusqu’en Savoie ou en Piémont. Le mulet constitue le principal mode de transport, sur des sentiers tortueux et dangereux qui, depuis Nice, remontent la vallée du Paillon, avant de choisir l’un des deux itinéraires possibles. À l’ouest, on chemine sur les hauteurs de la Vésubie jusqu’au col de Fenestre, au-dessus de Saint-Martin-Vésubie, via Levens, Utelle, Lantosque et Roquebillière. À l’est, par L’Escarène, il faut franchir successivement les cols de Braus, jusqu’à Sospel, sur la Bévéra, puis de Brouis, pour atteindre à Breil la vallée de la Roya, qu’on remonte jusqu’au col de Tende, sur un chemin surplombant le torrent, par Saorge, La Brigue et Tende. Longtemps privilégié, l’itinéraire occidental est présenté comme plus sûr, tandis que la proximité de Sospel (la seconde ville du comté avec environ 3 000 habitants) avec le territoire de la République de Gênes apparaît comme un élément d’insécurité, puisque les négociants génois, craignant la concurrence du port de Nice, cherchent à troubler les communications dans ce secteur.
C’est pourtant l’itinéraire oriental qui est choisi pour tracer un "chemin royal" (via basilica) "uni et facile" (Theatrum Sabaudae, 1725, cité dans Real Strada, p. 25), dès le début du XVIIe siècle, comme le rappelle une inscription monumentale dans les gorges de Saorge, gravée vers 1610. Malgré la difficulté d’établir un cheminement parmi ces roches escarpées, le choix du fond de la vallée est justifié par la nécessité de garder la route ouverte toute l’année, y compris lorsque les cols sont couverts de neige. 1616 voit la naissance du bourg de Fontan, conçu comme une étape entre Sospel et Tende, en remplacement de Saorge qui le domine. L’aménagement du nouveau port de Nice entraîne l’élargissement de la route de la Roya, deux projets portés par le comte Nicolis di Robilant, principal ingénieur et architecte des États sardes.
En 1784, la route est carrossable sur toute sa longueur, comme l’écrit le consul de France à Nice (Real Strada, p. 12) et comme le souligne une nouvelle inscription. En 1785, le précepteur du duc de Gloucester, qui la parcourt en berline, signale néanmoins que "plus de quatre mille soldats et autant d’ouvriers" s’activent encore sur le chantier dans les gorges de Saorge (ibid., p. 28). La seule activité de ces travaux publics enrichit considérablement les villages traversés, dont la population augmente de façon significative (3 000 habitants à Tende, tandis qu’on s’active à creuser le tunnel qui doit passer sous le col, au lieu de 1 200 habitants au milieu du siècle, ibid., p. 24), et pourtant, à en croire Thomas Jefferson qui l’emprunte en 1787, en voiture "au grand trot, de Nice à Turin, comme s’il n’existait pas de montagnes", "elle n’a pas coûté autant qu’une seule année de guerre" (Gaziello, p. 116). Si certains, comme Fodéré, s’inquiètent de l’impact négatif de cette route sur quelques activités traditionnelles, dont celle des muletiers, il apparaît donc qu’elle représente surtout un vecteur de développement économique et commercial, aussi bien pour le port de Nice que pour les localités traversées, en particulier celles qui servent d’étapes aux convois, qu’ils soient de mulets (on en compterait 55 000 par an sur la route) ou de charrettes. La construction d’orgues neufs à Tende (dès 1673), à Saorge (vers 1740), à Sospel (vers 1750) ou à L’Escarène (1791) ne peut se comprendre sans ce commerce florissant et en plein essor tout au long de cet axe majeur. Il est assez symptomatique à cet égard qu’aucune église de la Vésubie, désormais itinéraire secondaire, n’ait d’orgue.
Saorge vue du fond de la vallée (cl. Y. Carbonnier, novembre 2022). On distingue à gauche le clocher et la nef de l’église paroissiale Saint-Sauveur, surmontée par la chapelle des Pénitents blancs, en partie construite au-dessus du bas-côté nord de l’église paroissiale, avec son clocher élancé. À droite de l’image, émerge le clocher des Pénitents noirs.
Les récits des voyageurs s’attardent toujours sur deux points : le passage du col de Tende – moment particulièrement pathétique lors de la fuite des émigrés français devant les troupes républicaines après la prise de Nice (Ghiraldi, 1994) – et celui des gorges de Saorge. Véritable verrou de la vallée, grâce aux fortifications qui la surplombent de part et d’autre, ce dernier village construit en amphithéâtre impressionne tous les visiteurs par l’aspect pittoresque de ses maisons hautes et étroites, que Young compare à un nid d’hirondelle accroché au mur d’une maison (Young, p. 8). L’Anglais n’y trouve toutefois aucun charme et insiste sur la tristesse et la "pénible impression" que lui laissent "toutes ces villes de montagne", ajoutant même : "L’occasion ne s’est pas présentée de demander combien de gens se cassent le cou tous les ans en allant paisiblement à leurs affaires". Thomas Jefferson, qui ne l’a aperçu que depuis la route, tout en bas, voit plus poétiquement "un village et un château face à face, suspendus à un nuage" (Gaziello, p. 116). Saorge est en réalité flanqué de trois fortifications majeures : le château Saint-Georges, renforcé par Vauban, qui domine le village à son entrée occidentale, le château de Malmort, qui lui fait face sur la rive opposée, et celui des Salines qui verrouille la position à l’est, du côté de l’ancien chemin. Toutes seront démantelées par les Français en 1794. Entre le village et le fond de la vallée, le terrain est "tapissé d’oliviers, de vignes, de troupeaux, etc.", selon Jefferson, qui oublie les châtaigniers, les noyers, les figuiers et les céréales, sans compter les foins.
L’olivier et l’élevage constituent en effet les deux points forts des vallées de la Roya et de la Bévéra. Autour de Sospel, qu’un évêque de Saluces dépeint comme "le jardin du Comté", les cultures, alimentées par un système d’irrigation, sont organisées d’une façon complexe, en terrasses étagées sur les pentes, et associent arbres fruitiers, vignes, oliviers et céréales. L’érudit sospellois Sigismond Alberti vante en 1728 la qualité des vins et la variété des figues de ce terroir généreux (Sigismondo Alberti, Istoria della città di Sospello, contessa di Molineto e di Castiglione, Turin, 1728, cité dans Gnech, p. 104-106). Chaque village possède un ou plusieurs pressoirs à huile, actionnés par la force motrice de l’eau.
L’activité pastorale gagne en importance au fur et à mesure qu’on s’élève en altitude. Au milieu du siècle, 85% des revenus de Tende proviennent de l’élevage, en particulier ovin, et des transhumances régulières animent les prairies d’altitude et les chemins vers le littoral. La brebis brigasque, rustique, est particulièrement adaptée aux herbages pauvres de ces montagnes et de l’arrière-pays niçois qui accueille en hiver les troupeaux de la Roya. Les chèvres sont partout, surtout sur les terres pauvres et dans les oliveraies, malgré le danger qu’elles font courir aux jeunes pousses, raison pour laquelle on les tient à l’écart des forêts d’altitude.
Sur les pentes au-dessus des villages, une forêt généreuse fournit aux communautés de la haute vallée du combustible en abondance – répondant à une enquête en 1782, Saorge précise qu’il sert à cuire le pain de la garnison et à chauffer les corps de garde ; l’abbé Bonifacy parle de bûches jetées dans la Roya qui alimentent Vintimille (Fighiera, p. 96) –, mais aussi des poutres et des planches pour la construction locale. Les charpentes des toitures en lauzes doivent être particulièrement robustes et les tribunes d’orgues ou les retables sculptés profitent de cette ressource locale. 22,5% du territoire saorgin sont couverts de forêt, contre 19% à La Brigue et 10% à Tende (Ortolani, 1997, p. 60). Entre 1 200 et 2 200 mètres, poussent presque exclusivement des résineux, les mélèzes succédant aux pins et aux sapins.
À l’ouest de Tende, le vallon de Valauria abrite depuis l’Antiquité des mines de plomb argentifère, au lieu dit la Minière, exploitées par une société détenant une concession royale. La communauté tendasque, qui fournit le bois pour les étais, en tire un revenu non négligeable et obtient même que l’exploitant paie une partie de ses dettes (Ortolani, 1994, p. 281-288).
● ● ● Une spécificité régionale : les confréries de pénitents et autres associations pieuses
Sur tout le territoire, des deux côtés du Var, les habitants ont constitué des associations pieuses, à la fois chargées de dévotions publiques et de charités qui prennent la forme de monts-de-piété.
Deux catégories se détachent particulièrement : les confréries de pénitents, qui remontent pour certaines à la fin du Moyen Âge, et les compagnies (du Saint-Sacrement, du Corpus Domini…) pour la plupart issues de la Réforme catholique. Les activités de ces dernières sont exclusivement pieuses, attachées au culte et venant souvent en soutien à la liturgie. Si elles entretiennent surtout les autels, le tabernacle ou le luminaire de l’église paroissiale, on verra que, dans certains cas, elles participent financièrement à magnifier le culte en rémunérant les organistes.
Quant aux pénitents – ce phénomène confraternel, étudié par Maurice Agulhon, touche toute la Provence et une partie du Languedoc –, ils édifient des chapelles qui marquent encore aujourd’hui les villes et villages du département. Leur activité est tournée vers l’aumône, l’assistance aux malades ou aux condamnés, l’accompagnement des défunts. Bien que chaque association porte un titre officiel, la pratique commune les désigne par la couleur de leur sac, cette robe blanche, noire, bleue, grise ou rouge qui, avec sa cagoule, rend les confrères anonymes et insiste symboliquement sur l’égalité qui règne parmi eux. L’enquête de l’intendant Joanini, en 1754, dénombre 118 confréries dans le comté et la principauté de Monaco : 83 de pénitents blancs (dont deux associations féminines, à Sospel et à Villefranche), 27 de noirs, 5 de rouges (à Nice, Pigna, Saorge, Sospel et Tende, où ils fusionnent avec les noirs en 1758), 2 de gris (à Sospel et un groupe d’humiliées à Nice) et une de bleus à Nice. À l’ouest du Var, on compte 40 confréries de pénitents blancs, six de noirs, deux de bleus (à Antibes et à Cannes, où elles regroupent des gens de mer) et deux de gris. Le futur département accueille donc près de 170 confréries de pénitents, réparties de façon assez homogène dans les villes et les villages principaux (Thévenon, 1981, p. 15-17 ; Froeschlé-Chopard, 1983, p. 619, donne des effectifs plus réduits : 40 confréries pour les diocèses de Grasse et de Vence, 58 pour celui de Nice, plus 12 confréries du diocèse de Glandèves). Témoignant d’une vitalité religieuse évidente au sein de la population, cette abondance d’associations de laïcs est parfois considérée, surtout dans la partie française, avec une certaine suspicion par des évêques qui considèrent, comme Mgr d’Anthelmy, évêque de Grasse, vers 1750, que certaines pratiques "ne s’accommodaient pas avec les mœurs du temps et du pays" (Froeschlé-Chopard, 1983, p. 620). Le XVIIIe siècle est marqué par un recul des élites au sein des confréries qui tendent à devenir représentatives de l’ensemble de la population d’une communauté. Les pénitents blancs de Grasse rassemblent 21% de la population masculine adulte et reproduisent assez fidèlement la composition sociale de la ville, malgré une sous-représentation des ruraux (Froeschlé-Chopard, 1983, p. 623). Cette proportion est à peu près générale. Ainsi, le gros village de La Brigue (environ 3 000 habitants) accueille deux confréries de pénitents blancs, avec 300 adhérents pour la confrérie de l’Assomption et 250 pour celle de l’Annonciation (Ortolani, 1994, p. 370).
Les enquêtes menées en 1803 et 1809 témoignent éloquemment de la continuité des activités des confréries, tout en précisant la teneur de leurs activités. Les réponses des différentes communautés insistent sur l’obligation de "chanter l’office" chaque dimanche et jour de fête, mais aussi pour les frères décédés (Bordes, 1982, p. 128-129). Bien qu’il ne soit pas toujours explicitement évoqué, le chant occupe probablement une place dans les offices et les processions des confréries avant 1792. En 1756, le règlement général de la confrérie de Puget-Théniers (issue de la fusion de deux confréries sur l’ordre de l’évêque de Glandèves) prescrit de dire ou de chanter les vêpres, indistinctement (document publié par Pierre Bodard, dans Thévenon, 1981, p. 97-104). Son article IV précise : "L’office de la Ste Vierge que les confrères chanteront avec dévotion modestie et recueillement, chacun de son côté", ce qui peut laisser entendre que l’évêque veut réduire le volume du chant des confrères, considéré comme excessif. Les jours de communion générale, néanmoins, on chante "alternativement" le Veni Creator, puis les litanies de la Vierge, avant d’entonner "dévotement" le Miserere en processionnant vers la paroisse et le Te Deum sur le chemin du retour (art. V). Quatre choristes, élus annuellement parmi les confrères, sont chargés de lire et d’entonner les chants lors des cérémonies. Il est assez difficile de cerner précisément ce que pouvait être ce chant des confréries, sans doute assez proche du plain-chant pratiqué dans toutes les églises. En tout état de cause, aucun orgue n’est alors signalé dans les chapelles des pénitents.
II - Plain-chant et orgue dans les églises de Provence orientale
Dans ce territoire de garrigues et de plateaux calcaires, antérieurement attaché au département du Var en 1790, l’activité musicale se limite aux deux cathédrales, au demeurant bien modestes, de Grasse et de Vence. Les deux principales paroisses du littoral, Cannes et Antibes (hormis à Nice, chaque localité correspond à une paroisse unique), semblent n’avoir pas bénéficié d’orgues avant le XIXe siècle et leurs églises, comme celles de l’essentiel de cette partie occidentale de l’actuel département, retentissent sans doute exclusivement des accents du plain-chant, par des chantres qui n’ont pas été identifiés. L’abbé Expilly (t. 1, p. 205) rappelle néanmoins qu’Antibes a gardé de son passé épiscopal l’habitude de donner le nom de chanoines aux six prêtres desservants (tous natifs de la ville), dont le premier, appelé doyen, est vicaire perpétuel. Cette cité accueille également un couvent d’Observants et une communauté de Bernardines assez pauvre, réduite à quinze religieuses en 1790 (Lacroix 2005).
Implantée sur l’île Saint-Honorat, au large de Cannes, la vénérable abbaye bénédictine de Lérins, clunisienne depuis 1756, a connu une telle décadence que ses droits et revenus (près de 20 000 livres) sont réunis à l’évêché de Grasse en 1787. En 1788, il n’y a plus que quatre moines sur l’île… et, bien entendu, pas d’orgue.
Du point de vue territorial, les deux diocèses sont parmi les plus petits de France (Alphonse Dupront les qualifie de "diocèses de poche") : une vingtaine de paroisses chacun. Cette situation pèse sur les revenus des évêques et sur ceux des chapitres. Si on a pu parler d’évêchés "crottés", certains prélats s’y sont néanmoins distingués, dont deux académiciens français : Antoine Godeau, au XVIIe siècle – qui cumule les deux sièges entre 1638 et 1653 –, et Jean-Baptiste Surian, fameux orateur sacré, qui se contente de l’évêché de Vence de 1727 à 1754. Dans cette ville, le chapitre cathédral déclare en 1790 12 500 livres de recettes pour 15 500 livres de charges, tandis que celui de Grasse peut compter sur un revenu plus confortable de près de 16 500 livres, en plus de 1 685 setiers de blé (Hildesheimer, p. 135).
Fondés quasi exclusivement sur les dîmes des paroisses du diocèse, ces revenus sont particulièrement sensibles aux aléas météorologiques. Ainsi, le 21 juin 1783, un orage particulièrement violent s’abat sur les terroirs de Vence et de Tourrettes-sur-Loup "au moment qu’aucun grain n’avoit été encore recolté" et réduit à néant l’espoir d’en tirer des dîmes. Le chapitre cathédral, craignant de ne pouvoir rémunérer ses membres et ses bénéficiers, écrit au gouvernement pour quémander un secours.
● ● ● Grasse : une petite cité dominée par sa cathédrale
Siège d’une sénéchaussée, Grasse doit l’essentiel de son prestige à son siège épiscopal. La cathédrale Notre-Dame-du-Puy ravagée par un incendie en 1795, alors qu’elle servait de magasin à fourrage, ne présente plus aujourd’hui que l’ombre de ce qu’elle était en 1790 : devant ces colonnes nues, qui portent encore les traces des flammes, il est difficile d’imaginer les stalles qui accueillaient les chanoines et les bénéficiers, placés derrière le maître-autel depuis la fin du XVIIe siècle (Doublet, 1909, p. 91-100). La splendeur théâtrale de la chapelle du Saint-Sacrement, érigée entre 1737 et 1750 par la confrérie du même nom, éclipsait probablement la physionomie plus sobre de l’espace dans lequel évoluaient les musiciens en 1790, malgré la présence d’une Assomption peinte par Subleyras en 1742 (Thévenon, 2016, p. 34 et fig. 8).
● Plain-chant et orgue à la cathédrale
Le chapitre cathédral est composé de neuf chanoines. Depuis que la dignité de prévôt a été réunie à l’évêché en 1692, il reste cinq dignités et personnats : sacristain, capiscol, archidiacre, archiprêtre et théologal. Le bas chœur se compose, selon la France ecclésiastique, de douze bénéficiers (nommés par le chapitre), deux clercs (aussi appelés "clercs de lutrin" ou "clercs de paroisse"), un maître de musique, un organiste et six enfants de chœur. Deux curés, parfois choisis parmi les bénéficiers, desservent conjointement dans l’église cathédrale l’unique paroisse de la ville.
Outre leurs fonctions sacerdotales (la plupart sont prêtres), les bénéficiers jouent le rôle de chantres qui soutiennent de leurs voix la liturgie quotidienne. Définir avec exactitude le revenu de chaque bénéficier est une gageure, puisque l’essentiel est exprimé en nature, en blé, en vin ou en huile, et donne lieu à une distribution annuelle, sans doute éminemment variable. Il a donc semblé plus simple de se fonder sur les déclarations des intéressés en 1790 et sur les évaluations chiffrées ayant donné lieu à l’établissement de traitements par les autorités du district, dont les montants ont été retenus pour le tableau 1.
Tableau 1 : Composition du bas chœur de la cathédrale de Grasse en 1790
Nom (dates de vie, si connues) | Fonction | Revenu annuel (en livres) | Ville d’origine | Date de réception |
Louis Joseph BAYON (14 mars 1726-9 janvier 1795) | bénéficier | 540 | Grasse | 1769 |
BERNARD (v. 1752-ap. 1791) | bénéficier | 540 | 1782 | |
Joseph BRUERY (25 novembre 1740-24 novembre 1799) | bénéficier | 540 | Grasse | 1768 |
Joseph CAVALIER (19 février 1744-ap. 1792) | bénéficier | 526 | Grasse | 1786 |
CLERIQUE (v. 1750-ap. 1792) | bénéficier | 540 | Grasse | 1781 ? |
Gaspard CRESP (14 janvier 1720-16 octobre 1796) | bénéficier | 540 | Grasse | 1748 |
Antoine Joseph DOUSSAN (19 novembre 1727-20 février 1808) | organiste et maître de musique | ~ 430 | Grasse | 1758 |
Jean GUIZOL (v. 1744-27 mai 1808) | bénéficier | 540 | Grasse | v. 1765 |
François IMBERT (22 janvier 1742-18 décembre 1795) | bénéficier | 540 | Grasse | 1771 |
Étienne ISNARD (18 mars 1731-21 septembre 1809) | bénéficier | 540 | Cipières [A-M.] | 1785 |
Jean-Baptiste MUS (27 avril 1753-5 février 1831) | sous-sacristain | 150 | Antibes [A-M] | av. 1773 (enfant de chœur v. 1761-ap. 1767) |
Henri Joseph NIEL (3 janvier 1737-ap. 1793) | bénéficier | 640 | Grasse | 1759 |
Joseph Michel PILAR (22 novembre 1716-11 avril 1801) | bénéficier | 540 | Grasse | 1751 |
Christophle RICORD (23 juillet 1729-1er novembre 1816) | bénéficier | 526 | Grasse | 1757 |
Un orgue modeste, de dix jeux, fut établi par un facteur local nommé Pons dans une tribune latérale située au nord en 1633. La confrérie du Saint-Sacrement organisa son transfert au-dessus de l’entrée principale en 1689, là où se trouvait précédemment le chœur capitulaire. On n’en sait guère plus sur cet instrument, disparu dans l’incendie de 1795.
En 1790, Antoine Joseph DOUSSAN, par ailleurs marchand parfumeur, cumule les fonctions d’organiste et de maître de chapelle, avec un traitement difficile à évaluer, en partie composé d’un casuel et d’une "indemnité" en blé et vin. DOUSSAN déclare 200 livres d’honoraires comme maître de musique et autant en casuel, plus 30 livres comme organiste – témoignage évident de la rareté des usages de l’instrument – que complètent "24 panaux bled et 1 panal et de vin en sus pour l'indemnité". Cette situation semble toutefois avoir connu plusieurs aménagements depuis 1760, date à laquelle débute ce cumul, puisque plusieurs hommes apparaissent dans les comptes du chapitre avec le titre de maître de musique ou de maître de chapelle. En 1772-1773, c’est Jean Balthazar MEYERE, puis Augustin CHAIX à partir du 18 octobre 1773, remplacé par le bénéficier Jean-Baptiste MUS entre 1775 et 1778. La principale charge attachée à cette fonction semble être le soin des enfants de chœur.
Une série de quittances d’août et septembre 1790 a permis de retrouver l’identité de ces garçons, dont la rémunération est exprimée en blé. Antoine Joseph GAY, qui a fêté son quatorzième anniversaire en janvier, est l’aîné, de quelques mois plus âgé qu’Étienne Joseph CAVALIER. L’effectif est complété par Jean Joseph GARDENTY et Jean MUS, fils du "campanier" (sonneur de cloches en pays provençal), tous deux âgés de 12 ans, Pierre François BARBE, 11 ans, et Antoine MURAIRE, 8 ans. CAVALIER et les trois derniers continuent leur service pour la paroisse au moins jusqu’en 1792. Pour autant, aucun n’a embrassé une profession musicale. Il est vrai que le recours à la musique figurée semble tombé en désuétude au cours du siècle. En 1700, le chapitre, constatant qu’il "y a des enfants de chœur qui sont en état d’apprendre la symphonie", avait acheté une basse de viole et deux violons "pour leur servir et à la musique de l’église pour la gloire de Dieu" (F-Ad06/ G 272, cité dans Doublet, 1909, p. 102). Quatre décennies plus tôt, le chapitre rémunérait aussi une haute-contre, dont toute trace a disparu en 1790. En 1690 encore, le chapitre avait établi "à perpétuité" une messe de Requiem "pour le repos des âmes des capitulants, bénéficiers et serviteurs du chapitre [chantée] en musique à la manière accoutumée", à laquelle tous les collégiés et serviteurs du chapitre doivent être présents. Aucune trace particulière de cette célébration ne subsiste un siècle plus tard. La seule trace musicale conservée dans le fonds grassois des Archives départementales est une copie, probablement du XVIIIe siècle, de la messe en plain-chant musical dite "de Bordeaux", qualifiée de solennelle (F-Ad06/ G 296).
● La grande discrétion des autres établissements ecclésiastiques de la ville
Les autres établissements ecclésiastiques de la ville sont quatre couvents d’hommes (Dominicains, Cordeliers, Capucins et Augustins) et une communauté de Visitandines, où aucune activité musicale n’a été repérée.
Un collège d’humanités tenu par des séculiers, bien chétif avec ses 34 élèves (en 1788), ouvre en 1787, après plus d’un siècle de chicanes sur fond de querelle janséniste et plusieurs tentatives avortées de confier l’établissement aux Oratoriens. Implantés depuis 1631 et ayant rencontré un certain succès avec leur "académie", véritable collège de plein exercice sans le titre qui a fonctionné de 1710 à 1729, ces derniers tiennent aussi le séminaire diocésain jusqu’au début du XVIIIe siècle. L’hostilité des évêques qui craignent d’y voir former un clergé acquis à la cause janséniste réduit à néant cet établissement jusqu’à ce que Charles d’Anthelmy (évêque de 1726 à 1752) le rétablisse. La situation complexe et conflictuelle de l’enseignement à Grasse est clairement peu favorable à quelque activité musicale que ce soit…
Enfin, trois hôpitaux (la Charité pour les orphelins et les vieillards, la Miséricorde pour les pauvres et l’hôpital Saint-Jacques pour les malades) ont en commun la faiblesse de leurs revenus : Hesseln affirme que seul le travail des enfants et les aumônes des fidèles permettent au premier de subsister !
● ● ● Vence : une cathédrale de poche
Lovée au cœur de l’ovale formé par la ville close de Vence, la cathédrale Notre-Dame-de-la-Nativité est un édifice de dimensions modestes, à l’image de son diocèse.
Un document daté de 1760 présente ainsi la composition du chapitre, qui ne connaît aucune variation notable jusqu’à sa dissolution en 1790 :
"Le vénérable chapitre de Vence est sous le titre et la protection de la Nativité de la Sainte Vierge, il est composé de huit chanoines et onze Beneficiers dont l’un est precenteur, deux autres vicaires perpetuels, un autre pour toucher l’orgue et un autre servant de Diacre. Il y a encore six serviteurs. Le premier fait l’office de sous-diacre. Le second de campanier clerc. Les quatre autres sont des enfans de chœur."
À Vence, le précenteur ou capiscol, chargé de la bonne discipline au chœur, est donc toujours un bénéficier. Le titulaire de 1790, Pierre ABOU, vient d’être nommé à cette fonction en 1789. En revanche, la situation des deux curés ou vicaires perpétuels est plus fluctuante : nommés par le chapitre, ils ne sont pas systématiquement choisis parmi les bénéficiers en place.
L’organiste, dont le bénéfice a été fondé en 1685 par le chanoine Honoré Niel (en même temps qu’un bénéfice de serpent, dont l’usage est depuis tombé en désuétude), cumule souvent la fonction de maître de chapelle ou maître de musique, et donc la charge des quatre ou cinq enfants de chœur (un document de 1765, parle même de six enfants de chœur, situation tout à fait exceptionnelle). Le bénéficier diacre (qui est souvent un prêtre) joue un rôle important car il chante l’évangile au lutrin. Le sous-diacre, quant à lui, est généralement chargé de la sacristie et porte donc parfois le titre de sous-sacristain. Malgré son oubli des enfants de chœur, La France ecclésiastique porte le témoignage le plus fidèle de la situation du bas chœur en 1790 : huit bénéficiers (sans compter le capiscol dont on signale qu’il "a seulement les honneurs de chanoine"), deux curés, un diacre et un sous-diacre.
Les enfants de chœur, que l’on peut suivre avec une assez grande précision au début du siècle dans les registres capitulaires, sont moins bien connus en 1790, mais l’effectif peut être reconstitué. Jean-Baptiste ISNARD, âgé de 9 ans, et Jean-Baptiste VANOL, sans doute plus âgé, reçoivent un traitement de 120 livres en 1790. En 1791, ISNARD est toujours en fonction pour la paroisse, avec Charles AUBANEL, âgé de 12 ans, qui servait vraisemblablement déjà en 1790. Quant au "clerc de la paroisse", André BOUJAREL, né en 1777, il exerçait "ci-devant la fonction d’enfant de chœur".
Comme à la cathédrale de Grasse, les revenus, exprimés essentiellement en nature, sont évalués dans le tableau 2 à partir des traitements obtenus en 1791-1792.
Tableau 2 : Composition du bas chœur de la cathédrale de Vence en 1790
Nom (dates de vie si connues) | Fonction |
Revenu annuel (en livres) | Ville d’origine | Date de réception |
Pierre ABOU (25 février 1731-14 octobre 1814) | capiscol (en 1789) et bénéficier | 563 | Vence | 1756 (sans doute enfant de chœur auparavant, puis clerc, sous-diacre) |
Jean-Baptiste AUZIAS (21 janvier 1731-21 juin 1797) | bénéficier | 404 | Vence | 1758 (sans doute enfant de chœur auparavant) |
Joseph AUZIAS (26 janvier 1738-1er mai 1816) | bénéficier | 554 | Vence | 1764 |
Pierre DECLERE (21 juillet 1758-ap. 1802) | sous-diacre, chargé de la sacristie | 200 | Vence | 1780 (clerc en 1774-1779) |
Antoine GALIAN (25 mai 1715-29 octobre 1790) | bénéficier | 305 | Vence | 1753 |
Jean-Baptiste GRANON (12 mars 1731-mai 1806) | bénéficier et maître de musique | 443 | Marseille | 1771 |
Jean Louis ICARD (2 mars 1750-16 octobre 1830) | bénéficier organiste | 300 | Barjols [Var] | 1786 |
Jean-Baptiste MALIVER (20 mars 1744-28 février 1796) | bénéficier | 404 | Vence | après 1771 (aupravant enfant de chœur, campanier clerc, puis sous-sacristain) |
Donat Joseph MERO (13 mars 1760-19 décembre 1800) | bénéficier | 540 | Cannes [A.-M.] | 1789 |
Paul PONS (6 décembre 1754-20 février 1794) | bénéficier diacre | 300 | Le Bar-sur-Loup [A.-M.] | 1778 |
La cathédrale de Vence cumule des dimensions très modestes et une organisation de l’espace intérieur originale. Faute de place dans l’abside, les stalles sont en effet placées, depuis la fin du XVe siècle, dans une tribune, au-dessus des deux premières travées occidentales de la nef, face au sanctuaire. Cette disposition (qui a existé à la cathédrale de Grasse jusqu’en 1679-1680, voir Doublet, 1909, p. 87) engendre bien des difficultés cérémonielles et liturgiques, quand, par exemple, l’évêque ou tout autre membre du chœur doit se rendre à l’autel. Les bénéficiers, qui cumulent la participation à la liturgie, à l’autel, et le chant, depuis la tribune, sont dans l’incapacité matérielle d’exercer les deux fonctions durant un même office. L’orgue est certainement installé au même emplacement qu’aujourd’hui : dans une tribune latérale, à gauche de la première travée de la nef (côté Évangile), près du sanctuaire. L’organiste, qui est aussi bénéficier, ne peut donc pas chanter et tenir le clavier. Le nombre de bénéficiers présents au lutrin, dans le chœur en tribune, est donc nécessairement réduit, en particulier, paradoxalement, lors des grandes fêtes – on officie alors avec diacre et sous-diacre à l’autel et l’orgue est sollicité. Signalé comme "en très mauvais état" lors de la visite pastorale, l’instrument a probablement été réparé, conformément à l’ordonnance épiscopale du 18 mai 1768, puisque la question n’est plus évoquée dix ans plus tard.
Le plain-chant résonne sans doute en maître sous les voûtes vençoises. Les registres de délibérations capitulaires témoignent du reste que les nouveaux bénéficiers subissent un examen de chant en règle avant d’être reçus. Cela n’empêche pas l’évêque Jean-Baptiste Surian d’écrire : "Hier un groupe de bénéficiers est venu détonner devant le lutrin ; j'enrageais en silence. A la fin, ne pouvant plus y tenir, j'éclatai". L’anecdote ne peut hélas pas être datée plus précisément qu’avec les limites de l’épiscopat de Surian, de 1727 à 1754.
L’usage de musique figurée, certainement rarissime, n’est pas totalement exclu dans cette modeste église. Le dernier maître de musique, Jean-Baptiste GRANON est en effet rémunéré chaque année "pour la musique du jour de la Sainte-Cécile". En 1786, la comptabilité capitulaire précise qu’on lui remet 12 livres pour un motet en musique qu’il a composé pour cette fête. C’est hélas l’unique indication du genre et aucune de ses œuvres ne semble avoir été conservée.
● ● ● L’unique collégiale de Provence orientale à Saint-Paul-de-Vence
Tout près de Vence, à Saint-Paul, s’élève la seule collégiale du diocèse, dédiée à la Conversion de saint Paul. C’est un établissement extrêmement modeste, bien entendu sans orgue, dont le chapitre, établi par l’évêque Antoine Godeau en 1666, se compose de six chanoines (dont un doyen et un capiscol), qui n’ont d’autre revenu que ceux des fondations et le casuel. Outre le service paroissial et les heures canoniales, les capitulants sont chargés de messes anniversaires et de processions, à l’issue desquelles, parfois, "lon chante grand messe" (pour la fête de sainte Claire, dont une relique est conservée dans l’église). Les "litanies du saint enfant iesus" sont chantées le 25 de chaque mois et les vêpres des morts le dimanche, lorsque l’office est semi-double ou que le Saint-Sacrement n’est pas exposé. Le chapitre paie 10 livres et demie de gages à chacun des deux enfants de chœur et dépense 36 livres pour leur habillement. Ces deux garçons chantaient-ils ou leur rôle se cantonnait-il au service de l’autel ? Il est bien difficile de répondre, mais l’absence de maître de musique incite plutôt à leur assigner un rôle muet. Le revenu total du chapitre, d’un peu plus de 500 livres, est presque intégralement englouti par les charges. Jamais nul bénéficier n’est venu renforcer les chanoines qui devaient se sentir un peu seuls dans les 36 stalles d’un chœur surdimensionné. Pourtant, en demandant, en 1719, aux chanoines de chanter l’office "avec modestie et gravité, qu’ils observent la médiante et attendent qu’un chœur ait fini avant que l’autre commence" (Doublet 1901, p. 11), l’évêque Moret de Bourchenu fournit la preuve d’une pratique antiphonale… dont la qualité n’est toutefois pas précisée. En 1790, l’un des chanoines, tout juste nommé, est Pierre SICARD, précédemment bénéficier à la cathédrale de Vence entre 1787 et 1789, ce qui laisse présager des capacités cantorales avérées.
III - Nice et son diocèse : un territoire dont la physionomie se laisse deviner avec difficulté
La principale difficulté pour le diocèse de Nice réside dans l’absence de la documentation qui, dans le royaume de France, renseigne abondamment sur les parcours et les situations des musiciens d’église au moment de la dissolution des chapitres, en 1790. À cette date et jusqu’à la conquête française le 28 septembre 1792, aucun changement n’affecte le clergé niçois et ses employés. Au contraire, Nice accueille des exilés partis de France : en 1792, plus de 400 prêtres français seraient présents à Nice (on a même pu parler de 700), dont les évêques de Toulon, Fréjus, Grasse, Saint-Claude, Senez et Nevers.
Les lois françaises ne s’appliquent pas rétroactivement, ce qui permet aux chapitres du comté de continuer à exercer le culte comme avant. Certes, les représentants en mission font parfois preuve de zèle anticlérical et les églises sont fermées plusieurs mois en 1794-1795, mais rien qui entraîne, comme ailleurs en France, une production documentaire consacrée aux employés des églises, dont les musiciens. Il faut donc se contenter de quelques informations éparses, généralement antérieures à 1790, et presque toutes anonymes.
● ● ● Quelques indices de la vie musicale niçoise autour de 1790
La vie musicale niçoise n’est pas atone : la musique profane anime les salons, des pièces en musique étaient représentées par le collège jésuite jusqu’à sa fermeture en 1729, des troupes ambulantes se produisent occasionnellement sur des scènes de fortune (un menuisier établit un théâtre dans l’ancienne église des Minimes, dans les années 1750 jusqu’en 1761) et, depuis 1777, un véritable établissement de spectacles propose des opéras. Aménagé sur le modèle du théâtre royal de Turin dans l’hôtel de la famille Alli-Maccarani (ou Alli de’Macherani), à peu près à l’emplacement de l’opéra actuel, en face de l’église Saint-François-de-Paule, il accueille une vie théâtrale et musicale appréciée de la bonne société niçoise, qui vient aussi y danser et assister à des concerts de circonstance. Le 13 mai 1787, par exemple, une cantate de Giuseppe CASTELLARI est chantée en l’honneur du nouveau commandant général de la ville et du comté, le marquis de La Planargia.
Le musicien sarde Carlo BATTAGLINI dirige l’orchestre depuis le clavecin, peut-être dès le début de l’activité. Sa présence est formellement attestée pour la représentation d’Il convito de Domenico CIMAROSA, lors du carnaval de 1783, juste avant que BATTAGLINI ne parte pour l’abbaye de Sorèze [Tarn], où il enseigne la musique jusqu’à sa mort en 1825. Peu après, une autre œuvre de CIMAROSA, La Gare degl’amanti, est dirigée par un Italien nommé ROBIONI. En 1778, c’est Zemira e Azor, version italienne du livret écrit par Jean-François Marmontel pour GRÉTRY, mise en musique par le compositeur napolitain Gregorio SCIROLI, qui est proposée aux Niçois.
L’établissement est racheté le 21 décembre 1789 par la Société des quarante nobles qui avait sans succès tenté d’établir un premier théâtre et, cherchant à briser le monopole des Maccarani, était repartie en campagne en 1788. C’est ce théâtre que Millin, habitué aux salles parisiennes, qualifie, en 1807, de "mauvais spectacle dans une petite et vilaine salle" (Millin, p. 567).
Il faut ajouter que bien des "petits Savoyards" qui "avec un orgue d’Allemagne, une vielle et une lanterne magique, vont amuser les enfans et le peuple dans tous les pays de l’Europe" (Papon, p. 97) viennent en réalité des hautes vallées du comté de Nice. Le nom du col de Gialorgues, entre les sources du Var, à Estenc, et celles de la Tinée, à Saint-Dalmas-le-Selvage, rappelle, selon la légende, la mésaventure de ces musiciens qui, alors qu’ils cheminaient vers le nord, y furent pris par une neige précoce et un froid si vif qu’il fit geler leurs instruments.
● ● ● La cathédrale Sainte-Réparate : un organiste et un maître de chapelle en 1790
L’historien soucieux de recueillir des données sur les musiciens au service de l’Église de Nice est bien démuni, d’autant que les archives capitulaires de la cathédrale Sainte-Réparate sont très peu loquaces sur les activités musicales et sur ceux qui les servent.
Le chapitre cathédral, accru en 1772 de deux canonicats fondés par le chanoine curé Jean Guarneri, compte vingt membres en 1792, dont six sont revêtus d’une dignité (prévôt, archidiacre, préchantre, infirmier, prieur et sacriste) et quatre chargés d’une fonction particulière (théologal, curé, bibliothécaire et pénitencier) (Ghiraldi, 2000, p. 126). Les revenus, qui proviennent essentiellement des dîmes perçues dans le haut pays, sont faibles et déclinants : 11 500 livres en 1766 et – ça paraît à peine croyable – 585 en 1780 (Bouis, p. 77). En 1791, chaque chanoine décimant aurait reçu 213 livres (Rozelot, p. 20). Ce simple constat suffit à comprendre que le chapitre niçois ne dispose nullement des moyens nécessaires à l’entretien d’un corps de musique. Déjà le 6 août 1712, dans un courrier adressé au secrétaire d’État Voysin (Nice est alors occupée par la France), le chanoine sacristain Alziari évoquait "la présente nécessité où se trouve notre cathédrale, d’être pourvue d’un chœur de musique, dont elle est entièrement destituée".
La composition du bas chœur, s’il existe vers 1790, demeure inconnue. On ne trouve nulle mention d’enfants de chœur, depuis l’évocation de "la voce piccola de Santa Reparata", chantant en tête de la procession de la Fête-Dieu en 1654-1655.
Quelques pièces comptables évoquent un maître de chapelle et, bien plus rarement, un chantre et un organiste. Ainsi, en octobre 1740, le chapitre accorde 2 livres à un "clerc déchaussé, qui à chaque fête joue de l’orgue dans le chœur à la grande messe et aux vêpres". Rien n’indique la durée des services ainsi rémunérés. Le même document évoque des instrumentistes, en nombre indéterminé, qui reçoivent globalement 7 livres pour avoir joué le jour de la fête patronale de sainte Réparate (le 8 octobre).
Les archives comptables de la ville de Nice révèlent quelques usages d’instruments de musique pour les grandes festivités : en 1757 et 1758, Giuseppe BATTELLI, maître de chapelle de la cathédrale, est rémunéré par la compagnie du Corpus Domini "pour la symphonie" qu’il a fait jouer à l’occasion de la Fête-Dieu dans la tribune ("nell’orchestra") de la cathédrale et lors de la procession. En 1712, les victoires des armées de Louis XIV sont célébrées à la cathédrale Sainte-Réparate par des Te Deum en musique, exécutés par un certain M. ARNAUD, maître de chapelle, avec "ses compagnons instrumentistes" ou "ses compagnons de la bande de violons". Cette dernière précision jette le doute sur le lien permanent d’ARNAUD avec la cathédrale, renforcé par la supplique contemporaine du chanoine sacristain : n’est-il pas simplement le chef d’une bande de violons qui a profité de l’occupation française pour tenter sa chance dans le comté de Nice ?
Quoi qu’il en soit, la cathédrale Sainte-Réparate est dotée d’un orgue, offert par l’évêque Recrosio en 1730. Cet instrument modeste, bien qu’ayant deux claviers, est doté de 200 tuyaux dans une "garde-robe" (comprendre une armoire), ainsi que le précise en 1796 le facteur Honoré GRINDA, qui a la garde des orgues de la ville.
La pauvreté du chapitre est partiellement compensée par l’administration municipale, qui participe à rémunérer le maître de chapelle de la cathédrale, à hauteur de 87 livres de Piémont par an (grâce à un capital de 300 écus d’or, fondé en 1598 par Monseigneur Pallavicini). Celui-ci n’en reste pas moins anonyme dans les sources disponibles autour de 1790. Aussi, est-il bien hasardeux de supposer que Giuseppe CASTELLARI, "maître de chapelle", venu en septembre 1791 de Nice à L’Escarène, pour expertiser et recevoir l’orgue nouvellement construit par les frères GRINDA en l’église Saint-Pierre-aux-Liens, soit en fonction à la cathédrale. Aucun élément ne vient pour l’heure le corroborer, mais ce Napolitain, qui fut un temps maître de chapelle de la cathédrale de Sassari, en Sardaigne, présente un profil adapté et pourrait être présent à Nice dès avant 1787, année où une œuvre de circonstance de sa composition est chantée, on l’a vu, au théâtre Alli-Maccarani.
Les mêmes questions et les mêmes incertitudes concernent le Turinois Giuseppe PUCCI, "organiste et maître de chapelle", installé à Nice depuis 1790, qui joue le rôle d’expert pour l’orgue de la collégiale de Clans, également construit par les GRINDA. Ce trentenaire est sans doute le fils de Carlo Giuseppe PUCCI, organiste de la Chapelle royale de Turin et claveciniste du Teatro reale de la même ville. Les raisons de sa venue à Nice sont inconnues, mais il est sollicité par les Clansois pour la réception de leur orgue neuf, en juin 1792, puis revient le faire sonner pour la Nativité de la Vierge, le 8 septembre suivant.
Un état des revenus et des charges du chapitre cathédral pour 1791 n’est pas très disert : aux 87 livres versées par la ville, il ajoute 120 livres pour le maître de chapelle et évoque la distribution de bougies, pour la fête de la Purification, à l’organiste, aux chantres (combien sont-ils ?), à "messieurs les prêtres", aux autres clercs du chapitre et "à trois séculiers qui assistent ordinairement au chœur". Le même document rappelle les dépenses de la messe de Requiem fondée par l’évêque Charles François Cantono pour l’anniversaire de sa mort, survenue le 24 août 1763, prévoyant 10 sols "pour le chantre" (qui peut fort bien avoir été embauché pour l’occasion) et 15 sols "aux autres clercs", dont on ignore le rôle exact. Une note sur les obligations du chapitre cathédral, datée du 11 novembre 1791, laisse entendre une réduction ancienne de la dépense. 360 lires sont versées au "chantre, lequel est obligé de venir au chœur pour chanter chaque jour de fête et ouvrable, soit la messe, les vêpres et les matines les jours solennels". En tout état de cause, on est bien loin des cérémonies fastueuses, en musique, de certaines cathédrales françaises.
À l’instar des diocèses de la Provence orientale, le chapitre de Nice semble donc employer des ecclésiastiques pour donner plus de lustre à un culte probablement dominé par le plain-chant. Le recueil manuscrit de messes "en plain chant figuré à voix seule et en partie à l’usage des chœurs romains sans orgue ou avec l’orgue", élaboré en 1762 par "Joseph de LEMERY", prêtre, "ancien Maitre de chapelle de la Cathédrale de Nice", en témoigne. Ce beau volume de près de 400 pages (aujourd’hui conservé aux archives historiques du diocèse de Nice) est dédié à l’évêque de Nice Cantono, "pour l’Instruction des Ecclesiastiques & pour l’Edification des fidéles de vôtre diocese". Joseph EMERY, repéré comme maître de chapelle de la cathédrale en 1753-1754, espère-t-il ainsi revenir dans son diocèse d’origine ? Le décès de Monseigneur Cantono, en août 1763, met probablement un terme définitif à cet espoir. Joseph EMERY finit en effet ses jours à Vénissieux [Rhône] en 1780. Le titre de son recueil laisse penser qu’il peut servir, au-delà de la cathédrale, dans les églises paroissiales du diocèse.
● ● ● Des organistes inconnus dans quelques églises niçoises
En dehors de la cathédrale, l’inventaire des orgues de la ville de Nice, prescrit en 1794, révèle l’existence d’instruments à tuyaux dans quatre autres églises. Il s’agit d’une église paroissiale, Saint-Martin-Saint-Augustin (desservie par les Augustins), et de trois églises de communautés religieuses : Saint-Jean-Baptiste, chez les Augustins déchaux, en rive droite du Paillon, l’église du Jésus ou du Gesù (chapelle des Jésuites jusqu’en 1773), utilisée depuis octobre 1792 comme salle de réunion de la société patriotique de Nice (Massot, p. 23), dont l’orgue semble réduit à l’état d’épave, et l’église Saint-François des Cordeliers, dont l’instrument rassemble plus de 340 tuyaux, alors que tous les autres n’en comptent qu’environ 200 chacun. Tous sont de facture italienne, c’est-à-dire modestes par leurs dimensions et par le nombre de leurs tuyaux, munis d’un seul clavier (deux à Saint-Martin-Saint-Augustin) et d’un pédalier. Aucun nom d’organiste n’a émergé des archives.
Aucune trace d’un orgue dans les trois autres églises paroissiales : Saint-Jacques, desservie par les Carmes (aujourd’hui église Sainte-Rita), Saint-Barthélemy, desservie par les Capucins, et la modeste église rurale Sainte-Hélène, érigée en paroisse en 1728 pour desservir la campagne entre Var et Paillon. La plupart des établissements réguliers niçois sont au demeurant aussi dépourvus d’orgue : les Dominicains (dont la grande église sert de grenier à blé à partir de 1792), les Minimes, dont l’église Saint-François-de-Paule est probablement trop récente pour qu’on ait eu le temps (et les finances) pour en installer un, les Théatins, malgré le faste de leur église édifiée par Vittone en 1740, les Récollets de Cimiez, pourtant plus nombreux que les conventuels de Saint-François, ou l’abbaye Saint-Pons qui vit ses derniers jours avant la conquête française – elle est sécularisée par un bref pontifical le 3 avril 1792. Il en va de même, semble-t-il, dans les communautés féminines : les Clarisses, présentes depuis le XVIe siècle, les Visitandines, qui occupent deux maisons, ou les Bernardines, ayant essaimé depuis Antibes en 1663.
● ● ● Trois orgues neufs de facture française dans l’arrière-pays
L’orgue construit par les Grinda à Villefranche-sur-Mer (cl. Finoskov, mai 2012, Wikimedia commons, CC BY-SA 3.0)
Hors de Nice, Honoré GRINDA est l’auteur de trois instruments d’esthétique française, nettement plus imposants que ceux qu’il a rassemblés à Nice en 1794-1795 et munis de jeux d’anche sonores typique de la grande facture française. Il est vrai qu’il s’était formé en Languedoc auprès de Joseph ISNARD, sur le chantier de la cathédrale d’Albi (leur collaboration a mal tourné, jusqu’à un procès), puis de Grégoire RABINY à Toulouse.
L’orgue construit par les Grinda à L’Escarène (cl. Finoskov, mai 2012, Wikimedia commons, CC BY-SA 3.0)
De retour dans son pays natal en 1789, Honoré GRINDA reçoit le titre de "facteur d’orgue du roi de Sardaigne dans le comté de Nice" et réussit à construire, avec son frère cadet Antoine GRINDA, un orgue dans l’église paroissiale de Villefranche-sur-Mer, tout juste achevé en 1790, puis deux autres, l’un en 1791 dans l’église paroissiale du bourg de L’Escarène, dans la vallée du Paillon (dont la sonorité des anches semble "un peu âpre" à Giuseppe CASTELLARI, venu l’expertiser), l’autre en 1792 pour la collégiale de Clans, dans la vallée de la Tinée. Malgré la modestie des communautés qui les accueillent (le chapitre de Clans n’est composé que de quatre chanoines), ces instruments sont tous plus importants que ceux de la ville de Nice.
L’orgue construit par les Grinda à Clans (cl. Jpchevreau, juin 2012, Wikimedia commons, CC BY-SA 3.0)
Leur usage demeure toutefois ponctuel, faute d’avoir réussi à fidéliser un organiste, malgré les clauses inscrites au contrat : à L’Escarène comme à Clans, le facteur s’engage à former un élève pendant six mois. En attendant, Honoré GRINDA doit envoyer son frère Antoine pour toucher le clavier de L’Escarène les jours de solennités. Les événements n’ont pas permis la réalisation de cette clause. En 1803, le conseil municipal de Clans propose même à GRINDA de reprendre ses orgues, "pour n’avoir aucun qui les sache toucher". Non seulement GRINDA décline cette offre, mais encore il profite de réparations effectuées en 1809 pour former, enfin, un organiste qui tient le clavier jusqu’à son décès en 1831 (Ghiraldi, 1987, p. 74).
Admirablement restauré en 1984, l’orgue de Saint-Pierre-aux-Liens à L’Escarène constitue aujourd’hui la première étape d’une véritable route des orgues le long de l’ancienne route royale Nice-Turin.
IV - Aux confins orientaux du département : quelques orgues aux organistes généralement anonymes
Dans les vallées orientales du département, qui dépendent alors du diocèse de Vintimille, sont attestés des orgues, dont il est le plus souvent bien difficile de retrouver l’identité des organistes. Contrairement aux instruments des frères GRINDA, il s’agit, comme à Nice, d’orgues de taille relativement modeste et d’esthétique italienne, bien moins sonores que les grands orgues français de l’époque.
● ● ● À Sospel : un cirier et un franciscain tiennent les orgues
La monumentale église Saint-Michel de Sospel, édifiée vers 1640 et restaurée dans le plus pur style baroque après les déprédations des troupes franco-espagnoles pendant la guerre de Succession d’Autriche, s’enorgueillit du titre de cathédrale depuis que la cité a accueilli un évêque durant le grand schisme d’Occident, entre 1380 et 1418. Desservie par des chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Ruf jusqu’en 1776, la paroisse reste administrée par un archiprêtre (qui n’est autre que l’ancien prieur régulier) et trois curés, remplaçant les trois chanoines présents dix ans plus tôt (Coccoz, p. 123-124).
Un beau registre comptable, conservé aux archives historiques du diocèse de Nice, a permis de repérer les organistes actifs à la veille de la conquête française. Durant plus de quarante ans, c’est un artisan cirier, nommé Domenico COTTA, qui tient le clavier, pour un salaire annuel de 100 lires (120 livres tournois), somme qui lui est versée par la commune en 1753. La compagnie du Corpus Domini lui verse ensuite 15 lires (soit 18 livres tournois) par an pour jouer de l’orgue. En 1786, tout en continuant à fournir le luminaire pour l’église, COTTA cède sa place à un religieux franciscain, "le père Giovanni Battista de Gênes", qui se contente de 70 lires. Il est fort probable que l’organiste anonyme du couvent des Frères mineurs de l’Observance qui est rémunéré jusqu’en 1792 soit toujours ce père Giovanni Battista. L’utilisation régulière de l’orgue est du reste attestée par la rémunération des souffleurs, nommés dans la source.
● ● ● En remontant la Roya : trois orgues de paroisses rurales
Saorge, église Saint-Sauveur : la nef et l’orgue (cl. Y. Carbonnier, octobre 2018). Le rideau de protection cache la tuyauterie de Lingiardi, logée dans l’ancien buffet, datable de 1739, élargi et agrandi en profondeur. Les angelots qui encadrent la console sont d’origine, de même que le couronnement, bien que la date inscrite sur le médaillon central soit celle du nouvel instrument : 1847.
Quittant Sospel et la vallée de la Bévéra par le col de Brouis, on débouche dans la vallée de la Roya à Breil. Si l’église Sancta Maria in Albis abrite aujourd’hui un magnifique buffet d’orgue du XVIIIe siècle, c’est le résultat d’un aménagement tardif, en 1863. Silvano Rodi a pu établir que cet orgue, construit par les frères Concone en 1758-1760 et destiné à la confrérie du Saint-Suaire de Turin, n’a pas eu de prédécesseur à Breil (Rodi, p. 90-100). Il est vrai que, délaissée par la nouvelle route royale qui passe un peu plus haut sur la rive opposée de la Roya, Breil fait partie des localités qui ont pâti de ce nouvel aménagement.
Pourtant, le village perché de Saorge, lui aussi délaissé au profit de Fontan, décide en 1739 la construction d’un orgue dans son église paroissiale. L’absence d’archives du XVIIIe siècle ne permet pas d’en savoir plus sur la composition de ce premier instrument, remplacé en 1847 par un orgue au goût du jour du facteur Lingiardi, de Pavie (Rodi, p. 66-81). Seul subsiste aujourd’hui le buffet d’origine, adapté au nouvel instrument. On ignore tout des organistes qui l’ont fait sonner.
Saorge, couvent des Cordeliers : le chœur des frères, situé derrière le maître-autel (cl. Y. Carbonnier, octobre 2013). On distingue bien, dans la niche voûtée au centre, l’ouverture qui permet de recevoir l’eucharistie. Sous les trois niches accueillant les statues visibles de la nef, la poutre porte plusieurs versions en plain-chant de l’hymne Te lucis ante terminum.
À l’extrémité orientale du village, un peu en dehors, le couvent observantin de Notre-Dame-des-Miracles n’a jamais entendu le son d’un orgue. En revanche, derrière le retable monumental se cache le chœur des frères, dont les stalles en U encadrent un sobre lutrin à deux faces. Sur la plus basse poutre horizontale au revers du retable, face aux stalles, sont collées différentes mélodies (selon le temps liturgique) en notes carrées sur portée à quatre lignes de l’hymne Te lucis ante terminum qui se chantait à complies.
Arrivé au niveau du hameau de Saint-Dalmas-de-Tende où se trouve un modeste prieuré d’Augustins, un détour dans la vallée de la Levensa, affluent de rive gauche de la Roya, mène jusqu’au village de La Brigue qui tire sa richesse de l’élevage ovin, de l’exploitation forestière, du pèlerinage à Notre-Dame-des-Fontaines – chapelle édifiée sur une résurgence d’où s’écoulent alternativement sept sources, aujourd’hui reconnue comme "la chapelle Sixtine des Alpes du sud", grâce aux fresques qui recouvrent l’intégralité de ses murs intérieurs – et du passage de l’ancien chemin muletier, supplanté par la route royale. Cette richesse a permis l’établissement de deux canonicats (un majeur et un secondaire) qui secondent le curé ou prévôt, dans l’église Saint-Martin. Cet édifice imposant marque l’entrée du village, flanqué de deux chapelles de pénitents. Des documents comptables y attestent l’existence d’un orgue dès 1615, dont l’organiste est rémunéré jusqu’en 1623 par la Compagnie du Très Saint Rosaire. Après une lacune documentaire de plus d’un siècle, on trouve dans la comptabilité de la Compagnie du Corpus Domini des versements réguliers à l’organiste entre 1751 et 1776. Entre 1773 et 1775, Pietro LANTERI, un ecclésiastique, reçoit 6 lires par an pour jouer de l’orgue, somme dérisoire qui trahit les usages très ponctuels de l’instrument, à moins que son traitement soit complété par une autre source qui nous échappe. Le paiement de 1776, au destinataire resté anonyme, précise qu’il s’agit de jouer les jours de fêtes. Un nouvel organiste, Pietro RICCI, est recruté en 1798, avec un salaire 20 lires, incluant l’entretien de l’instrument. Les lacunes de la documentation ne permettent pas de connaître l’utilisation réelle de l’orgue, ni d’affirmer que celui de 1615 est toujours en place. La chapelle de l’Assomption toute proche abrite aujourd’hui un orgue portatif qui pourrait dater du début du XVIIe siècle et, de ce fait, être l’ancien orgue de la collégiale, remplacé en 1849 par l’instrument actuel, de la manufacture Lingiardi (Rodi, p. 44-60).
Vue de Tende vers le nord (cl. Y. Carbonnier, octobre 2013). On distingue la grosse tour ocre de la collégiale, flanquée, sur sa droite, des clochetons plus discrets des chapelles des Pénitents noirs et blancs. À l’arrière se détachent le cimetière (postérieur au XVIIIe siècle) et les vestiges du château des comtes de Tende.
Dernier village avant le col qui porte son nom, Tende possède une collégiale rebâtie au début du XVIe siècle, sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption (ou Notre-Dame du Bois), desservie par un chapitre composé du prévôt (curé) et de cinq chanoines. Un facteur actif à Cuneo y a construit un orgue en 1673, comme l’indique le cartouche qui couronne le buffet – le fait est confirmé par les archives de la commune, qui renseignent également sur les réparations entre 1702 et 1730, date à laquelle l’orgue est déplacé jusqu’à son emplacement actuel, sur une tribune au-dessus de la porte principale, pour "le mettre ainsi à l’abri des continuelles lacérations" (Ortolani, 1994, p. 361). Victime des combats entre Français et Austro-Sardes pendant la Révolution, l’instrument n’est plus jouable et la fabrique commande en 1805 un nouvel instrument au facteur bergamasque Serassi. Cet orgue est toujours en place depuis 1807 (Rodi, p. 22-26). Quelques noms d’organistes apparaissent entre 1682 et 1715, puis plus rien jusqu’à la fin du siècle (ibid., p. 33).
● ● ● Intermède monégasque : un orgue somptueux à Menton
L’église Saint-Michel de Menton depuis le port (cl. Y. Carbonnier, octobre 2013). Construite sur le rocher et s’appuyant en partie sur des constructions, elle est flanquée de chapelles latérales extérieures. Le petit clocher à l’arrière-plan marque la chapelle des Pénitents blancs, que, depuis le parvis de l’église paroissiale, on rejoint en gravissant quelques marches.
Le littoral oriental du département recouvre l’ancien territoire de la principauté de Monaco (dont la paroisse Saint-Nicolas dispose d’un orgue). Avec quelque 3 000 habitants, Menton en est la commune la plus peuplée et le poumon économique. Elle occupe une petite hauteur, dernier témoin des Alpes qui la dominent et plongent dans la mer de plus de 1 000 mètres – le col du Berceau, à 1 050 mètres d’altitude, n’est qu’à 4 kilomètres à vol d’oiseau de Menton et à une distance légèrement inférieure de la mer en suivant la crête qui marque aujourd’hui la frontière avec l’Italie. La ville est entourée de jardins : "ce n’est, pendant une demi-lieue, qu’une forêt d’orangers et de citronniers" (Lavallée, p. 26). Le citron surtout (avec le limon et le cédrat) fait "la principale richesse de Menton". Il s’exporte en France, en Hollande, en Angleterre et à Hambourg (Papon, p. 53-54).
Vue du large, cette petite cité offre un visage très pittoresque, avec ses maisons ocres qui semblent bâties les unes sur les autres au flanc d’une colline couronnée par l’église paroissiale Saint-Michel et par la chapelle des Pénitents Blancs. Depuis le parvis, des rampes d’escaliers descendent d’une façon théâtrale jusqu’à la plage qui abrite quelques barques de pêcheurs. Papon rapporte qu’au soir du Vendredi saint un grand crucifix est porté dans les rues à la lueur des flambeaux, "et accompagné d’un orchestre nombreux, qui fait entendre des airs tantôt graves, tantôt lugubres, quelquefois gais" (Papon, p. 60).
L’église paroissiale Saint-Michel a bénéficié des largesses des princes de Monaco, en particulier d’Honoré III qui offre en 1757 un ensemble de tentures en damas de Gênes rouge, encore utilisées aujourd’hui pour habiller les colonnes et le chœur en certaines occasions solennelles. Au fond du chœur, surplombant le maître-autel, un orgue richement sculpté et doré est attesté depuis 1666. Les informations à son propos restent malheureusement lacunaires – on sait qu’il bénéficie de travaux de réparation en 1754 – et, ici comme en de nombreuses localités du département, aucun nom d’organiste n’a émergé des recherches. L’église paroissiale de Menton est donc indéniablement un lieu de musique, mais la réalité de sa pratique doit encore être retrouvée.
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En définitive, le département des Alpes-Maritimes présente une physionomie atypique, par son histoire d’abord, qui le distingue nettement des départements créés en 1790 avec des territoires entièrement issus du royaume de France. Cette histoire singulière pèse sur les sources disponibles, particulièrement lacunaires pour l’ancien comté de Nice où on peut toutefois encore espérer des découvertes, dans des fonds différents de ceux qui constituent le corpus habituel de la base ou dans les archives des notaires. Le résultat obtenu est donc maigre : 43 musiciens actifs dans le département en 1790, qui exercent presque tous à l’ouest du Var, dans les cathédrales de Grasse et de Vence. Les profils de ces hommes (aucune musicienne n’a été repérée dans le département) sont assez caractéristiques des régions méridionales : ce sont des bénéficiers, donc des clercs (l’organiste et maître de chapelle de la cathédrale de Grasse, Antoine Joseph DOUSSAN, qui est un laïc marié, fait figure d’exception), dont l’activité principale est purement liturgique. Pour mériter leur part des distributions qui fournissent l’essentiel des revenus de leur bénéfice, ils ne se contentent pas de chanter lors des offices, mais doivent également, s’ils sont prêtres (et la plupart le sont), célébrer à tour de rôle de nombreuses messes d’anniversaires, fondées au fil du temps. Les cahiers de pointe, conservés en grand nombre pour le chapitre de Grasse, gardent la mémoire de la minutie avec laquelle l’assistance au chœur est surveillée. Les enfants de chœur s’adonnent eux aussi presque exclusivement au plain-chant, ce qui explique qu’aucun n’ait fait par la suite une carrière musicale : quelques-uns accèdent à leur tour aux fonctions de bénéficiers, étape importante d’une carrière ecclésiastique, portant la preuve d’une capacité vocale soigneusement examinée lors de la réception. Comparativement, les musiciens du comté de Nice – on sait qu’il existe au moins des organistes – demeurent fort mal connus, en premier lieu parce que leurs emplois ne furent pas menacés en 1790. Pour autant, les archives capitulaires et paroissiales, conservées de façon assez inégale, sont quasi muettes sur les questions musicales.
Youri CARBONNIER
université d’Artois – UR 4027, Centre de Recherche et d’Études Histoire et Sociétés (CREHS)
(août 2024)
Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de divers contributeurs, notamment : François Caillou, Bernard Dompnier, Sylvie Granger (†), Aurélien Gras, Bastien Mailhot...
Un merci particulier à Gilles Bouis, archiviste du diocèse de Nice, pour son accueil généreux.
Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)
Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.
L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.
Les lieux de musique en 1790 dans les Alpes-Maritimes
Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par diocèses et par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).
Diocèse de Grasse
- Cathédrale
- GRASSE, cathédrale Notre-Dame-du-Puy (également paroissiale)
Diocèse de Nice
- Cathédrale
- NICE, cathédrale Sainte-Réparate (également paroissiale)
- Collégiale
- CLANS, collégiale Notre-Dame-de-la-Nativité (également paroissiale)
- Abbayes, monastères, couvents et autres
- NICE, église Saint-François du couvent des Cordeliers (hommes)
- NICE, église Saint-Jean-Baptiste du couvent des Augustins déchaux (hommes)
- NICE, église du Jésus ou du Gesù (ex-collège des Jésuites, aujourd’hui église paroissiale Saint-Jacques)
- Églises paroissiales
- L’ESCARÈNE, église paroissiale Saint-Pierre-aux-Liens
- NICE, église paroissiale Saint-Jacques (aujourd’hui église de l’Annonciation ou Sainte-Rita)
- NICE, église paroissiale Saint-Martin-Saint-Augustin
- VILLEFRANCHE-SUR-MER, église paroissiale Saint-Michel
Diocèse de Vence
- Cathédrale
- VENCE, cathédrale Notre-Dame-de-la-Nativité (également paroissiale)
- Collégiale
- SAINT-PAUL-DE-VENCE, collégiale Saint-Paul (également paroissiale)
Diocèse de Vintimille (Italie)
- Collégiales
- LA BRIGUE, collégiale Saint-Martin (également paroissiale)
- TENDE, collégiale Notre-Dame-de-l’Assomption (également paroissiale)
- Églises paroissiales
Pour en savoir plus : indications bibliographiques
Sources imprimées
Henri Gabriel DUCHESNE, La France ecclésiastique pour l’année 1790, Paris, chez l’auteur, 1790.
Jean Joseph EXPILLY, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Paris, Desaint et Saillant, 1762-1770, 6 vol.
François Emmanuel FODÉRÉ, Voyages aux Alpes maritimes ou Histoire naturelle, agraire, civile et médicale du comté de Nice et pays limitrophes, Paris, F.G. Levrault, 1821, 2 vol. [Fodéré a parcouru le département en 1801-1802]
François de HESSELN, Dictionnaire universel de la France, Paris, Desaint, 1771, 6 vol.
Joseph LAVALLÉE, Voyage dans les départemens de la France, Paris, Brion, an IX [1801], tome 11 : Alpes-Maritimes et Var.
Aubin-Louis MILLIN, Voyage dans les départemens du midi de la France, Paris, Imprimerie impériale, 1807, tome II, p. 502-590.
Sylvestre Antoine PAPON, Voyage dans le département des Alpes maritimes, avec la description de la ville et du terroir de Nice, de Menton, de Monaco, etc., Paris, Barrau, 1804, 106 p.
Tobias SMOLLETT, Travels Through France And Italy, Londres, 1766.
Arthur YOUNG, Voyages en Italie et en Espagne pendant les années 1787 et 1789, trad. de M. Lesage, Paris, Guillaumin et Cie, 1860, XII-424 p.
Bibliographie
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Bibliographie établie par Youri Carbonnier (août 2024)