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BIDAUT, Huberte (1761-1840)
État civil
NOM : BIDAUT     Prénom(s) : Huberte     Sexe : F
Autre(s) forme(s) du nom : BIDAULT
Date(s) : 1761-11-8  / 1840-3-6
Notes biographiques

Au milieu du silence et de l'invisibilité qui, généralement, entourent les musiciennes du passé, Huberte BIDAUT – organiste à Vitteaux [Côte-d'Or] lorsque commence la Révolution – a la chance de bénéficier de l'éclairage d'un dossier administratif conservé dans les fonds de l'Intendance à Dijon (Ad21/ C 1785). Celui-ci ne répond pas, certes, à toutes les questions que l'on peut se poser mais il apporte néanmoins des éléments précieux, en particulier sur sa formation musicale.

La petite ville de Vitteaux est située en Auxois, dans la plaine de la Brenne, à environ 47 km (en itinéraire pédestre) à l'ouest de Dijon. Elle regroupait quelque 1800 habitants à la veille de la Révolution et comportait un hôpital, un couvent d'Ursulines, un grenier à sel, un relais de poste (longuement tenu par la famille Sirugue)… Dans l'église paroissiale Saint-Germain – connue pour son clocher tors – se remarque la tribune d'orgue du XVe siècle représentant des scènes de la Passion, classée MH depuis 1901 (source : base Palissy). Toutefois l'orgue actuel de l'église ne date que des années 1930. Il n'a donc rien à voir avec celui qu'avait touché Huberte BIDAUT, qui, selon P.M. Guéritey, remontait à 1659 et était dû au facteur Noël GRANTIN.

• 8 novembre 1761, Vitteaux : Entre 4 et 5 heures du matin Françoise Monmon accouche "des œuvres de Bernard BIDAUT fils de Claude Bidaut maître du logis où pend pour enseigne L’Arbre d’or audit Viteaux, ledit BIDAUT fils demeurant aussy audit Viteaux". L'enfant, baptisée le jour même, a pour parrain le marguillier de la paroisse, et pour marraine une servante de son grand-père, prénommée Huberte, d'où le prénom conférée à la petite baptisée.

• 11 août 1762, Vitteaux : Neuf mois après cette naissance, le mariage de Bernard BIDAUT et de  Françoise Monmon est célébré. Le marié est dit "fils de défunt le Sr Claude Bidaut, marchand à Vitteau, et de dlle Marie Anne Robin". La mariée est, quant à elle, "fille majeure du sr Claude Monmon de même lieu et de même état, et de deffunte dlle Jeanne Bordot sa femme". Rien n'est spécifié au sujet de l'enfant déjà née.

Après ce début de vie peu conventionnel, on peut supposer qu'ensuite Huberte vécut une enfance plus classique. Elle voit deux frères (au moins) naitre après le mariage de ses parents : Claude le 25 juillet 1763 et Pierre le 23 février 1766. Son père, d'abord marchand tanneur (comme son grand-père Claude Monmon), adopte rapidement un métier 'administratif' : dès le milieu des années 1760, il est dit "greffier de la baronnie de Vittaux" ou "greffier en la justice de Vitteaux". Huberte grandit dans une famille qui appartient au groupe des petits notables de la ville, possédant probablement une certaine culture musicale, sans laquelle le père n'aurait pas pu tenir l'orgue, même de façon provisoire.

• 1777, Vitteaux : "Il a été fait de l’autorité de M. L’Intendant des réparations considérables à l’orgue de cette ville, elle est actuellement en bon état". Cet orgue de l’église paroissiale Saint-Germain, réparé à grands frais, exige donc le recrutement d'un.e organiste. Or "il n’y a aucun musicien à Vitteaux" expliquent les officiers municipaux à l'Intendant de Bourgogne.
Dans un premier temps, en juillet 1777, c'est son père, Bernard BIDAUT, qui est "sollicité" par les échevins "pour faire les fonctions d’organiste, aux gages de 50 livres par an", somme extrêmement modique.

• [1778-1779], Dijon : À une date qui reste à préciser – postérieure à juillet 1777 –, la jeune Huberte BIDAUT, qui a 16 ans, est envoyée à Dijon "pour apprendre à toucher de l’orgue des maîtres les meilleurs dans ce genre". On aimerait évidemment savoir quels furent ces "maîtres les meilleurs". À cette période, les deux organistes en vue à Dijon sont François LECLERC et Pierre-Philibert LAUSSEROIS, mais d'autres comme l'Alsacien Joseph PARIN pouvaient aussi donner des leçons d'orgue, à moins que la jeune fille n'ait été confiée à l'une des dames organistes de la ville, Anne LATREILLE-GELIN ou Antoinette DUPLUS-CAMUS...
La jeune fille reste deux ans à Dijon ("ce qu’elle a fait pendant deux ans"). On ignore qui a financé sa formation musicale et son séjour à la grande ville. Son père, pendant ce temps, "fait les fonctions d'organiste" durant deux ans et demi, vraisemblablement de mi 1777 à fin 1779.

• 16 octobre 1780, Vitteaux : Les officiers municipaux constatent que "depuis son retour" (qui n'est pas daté, peut-être remonte-t-il à plusieurs mois), la jeune fille a touché l’orgue "régulièrement pendant les offices de la Paroisse à la satisfaction unanime du public". Ils décident alors de l'engager officiellement à compter du 1er janvier suivant, à 120 livres par an. Ces gages seront payés par la Ville, et non par la fabrique, "attendu l’insuffisance des revenus de la fabrique". Ils étayent leur dossier envoyé à l'Intendant en se référant à huit villes qui, de la même façon, payent leur organiste "sur les revenus patrimoniaux". Ils affirment que sur ces huit villes, seule celle de Flavigny verse moins de 120 livres à leur organiste, alors que "les autres donnent à l’organiste de 150 à 300 livres".
L'Intendant exige que cette proposition, puisqu'elle instaure une dépense nouvelle, soit soumise à l'assemblée des habitants.
• 26 novembre 1780 : L’assemblée générale des habitants est convoquée pour débattre "du choix de la Dlle BIDAUT pour organiste moyennant des gages annuels de 120 livres". On ignore la teneur du débat, mais le résultat est que "les dits habitants y ont accédé unanimement".
• 1er janvier 1781 : L'Intendant homologue la décision. C'est donc à compter de cette date que Huberte BIDAUT peut être considérée comme officiellement en poste à l'orgue de Vitteaux, mais l'on a vu qu'en réalité elle jouait "régulièrement" depuis avant la mi-octobre 1780, peut-être depuis l'été 1780, peut-être même depuis Noël 1779 si les deux ans et demi d'intérim de son père se placent bien – comme il semble le dire lorsqu'il en demande le paiement – à partir de juillet 1777. Si tel est le cas, la jeune fille aurait finalement exercé une année entière sans aucune rétribution.

• [1787], Dijon : "Pendant le tems de la tenue des États", Marc-Antoine Sirugue (maire de Vitteaux de 1783 à 1791), discutant avec l'administration au sujet des finances mal en point de sa ville propose une piste d'économie en rejetant "la rétribution de 120 livres qui se paie à l’organiste" sur la fabrique. Toutefois l'engagement de l'organiste ayant été officiellement homologué, un tel changement ne peut avoir lieu que si la communauté des habitants en débat et, au vu des réalités financières, donne son accord.

• Février 1788, Paris : L'Intendant fait un long courrier au Maire pour lui enjoindre de convoquer une assemblée et lui donner en même temps ce qu'on appellerait aujourd'hui des 'éléments de langage' à utiliser devant la dite assemblée. Il lui rappelle le déficit financier de la Ville et la nécessité pour elle de réduire ses dépenses, notamment en faisant payer l'organiste par la fabrique. Il estime que la fabrique est maintenant "plus en état que la Ville, par une plus juste proportion entre ses revenus et ses charges, de supporter une dépense annuelle qui la concerne plus particulièrement et qui dans toutes les villes où les revenus de la fabrique sont suffisants, n’est jamais à la charge des habitants".

• 1er juin 1789, Paris : L'Intendant écrit à nouveau au maire de Vitteaux. Il lui rappelle les termes de son courrier du 21 février 1788 et lui redemande de convoquer une assemblée, ce qui manifestement n’a pas été fait dans l’intervalle.
• 14 juin 1789, Vitteaux : Les officiers municipaux, "après avoir pris une nouvelle connoissance du tableau des charges et des revenus de la ville", décident que "les gages de l’organiste seroient réduits à une somme de 90# par an à la charge de la Ville et que les 30# que la Ville payoit en sus pour former la somme de 120# seroient à la charge de la fabrique à compter dudit jour 14 juin 1789". La réaction de la fabrique n'est pas évoquée. On peut penser que les mêmes hommes siègent peu ou prou dans les deux instances, municipale et fabricienne.

• 18 janvier 1790 : L'Intendant valide la décision du Conseil municipal et appose son visa sur un mandat de 103 livres 15 sols "au profit de la dlle BIDAULT organiste", qui prend en compte la nouvelle répartition de ses gages "échus le 31 décembre dernier" ("à raison de 5 mois et demi sur l’ancien pied et de 6 mois et demi sur le nouveau").

Le dossier qui la concerne dans les fonds de l'Intendance s'arrête là. Il n'y a toutefois aucune raison pour qu'elle n'ait pas continué à toucher l'orgue de Vitteaux en 1790, probablement jusqu'à la suspension du culte, ou au moins jusqu'à son mariage…

• 7 mars 1791, Vitteaux : Dans l'église Saint-Germain, Dlle Huberte BIDAUT, fille du S.Bernard BIDAUT "greffier du juge de paix", et de Dlle Françoise Monmon, se marie avec le sieur François Durandeau marchand épicier à Vitteaux, dont le père est dit "bourgeois en la dite ville". La confrontation de leurs dates de baptême, indiquées ultérieurement par leurs actes de décès, montre que la mariée à presque sept et demi de plus que son époux — ce qui correspond à une caractéristique fréquemment observée à propos des femmes organistes.
La veille, un contrat de mariage a été établi entre les deux parties, chez les parents Bidaut. Le marié apporte "une somme de 1 000 livres, tant en argent que marchandises et autres bons effets provenants de ses gains et épargnes", mais aussi la moitié des biens paternels dont son père "se dévêt et dessaisit" (terres labourables, vignes et cuve, bancs de boucherie), ainsi qu'une grande maison de quatre chambres avec une boutique située "en l’enclos de cette ville proche la porte de l’Horloge", estimée à 2000 livres, que lui donne sa tante paternelle, la dlle Jeanne Durandeau, Supérieure de l’Hôpital, "pour la singulière amitié qu’elle porte audit sieur François Durandeau futur, son neveu".
Quant à l'organiste, elle reçoit de ses parents une série de contrats de rentes représentant un capital total de 5 040 livres, et un trousseau de 2 000 livres "y compris ses nippes et son forte piano, avec tous les habits, linges et effets servant à sa personne". Son forte piano est évoqué une autre fois dans le contrat comme faisant partie de ce que Huberte BIDAUT prélèvera "avant tout partage" en cas de veuvage. On peut supposer que cet instrument est aussi un outil de travail, probablement pour des leçons de forte piano dispensées à la jeunesse de Vitteaux.

• Du 17 décembre 1791 au 24 ventôse an VIII (15 mars 1800), Huberte BIDAUT donne le jour à cinq enfants, trois garçons et deux filles. Son mari est toujours dit "marchand épicier" ou "épicier". Son père, après avoir été parrain du premier enfant, prénommé comme lui Bernard, vient également déclarer le troisième, en compagnie de son épouse, grand-mère de l'enfant.

• Début de pluviôse en IX (3ème décade de janvier 1801), Vitteaux : Son père, Bernard BIDAUT, devient maire de la ville. Il le reste jusqu'à son décès, survenu le 22 mars 1807.

• 13 avril 1813, Vitteaux : Son mari, François Durandeau, qui était né à Vitteaux le 26 mars 1769, décède dans leur maison, rue de la Liberté. Il est dit "marchand épicier au dit Vitteaux". Aucun métier n'est bien entendu indiqué pour elle – c'est l'usage –. Dans un souci de respectabilité, l'officier d'état civil la mentionne comme "dame Huberte BIDAUT".
Obligée à partir de là de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, dont le dernier a 13 ans, Huberte BIDAUT a-t-elle continué le commerce d'épicerie ? A-t-elle renoué avec l'orgue ? Une enquête complémentaire serait nécessaire pour répondre à ces questions...

• 6 mars 1840 : Dame Huberte BIDAUT, née à Vitteaux le 8 novembre 1761, propriétaire, veuve de Mr François Durandeau, à son décès marchand épicier au dit Vitteaux… décède à huit heures du soir en sa maison rue St Jean.

Mise à jour : 22 décembre 2018

Sources
F-Ad21/ 4E 129/76 ; F-Ad21/ BMS Vitteaux en ligne ; F-Ad21/ BMS-NMD Vitteaux en ligne ; F-Ad21/ C 1785 ; F-Ad21/ NMD Vitteaux en ligne

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