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BERTRAND, Jean, dit Saint-Jean (ca 1687-1767)

BERTRAND, Jean, dit Saint-Jean (ca 1687-1767)

État civil
NOM : BERTRAND     Prénom(s) : Jean     Sexe : M
Complément de nom : dit Saint-Jean
Autre(s) forme(s) du nom : Jan
Date(s) : 1687 ca  / 1767-12-18 
Notes biographiques

Si l'on ignore encore quelles furent les modalités de la formation et les débuts de la carrière de Jean BERTRAND, la suite de sa vie est relativement bien éclairée. Facteur d'orgue réputé à l'échelle de la Bretagne, il est aussi organiste, à Vitré puis à la modeste collégiale de Champeaux. Ses fils et ses petits-enfants seront également actifs dans le monde de l'orgue, tant comme facteurs que comme organistes, et d'ailleurs la distinction entre les divers membres de la famille BERTRAND n'est pas toujours aisée à établir. Deux de ses petits-enfants, Jeanne-Marie et Jean-François, appartiennent à la génération des organistes actifs en 1790.

• [Vers 1687], Caen : Si l'on en croit l'âge – peut-être arrondi – indiqué à son décès ("environ 80 ans"), Jean BERTRAND serait né vers 1687. Son acte de sépulture précise qu'il est "originaire de la ville de Caen" et que ses parents se nommaient Jean Bertrand et Catherine Christeaux.

• 14 avril 1711, Vitré : En l'église paroissiale de Saint-Martin, est célébré le mariage de "Jan" BERTRAND et d'Olive Causpié / Causpied. Si la mariée est "de cette paroisse", le marié, lui est dit "de la paroisse de Notre-Dame" et c'est de Caen que son père a envoyé son consentement au mariage, établi devant notaires. Cela confirme qu'il vient donc de Normandie… mais qu'il est installé à Vitré depuis suffisamment longtemps (a minima plus d'une année) pour échapper à l'obligation de publier des bans à Caen. L’acte de mariage n'apporte aucune indication professionnelle ni même aucune précision sur les identités des parents. La jeune mariée ne sait pas signer, le marié signe "Jean bertrand". On remarque la présence à la cérémonie de membres de la famille Huchet, famille maternelle de la mariée.

• Du 18 janvier 1712 au 9 juillet 1730, quinze baptêmes se succèdent chez les Bertand-Causpied, six filles et neuf garçons. Deux des accouchements sont gémellaires (il est à noter que ces quatre jumeaux franchissent le cap de la toute petite enfance, mais meurent ensuite, à 3 ans et trois mois pour un 'couple' et à 5 ans passés pour l'autre, le garçon et la fille jumeaux mourant chaque fois à quelques jours d'intervalle). La plupart des parrains et marraines sont recrutés dans le milieu familial (les Causpied, les Huchet… puis les frères et sœurs aînés), sauf le parrain de 1723 qui n'est autre que l'organiste Jean DAUMOUCHE, dit "sieur de la Chasse". Le père est présent à tous les baptêmes et aux sépultures retrouvées, et signe toujours "Jean Bertrand".
Le fait qu'il soit si régulièrement présent laisse supposer qu'il avait alors plutôt une activité d'organiste, stabilisé à Vitré, et non pas de facteur d'orgue courant de chantier en chantier. Or on sait que jusqu'en février 1729, c'est Jean DAUMOUCHE qui est l'organiste de la paroisse Notre-Dame. Ensuite, dans les années 1730, c'est Mathurin JUFFAULT que l'on aperçoit à Notre-Dame. Par déduction, il faut supposer que Jean BERTRAND exercerait plutôt à la collégiale de La Madeleine.

• 1er mai 1737, Vitré : Avec son épouse Olive Causpié, Jean BERTRAND assiste au mariage de leur septième enfant (né en 1718), leur fils François-Étienne BERTRAND, avec Jeanne-Marie Pottier, dans l'église paroissiale Notre-Dame. Sont également présents deux autres de leurs fils, Joseph-Marie et Guillaume Bertrand.

• 29 avril 1738, Vitré : Jean BERTRAND est le parrain de sa petite-fille Jeanne-Marie, née le jour même, paroisse Notre-Dame. C'est la fille aînée de son fils François-Étienne.
• Juin 1738 : Père et fils vivaient jusqu'alors, sans doute depuis toujours, à la même adresse, Boulevard de la Porte d’en haut. Après son mariage, le fils François-Étienne constitue un nouveau foyer fiscal, mais le rôle de taille les mentionne à la suite l'un de l'autre, ce qui laisse entendre qu'ils cohabitent toujours. Il en va de même l'année suivante, où "Jan BERTRAND dit Saint Jean" doit une capitation, élevée, de 12 livres (en 1738, il avait payé 10 livres).

• 1739, Champeaux [Ille-et-Vilaine] : En tant que facteur d'orgues, Jean BERTRAND procède à un relevage de l'orgue de la collégiale. Selon Orgues en Ille-et-Vilaine, Inventaire national des orgues (PUR, 2005), il intervient à nouveau sur l'orgue de Champeaux en 1747, 1752 et 1758. Selon le même ouvrage, il en serait en même temps l'organiste, sauf en 1748-1751 où, occupé à Saint-Malo, il est indisponible pour Champeaux. Cette assertion est douteuse cependant puisqu'au même moment il est attesté à Vitré par les rôles de capitation...

• Juin 1740, Vitré : Le rôle de capitation pour l'année 1740 montre "François BERTRAND fils" capité à 3 livres, toujours Boulevard de la Porte d’en haut, mais manifestement maintenant dans un logement différent de celui de son père. Ce dernier, "Jan BERTRAND dit Saint-Jean",  doit une capitation de 10 livres.
• 1740, Fougères : Le "sieur de SAINT-JAN" installe un orgue neuf chez les "dames religieuses hospitalières", ce qui pousse les trésoriers de Saint-Léonard de Fougères à profiter de sa présence dans la ville pour lui faire visiter leur orgue. C'est par ce seul témoignage, indirect, qu'est actuellement documentée l'installation d'un orgue neuf chez les Augustines de Fougères. Le registre des comptes journaliers du couvent ne comporte aucun paiement à un facteur au cours de cette période, ce qui laisse supposer un financement privé, estime Marcel Degrutère.

• 11 septembre 1742, Vitré : En l'église Saint-Martin est célébré le mariage de son fils Guillaume avec "demoiselle Marie-Magdeleine Tremier". Ce fils est le douxième enfant du couple Bertrand-Causpié, né le 19 août 1722. Deux des frères du marié sont également présents et signataires, François-Étienne et Joseph-Marie.

• 24 octobre 1743, Vitré : Le receveur de la collégiale verse à Jean BERTRAND 160 livres "à compté de ce qui me sera dû pour le travail que j’ay fait et que j’ay encore à faire pour l’orgue du chapitre de la Magdelaine". Le 15 décembre 1743, Jean BERTRAND signe une autre quittance correspondant à la somme de 151 livres "pour le travail de l’orgue". Cela semble correspondre à son activité de facteur, et non d'organiste.

• 1744, Josselin [Morbihan] : Michel Cocheril signale le versement d'une somme de 277 livres au facteur BERTRAND pour des réparations à l'orgue.

• 30 mars 1746, Vitré : "Je reconnois avoir Reçu de Monsieur Le Cocq Tresorier en charge de la Paroisse de Notre Dame la somme de 257 livres pour une année de revenus de l’orgue de laditte paroisse, Echüe le 31 mars à Vitray, J. Bertrand". Ce paiement correspond aux gages de l'organiste et concerne vraisemblablement son fils, Joseph-Marie.
• 10 avril 1746 : Dix jours plus tard, Jean BERTRAND signe une autre quittance reconnaissant avoir reçu du "Tresorier en charge de la Paroisse de Notre Dame la somme de 30 livres pour une année de l’accord des jeux d’anches de l’orgue de laditte paroisse", formulation qui indique que la paroisse a souscrit un abonnement pour l'accordage régulier de son instrument.

• 6 juillet 1748, Vitré : Le même jour, Jean BERTRAND reçoit quatre sommes différentes du trésorier de la fabrique de Notre-Dame, dont il donne deux quittances. L'une, signée "Jean Bertrand", correspond d'une part à 50 livres qui lui restaient dûes pour la réparation de l’orgue, "reste du marché fait avec la paroisse" et 16 livres 5 sols "pour le souffleur d’orgue d’extraordinaire pendant la susdite Réparation", et d'autre part à 30 livres "pour l’acord [sic] des jeux d’anches pour mon année".
La seconde quittance, signée "J. Bertrand organiste", correspond, elle, à la somme de 257 livres "pour mon année des Gages pour toucher l’orgue". Comme celle de 1746, cette quittance concerne vraisemblablement son fils, Joseph-Marie, alors organiste de la paroisse Notre-Dame.

• 16 octobre 1750, Vitré : Avec son épouse Olive Causpié et leur fils François, Jean BERTRAND assiste à l'inhumation de leur fils Guillaume, décédé l'avant-veille à l'âge de 28 ans, paroisse Notre-Dame. Le père et le fils défunt sont dits "h.h.", c'est-à-dire "honorable homme".

• 9 avril 1752, Vitré : Jean BERTRAND et Olive Causpié ont la douleur de perdre un autre de leurs fils, François-Étienne, à l'âge d'environ 34 ans. Il est inhumé le surlendemain, 11 avril, dans le cimetière de la paroisse Notre-Dame. Les époux Bertrand-Causpié ne sont pas mentionnés parmi les témoins, qui sont  le sieur Jean Potier, beau-père du défunt, soussigné, et un fils du défunt, le jeune Joseph, "qui ne signe".

• Mi-avril 1761 : Leur fils devenu prêtre, Joseph-Marie, quitte Vitré pour aller vivre à Champeaux, bourg situé à 8 km à l'ouest, où il est nommé chapelain, maître de psallette et organiste. À Vitré, c’est Hyacinthe TRUBLET, organiste de la Madeleine, qui remplace Joseph-Marie à la tribune de Notre-Dame, tandis que la petite-fille des BERTRAND-Causpié, Jeanne-Marie, s’installe à celle de La Madeleine.
• 24 novembre 1761, Vitré : Décédée la veille sur la paroisse Notre-Dame, à l'âge d'environ 74 ans, demoiselle Olive Causpié, épouse du sieur Jean BERTRAND, est inhumée dans le cimetière de Saint-Martin. Elle était fille d’Olivier Causpié et de Jeanne Huchet, et était "originaire de la paroisse de Saint-Martin de cette ville".

• 23 octobre 1763, Champeaux : Les décès précoces des fils Bertrand-Causpié se poursuivent. C'est le fils devenu prêtre, Joseph-Marie, qui meurt à quarante ans à peine révolus, sans doute de manière inattendue et brutale (en effet, l’acte immédiatement précédent dans le registre paroissial de Champeaux, le 13 octobre, est rédigé et signé de sa main ferme).
• 27 octobre 1763 : Le chapitre reçoit Jean BERTRAND pour organiste de la collégiale de Champeaux (comme facteur il s’était déjà précédemment occupé de la restauration de l’orgue). La formulation du registre capitulaire suggère que c'est lui qui a présenté sa candidature ("qui a demandé au chapitre l’exercice de l’orgue dont jouissoit feu Mr BERTRAND son fils"). Peut-être, à 76 ans, Jean BERTRAND souhaite-t-il conserver le poste dans la famille, en vue d'en faire bénéficier l'un de ses petits-enfants ? Il recevra comme son défunt fils 200 livres par an mais, contrairement à son fils prêtre, chapelain et maître de la psallette, il ne logera pas à la psallette, et donc "le chapitre luy fournira de plus un louage convenable aux maisons dudit cloître".

• [1766] : Sa petite-fille Jeanne-Marie, jusqu'alors organiste à Vitré, quitte la Bretagne pour l'Anjou où elle va toucher l'orgue des franciscaines du Buron d'Azé, près de Château-Gontier – et où elle convolera peu après avec l'organiste Louis JANNOT.

• 2 mars 1767, Champeaux : Mr BERTRAND, "organiste et facteur d’orgue", comparaît à nouveau en chapitre. Il expose aux chanoines assemblés "qu’ayant instruit et fait instruire son petit-fils, le sieur Jean BERTRAND, et vu son grand âge et ses infirmités", il souhaite que ce petit-fils le remplace à l'orgue. Sans doute pour rassurer le chapitre, le grand-père "promet de continuer les mêmes soins pour l’orgue en qualité de facteur" (comme si en la matière son "grand âge" ne comptait plus...)
Le petit-fils "a monté dans l’orgue et l’a touché", audition qui semble ne satisfaire qu'à moitié les chanoines : ils acceptent de recevoir "ledit sieur Jean BERTRAND petit-fils pour organiste" mais précisent que c'est "pour obliger ledit sieur Jean BERTRAND père" et à la condition que le petit-fils continuera de s’instruire, que l'ayeul touchera "pour luy en cas d’absence" et qu'il continuera à prodiguer les mêmes soins à l’orgue comme facteur. Le secrétaire capitulaire note noir sur blanc que le "petit-fils ne touchera point" aux "jeux d’anches dudit orgue". Les deux hommes signent côte à côte la délibération "Jean Bertrand" et "Jean Bertrand fils" [sic].
• 18 décembre 1767, Vitré : Le sieur Jean BERTRAND s'éteint à l'âge d'environ 80 ans. Le surlendemain, il est inhumé dans le cimetière de Saint-Martin, en présence de son petit-fils Jean BERTRAND [en réalité : Jean-François]. L'acte de sépulture apporte des informations jusqu'alors inconnues en précisant son lieu de naissance et les noms de ses parents.

• • • Bibliographie :
              Jean Quéniart, "De modestes institutions : les Psallettes de collégiales dans le diocèse de Rennes au XVIIIe siècle", Musique en Bretagne, Images et Pratiques, Hommage à Marie-Claire Mussat, PUR, 2003, p.43-56.
               Sylvie Granger, « Deux Organistes aux destins voisins : Marie-Claude Renault-Bainville (1724-1803) & Jeanne-Marie Bertrand-Jannot (1738-1804) », Annales Historiques de la Révolution française, 2011, n°4, p.3-27.

Mise à jour : 5 janvier 2020

Sources
F-Ad35/ 1 G 400-1 ; F-Ad35/ 1G 433-1 ; F-Ad35/ 2G 378-10 ; F-Ad35/ 2G378-12 ; F-Ad35/ BMS Vitré, Notre-Dame ; F-Ad35/ BMS Vitré, St-Martin ; F-Ad35/ C 3996 ; F-Ad35/ C 3997 ; F-Ad35/ C 3998 ; F-Ad35/ C 4002 ; F-Ad35/ C 4005 ; F-Ad35/ C 4008 ; F-Ad35/ C 4011 ; F-Ad35/ C 4014 ; F-Ad35/ C 4017 ; F-Ad35/ C 4019 ; J.Quéniart, "De modestes institutions…", Musique en Bretagne…, 2003 ; S.Granger, "Deux organistes aux destins voisins…", AHRF, 2011 ; S.Morvézen (dir.), Orgues en Ille-et-Vilaine, 2005

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