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POIGNAND, Jean Toussaint (1742-1813)
État civil
NOM : POIGNAND     Prénom(s) : Jean Toussaint     Sexe : M
Autre(s) forme(s) du nom : POIGNAUD
POIGNANT
POIGNEAU
POIGNAUT
Date(s) : 1742-11-2  / 1813-3-29
Notes biographiques

Originaire de Pornic, diocèse de Nantes, Jean Toussaint POIGNAND a une carrière bouleversée par la Révolution. Reçu cathédrale Saint-Pierre de Nantes second maire-chapelain et "choriste" (c'est-à-dire chantre bénéficier), il adhère aux idées nouvelles, avant d'être élu prêtre constitutionnel à Paimboeuf en pays de Retz puis prêtre concordataire de Mouzeil et Cheix. POIGNAND fait partie des ecclésiastiques du bas chœur dont la fonction musicale est avérée.

• 2 novembre 1742, Pornic [Loire-Atlantique] : Jean Toussaint POIGNAND, fils de Maître Jean, Sénéchal des juridictions de la Guerche et de la Plaine, et de Demoiselle Jeanne Bertrand, est porté sur les fonts par Demoiselle Marguerite Oury et Jacques Bouyer, maître chirurgien. La cérémonie se déroule paroisse Saint-Gilles, en pays de Retz, au sud-ouest de Nantes. C'est alors un duché. Le recteur semble distrait car il omet de préciser qu'il s'agit d'un baptême, puis se méprend sur le patronyme du parrain. Serait-il perturbé par la position sociale du père de l'enfant ?

• La période de formation tout comme les premières expériences de Jean Toussaint POIGNAND ne sont pas encore connues. A-t-il été enfant de chœur à Pornic ? à Nantes ?

• 1767-1788, Nantes [Loire-Atlantique]: Étudier les musiciens bénéficiers de l'église de Nantes impose en premier lieu de retracer le long procès ayant opposé le bas chœur aux chanoines entre 1767 et 1788. L'objet du litige porte sur la réorganisation de la musique par le chapitre qui, comme nombre de ses  confrères,  a les yeux rivés sur Paris. Il a conscience de l'importance de la musique qui contribue au prestige de son église. Deux démarches parallèles sont menées entre 1760-1770. D'une part, le chapitre marque sa volonté d'embellir la musique au chœur en multipliant les critères d'exigence ; d'autre part, il en organise le financement sans surcoût. Les chanoines prennent ainsi le parti de remanier ou supprimer des chapelles, dont les revenus sont mis en régie dans une "bourse commune" (1760).
Cette première réorganisation sème quelque trouble. Puis, en 1767, poursuivant sa stratégie, le chapitre unit deux sociétés dédiées aux bénéficiers à la mense capitulaire au lieu de les porter à la bourse. C’est le pas de trop qui met le feu aux poudres.
Le bas chœur des clercs, représenté par les maires chapelains, sous-chantres, diacre et sous-diacre, s'organise et porte l’affaire devant le Parlement de Bretagne à Rennes. L'affaire est initiée par un sous-chantre, le sieur Coeur de Roi qui dénonce "l'abus" du chapitre. MABILLE va en devenir le principal instigateur peu de temps après son arrivée.

- Concrètement, le bas chœur des clercs, représenté principalement par trois maires-chapelains MABILLE (désigné syndic), CHAUVET (premier maire-chapelain), et POIGNAND, le second sous-chantre GODÉ ainsi que le sous-diacre RIVIÈRE, "s'estimant spolié" fait front, s'organise et s'implique juridiquement. Le chapitre sera finalement débouté après des années de procédures.
 - Trois officiers restent en retrait : le maire-chapelain CHEVREUIL qui intervient ponctuellement à partir de 1786 tout comme le diacre BRIAND. Le sous-chantre et prêtre Jean François VASSAL, un tempérament effacé, est le seul bénéficier à ne pas se joindre à la procédure collective. Il se trouve en porte-à-faux, pris entre un chapitre reconnaissant et des alter ego mécontents.

• 13 juin 1772, Nantes : À suivre Lallié (Le diocèse de Nantes pendant la Révolution...), Jean Toussaint POIGNAND a été ordonné prêtre à Nantes.

• 25 juillet 1780, Nantes : Jean Toussaint POIGNAND, prêtre du diocèse, est reçu "choriste" à la cathédrale Saint-Pierre de Nantes. Il est, dans le même temps, nommé titulaire de la quatrième maire-chapelle du chapitre laissée vacante par Jacques Joseph RIVIÈRE. Ses gages sont fixés à 70 lt par moi auxquelles s'ajoutent les distributions de chœur. Sur le plan musical, le chapitre attend de lui qu'il "se perfectionne dans le plain-chant et apprenne la musique. Il chantera tant au plain-chant et à la psalmodie qu'à la musique, chant sur le livre et faux-bourdon". Par ailleurs il aura à suppléer les absents du chœur à l'office, se conformera aux us du chapitre. Ses messes de sous-semaine lui seront rétribuées 15 sols.

• 1780-1782, Pornic : Les parents de POIGNAND sont inhumés à deux ans d'écart sans que leur fils Jean Toussaint se soit déplacé. Maître Jean Poignand est devenu Procureur fiscal du siège.

• 12 janvier 1786, Nantes : Les officiers du bas chœur adressent leur supplique au Parlement de Bretagne dans l'affaire ci-dessus citée. Cependant, leurs revendications vont au-delà du propos de la procédure car elles portent des récriminations salariales. Les maires-chapelains sont appointés 800 livres par an soit moins que le premier sous-chantre VASSAL (900 livres). Louis GODÉ omettant sa position de clerc tonsuré et second sous-chantre fait remarquer qu'il ne touche que 700 livres. La cause de leur tourment est donc le discret Jean François VASSAL, qui s'est abstenu de participer à l'action collective, et bénéficie de la confiance des chanoines. L'estocade ne sera pas la seule, dévoilant les tensions qui peuvent exister dans un groupe semblant par ailleurs homogène et solidaire.

• 11 juillet 1786-11 août 1788, Nantes : Jean François VASSAL, premier sous-chantre, s'abstient de participer à la nouvelle controverse juridique entre le chapitre et les officiers de chœur concernant une modification de préséance. Les plaignants, à savoir CHAUVET, MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL, s'opposent à ce que deux bedeaux soient interposés entre eux et les maire-chapelains lors des processions telles celles de la Fête-Dieu ou de l'Assomption. Les dissensions sont si exacerbées qu'ils considèrent toute modification d'organisation comme une volonté de "spoliation" de leurs droits.

• 5 avril 1788, Nantes : Par décision du parlement de Bretagne, les chanoines de la cathédrale de Nantes sont déboutés et sommés de déposer au secrétariat du chapitre les revenus des biens dépendants des chapellenies, tout comme les comptes des dessertes de fondations des sociétés de Saint-Jean, Saint-Guillaume et la Trinité depuis 1767. Le chapitre cherche à se dérober à son obligation provoquant une nouvelle joute avec le bas chœur puis se soumet en produisant les pièces comptables dues courant juillet.

Les démarches successives de ces clercs semblent révéler, sous couvert de reconnaissance ou de préséance, une transformation radicale de la fonction : pris en étau entre chanoines et laïcs, leur statut privilégié de clercs chantant leur échappe progressivement, et ce, jusque dans la pratique de la musique : plain-chant ? musique figurée ?  Que souhaite-t-on entendre ? Qui écoute-t-on ?

• Juillet-août 1788 : Jean François VASSAL, premier sous-chantre, informe le chapitre d'une altercation survenue au chœur avec le maire-chapelain POIGNAND le 22 juillet en présence des choristes LA MARRE et DONON. Alors qu'il était maire-chapelain de semaine, POIGNAND a rejoint le chœur en retard, à la fin du troisième psaume. De plus, au lieu de continuer l'office, il n'a chanté la capitule qu'à la suite de VASSAL... Les choristes confirment les faits, le chapitre convoque VASSAL qui refuse d'être entendu et veut porter l'affaire au Présidial. Il s'en remet finalement à des notaires qui entendent l'accompagner à l'assemblée capitulaire à laquelle il est convoqué. Les notaires sont éconduits par le chapitre qui se voit dénier son droit de police sur les affaires du chœur. Le sieur POIGNAND finalement seul en chapitre et se voit en sus accusé d'insubordination.

En 1790, le corps de musique de la cathédrale Saint-Pierre, placé sous l’autorité du maître de musique François CAPPA-LESCOT, est constitué de deux haute-contre Vincent Pierre GAUTIER et François Jude MÉRY, une haute-taille Joseph JOLY, deux basse-taille Henry François DOUVILLE, Vincent LAMARRE, deux basse-contre, Étienne François PICARD et Jean-Baptiste DONON, deux serpents/basse-taille Jean GILLET et Pierre RAGUENEAU – ce dernier jouant également du basson. Deux musiciens symphonistes sont employés régulièrement par le chapitre, à savoir les sieurs JULIEN et Laurent MARIE. L’organiste Denis JOUBERT est quant à lui maître de sa tribune.
Quatre maires-chapelains étoffent le chant à savoir Urbain MABILLE, Charles CHAUVET, Pierre François CHEVREUIL et Jean Toussaint POIGNAND ainsi que deux sous-chantres Jean François VASSAL et Louis GODÉ. La psallette est composée de huit enfants de chœur (dont six ont été identifiés) qui dépendent du maître de musique aidé d’un maître de grammaire, le sieur Praud.

• [1790-1794], Nantes : Les sieurs MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL adressent une supplique au Directoire du district de Nantes qui ne trouvera conclusion que quatre ans plus tard. À l'initiative de MABILLE ils demandent à recouvrer les rétributions dues au titre des années 1790 à 1793, soit le "maximum qu'ils réclament". Leurs dossiers sont étayés de pièces justificatives, pétitions... CHAUVET, insermenté, a été quant à lui, déchu de ses droits. Les épisodes de cette tractation vont émailler le parcours  de J.T. POIGNAND.

• 3 septembre 1790 : Consécutivement à leur requête, les sieurs MABILLE, POIGNAND et CHEVREUIL ci-devant maires-chapelains de l'église cathédrale et continuant à la desservir reçoivent une avance sur leurs appointements de 250 l.

• 26 mars 1791, Nantes : Le Directoire du district délibère sur leur demande et décide d'accorder dans un premier temps 250 livres 10 sols à MABILLE, 205 livres à POIGNAND et 239 livres 10 sols à CHEVREUIL.
• 17 mai 1791 : Le nouvel évêque constitutionnel Minée nomme Urbain MABILLE, qui a prêté serment, vicaire épiscopal, un atout supplémentaire dans la discussion engagée.

• 1791-1793, Paimboeuf [Loire-Atlantique] : Le 21 février 1791, J.T. POIGNAND élu curé de Paimboeuf commence par décliner. Le 12 juin suivant, il accepte d'être prêtre constitutionnel à l'issue d'une nouvelle élection. Selon Lallié (Le diocèse de Nantes pendant la Révolution), PAIMBOEUF était favorable aux idées nouvelles. Une éloge de Mirabeau y avait été prononcée dans la chaire de l'église Saint-Louis.

• 29 mai 1792, Paimboeuf : La municipalité adresse une demande au département afin que POIGNAND soit secondé dans ses nombreuses tâches par un vicaire.

• 6 juillet 1792, Nantes : MABILLE adresse une supplique au Directoire du district au nom des anciens maires-chapelains, diacre et sous-diacre scolastiques de la cathédrale. Ces derniers demandent à être compris dans les officiers laïcs et musiciens ayant droit à une pension de retraite.
• 6 novembre 1792: Le Directoire du district délibère sur leur demande et décide qu'ils ne seront pas comptés parmi les officiers laïcs des églises supprimées mais parmi les bénéficiers. Ils recevront donc leur traitement de terme en terme comme bénéficiers selon l'article 10 de la loi du 24 août 1790.

• 12 avril 1793, Paimboeuf : Le citoyen POIGNAND, recteur de la paroisse, déclare le décès de sa sœur aînée Renée Marguerite "réfugiée" chez lui. Le mot réfugié amène à replacer Paimboeuf dans le contexte de 1793. Le pays de Retz, suit alors majoritairement l'insurrection Vendéenne, subissant les violences des guerres fratricides avec notamment le massacre de Machecoul. Deux villes restent acquises aux idées républicaines : Pornic et Paimboeuf.

• 17 septembre 1793, Nantes : MABILLE, toujours aussi opiniâtre, adresse de nouveau une pétition au Directoire pour le compte des bénéficiers qui sera traitée favorablement en mars 1794. Ils attendent toujours leurs mandats de régularisation et d'être portés sur le tableau des pensionnaires ecclésiastiques. La décision du Directoire attribue finalement finalement à Jean Toussaint POIGNAND ex maire-chapelain et curé de la commune de Paimboeuf :
- 1000 lt en tant qu'ex maire-chapelain pour 1790,
- 333.6.8. lt  du 1er janvier 1791 au 31 mai 1791,
- 291.13.4 lt correspondant à la moitié de son traitement du 1er mai 1791 au 1er janvier 1792,
- 500 lt, soit la moitié de son traitement du 1er janvier 1792 au 1er janvier 1793,
- 486.5.4 lt, moitié de son traitement du 1er janvier 1793 au 1er Nivôse an II
TOTAL : 2611.5.4 lt
Après déduction de sa contribution patriotique restant due, au titre de 1790 et 1791, il recevra un solde de 2434.3.8 lt.
Le même dossier L 660 stipule qu'il est inscrit au tableau des bénéficiers pensionnaires du district de Nantes et touchera à l'avenir une pension de 500 lt par an.
Les dossiers de MABILLE, CHEVREUIL et GODÉ seront traités avec la même attention.

• 12 thermidor an II [30 juillet 1794]- An III [1795]: J.T. POIGNAND se dit toujours curé de Paimboeuf alors que l'exercice du culte a cessé depuis fin 1793.

• An IV [1795-1796], Saint-Genouph [Indre-et-Loire] : POIGNAND semble avoir séjourné en Touraine dans ce village d'environ 400 habitants enclavé entre la Loire et le Cher, éloigné de toute ville. S'y serait-il réfugié en attente de jours moins sombres ?

• 27 ventôse an VIII [18 mars 1800], Paimboeuf : D'après sa correspondance, POIGNAND signe "curé de Paimboeuf", indiquant au moins son retour en pays de Retz ce que confirme une pétition envoyée par les citoyens de la ville le 3 prairial an X [23 mai 1802] qui souhaitent le voir maintenu dans ses fonctions.

• [1803-1808], Mouzeil [Loire-Atlantique] : Jean Toussaint POIGNAND est nommé curé de Mouzeil après le Concordat. Il est donc transféré en pays d'Ancenis, à l'est du département de Loire-Inférieure, pays agricole et minier.

• 1809-1813, Cheix [Loire-Atlantique] : Lors de son ultime nomination, POIGNAND retrouve le pays de Retz en étant nommé à la cure de  Cheix. C'est là qu'il finit ses jours.

• 29 mars 1813, Cheix-en-Retz : Deux voisins de Jean Toussaint POIGNAND déclarent son décès en mairie. Il était prêtre, âgé de 71 ans, fils de Jean Poignand et de Jeanne Bertrand "de Pornic". La référence au terroir de Retz est ancrée dans la vie familiale.

Mise à jour : 23 novembre 2020

Sources
A. Lallié, Le Diocèse de Nantes..., 1893  ; Ad44/ BMS Pornic ; Ad44/ NMD Cheix ; Ad44/ NMD Paimboeuf ; C. Mellinet, De la musique à Nantes..., 1837 ; F-Ad44/ G 189 ; F-Ad44/ G 190 ; F-Ad44/ L 1046 ; F-Ad44/ L 34 ; F-Ad44/ L 43 ; F-Ad44/ L 660 ; P. Grégoire, Etat du diocèse de Nantes en 1790, 1882

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