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JOUBERT, Denis, le cadet (1746-1802)
Complément de nom : le cadet
Date(s) : 1746-12-4 / 1802-10-12
Denis JOUBERT "était un organiste fort distingué que je me souviens d'avoir entendu, avec plaisir, sur le bel orgue de Saint-Pierre de Nantes".
Ainsi s'exprime Michel Boyer (Notice historique sur les orgues de Tours avant 1789, 1848). Il fait référence à une dynastie de musiciens tourangeaux, Jean Charles JOUBERT, violoniste et symphoniste, et ses frères et sœur organistes, Joseph JOUBERT et Jeanne JOUBERT, tous en exercice en 1790. Leur père était maître à danser et "violonneur". JOUBERT "le Cadet" quitte Tours – où il n'a vraisemblablement pas de place d'organiste – pour Angers avant de s'installer définitivement à Nantes. Loin d'être linéaire, son parcours offre un faisceau d'expériences musicales et d'amitiés au long cours tant à l'église qu'en ville ou à l'opéra en passant par la Garde nationale...
***Une famille de musiciens tourangeaux...
• 4 décembre 1746, Tours [Indre-et-Loire] : Denis JOUBERT naît et est baptisé paroisse Saint-Pierre-des-Corps. Il est fils de Jean, "maître violonneur" et de Louise Mauron. Son père est également mentionné comme maître de danse et de violon, luthier facteur d'instruments. Denis est le cadet de la fratrie qui compte plusieurs musiciens en place en 1790 : Jean Charles JOUBERT, Joseph JOUBERT et Jeanne JOUBERT, épouse PIÉGAY.
• [1754-1763 environ] : Le jeune Denis a pu être formé à la musique d'église dans l'une des deux psallettes de Tours. Son nom n'étant pas répertorié collégiale Saint-Martin, reste implicitement à se tourner vers la cathédrale Saint-Gatien dont les registres antérieurs à 1771 ont disparu.
***Angers, premières expériences et amitiés musiciennes
• 1764-1765, Angers [Maine-et-Loire] : Selon le certificat de notoriété dressé en 1801, Denis JOUBERT a débuté sa vie professionnelle en étant "organiste en la maison des ci-devant Cordeliers dudit Angers".
• Janvier 1766-1776, Angers : JOUBERT est organiste de l'abbaye mauriste Saint-Aubin ainsi que l'attestent les certificats des "23 & 31 août 1792, signés Le Meur curé de St Clément & Bonnard" transmis au Directoire du district de Nantes.
• 25 février 1772, Angers : En l'église paroissiale Saint-Maurille d'Angers, Denis JOUBERT, organiste de l'abbaye Saint-Aubin, épouse une jeune fille de 18 ans, Marie-Geneviève-Louise Balthazar, fille d'un contrôleur au grenier à blé. Parmi les présents à la cérémonie figurent son frère Jean Charles JOUBERT, dit "l'Aîné", symphoniste venu de Tours, ainsi que Nicolas ROZE, maître de musique de la cathédrale voisine.
• 30 août 1774, Angers : Denis JOUBERT assiste au mariage de Charles PELLETIER, bassiste de la cathédrale Saint-Maurice. La cérémonie se tient en l'église de La Trinité, paroisse dépendant de l'abbaye bénédictine du Ronceray située rive droite de la Maine, quartier de la Doutre.
• 1er février 1775, Tours : Denis JOUBERT et sa femme se sont déplacés afin d'assister au mariage de sa sœur Jeanne JOUBERT, organiste de Notre-Dame-La-Riche, avec Claude Piégay, fils d'un marchand bonnetier. Sont également présents le père et Marie Leguay, femme de Jean-Charles JOUBERT.
• 2 juillet 1775, Angers : Denis JOUBERT est parrain du fils aîné du symphoniste de la cathédrale Saint-Maurice, Charles PELLETIER, confirmant ainsi les liens d'amitié entre les deux hommes. Le baptême a lieu paroisse de La Trinité.
• 8 avril 1776, Paris : Ainsi que le rapporte Constant Pierre (Histoire du Concert spirituel) Denis JOUBERT, organiste, présente au Concert spirituel son oratorio La ruine de Jérusalem ou Le Triomphe du christianisme.
• 10 mai 1776, Angers : JOUBERT qui se présente comme "Maître de clavecin" fait paraître une annonce dans Les Affiches d'Angers pour mettre en vente trois partitions de sa composition, à savoir, Deux sonates pour le Clavessin ou le Piano forte avec accompagnement d’un Violon & Violoncelle ad libitum", ainsi que "Le Quatuor de Lucile en concerto, pour le Clavessin ou le Piano forte, avec accompagnement de deux violons, alors viola & basse, deux hautbois & deux cors de chasse obligés, arrangé pour cet instrument" et enfin "Le Printemps, Ariette à voix seule, & symphonie". Les mêmes Affiches le disent "Maître de clavecin" et de "Piano-forte". On notera que JOUBERT a également une bonne maîtrise du violon auquel il s'est initié avec son père et que ses affinités pour la musique de théâtre sont antérieures à son arrivée à Nantes.
• 25 octobre 1776 : Les Affiches d'Angers informent leurs lecteurs d'un nouvel instrument de musique créé par le luthier BELLANGER. Il s'agit d'une guitare à mécanique dont les performances ont été accréditées par les "Maîtres de musique et amateurs de la ville" parmi lesquels "le sieur JOUBERT, Maître dudit instrument".
***Nantes, entre régime ancien et nouvelles idées, entre église et théâtre...
• 13 novembre 1776, Nantes [Loire-Atlantique] : À la suite d'un concours, Denis JOUBERT, du diocèse d'Angers, est reçu organiste de la cathédrale Saint-Pierre aux gages de 600 lt par an. Il succède à Pierre VALTER ou WALTER. À Angers, il est remplacé à l'orgue de l'abbaye Saint-Aubin par Jean-Claude LORIN, qui dans une annonce du 7 février 1777 se proclame "successeur de M. JOUBERT".
• 3 février 1777, Nantes : Denis JOUBERT reçoit 222 lt correspondant au remboursement de ses frais de voyage et de son quartier. En mai suivant 150 lt lui sont versées.
• 30 janvier 1778, Nantes : Les Affiches de Bretagne publient un avis concernant la vente "d'un clavecin à deux claviers et grand ravalement en très bon était". Deux personnes s'occupent de cette vente, Mademoiselle Nonvalet ou M. JOUBERT organiste de la cathédrale, demeurant Haute Grande rue "qui en a un autre très propre à louer ou à vendre". En juin, un clavecin est à nouveau à vendre par "l'organiste et maître de clavecin". L'instrument semble de bonne facture, tient l'accord au moins deux mois. Il est digne d'un grand salon, "peint en noir, à l’huile, avec une grecque en or, de cinq doigts de largeur, en dessus & sur les côtés ; dans le dedans est une peinture rouge, & au fond un concert d’Anges [sur la table d’harmonie] ; le pied est sculpté & doré. Ce clavecin est à l’Anglaise, & a un jeu particulier de guitare & sourdine".
• 24 novembre 1780, Nantes : Denis JOUBERT, organiste de la cathédrale, alerte le chapitre sur le piètre état de l'instrument qui n'a pas été entretenu depuis 1767 et 1768. À cette époque, deux tourelles et de nouveaux jeux avaient été ajoutés.
• 1781, Nantes : Après expertise des chanoines Soldini, chantre dignitaire, et de Hercé, alors vicaire général, il est décidé de faire relever l'orgue. Le marché est attribué au sieur François Henri CLICQUOT, "Facteur du Roy". Ainsi que le souligne l'abbé Courtonne (L'orgue de la cathédrale de Nantes, s.d.), le montant des travaux s'élevant à 20.000 lt, payables quatre ans, il ne peut s'agir que d'une réfection complète.
• 19 avril 1782, Nantes : Denis JOUBERT doit estimer ses gages insuffisants car il fait savoir au chapitre qu'il a reçu une offre de 1.300 lt pour aller tenir l'orgue de la ville de Mayenne – où il n'y a qu'une église paroissiale et un organiste payé environ 500 lt. JOUBERT prend cependant vite soin de préciser "son attachement pour la compagnie...". Les chanoines nantais ne sont pas dupes, lui accordent une augmentation de 100 lt annuelles, versées par quartier deux années plus tard, c'est-à-dire après la réception des travaux de réparations de l'orgue.
• 1781-1787, Nantes : M.C. Mussat (Les musiciens d'église en Bretagne : des citoyens musiciens, 2008) a relevé que JOUBERT avait fondé la loge maçonnique "L'Harmonie" ce que confirme l'ouvrage d'Henri Librec sur la franc-maçonnerie nantaise. La loge était "réputée regrouper l'élite nantaise" et aurait poursuivi ses activités pendant la période révolutionnaire.
• 17 mars 1783, Nantes : Denis JOUBERT, qui signe en précisant "org.", à lire comme organiste de la cathédrale Saint-Pierre, est parrain de Marie-Élizabeth, troisième enfant du luthier Rémy PARIZOT et d'Élizabeth Claveau. PARIZOT est un de ses fidèles tout comme BIGOT-LARIVIÈRE, artiste musicien.
• 1783-1792, Nantes : JOUBERT dès 1783 puis JULIEN sont deux des musiciens piliers du théâtre de Nantes, tout d'abord dans l'ancienne salle Rubens puis salle Graslin à partir de 1788. Ils y nouent des amitiés avec les musiciens de ville souvent croisés dans cette notice. Cyril Triolaire évoque à juste titre "les réseaux tissés et entretenus en Révolution" ("Les musiciens d'Église à la fête et au théâtre...", 2008).
• 1784-1785, Nantes : Les travaux de relevage de l'orgue sont terminés, et le solde de 5.000 lt est réglé à CLICQUOT. L'instrument est désormais doté de 52 jeux répartis sur 5 claviers manuels et un pédalier de 32 notes. Courtonne évoque la rondeur des jeux de fonds, le scintillement des cuivres,... marque de la facture CLICQUOT. JOUBERT peut laisser libre cours à ses talents.
• 1785 : Les Tablettes de renommée des musiciens, auteurs, compositeurs... publie une liste des pièces écrites par Denis JOUBERT, organiste. Son opéra bouffon intitulé La Force de l'Habitude avait été donné au théâtre de Nantes en 1778. Quant à l'oratorio La Ruine de Jérusalem ou le Triomphe du Christianisme il avait été présenté au Concert Spirituel à Paris en 1776. JOUBERT est d'abord au service de la musique, jouant tant au Théâtre qu'à l'Église, nouant des amitiés sans parti pris.
• 10 janvier 1786, Nantes : Marie-Pélagie-Victoire FINELLY, ou FINETTY, professeur de piano, épouse paroisse St-Léonard, René-François Benoist, négociant. Ils seront les parents du futur organiste François BENOIST. Parmi les témoins de ce mariage, on note la présence de Denis JOUBERT. Ses liens amicaux avec la famille FINETTI datent de son séjour angevin, que ce soit avec le père Jean-Baptiste FINETTY ou avec la mère Marie-Anne-Victoire DEVERT. Il est possible que JOUBERT ait enseigné la musique à la jeune Marie-Pélagie-Victoire. Sont également présents Joseph JOLY ainsi que la femme de Louis DESCOUVREMONT.
• 1789, Nantes : Les rôles de capitation citent l'organiste Denis JOUBERT demeurant rue de Verdun, paroisse Notre-Dame, pour 6 lt.
• En 1790, le corps de musique de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes, placé sous l’autorité du maître de musique François CAPPA-LESCOT, est constitué de deux hautes-contre Vincent Pierre GAUTIER et François Jude MÉRY, une haute-taille Joseph JOLY, deux basses-tailles Henry François DOUVILLE, Vincent LA MARRE, trois basses-contre, Étienne François PICARD et Jean-Baptiste DONON et Jean Victor HUBERT dit HUBERT, deux serpents/basses-tailles Jean GILLET, Pierre RAGUENEAU – ce dernier jouant également du basson. Deux musiciens symphonistes sont employés régulièrement par le chapitre, à savoir les sieurs Vincent Anne JULIEN dit JULIEN et Laurent MARIE. L’organiste Denis JOUBERT est quant à lui maître de sa tribune.
Quatre maires-chapelains étoffent le chant, à savoir Urbain MABILLE, Charles CHAUVET, Pierre François CHEVREUIL et Jean Toussaint POIGNAND ainsi que deux sous-chantres Jean François VASSAL et Louis GODÉ. Le diacre Barthélémy BRIAND et le sous-diacre Jacques Joseph RIVIÈRE complètent la structure cantorale.
La psallette est composée de six enfants de chœur identifiés sur les huit qui dépendent du maître de musique aidé d’un maître de grammaire, le sieur Praud.
• 6 juillet 1790, Nantes : Denis JOUBERT tient toujours l'orgue, instrument qui fut de longue date la gloire de la cathédrale. Le descriptif de l'inventaire précise qu'il y a "En tout, trois mille huit cent quarante un tuyaux, le tout presqu’en entier, refait à neuf il y a 4 ans" [un peu plus en réalité].
Il est alors composé comme suit :
- Au grand orgue : les jeux de la montre & bourdon de seize pieds ; montre de huit pieds, bourdon de quatre pieds ; flûte de huit pieds, prestant ; gros nazards ; grosses tierces ; nazard quarte de nasard ; tierce, doublette ; fourniture, timbale, bombarde, trompette de bombarde, clairon de bombarde ; première trompette, seconde trompette, clairon, cornet de bombarde, grand cornet, voix humaine, cornet de récit, trompette de récit, flûte de récit, hautbois.
- Au Positif : Montre de huit pieds, grand cornet, prestant, bourdon, nazard, doublettes, tierces, plein jeu, trompette, clairon, hautbois, flûte, cromorne.
- Pédales de seize pieds, de huit pieds, de quatre pieds, de bombardes, de trompettes, de clairon sans compter les jeux d'écho, tremblants, 5 claviers.
• 30 septembre 1790 : Les chantres, musiciens, organistes, officiers et serviteurs laïcs de la cathédrale et de la collégiale Notre-Dame sont autorisés à continuer leur service par le Directoire en attendant que leurs dossiers soient traités.
• 13 novembre 1790 : JOUBERT adresse une requête individuelle au Directoire qui décide de lui verser son quartier échu, soit 200 lt.
• 1791-1792, Nantes : Parallèlement à sa vie musicale Denis JOUBERT fait partie de la Garde nationale, compagnie "La Constante", où il prononce son serment. Une douzaine de ses camarades engagés signeront en juillet 1798 une attestation de présence dont les musiciens SCHWARTZBACH, PARIZOT, GAUTIER.
• 7 février 1791, Nantes : Le Directoire du district de Nantes après étude de la requête collective des chantres musiciens et officiers laïcs de la cathédrale de Nantes, est d’avis qu’ils reçoivent leurs traitements comme par le passé jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait pris position. Les fonds sont provisionnés en conséquence.
• 1er août 1791 : Cette date marque le dernier versement des gages des musiciens de l'église de Nantes à l'exception de cinq d'entre eux admis à continuer leur service qui s'arrêtera en août 1792, à savoir l'organiste JOUBERT, LA MARRE et PICARD pour la désormais paroisse épiscopale ainsi que GAUDINEAU et POTIRON représentant la ci-devant collégiale Notre-Dame désormais réunie à Saint-Pierre.
• 25 août 1792, Nantes : Se référant à la loi du 1er juillet 1792, le sieur JOUBERT adresse une requête individuelle au Directoire du district de Nantes afin de bénéficier d'une pension.
• 4 octobre 1792 : Le Directoire, après étude du dossier constate que JOUBERT n'a "aucun titre à vie de pension de retraite" et qu'il a moins de 50 ans. En revanche, ayant plus de 25 ans de service, une pension de 3ème classe de 200 lt lui est attribuée, soit moins du tiers de ses appointements.
• 22 juin 1793, Nantes : Le décès de Marie-Geneviève-Louise Balthazar, épouse de Denis JOUBERT organiste de l'église paroissiale [et épiscopale] de Saint-Pierre, est déclaré par deux femmes venues à la mairie trois jours après son trépas.
*** JOUBERT, musicien républicain, regagne sa tribune de musicien d'Église au Concordat
• [1793-1797], Nantes : JOUBERT et GAUTIER s'engagent dans les bataillons révolutionnaires et participent à la guerre de Vendée au sud de la Loire, ce qui ne semble pas faire obstacle à sa participation au Théâtre de la République notamment avec le joueur de basse Vincent Anne JULIEN. Y participent également Pierre DUCLOS, organiste, ainsi que d'autres musiciens comme DESCOUVREMONT, POUSSEZ.
• 25 juin 1793 : Au moment de la Saint-Jean, JOUBERT est désigné organiste de Saint-Pierre moyennant 790 lt annuelles.
• [1793-1800], Nantes : Courtonne relate la vie de l'orgue pendant la période révolutionnaire. Après s'être interrogé "Cet orgue, que des siècles avaient façonné, allait-il disparaître en quelques instants, victime des foules inconscientes et stupides ?", il rassure son lecteur car, comme en de nombreuses villes, l'organiste sauve son instrument en prouvant qu'il peut être utile à l'éclat des fêtes révolutionnaires. JOUBERT reste donc organiste en titre tout en adaptant son répertoire au nouveau cérémonial.
• 1794, Nantes : M.C. Mussat recense dans son article "Les musiciens de Bretagne" (Revue de Musicologie, 2008) les noms de musiciens réputés Montagnards ayant bénéficié de certificats de civisme. Plusieurs exerçaient à la ci-devant cathédrale Saint-Pierre tels le maître de musique CAPPA-LESCOT, l'organiste Denis JOUBERT, E.F. PICARD ou encore Christophe DUCHATEAU, organiste des Carmes et des Jacobins.
• 2 Prairial an II [21 mai 1794] : L'entregent de Denis JOUBERT organiste-musicien contribue à sauver l'orgue de la destruction ainsi que le rapporte l'histoire à maintes reprises. En effet, l'administration départementale arrête que "le jeu d'orgues serait conservé pour servir à la même destination" et en impute la charge à la municipalité de Nantes en demandant de faire évacuer "des chevaux et autres objets appartenant à l'armée". JOUBERT peut à nouveau faire sonner son instrument pour des fêtes toutes civiques et non moins grandioses.
• 6 messidor an III [24 juin 1795], Nantes : En 1794-1795, le Département de Loire-Inférieure souhaitant mettre en vente les orgues de Nantes, nomme le citoyen CLASSING commissaire. CLASSING est assisté dans sa mission par Denis JOUBERT, organiste de la ci-devant cathédrale Saint-Pierre.
Est établi un dossier qui répertorie les orgues de Nantes, leur état, leur évaluation ainsi que leur vente. JOUBERT, qui a souscrit aux idées neuves, habile, met en avant les qualités de son instrument. Ensuite, il laisse CLASSING rédiger son rapport et organiser la vente. Trois buffets d'orgues sont vendus à la bougie à un seul acquéreur, Driessen, qui est maître tailleur d'habits. Lors de son décès, c'est curieusement CLASSING qui vient faire la déclaration.
- L'orgue de la collégiale Notre-Dame n'a que peu souffert excepté par les palefreniers qui ont l'habitude d'y dormir,
- L'orgue des Ursulines dites aussi Visitandines est en bon état et moitié moins important que celui de Notre-Dame,
- L'orgue de St-Similien a déjà été pillé, il ne reste plus rien.
Le total de la vente rapporte 22.650 lt moins les frais de trompette de 6 lt.
Incontestablement, les qualités de l'orgue du Temple de la Raison qui "passe pour un chef d'œuvre de l'art" retiennent l'attention. La commission temporaire des arts "verrait avec d'autant plus de douleur" la vente à vil prix, pour les matériaux d'un tel instrument susceptible de "servir pour les fêtes nationales". La suspension de la procédure de vente arrive comme un soulagement. L'essentiel est sauvegardé, quoique il convient "de faire cesser les travaux des grains" de manière urgente. L'habile JOUBERT a réussi à sauver son Cliquot.
• 1795, Nantes : Karine Large dans son Mémoire de maîtrise (Les théâtres de Nantes et du Mans pendant la Révolution française, 1789-1799, 2001) répertorie 44 musiciens intervenant au Théâtre de la République (Graslin). On reconnaît les noms de JOUBERT Denis, JULIEN Vincent, LEBRETON Jean, les GIRAULT Antoine père et fils, DURAND dit DUGRAND Jean-François ou encore DESCOUVREMONT Louis Joseph et BARRÉ Jacques.
• 13 Messidor an III [1er juillet 1795], Nantes : Le Directoire statue sur une requête de CAMUS, serpentiste successeur de Jean GILLET, Fournier sacriste et JOUBERT qui demandent régularisation de leurs appointements dus jusqu'à la fermeture définitive de l'église Saint-Pierre le 30 novembre 1793. JOUBERT y avait été nommé organiste à la Saint-Jean 1793 avec une rémunération de 700 lt. Après péréquation, il reçoit 291lt 13s 4d.
• 19 Fructidor an V [5 septembre 1797], Nantes : JOUBERT prononce le serment de haine à la Royauté et à l'anarchie avec son bataillon.
• 14 Messidor an VI [2 juillet 1798], Nantes : JOUBERT fournit au Directoire un certificat faisant état de son service dans la Garde Nationale de Nantes avant 1792. Il est signé d'une douzaine de personnes dont ses amis SCHWARZBACH, PARIZOT et GAUTHIER [Vincent Pierre].
• 27 Messidor an VI [15 juillet 1798] : Il fait une déclaration de non-rétractation de ses serments.
• 12 nivôse an VII [1er janvier 1799], Nantes : Les Étrennes nantaises, citent "les artistes réunis" appartenant au Théâtre de Nantes – comédiens, danseurs, musiciens, chanteurs. Denis JOUBERT est alors premier violon, un instrument qu'il connaît depuis son enfance grâce à son père. Sont réunis LARIVIÈRE, SCHWARZBACH, PONSIN, JULIEN, DESCOUVREMONT, DAGUETTY et J. BARRÉ.
• 10 messidor an VII [28 juin 1799], Nantes : Denis JOUBERT, organiste, en compagnie de deux "artistes musiciens" Louis DESCOUVREMONT et d'Antoine-Joseph SCHWARTZBACH, est témoin lors du remariage d'Étienne BARDOU, ex-musicien haute contre de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers, qualifié ici d'artiste-musicien.
• 25 Prairial An VII [13 juin 1799]-Vendémiaire An XIV [Septembre 1805] : La municipalité de Nantes fait "nettoyer l'orgue afin d'amuser le peuple qui s'en voyait privé avec peine pour les fêtes décadaires" selon une circulaire daté du 13 juin. Les travaux sont confiés à Christien NYSSEN, facteur d'orgues et ancien élève de F.H. CLICQUOT exerçant à Angers comme à Nantes. Ce nettoiement de 1.260 lt donna lieu à une querelle pour le règlement de la facture entre département et municipalité. Le différend fut tranché après intervention de Portalis devenu ministre de l'intérieur qui en attribua la charge à la municipalité.... le 1er novembre 1804. La période troublée, la fermeture des établissements ecclésiastiques, ont certainement contribué à ce que le nom de NYSSEN reste injustement obscur.
• 10 floréal VIII [30 avril 1800], Nantes : À la suite de son veuvage, Denis JOUBERT, professeur de musique demeurant Cours du Peuple, épouse Louise Saulon originaire d'Angers. Elle est sa cadette de presque trente ans. Sont témoins au mariage de fidèles amis musiciens tels SCHWARTZBACH et BIGOT DE LA RIVIERE.
• 3 Thermidor an IX [22 juillet 1801], Nantes : Denis JOUBERT, désormais dit artiste musicien, déclare la naissance de son fils Denis-Émile assisté de Louis Michel BIGOT-LARIVIÈRE et Rémy PARIZOT, respectivement artiste musicien et luthier. Il ne verra cependant pas grandir son enfant, futur boulanger ; il ne le verra pas non plus quitter Nantes, prendre la mer vers la Réunion où il épousera le 27 juillet 1831 Geneviève Jacqueline Virginie Royer à Sainte-Rose.
• [1801], Nantes : Selon Mellinet, après le Concordat JOUBERT retrouve tribune et orgue restaurés. Mellinet narre avec le charme désuet du XIXe siècle le concours et la nomination de JOUBERT - "L'assemblée fut nombreuse. Le premier commença par une ouverture d'un style noble et grave, dont l'exécution éclatante séduisit les auditeurs. - Le 2nd préluda avec un charme entraînant, avant de faire entendre un cantabile largement soutenu, qu'il modula avec grâce et abandon. Le public oublia son prédécesseur, et plaignit celui qui allait terminer cette lutte, car on le savait moins brillant que ses rivaux. C'était JOUBERT, ancien organiste de la cathédrale. Il posa un motif bien simple, sans prétention, en quelques notes ; mais ces quelques notes furent comme le thème d'une symphonie d'Hayden. Il les employa avec toutes les ressources de la science, et nos meilleurs amateurs, au souvenir des vieux organistes, que JOUBERT faisait revivre, laissèrent éclater leurs bravos. JOUBERT fut nommé."
• 1er jour comp. an IX [18 septembre 1801] : Les ex-employés de la ci-devant cathédrale, ayant été radiés du tableau général des pensionnaires ecclésiastiques, adressent une pétition au Ministre des Finances afin d'être rétablis dans leurs droits. Alors que DONON, JOLY, PICARD se sont manifestés collectivement en avril, Denis JOUBERT constitue un dossier individuel tardivement en septembre, que la Préfecture expédie avec une observation "favorable". Parmi les pièces étayant sa demande figure un certificat de résidence donnant son signalement, un élément toujours savoureux : "Taille de 5 pieds 4 p. [1.63m], cheveux grisonnants, sourcils châtains, yeux bruns, nez ordinaire, bouche moyenne, menton rond, visage plein, front haut".
Comme souvent avec JOUBERT, il a fait appel à ses amis musiciens afin d'attester de son parcours, citons Etienne BARDOU, Vincent Pierre GAUTIER, Vincent JULIEN, Rémy PARIZOT, ou encore Antoine Joseph SCHWARTZBACH.
• 1er janvier 1802, Nantes : Les Étrennes nantaises consacrent une page à citer une trentaine de Maîtres de musique exerçant en ville. Denis JOUBERT, aux compétences polyvalentes, est maître de forte-piano et demeure Cours du Peuple. Un autre nom apparaît, signe d'une nouvelle génération, celui de SCHEYERMANN.
• 27 Thermidor an X [15 août 1802] : Mellinet se fait l'écho (La commune et la milice de Nantes, 1845) des fêtes "toutes royales" organisées suite à l'intronisation du consul Bonaparte. Elles se font à Nantes sous l'égide de Jérôme, frère de Bonaparte. Mellinet d'ajouter "Mais la cérémonie ne suffisait pas : le retour progressif à l’ancien régime exigeait la coopération du clergé. Un Te Deum fut chanté dans la cathédrale : l’orgue retrouva ses savants accords chrétiens, et un orateur sacré fit entendre en chaire l’éloge du consul Bonaparte..." JOUBERT savoura à n'en pas douter ce moment d'exception.
• 12 octobre 1802, Nantes : Cité comme professeur de musique, Denis JOUBERT s'éteint à son domicile Cours du Peuple. Deux voisins déclarent le décès à savoir René Halbert, commis négociant et Antoine François Joseph SCHWARZBACH, artiste musicien, l'ami au long cours. Musique et musiciens restent liés, musique d'Église et musique de ville intimement mêlées l'une à l'autre. Quel est son successeur immédiat à la tribune ? Il reste à découvrir. Le 9 mai 1808, une jeune organiste de 19 ans est nommée, Mademoiselle Aimée GOUTEL qui restera en poste jusqu'à la nomination de François BENOIST le 7 juin 1812.
• 14 novembre 1846, Nantes : Louise Saulon/Saulou, après s'être remariée en 1807 avec un négociant, Pierre-Saturnin Duterte de la Coudre, a plusieurs enfants. Elle achève sa vie chez l'un d'eux, Achille-Pierre-Saturnin.
Mise à jour : 27 février 2021
Compositions musicales répertoriées :
1773 :
- Ariettes à voix seule et symphonie
1776 :
- Deux sonates pour le Clavessin ou le Piano forte avec accompagnement d’un Violon & Violoncelle ad libitum,
- Quatuor de Lucile en concerto, pour le Clavessin ou le Piano forte, avec accompagnement de deux violons, alors viola & basse, deux hautbois & deux cors de chasse obligés, arrangé pour cet instrument,
- Le Printemps, Ariette à voix seule, & symphonie,
- La Ruine de Jérusalem ou le Triomphe du Christianisme, oratorio présenté au Concert spirituel à Paris le 8 avril.
1778 :
- La Force de l'Habitude, opéra donné à Nantes