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BUISSON, Pierre (ca 1732-1775)
État civil
NOM : BUISSON     Prénom(s) : Pierre     Sexe : M
Date(s) : 1732-5-5 ca  / 1775-7-30 
Notes biographiques

Formé par LAFONT, organiste de Saint-Germain-en-Laye, Pierre BUISSON a été organiste de la cathédrale de Beauvais [Oise] pendant une dizaine d'années, puis de Gisors [Eure] où il mourut précocement en 1775. Son talent et ses qualités humaines ont marqué ceux qui l'ont connu, au point que son éloge funèbre, prononcé par Jean-Thomas Langlois devant une société d'amateurs, fut imprimé, nous livrant un portrait de ce musicien, par ceux qui l'ont apprécié.

• [Vers 1732], Saint-Germain-en-Laye [Yvelines] : Pierre BUISSON, fils de Nicolas, maître menuisier, et de Charlotte Serrée, vient au monde. Son biographe Jean-Thomas Langlois le dira né de parents "pauvres & obscurs".

• [Années 1740-1750], Saint-Germain-en-Laye : Le jeune BUISSON "parut si affecté la première fois qu'il vit un clavecin, & courut y promener ses doigts avec tant d'empressement & d'agilité, que M. LAFONT, organiste de S. Germain, ami de son père, se chargea de lui donner des leçons. Bientôt le concours des dispositions les plus heureuses et des leçons les plus sages, rendit le disciple égal à son maître et capable de remplir les premières places." (selon Jean-Thomas Langlois).

• [Début 1760], Saint-Germain-en-Laye : Pierre BUISSON est probablement l'assistant de l'organiste Pierre Nicolas LAFONT.

• 5 mai 1760, Beauvais [Oise] : Pierre BUISSON est reçu organiste de la cathédrale à la place d'Augustin DESESSEMENT, avec 400 livres de gages. Il fait partie des "hospites" du chapitre, à l'instar de son prédécesseur. Langlois écrit dans son éloge funèbre que "l'orgue de Beauvais étant venu à vaquer, le concours fut annoncé à Paris ; M. Buisson s'y présenta, & enleva tous les suffrages". 
• 16 mai 1760, Beauvais : Il est fait lecture de l'attestation de vie et mœurs de l'organiste Pierre BUISSON, fournie par le curé de Saint-Germain-en-Laye.
• 28 novembre 1760, Beauvais : Une augmentation de 100 livres est accordée à Pierre BUISSON, organiste, à partir du 17 du mois. À la mi-mai 1762, il obtient un nouvelle augmentation de 100 livres, ce qui porte ses appointements à 600 livres par an. 

• 13 avril 1762, Beauvais : Pierre BUISSON signe comme parrain de Jean-Charles, fils de Georges Boulanger, manouvrier. Il apparait une seconde fois dans les registres paroissiaux, le 3 mars 1764, comme parrain de Adélaïde-Rosalie, fille de Pierre Baillet, geôlier de prisons du chapitre.

• 17 janvier 1769, Beauvais : C'est la dernière fois qu'il est mentionné comme organiste de la cathédrale dans l'évocation générale des bénéficiers et gagistes. Selon Langlois, "cette douceur de caractère dégénérant en faiblesse chez M. BUISSON, et ses connaissances abusant de sa facilité, lui rendirent pernicieuses des liaisons qui s'étendaient de jour en jour. La multiplicité des plaisirs altéra sa constitution et développa chez lui le germe de cette maladie qui l'a mis au tombeau (la pulmonie). Elle le détourna de ses occupations, émoussa son goût pour le travail, retarda les progrès et la perfection de ses talents. Le défaut d'économie se joignant à ces premières causes, l'empêcha de profiter des faveurs de la fortune, et dérangea ses affaires. Enfin, une malheureuse inconstance saisissant le prétexte de quelques légers mécontentements". Il quitte Beauvais pour Gisors.

• [1769] : Pierre BUISSON s'installe à Gisors [Eure], où il devient l'organiste de la paroisse, poste qu'il remporte alors qu'il est en concurrence avec d'autres candidats. Sa situation personnelle semble se détériorer rapidement : "sa condition ne fit que devenir plus triste de jour en jour, et il se vit insensiblement réduit aux plus fâcheuses extrémités. Sa santé, loin de se rétablir, essuya les attaques les plus funestes et se détériora de plus en plus. La médiocrité de sa fortune fut suivie de la pauvreté, et la pauvreté amena bientôt l'indigence" écrit Langlois.

• 14 mars 1771, Gisors : Pierre BUISSON, organiste, 39 ans, depuis deux ans dans cette paroisse, épouse Catherine-Élisabeth-Julie Potin de la Mairie, 36 ans et 8 mois, fille de feu Pierre-Nicolas Potin de la Mayrie, écuyer, valet de chambre de la reine, et de feue Catherine Lefebvre, de cette paroisse. Ce mariage ne semble pas lui avoir apporté toutes les satisfactions qu'il aurait pu en espérer. On lit dans son éloge funèbre : "Un mariage contracté sous de malheureux auspices fut pour lui une source de disgrâces, et avec celle à qui il unit son sort, il épousa des procès dans lesquels elle se trouvait engagée ; des négligence, des causes, dont le détail n'entre point dans l'objet de ce discours, lui attirèrent des désagréments, qui, joints à la mauvaise situation de ses affaires et à un peu d'inconstance peut-être l'enlevèrent à Gisors au milieu de l'exécution d'un projet, dont ses conseil avaient fait naître l'idée, que la considération de ses talents avait ensuite fait adopter".

• [Entre 1771-1774 ca] : Pierre BUISSON est engagé comme organiste de Caen, à l'abbaye d'après Langlois. "Un nouveau concours lui fournit un nouveau triomphe, et l'orgue de Saint-Étienne de Caen une nouvelle place où il jouit de la même considération que dans les premières. Mais il ne doit pas l'occuper longtemps. Gisors ne sera pas longtemps privé de lui".
Sa femme, restée à Gisors , tombe malade, ce qui l'oblige à démissionner pour retourner s'occuper d'elle.

[Vers 1774], Gisors : Pendant un temps, il est cependant privé d'emploi car certains paroissiens s'opposent à son retour, alors même qu'un nouvel orgue a été installé. Il en est réduit à s'exercer sur l'orgue du couvent des mathurins de Gisors.
Le poste de la cathédrale (semble-t-il) de Châlons lui est proposé, mais il ne donne pas suite.

[Vers 1774], Gisors : Alors que le musicien sombre dans le désespoir, un médecin, M. Le Mazurier, œuvre à son rétablissement, lui permettant de retrouver la tribune de Gisors à nouveau libre, pour le plus grand bonheur des amateurs de musique de la ville. Il reprend la tribune dans laquelle un nouvel orgue, œuvre de Jean-Baptiste Nicolas LEFEBRE, a été inauguré en 1774 par DEMAZURE, venu de Rouen.
Comme organiste, il a marqué ceux qui ont pu l'entendre : "Son jeu ressembloit à ses mœurs : la délicatesse, la douceur, & peut-être un peu trop de facilité, en faisoient le caractère. Son succès dans trois concours, les offres qu'on lui fit de l'orgue de Chalons lorsqu'il étoit sans place à Gisors, l'estime qu'avoit pour lui M. DEMAZURE, célèbre organiste de Rouen, le souvenir qu'on en a conservé à Beauvais & les honneurs qu’on lui a rendus à Gisors, sont des preuves en faveur de ses talens" (Langlois). 

• 30 juillet 1775, Gisors : Pierre BUISSON, organiste de la paroisse, décède d'une maladie de poitrine, après avoir reçu les sacrements de pénitence, d'eucharistie et d'extrême-onction. Il avait seulement 43 ans. D'après Langlois, son service funèbre fut pris en charge par une trentaine d'habitants de la ville, car il était dans la gêne. Il est inhumé dans le cimetière de Gisors, auprès du grand portail sur lequel l'orgue est établi.

• 2 septembre 1775, Gisors : L'avocat Jean-Thomas Langlois prononce son éloge funèbre devant une assemblée fournie d'amis de l'artiste et d'amateurs de musique. Trente habitants de Gisors on fait célébrer à leurs frais dans l'église paroissiale de cette ville, un service solennel pour M. BUISSON, auquel ils ont assisté en habit décent. À l'issue du service, l'auteur chargé de faire son éloge, l'a prononcé devant la société et une foule d'autres habitants, rassemblés dans la maison d'un des associés. Cet éloge a été imprimé le 29 décembre 1775 à Rouen.
BUISSON, selon Langlois, "étoit doux, simple dans ses mœurs, tendre époux, plein de probité, de patience & de modération. Son penchant extrême pour le plaisir a nui à sa santé, aussi-bien qu'à sa fortune [...] Excellent musicien, il fut surtout excellent organiste. Délicatesse et douceur, voilà en deux mots le caractère propre du jeu de M. BUISSON. Ce n'est pas qu'il ne possédât les autres qualités dans un degré suffisant pour fonder une réputation. Soit qu'élevant les âmes par la sublimité de la plus noble harmonie, ou que surprenant les esprits par la magnificence du jeu le plus pompeux, il réveillât dans ses auditeurs les idées augustes de la religion et semblât les faire assister aux superbes concerts de la hiérarchie céleste ; soit qu'ébranlant les oreilles par l'éclat des plus impétueux accords, il imitât le bruit terrible des tonnerres et des volcans, le son guerrier des trompettes et des clairons, et fit naître dans les coeurs les mouvements les plus tumultueux et les transports les plus vifs ; partout il était lui-même, mais jamais aussi admirable que lorsque par la légèreté des sons les plus délicats, il excitait la joie et peignait les plaisirs, ou lorsque par les charmes d'une douce mélodie, il inspirait les sentiments les plus tendres et cette mélancolie touchante dans les coeurs sensibles connaissent seuls le prix. [...] Savant dans les principes de la composition, M. BUISSON joignait l'invention la plus heureuse à l'exécution la plus brillante, et chez lui la pratique était éclairée par la théorie. [...] la musique de M. BUISSON : ordonnance, unité, caractère, phrase musicale, tout y décèle le grand artiste.
Voyez comme toutes les parties de ses pièces, régulièrement disposées, symétriquement arrangées, artistement contrastées se répondent mutuellement ; comment unies par un lien naturel, assorties avec goût, employées avec choix et précision, proportionnées avec sagesse et intelligence, elles concourent directement et sensiblement à composer un corps simple et un : voyez comme tous ses morceaux singulièrement caractérisés, fortement frappés et uniformément soutenus font, par un air propre et particulier, reconnaître d'abord le jeu de leur auteur ; comment enfin par un enchaînement suivi et une variété bien entendu, par des successions adroitement conduites, des transitions finement amenées, des suspensions sobrement ménagées, ils disent, signifient et expriment autant que la parole même.
Mais si vous voulez juger encore plus sûrement de la composition de M. BUISSON, ou plutôt l'estimer encore davantage, jetez les yeux sur les vers qu'il embellit de ses sons. [...] Vengeons ici M. BUISSON d'une injure faite à sa gloire. El lui accordant un talent supérieur, on lui a refusé l'esprit le plus commun ; absurdité, contradiction manifestes qui admettent l'effet en rejetant la cause ! Quoi ! l'artiste qui invente et le théoricien qui compose sont bornés du côté des facultés intellectuelles ? Et comment saisiront-ils les principes d'un art ? comment en feront-ils l'application s'ils ne possèdent ces facultés dans le degré le plus éminent ? Oui, pour être grand musicien, comme l'était M. BUISSON, il faut être plus qu'homme d'esprit, il faut être homme de génie. Mais par la faute des circonstances cet homme ne saura point raisonner sur les choses communes de la vie, sur les objets ordinaires et futiles de la conversation ; par le défaut de l'éducation et peut-être même de l'organe, il n'aura point le chétif mérite d'arranger des phrases ; une simplicité de moeurs, une timidité de caractère très compatibles avec le brillant et la hardiesse du génie lui donneront un extérieur humble et modeste, au lieu de ce ton tranchant et décisif qui réussit si bien de nos jours".

Mise à jour : 15 mai 2020

Sources
F-Ad27/ 8 Mi 1974 ; F-Ad60/ 3E57/ 2 ; F-Ad60/ G 2473 ; F-Ad60/ G 2474 ; F-Ad60/ G 2475 ; F-Ad60/ G 2764 ; F-Ad60/ G 2765 ; F-BnF/ 8-LN27-3245 ; Journal de Musique, 1777

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