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LEMAY, Gaspard (1738-1800)
État civil
NOM : LEMAY     Prénom(s) : Gaspard     Sexe : M
Autre(s) forme(s) du nom : LE MAY
LEMAI
LE MAI
LE MEE
LE MÉE
Gaspard Pierre
Date(s) : 1738-8-22   / 1800-12-22 
Notes biographiques

Gaspard LE MAY, LEMAY ou LE MÉE,  est une personnalité marquante de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution. Originaire du Poitou, formé à la psallette de Luçon, il est passé par Limoges et Amiens avant d’être reçu bachelier (musicien-choriste) de la cathédrale de Saint-Malo et de devenir maître de musique de la cathédrale de Rennes (1778-1790) puis, dans la continuité, maître de la musique de la cathédrale constitutionnelle (1791-1792) de cette même ville.
Tant à Saint-Malo qu’à Rennes, ce laïc se fait remarquer par ses prises de position qui attestent son indépendance d’esprit. Il défend notamment la liberté de création du compositeur et s’est efforcé d’inscrire le musicien d’église au cœur de la vie musicale profane de la cité. Sous la Révolution, il joue un rôle important sur le plan politique et musical.

• 22 août 1738, Chantonnay [Vendée] : Dans cette bourgade du diocèse de Luçon, située à 75 km en droite ligne au sud de Nantes, et à une trentaine de kilomètres à l'est de La Roche-sur-Yon, naît Gaspard LE MAY, fils de Jacques Le May et de Marie Guinot. La date du 15 mars 1738 indiquée dans sa demande de pension et tableau de liquidation dans les années 1790 est donc inexacte. Son parrain et sa marraine savent signer.

• 12 avril 1745, Luçon : Le jeune Gaspard LEMAY "de la paroisse de Chantonnay, âgé de six ans ou environ", est reçu en tant que sixième enfant de chœur à la cathédrale de Luçon, capitale du diocèse, située à une petite trentaine de km en droite ligne de son village natal. Dans un petit papier où il résume sa carrière au début de la Révolution [vers mars 1791], il dit avoir été "depuis 1743 employé au service de l’église sans interruption depuis son enfance". On se trouve donc devant une distorsion de deux ans entre le déclaratif postérieur et la réalité attestée par le registre capitulaire, qui montre clairement que l'enfant est arrivé à Luçon juste quelques jours avant sa réception, le 6 avril : "il y avoit un enfant nommé LE MAY de la paroisse de Chantonnay qui se présentoit pour estre enfant de chœur, qui avoit une bonne voix ; la compagnie a consenti qu’il resta à la psallette jusqu’à Pasques…". Le maître de musique qui commence sa formation se nomme André-Bonaventure VOUILLEMAIN.

• [environ 1755], Luçon : Le jeune homme sort vraisemblablement de la psallette de Luçon après une dizaine d'années de formation. La documentation souffre d'une lacune de dix-sept ans dans la série de registres capitulaires conservés aux archives diocésaines de Luçon (entre fin 1746 et début 1764).

• Dans un tableau de messidor an II (été 1794), il est indiqué que Gaspard LEMAY a servi à Limoges et Amiens avant Saint-Malo et Rennes. L’interruption des registres capitulaires de Limoges de 1721 (F-Ad86/ 3G64) à 1761 (3G65) n’a pas permis de retrouver sa trace à la cathédrale de Limoges. Dans le petit papier ci-dessus mentionné [voir au 15 avril 1745], il ajoute d'autres lieux, sans dater ces étapes : Guérande (après juin 1755, date du départ de Louis PÈLERIN), St-Gatien de Tours, Limoges St-Julien, mais curieusement ne mentionne pas Amiens. Ses premières années de carrière furent donc manifestement itinérantes et ponctuées d'une succession de postes divers, brièvement occupés.

• 9 mai 1761, Saint-Malo : Gaspard LEMAY est reçu "bachelier du chœur" (c'est-à-dire choriste-musicien) par le chapitre de la cathédrale Saint-Vincent. La délibération qui enregistre sa réception est laconique, note Marie-Claire Mussat, rien n'est dit sur le lieu d’où il vient, il n'y a pas de trace de paiement de frais de voyage...
• 15 juin 1761 : Le chapitre de Saint-Vincent accorde 120 livres d’avance à LEMAY musicien du chœur.
• 27 juillet 1761 : Trois jours de congé sont accordés au musicien... dont l'explication se trouve dans le registre paroissial à la date du lendemain.
• 28 juillet 1761, Saint-Malo : Claude-Joseph Babin, chanoine de la cathédrale, célèbre le mariage du sieur Gaspard LEMAY, musicien, âgé de 23 ans, et de Thérèse-Françoise Surois, couturière en linge, âgée de 19 ans. Le lieu de naissance et les noms des parents du musicien sont indiqués. Il signe "gaspard lemay", écrivant son patronyme en un seul mot. Parmi les présents, on remarque Pierre BEAUCHEMIN, lui aussi dit "musicien" sans plus de précision, qui signe avec aisance.

• De ce mariage sont issus trois enfants nés à Saint-Malo dans les années suivantes. Le 20 juin 1762, une première fille, Janne-Perrine, est baptisé à la cathédrale de Saint-Malo "par Mr Frostin chanoine sindic de cette église cathédralle". Son parrain est le sieur Pierre Beaugeard, qui reste à identifier, et sa marraine est sa grand-mère maternelle.
Le 24 novembre 1763 une deuxième fille, Jeanne-Marie, est présentée sur les fonts baptismaux par Yves-Noël Savary "sieur du Demaine" et demoiselle Jeanne-Marie Chainon.
Le 20 décembre 1764, un fils, prénommé Gaspard-Thomas, a pour parrain le sieur Jean-Georges du Buat. Ce fils deviendra musicien.
À chaque baptême, le père est présent et signe soit "Gaspard Lemay" soit "G.Lemay". Aucune précision n'est apportée sur son état professionnel.

• 29 octobre 1769, Saint-Malo : Le chapitre confirme une délibération antérieure "qui deffend absolument aux musiciens d’assister aux concerts publics sous peine d’exclusion".
Le 30, les musiciens n’ayant pas tenu compte de cette interdiction, "Mrs ont prié à Mr le Doyen de deffendre de la part de la compagnie au Sr LEMAY musicien du chœur d’y rentrer désormais et d’y porter le surplis". Cette interdiction qui vaut exclusion, lui est signifiée à nouveau le 4 et le 5 novembre 1769. LEMAY a, en effet, été le seul musicien à ne pas se soumettre aux ordres de ces Messieurs.
• 5 novembre 1769 : Le chapitre, manifestement très mécontent, refuse de délivrer au sieur LEMAY "expédition des délibérations capitulaires qui le concernent" comme le musicien le réclamait.

• 12 novembre 1770, Saint-Malo : LEMAY reçoit du chapitre cathédral 12 livres de gratification sur les 54 accordées "aux musiciens symphonistes qui ont assisté à la fête de Saint-Malo". Il semble qu'il se soit installé en ville, probablement comme maître de musique indépendant, et que, de temps à autre, lors des cérémonies importantes, il retourne à la cathédrale en tant que musicien externe pour renforcer les effectifs.

• 25 mai 1772, Rennes : Gaspard LEMAY est le parrain d'un enfant de Jean-Michel DAGUET, né sur la paroisse de Toussaints. L'acte n'apporte aucune précision sur son statut professionnel du moment ni sur son lieu de résidence. En tout état de cause, il est présent ce jour-là à Rennes et signe l'acte de baptême.

• 1773-1775, Saint-Malo : À plusieurs reprises en 1773, 1774, 1775, figurent dans les comptes de la psallette de petites sommes d'argent versées au sieur LEMAY pour du papier ou autre. Il semble toujours (ou à nouveau) résider à Saint-Malo.

• 25 mars 1774, Saint-Malo : Le chapitre de la cathédrale fait insérer dans Les Affiches de Nantes une annonce pour trouver un Maître de Musique. "On désireroit qu’il fût prêtre, ou au moins dans les ordres sacrés, & qu’il eût toutes les qualités & les talents nécessaires à un bon Maître de Psallette"... Le maître précédent, BAYART, est parti depuis l'été 1773 (le 23 juillet, il a obtenu deux mois de délai pour "arranger ses affaires"). Le maître suivant, GUIGNET, arrivera à une date qui ne nous est pas connue, par suite d'une lacune dans les registres capitulaires. Lorsque la collection des registres concernés reprend, en 1779, le maître en poste est Pierre ALOTTE. Gaspard LEMAY ne répondait évidemment pas au profil du poste annoncé en mars 1774.

• 10 janvier 1775, Saint-Malo : Gaspard LEMAY, donné comme "musicien" sans plus de précision, est témoin du mariage d'un beau-frère, Charles-Pierre Surois, officier navigant. Les autres témoins sont deux "officiers marins" et un chirurgien, "qui demeurent tous à Saint-Malo". Le musicien semble donc toujours domicilié à Saint-Malo à cette date.
• 21 avril 1775 : Les Affiches de Nantes se font l'écho d'un concert donné à Saint-Malo pour le retour du Parlement à une date non précisée. Le principal morceau en a été "le motet qui avoit été chanté à Rennes, lors de la rentrée de nos Magistrats. La musique étoit de la composition du sieur Le May, Musicien, qui jouit d’une bonne réputation", et qui reçut beaucoup d'applaudissements.

• 1776, Saint-Malo : "Gaspard Lemée, musicien", demeurant rue du Boyer, est imposé à 3 livres 10 sols pour la capitation.

• [Date inconnue], Rennes : Quand Gaspard LEMAY a-t-il pris contact avec le chapitre de la cathédrale de Rennes ? Nous l’ignorons mais sans doute quelque temps (voire peu de temps) après la nomination comme maître de musique, le 8 mai 1775 (avec prise de fonction à la Saint-Jean), de Sébastien CHOLLET qui déçoit rapidement le chapitre mais a signé un contrat de trois ans.
En tout cas, Lemay a su gagner la confiance du chapitre.

• 1er avril 1777, Rennes : Le chapitre de la cathédrale de Rennes s’engage à nommer Gaspard LEMAY, "musicien de Saint-Malo", au poste de maître de musique et de psallette, dès que la place sera vacante, c'est-à-dire à l’issue du contrat de Chollet, en mai 1778. En attendant, le chapitre reçoit LEMAY "en qualité de musicien" avec 60 livres d’appointements par mois, soit 720 livres par an, "à charge d’assister toutes fois qu’il y aura Musique". Cette formule indique qu'il n'est pas chargé d'un service quotidien. On lui accorde également 72 livres pour ses frais de voyage et "pour les déboursés pour la Musique avec symphonie qu’il a fait exécuter dimanche dernier jour de Pâques" : c'est donc lui qui a dirigé et sans doute fourni la musique du dimanche pascal.
Autre geste des chanoines pour s'assurer que le musicien va prendre patience en attendant le départ de CHOLLET : le 6 juin 1777 il reçoit par avance 36 livres pour "la Musique avec simphonie qu’il fera exécuter le jour et feste de saint Pierre", alors que l'on observe que lorsqu’il sera maître de musique appointé, ultérieurement, il touchera seulement 24 livres pour cette composition annuelle (de 1780 à 1789). Avec ce statut particulier de maître de musique pressenti, Lemay joue un rôle privilégié  au sein de la musique de la cathédrale.
• 29 décembre 1777 : Les chanoines remboursent 7 livres 4 sols "au sieur Le May musicien de leur église qu’il a avancé aux joueurs d’instruments des festes de Noël". Gaspard LEMAY a d'ores et déjà la haute main sur la musique des festivités de Saint-Pierre de Rennes.

• 30 juin 1778, Rennes : Gaspard LEMAY devient officiellement maître de musique de la cathédrale et maître de la psallette à la place de Sébastien CHOLLET qui, le même jour, est reçu musicien externe.
• 1er août 1778, Rennes : Le contrat de Gaspard LE MAY en tant que maître de musique et de psallette est établi. Il prévoit que le maître touchera 2500 livres/an mais qu'il doit se charger de tous les frais relatifs aux six enfants de chœur. Ses obligations d'enseignant sont précisées : il doit donner au moins deux heures de leçon par jour, pour "apprendre aux enfants la musique, la composition, les cérémonies de l’Église, leur faire prévoir ce qu’ils doivent faire et chanter au chœur". En revanche, il peut sous traiter à un précepteur agréé par le chapitre l'enseignement de la lecture, de l'écriture et de la langue latine, ainsi que l'accompagnement répété des enfants de la psallette à l’église et de l’église à la psallette. Ses obligations de maître de musique de la cathédrale occupent moins de place dans le contrat que celles de maître des enfants de chœur. Il est autorisé à s'absenter "pour composer de la musique nouvelle" et dans ce cas là il touchera ses "12 sols six deniers par jour d’entrée de chœur, sujets à la pointe", mais le contrat spécifie "à condition néanmoins qu’il promette n’en point abuser". L'article 8 lui impose "touttes fois qu’il y aura musique de distribuer les parties trois jours au moins avant quelle s’exécute et d’en faire la répétition la veille". Signé le 1er août, le contrat prend en réalité effet dès le Saint-Jean précédente et est prévu pour six ans, soit jusqu'en juin 1784.
• 30 septembre 1778, Rennes :  Gaspard Lemay, époux de Thérèse Surois, donne par écrit son accord pour que, à Saint-Malo, sa belle sœur, Gilette-Françoise Surois, devienne tutrice de ses deux jeunes enfants, après la mort de son mari, Luc Villambert, chirurgien major, décédé en mer sur le navire La Victoire. Il signe "Lemay Mtre de Musique de l’église de Rennes" et son adresse est alors "rue de la psallette paroisse Saint-Étienne de la ville de Rennes". La procuration est contrôlée à Saint-Malo le 23 novembre 1778.

• 10 mai 1779, Rennes : Le sieur LE MAY, maître de musique et de psallette, est autorisé à s’absenter "depuis le lendemain de l’ascension jusqu’à la veille de la Pentecôte".
• 25 juin 1779 : Le sieur LE MAY maître de musique et de psallette reçoit du chapitre la somme de 30 livres "pour la Musique avec simphonie le jour et feste de St-Pierre prochaine".
• 27 septembre 1779 : LEMAY se fait réprimander par le chapitre cathédral pour avoir "mené les enfants de la psallette chanter dans différentes églises".

• 17 avril 1780 : Le sieur LE MAY "Mde Musique et de psallette" obtient du chapitre un congé de huit jours. Le 1er mai suivant, le chapitre verse au sieur LE MAY fils une gratification de 48 livres... Aurait-il remplacé son père durant son absence ? Gaspard-Thomas a alors 15 ans et demi.

• 30 mars 1781, Rennes : Un accord qui retouche une clause de son contrat est passé entre LE MAY et le chapitre. Le "maître de musique de la psallette" estime avoir le droit de s'absenter "pour composer de la musique nouvelle". Le chapitre souhaite clarifier et encadrer ces absences. Dorénavant Gaspard LEMAY "aura six mois francs et libres pour les gaignages du chœur pourvu néanmoins qu’il soit pour lors résident en ville" et il sera "sujet à la pointe".
• 29 juin 1781 : À l’issue des vêpres, LE MAY se fait reprendre par l'Évêque de Rennes sur la longueur de sa musique durant l'office et pour avoir fait jouer aux "instruments et chantres des airs d’opéra qui ne pouvaient convenir à la décence de la majesté du service divin". S'ensuit une dispute animée entre le maître de musique et l'Archidiacre de Rommilly, doyen du chapitre. Elle porte sur l’esthétique musicale et met en relief deux conceptions de la musique d’église : LEMAY répond au prélat "qu’un jour de fête du patron, il fallait de la solennité dans l’office et que d’ailleurs il fallait égayer la musique". Mais au-delà, c’est la reconnaissance de l’indépendance du compositeur (=créateur), de l’égalité entre les hommes et de la fraternité (respect de l’autre) que réclame le musicien. Marie-Claire Mussat analyse cette scène comme "prémonitoire de l'engagement révolutionnaire à venir de Gaspard LE MAY".
• Le samedi 30 juin 1781, le secrétaire capitulaire rapporte longuement l'incident dans son registre.
• Le lundi 2 juillet 1781, Gaspard LEMAY est convoqué devant le chapitre. Il refuse de présenter des excuses à M. de Rommilly, affirmant "qu’il se croyoit autant comme lui en mettant à part sa qualité de prêtre". Le chapitre débat et cherche les "moyens de faire rentrer le dit Sieur LE MAY dans son devoir".
• Le vendredi 6 juillet 1781 : Le chanoine de Rommilly annonce "que le Sieur LE MAY étoit venu chez lui mardi dernier et lui avoit fait des excuses touchant ce qui s’étoit passé vendredi dernier". En conséquence le chapitre décide d'en rester là. L'incident est clos.

• 1782, Rennes : LEMAY publie un petit volume in-4°, Principes de la musique, par demandes et réponses, imprimé à Rennes, chez Julien Vatar, ce dernier appartenant à une importante famille d'imprimeurs.
• Le sieur "Le Mée maître de musique et tenant chambres garnies" rue de la psalette doit 9 livres au titre de la capitation. L'année précédente, en tant que maître de psallette il payait 8 livres 15 sols. L'ordre de grandeur est resté stable.

• 30 mai 1783 : Le chapitre de la cathédrale établit un nouveau contrat avec Gaspard LEMAY, qui entrera en vigueur à la Saint-Jean 1784 (voir ci-après).
• 19 août 1783, Rennes : Quatre musiciens – au moins – assistent au mariage de deux très jeunes gens (18 ans et demi seulement pour lui, 19 ans pour elle), célébré dans l'église de Toussaints, Jean LEBON  et Mathurine Cressini. On reconnait "lemay Mtre de Musique de la cathédralle", "L'abbé Letertre du diocèse du mans", "Boite Musicien de la Cathédrale" et "charles antoine Boner musicien". D'autres présents, qui ne signent pas ès qualité, restent à identifier : René Asselin, Hautonnière, Dunière…

• À partir de juin 1784 : LEMAY n’est plus maître de psallette, mais seulement maître de musique. Son nouveau traité, dont la durée est limitée à trois ans, est expurgé de toute référence à l'entretien matériel des enfants. Lemay n'aura plus avec eux que deux heures par jour de leçon de musique, et ces deux heures doivent avoir lieu "incontinent depuis Matines jusqu'à la Grand Messe". Son métier se concentre donc sur la production et la direction de la musique. Plusieurs des 9 articles du contrat font référence explicitement ou entre les lignes aux libertés parfois prises par Lemay. Il lui est rappelé notamment qu'il doit avoir soin "qu'il ne se trouve rien dans la composition de sa musique qui ne soit décent ni convenable à la majesté de l'Église, sans mélange d'airs d'opéra ny d'arrietes, ce qui ne peut être que scandaleux dans le lieu Saint". Il ne doit paraître à l'église "qu'en habit de choeur", il ne peut "s'absenter de la Ville sans une permission particulière du chapitre" ni "aller à la Comédie". Sa rémunération comporte deux parties : "12 sols 6 deniers d'entrée de choeur sujets à la pointe" et "la somme de 800 livres par an, payable de trois mois en trois mois", ce qui paraît relativement intéressant. Mais, bien entendu, il n'est plus logé à la maîtrise, où il ne dispose plus que "du petit cabinet situé sur l'escalier pour y déposer seulement sa musique".

• 23 juillet 1785, Poitiers : Le chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand, qui a manifestement du mal à trouver un maître de musique pour remplacer François-Michel LAURET, décide "d’écrire au Maître de Musique de Rennes de nous envoyer son fils pour tenir notre psallette s’il le juge capable aux conventions proposées". Cette démarche ne semble pas avoir eu de suite puisque c'est Louis-Joseph FONTAINE qui devient maître de Saint-Hilaire, après un intérim assuré par Jean-Baptiste HOUDRY. Mais elle indique indirectement la notoriété de LEMAY et suggère que son fils, Gaspard-Thomas LEMAY, 21 ans, est positionné comme aspirant maître de musique.

• 22 août 1786, Rennes : Dans l'église paroissiale Saint-Étienne, est célébré le mariage d’un musicien de la cathédrale, Félix-Joseph BOITE, avec Marie-Augustine Burgalet, de Tinténiac. Parmi les nombreux signataires de l’acte, on reconnaît plusieurs des collègues musiciens de la cathédrale : les LEMAY père et fils, DÉPÉRY, LEBON, OUDET, HUET, ROUSSIN...
• 11 septembre 1786, Rennes : Son fils Gaspard-Thomas LEMAY est reçu pour musicien externe de la cathédrale de Rennes avec 150 livres/an d’appointements "qui lui seront payés chaque mois sur la carte des musiciens externes".
• 29 septembre 1786 : Le sieur LE MAY maître de musique obtient du chapitre un congé de quinze jours. Quelques jours plus tard, le chapitre prend une autre décision le concernant : désormais le maître de musique ne pourra plus se faire rembourser "les ports de lettres à lui adressées par les musiciens et plainchanistes qui demandent à être reçus au chapitre, s’il ne fournit tous les trois mois ses mémoires et les différentes lettres en soutien". Au-delà d'une éventuelle méfiance du chapitre envers la probité du maître de musique, cela révèle surtout les tensions existant alors entre les musiciens et le chapitre.

• 2 avril 1787, Rennes : Le sieur Gaspard LEMAY, "musicien de Rennes" (on remarque que son rattachement institutionnel à la cathédrale n'est pas ici mentionné), effectue des démarches "à l’effet de faire émanciper Gaspard Thomas Lemay son fils, âgé de 22 ans passés, lequel enfant est absent sans savoir le lieu". Il est assisté dans ses démarches d'une certaine Marie Deshays. Cette mention, retrouvée dans les archives de la Sénéchaussée, reste assez mystérieuse, d’autant plus que , l’année suivante, ce fils est bien taxé dans le rôle de capitation de 1788 à 5 livres.

Gaspard LE MAY déploie une grande activité. Par exemple, le 25 juin 1787, le chapitre lui verse une somme de 24 livres "pour la musique avec symphonie du jour et fête de St-Pierre prochain", et cinq jours plus tard, le 30 juin 1787, les chanoines permettent "au sieur LE MAI Maître de musique de leur église de conduire les enfants de chœur à l’église du Collège pour y assister aux Vespres que Mrs du Collège y feront chanter en musique".

• 10 juillet 1787, Rennes : Dans l'église paroissiale Saint-Germain, est célébré par le prêtre (qui est aussi musicien) Jean-Marie-Thomas DELAVALLÉE le mariage d’un musicien de la cathédrale, Marie-Auguste ROUSSIN. Parmi les nombreux signataires de l’acte, on reconnaît plusieurs des collègues musiciens de la cathédrale : les LEMAY père (qui signe "LeMay mtre de Musique") et fils, LEBON et OUDET.

•  1er août 1788, Rennes: Gaspard LEMAY est choisi comme parrain pour un fils du musicien Hilaire BOUDRY. Il signe "LeMay mtre de Musique". Il est venu à la cérémonie accompagné de sa femme (qui signe "La Lemay") et de son fils (qui signe "Lemay fils"), mais aussi de Félix BOITE. La marraine est Madeleine Hélie, dont les liens éventuels avec les milieux musicaux restent à élucider. L'année suivante,  le 10 septembre 1789, il participera à nouveau aux fêtes du baptême d'un autre enfant Boudry et signera de meme, mais cette fois sans que son fils et son épouse soient attestés auprès de lui.
• 1788 : La famille LEMAY occupe une partie du 1er étage d'une maison située rue Beaumanoir. Une double capitation est mentionnée : "le sieur Le Mée père musicien 15 [livres], le sieur Le Mée fils 5 [livres]". C’est la dernière fois que nous trouvons mention à Rennes du fils LEMAY.

• 22 juin 1789 : Comme chaque année, le chapitre prévoit un budget de 24 livres attribué à LE MAY "pour la musique avec symphonie" qui sera exécutée lors de la Saint-Pierre.

• Ÿ13 août 1790 : Parmi les ultimes délibérations capitulaires figure celle par laquelle le chapitre accorde près de trois semaines de congé à LEMAY du 16 août au samedi veille du dimanche d’avant la Nativité de la Vierge (8 septembre). Il se fera remplacer à la psallette par le Sieur BOUDRY, serpent en second de l’église.
1790, Rennes : Gaspard LEMAY est toujours maître de musique de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes.
Dès le mois de mai 1790, les "Officiers, Musiciens & Chantres de l'Eglise Cathédrale de Rennes" adressent une supplique à "l'assemblée Nationalle" dans laquelle ils se disent "inquiets de leur sort" mais aussi confiants dans "les principes de justice & d'équité" qui guident "l'heureuse Constitution qui va régénérer la France". Ils se décrivent "attachés, dès leur plus tendre enfance au culte public", certains sexagénaires, d'autres "surchargés d'enfans", tous ayant besoin de leurs appointements pour vivre. "Lemay M.tre de Musique" signe en tête de ses musiciens, suivi de DUBUISSON, PAIRIER, GOBAILLE, PLIHON, BOITE, DESPERY, DUCAT, ROUSSIN et BOUDRY.
• 22 décembre 1790 : Les musiciens de la cathédrale adressent une nouvelle supplique, cette fois au Directoire du district de Rennes pour solliciter des secours. Le nom de Gaspard LEMAY y figure bien mais son âge est erroné (46 ans au lieu de 52). Il exerce à la cathédrale de Rennes depuis 13 ans et ses états de service totalisent globalement 42 ans. Ses gages de 1790 se montent à 1 063 livres 15 sols.

• 1791-1792 : LEMAY conserve ses fonctions de maître de musique dans la cathédrale constitutionnelle, l’évêque Le Coz ayant réussi à maintenir une musique. Il s’y montre très actif, dirigeant tous les ensembles musicaux rassemblés pour célébrer l’ordre nouveau (messes, Te Deum, fêtes, exécution de l’Hymne des Marseillais le 21 octobre 1792). Il compose aussi ponctuellement sur commande (Messe en l’honneur des mânes de Mirabeau commandée par la Garde nationale et la Société des Amis de la Constitution, avril 1791). Son civisme est reconnu sans faille.
• 6 mai 1791 : Il écrit au district une lettre réclamant des instructions pour le recrutement de nouveaux enfants de chœur car "la psalette est sans enfant de chœur" (en effet, elle s'est vidée au cours du mois d'avril : LEGRAIN en est sorti le 23, HÉLÉ le 27 et les deux URVOIS le 30 avril. Seul HARDA reste encore à la maison de la psallette, d'où HÉLO, de son propre chef, le renvoie au 1er janvier 1792). LEMAY dit avoir "cru s'apercevoir" que les administrateurs du district désiraient "de concert avec Monsieur l’évêque que loffice de léglise métropolitiane se fit avec toute la pompe et la descence que mérite un lieux aussi Saint". Il propose donc d'organiser un concours et de commencer à instruire les garçons qui seront sélectionnés. La réponse du district est négative : "suspendre jusqu’à nouvel ordre".

• 1792, Rennes : En compagnie de BOUDRY, BOITEOUDET et PLIHON, Gaspard LEMAY, âgé de 57 ans, demeurant rue de la Montagne, figure dans la liste des gardes nationaux en tant que musicien.
• 31 juillet 1792 : "Le May Mtre de Musique de laglise Metropolitaine de Lisle et Vilaine" signe ainsi un certificat rédigé de sa main dans lequel il atteste que le dernier enfant de chœur, Joseph HARDA, avait été reçu en mai 1785 (alors qu'il l'a été en réalité un an plus tard, comme en fait foi le registre capitulaire).

• 20 février 1793, Rennes : Gaspard LEMAY est autorisé par le conseil général de la commune à ouvrir une école publique de musique, ce qui montre qu'il se détache des fonctions qu'il occupe encore à la cathédrale constitutionnelle et prépare sa reconversion professionnelle.

• Le printemps 1793 marque le véritable début du rôle politique de Gaspard LEMAY. Le 1er mai 1793, il fait partie du Comité de surveillance, encore appelé Comité de salut public, et un mois plus tard, le 6 juin 1793, il est élu président du Comité de surveillance. Le 10 août 1793, il prête serment à la Constitution.
Le 16 septembre 1793, il est réélu président du Comité de surveillance à l’unanimité. LEMAY occupe donc ce poste lorsque Carrier arrive à Rennes : il s’oppose à lui et aux représentants en mission successifs.
Le 20 septembre 1793, LEMAY est membre de la nouvelle municipalité dirigée par le franc-maçon Elias.

• 4 ventôse an II (22 février 1794) : Gaspard LEMAY est membre de la nouvelle municipalité dirigée par Leperdit  mais il ne figurera pas dans la seconde municipalité Leperdit (23 vendémiaire an III / 14 octobre 1794). Le 21 ventôse an II (11 mars 1794), il devient substitut de l’agent national puis en charge d’examiner la situation des écoles primaires.
• 21 ventôse an II (11 mars 1794) : Un certificat de civisme est délivré à Gaspard LEMAY, maître de musique.
• 6 germinal an II (26 mars 1794), Rennes : Gaspard LEMAY prête serment comme instituteur de musique.
Au même moment, il est l’un des musiciens chargés d’assurer la partie musicale des cérémonies au Temple de la Raison au début de 1794, et il est chargé d’écrire la musique de l’Hymne à l’Être suprême pour la fête du 20 prairial an II (8 juin 1794).
• Au nom des musiciens, il rédige une lettre (non datée) adressée au "Citoyen administrateur" pour réclamer le paiement du service effectué au Temple de la Raison en janvier 1794. Ce service ne pouvait avoir été effectué que par des musiciens ayant prêté serment à la constitution de 1793. Le texte de la lettre dit "vous obligerez six citoyens bons républicains et sans culotte…". Les six noms cités sont : Boudry, Bouëtte, Despery, Plihon, Roussin et l'auteur de la lettre, Le May.

Au printemps 1795, Gaspard LEMAY est arrêté, puis relâché en octobre. Il reste très vigilant, signant parfois une pétition, mais son rôle politique est alors terminé. Il se consacre à l'enseignement de la musique pour gagner sa vie.

• À partir de 1797, Le May figure dans la liste des professeurs de musique publiée par le Calendrier du département d’Ille-et-Vilaine et autres Tablettes : il enseigne "musique vocale, violon et basse".

• 16 et 19 thermidor an VI (3 et 6 août 1798) : Il effectue diverses démarches. Tout d'abord il certifie ne pas avoir rétracté le serment "prêté en exécution de la loy du 14 août 1792". Il signe "LeMay professeur de Musique". Ensuite il se fait délivrer un certificat de résidence, qui le dit domicilié rue Saint-Georges. Son aspect physique est ainsi décrit : "taille de cinq pieds un pouce, cheveux et sourcils gris, yeux bleus, né aquilin, bouche moyenne, menton rond, front élevé, visage oval, marqué de petite vérolle".

• 1er nivôse an IX (22 décembre 1800), Rennes : Est dressé l'acte de décès de Gaspard-Pierre LEMAY professeur de musique, décédé ce matin à une heure, rue Saint-Georges. Il est dit "âgé de 65 ans environ" [en fait : 62 ans et 4 mois], "originaire du Poitou" [ce qui est exact, Chantonnay étant situé dans l'ancienne province du Poitou] et  "époux de Thérèse Françoise Surois".

• 23 pluviôse an XI (12 février 1803), Rennes : Thérèse-Françoise Surois, meurt à son tour, rue Sainte-Anne. Elle est dite "âgée de 61 ans, native de port Malo, veuve de Gaspard Pierre Le May vivant professeur de musique".

L'enquête Muséfrem a retrouvé la trace de Lemay fils, sous les prénoms de "Gaspard-Pierre", à Pondichéry en Inde où il est devenu professeur de musique. Il s'y marie le 24 février 1800 et y meurt le 10 juin 1819. Son âge très précis indiqué à cette occasion ne laisse aucun doute : il s'agit de Gaspard-Thomas.

Mise à jour : 23 décembre 2020

Sources
@ Marie-Claire Mussat, mars 2017 ; Calendrier d’Ille-et-Vilaine pour 1797 ; Courriel M.-Cl. Mussat, 3 novembre 2009 ; F-Ad35/ L 337  ; F-Ad35/ 1 G 265 ; F-Ad35/ 1 G 266 ; F-Ad35/ 1 G 266  ; F-Ad35/ 1 G 700 ; F-Ad35/ 10 num 35288 539 / 1774 ; F-Ad35/ 1G 265 ; F-Ad35/ 1G 266  ; F-Ad35/ 1G 273 ; F-Ad35/ 1G 700  ; F-Ad35/ 1G 701 ; F-Ad35/ 1G 702  ; F-Ad35/ 1Q 827 ; F-Ad35/ 1Q 829 ; F-Ad35/ 2 B 774 ; F-Ad35/ 4B / 14 883 ; F-Ad35/ 5 Ff 33 ; F-Ad35/ BMS Saint-Malo ; F-Ad35/ BMS St-Malo ; F-Ad35/ C 4041, C 4051 et C 4063 ; F-Ad35/ C 4063  ; F-Ad35/ C 4092  ; F-Ad35/ L 1028 ; F-Ad35/ L 1030 ; F-Ad35/ L 1033 ; F-Ad35/ L 1358 ; F-Ad35/ L 1557 ; F-Ad35/ L 863 ; F-Ad35/ L 999 ; F-Ad35/ L1467 ; F-Ad85/ BMS Chantonnay ; F-Ad86/ G 570 ; F-AdioLuçon/ AAR*/3 ; F-Am Rennes/ BMS Toussaints ; F-Am Rennes/ Décès an IX ; F-AmRennes/ BMS St-Aubin et St-Sauveur ; F-AmRennes/ 1D 1/8 ; F-AmRennes/ BMS Rennes, St-Étienne ; F-AmRennes/ BMS St-Germain ; F-AmRennes/ BMS Toussaints ; F-AmRennes/ Décès an XI ; F-An/ DXIX/055/173/01 - F-An/ DXIX/053/124/08 ; F-AnOM/ NMD Pondichéry  ; Les Affiches de Nantes ; M-Cl.Mussat, Musique et Société…, 1988 ; M.-Cl. Mussat, "Les musiciens d'Église en Bretagne…", 2008 ; M.-Cl. Mussat, "Un groupe social méconnu…", 1989

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