BORDELET, Anne Marguerite Sophie, épouse GOVIN (1777-1826)

Fille d'un marchand fripier, mais filleule de deux notables, Anne-Marguerite-Sophie BORDELET apprend la musique et devient professeure de piano puis organiste. Elle est attestée comme telle à Blois puis à Orléans, à travers un étrange destin qui lui fait enchaîner deux mariages, chacun étant à sa façon atypique.

• [4] octobre 1777, Montereau-Fault-Yonne [Seine-et-Marne] : Le vicaire de la paroisse Notre-Dame et Saint-Loup baptise Anne-Marguerite-Sophie BORDELET, née la veille, fille de Jacques-André Bordelet, "marchand frippier en cette ville", et de Marie-Marguerite Jubin.
Ce n'est pas un baptême ordinaire puisque le parrain est le sieur Antoine-Denis-Louis Le Baux de La Bapaumerie fils de M. Le Baux de La Bapaumerie, lieutenant général et maire de cette ville, Capitaine de la première Compagnie de la milice bourgeoise, et la marraine est la delle Anne-Sophie de la Flèche fille de M. de la Flèche, Seigneur de Ferotte. Les deux mères des jeunes parrain et marraine sont présentes, ainsi que le père du parrain, donc le Lieutenant général et Maire de la ville en personne. Est enfin signalé un dernier témoin, M. Despret "procureur en la Cour". Tous signent, comme s'il s'agissait d'un baptême d'enfant de notable.
Sans doute troublé par tout ce beau monde autour de ses saints fonts, le vicaire a omis d'indiquer la date précise du baptême. L'acte est placé entre deux actes datés des 3 et 7 octobre 1777. La date du 5 octobre indiquée par le répertoire général des actes de la paroisse est donc recevable. Toutefois le premier acte de mariage d'Anne-Marguerite-Sophie la dit née le 3 octobre 1777. C'est cette date qui a été retenue pour celle de sa naissance, la veille de son baptême.

• Comme souvent dans le cas des femmes, on ignore tout de sa jeunesse et de sa formation. Ses relations avec les notables locaux expliquent-elles que la jeune fille ait reçu une éducation assez complète pour avoir accès à la musique dite "savante" ?

• 28 pluviôse an X [17 février 1802], Montereau : Son père, Jacques-André Bordelet, décède à Montereau.

• 20 nivôse an XI (10 janvier 1803), La Grande Paroisse [Seine-et-Marne] : Dans cette localité située à moins de 5 km à l’ouest de Montereau, comptant autour de 1100 habitants au début du XIX^e siècle, Anne-Marguerite-Sophie BORDELET, née le 3 octobre 1777, épouse Jean-Claude Magol, né à Lyon le 6 août 1740, propriétaire demeurant à La Grande Paroisse, veuf d'Angélique Rocheville. Il a donc 37 ans de plus qu'elle. On peut faire l'hypothèse qu'elle était servante ou dame de compagnie chez lui, mais rien ne le précise. Le premier témoin est Paul-Antoine Charpentier, "ministre du culte catholique, âgé de 67 ans, amy de l’époux". A-t-il joué un rôle dans la conclusion de cette union ?
• 18 vendémiaire an XII (11 octobre 1803) : Neuf mois après le mariage, Jean-Claude Magol décède commune de La Grande-Paroisse. Le premier déclarant est à nouveau Paul Antoine Charpentier, "qui a dit être voisin". Le second est François Chéreau, propriétaire, 75 ans, qui a dit être ami du défunt. Voilà Anne-Marguerite-Sophie BORDELET libre de ses faits et gestes et sans doute nantie de quelques biens hérités de son mari.

• [1804], Blois : Selon ce qu'indique son acte de remariage, c'est début 1804 qu'elle arrive à Blois. Selon Brosset en 1909 elle serait alors professeure de piano. Selon le même auteur, c'est en cette même année 1804 que Joseph GOVIN "s’installe à l’orgue de Blois".

• 25 avril 1806, Blois : Est célébré le mariage entre Joseph Louis Gabriel Edmond GOVIN, âgé de 31 ans, organiste de la cathédrale Saint-Louis de Blois, demeurant dans cette ville depuis plus de six mois, avec dame Anne-Marguerite-Sophie BORDELET, âgée de 28 ans, née à Montereau, demeurant à Blois depuis deux ans, veuve en premières noces de Jean-Claude Magol.
Parmi les témoins, on relève la présence de Jacques HOUDIN, ici dit horloger, mais ancien organiste et toujours musicien amateur, de Joseph BINDERNAGEL, professeur de musique à Blois, et celle de Jean-Jacques-Henri-Dominique HUET, facteur d'orgues à Blois. Tous sont dits "amis du marié".

• 17 décembre 1809, Orléans : Son mari Joseph GOVIN devient organiste de la paroisse Saint-Paul. La famille Govin/Bordelet s'installe à Orléans.

• 1811, Orléans : Quand son mari obtient la place d'organiste à Saint-Eustache de Paris, Anne-Marguerite-Sophie BORDELET reste à Orléans  et c’est elle qui tient l’orgue de St-Paul "ayant appris de son mari la manipulation de cet instrument si compliqué dans ses multiples ressources" écrit Jules Brosset.

• 29 mai 1820, Orléans : À quatre heures après midi, dans une maison sise n°35 rue des Chartiers, Dame Anne-Marguerite-Sophie BORDELET, "âgée de 40 ans" [en réalité bientôt 43], "épouse de sieur Joseph Louis Gabriel Edmond GOVIN, organiste, âgé de 44 ans, demeurant à Paris, n°6 rue de l'échaudé, est accouchée d'un enfant femelle auquel elle a donné les prénoms de Sophie-Pélagie-Félicie". La naissance est déclarée le lendemain par une garde malade qui l'a sans doute assistée dans son accouchement, et par un apprêteur de bas qui habitent, l'une au n°37 et l'autre précisément au n°35 de cette rue des Chartiers, ainsi que par Jean-Baptiste MANGIN, maître de musique, 52 ans, domicilié n°8 cloître Saint-Sulpice. Ce témoin musicien indique les liens que la musicienne entretenait avec le milieu musical de la ville.

• Janvier 1825, Orléans : Selon Jules Brosset, "elle se retire" à cette date, cessant donc de desservir l'orgue de la paroisse Saint-Paul.

• 28 novembre 1826, Orléans : Anne-Marguerite-Sophie BORDELET meurt à cinq heures du matin dans son domicile au n°6 rue de la Crosse. Un cousin bijoutier et un "ami", Charles Petri, dentiste âgé de 42 ans, domicilié n°8 cloître Sainte-Croix n°23, déclarent son décès quelques heures après. Ils la disent "âgée de 42 ans" (ce qui la ferait naître en 1784) et rappellent son lieu de naissance (Montereau-Fault-Yonne), les noms de ses père et mère, celui de son premier mari et la disent "épouse en secondes de Louis Joseph Gabriel Edmond GOVIN, professeur de musique et organiste de la paroisse Saint-Eustache à Paris".

Mise à jour : 29 juillet 2019