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RENAULT, Marie Claude, épouse puis veuve BAINVILLE (1724-1803)

RENAULT, Marie Claude, épouse puis veuve BAINVILLE (1724-1803)

État civil
NOM : RENAULT     Prénom(s) : Marie Claude     Sexe : F
Complément de nom : épouse puis veuve BAINVILLE
Autre(s) forme(s) du nom : RENAU
RENAUD
RENAUT
REGNAULT
REYNAUD
Date(s) : 1724-1-5  / 1803-8-23
Notes biographiques

Brièvement mentionnée par Norbert Dufourcq, Marie-Claude RENAULT BAINVILLE a fait l'objet, en 2011, d'une publication spécifique qui a mis en lumière son itinéraire complexe, où elle tente de combiner vie familiale éphémère et vie professionnelle durable. Depuis cet article de 2011, la poursuite de l'enquête Muséfrem a permis de découvrir plusieurs importantes informations supplémentaires... qui ont infléchi sensiblement l'itinéraire alors esquissé. La présente notice biographique traduit l'état des connaissances les plus récentes.

• 5 janvier 1724, Saint-Cloud [actuellement dans les Hauts-de-Seine] : Marie-Claude RENAULT naît le 5 et est baptisée deux jours plus tard. Elle est fille de Claude Renault, un cordonnier originaire de Chartres, qui présente la particularité d’avoir un père et un beau-père tous deux aveugles. Sa mère se nomme Marie Poupet, elle était fille d’un fermier de Melleroy, près de Châteaurenard [Loiret actuel], dans le Gâtinais. Ses parents s'étaient mariés à Saint-Cloud le 8 février 1723. Son parrain est marchand de vin et sa marraine fille du "Maître du Pont de St-Cloud".

• Quelle formation à la musique la jeune Marie-Claude a-t-elle reçue ? Selon des modalités encore inconnues aujourd'hui, elle devient organiste, probablement assez jeune.

• Mai 1751, Chartres : Au moment de son mariage avec l'organiste des bénédictins de Saint-Père-en-Vallée, François BAINVILLE, Marie-Claude RENAULT est organiste des Dames de la Croix à Paris. Le contrat de mariage, signé le 7 mai 1751, prévoit 1 000 livres d’apport de chacun des futurs, “provenant de leurs gains et épargnes”, ce qui indique que Marie-Claude travaille depuis longtemps. Elle occupe une chambre à Paris, rue Charonne, où elle a laissé la majeure partie de ses effets, ce qui pourrait être l'indice qu'elle compte y retourner après son mariage ? Celui-ci est célébré le 10 mai 1751, paroisse Saint-Michel, à Chartres.

• 31 mars 1752, Chartres : Une première fille, Marie-Françoise-Cécile, est baptisée paroisse Saint-Aignan, où le couple Bainville semble installé. Le père de l'enfant est dit "organiste des bénédictins", aucune indication professionnelle n'est donnée pour la mère.
• Le 13 septembre 1753 un second (et, semble-t-il, dernier) enfant naît, toujours paroisse Saint-Aignan de Chartres : Michel François Adrien, qui en 1790 sera organiste à Molesme en Champagne [Côte-d'Or]. Son parrain, qui est aussi le célébrant du baptême, est son oncle paternel, Michel Bainville, devenu depuis le mois de mars précédent curé de Saint-Luperce, localité située à 15 km à l'ouest de Chartres.

• 7 janvier 1755, Chartres : Marie-Françoise-Cécile Bainville, deux ans et demi, décède paroisse Saint-Michel. Marie-Claude Renault-Bainville n'est pas mentionnée comme présente à l'inhumation le lendemain (les seuls témoins nommés dans l'acte sont le père et le grand-père paternel de l'enfant).

• 12 août 1763, Angers : Son mari, François BAINVILLE, est reçu organiste à la cathédrale d'Angers, où il est ensuite attesté jusqu’en 1782.
C'est probablement à l'occasion du départ de François Bainville de Chartres pour Angers que le couple Bainville se sépare. En effet, l'addition des durées de service indiquées (sans précision de date) dans le dossier de Marie-Claude Renault au début de la Révolution (12 ans aux Clairet + 16 ans à Bonlieu) permet d'évaluer que la reprise de sa carrière personnelle d'organiste s'est située vers 1763.
Son fils vit avec son mari à Angers, jusqu'à ce que le jeune homme parte, au plus tard en 1780, pour Orléans, Paris, puis la Champagne…

• De 1763 à 1767 environ, Mâle [Orne actuelle] : Marie-Claude RENAULT BAINVILLE est organiste des cisterciennes des Clairets, diocèse de Chartres.
Située dans le Perche, à 7 km au sud de Nogent-le-Rotrou, [Eure-et-Loir], 16 km au nord-est de La Ferté-Bernard [Sarthe], 25 km au sud-est de Bellême [Orne], l’abbaye des Clairets est isolée au milieu des bois, dans le site austère de la vallée encaissée de la Jambette (dont une partie du cours forme la frontière actuelle entre Orne et Eure-et-Loir). Créée au XIIe siècle, l'abbaye des Clairets est un établissement important, où l’on compte en permanence entre 25 et 30 religieuses de chœur, plusieurs novices et "donnates", de nombreuses pensionnaires et orphelines "élevées par charité", un personnel abondant (au total 95 personnes vivent à l'abbaye au début de la Révolution).
Le cirier manceau Jean-Baptiste Leprince d'Ardenay écrit sans ses mémoires : "je fis un autre voyage avec mon père et ma mère à l'abbaïe des Clairets où ma sœur étoit pensionnaire, nous y passames deux ou trois jours pendant lesquels il fallut nous conformer aux usages de la maison. Nous dinions à dix heures et soupions à six (c'étoit dans les premiers jours de may [1754]), le soleil n'étoit pas encore couché qu'il falloit songer à la retraite…". Il ajoute : "Le couvent est situé dans un vrai désert mais pittoresque et intéressant […] La communauté étoit nombreuse et très régulière". C'est aussi une exploitation agricole active où l'on recense en 1790 dix chevaux, dix vaches, quatre "torailles", 162 "bêtes à laine"... Toutes ces indications aident à imaginer le cadre de vie de l'organiste, qui doit y trouver un puissant contraste par rapport à sa vie parisienne antérieure, et même par rapport à la vie à Chartres.

• D'environ 1767 à juillet 1783, Bannes [Sarthe] : Marie-Claude RENAULT BAINVILLE est organiste dans une autre abbaye cistercienne, celle de Bonlieu en Bercé, située paroisse de Bannes, dans le diocèse du Mans, à 3 km et demi au sud-est de Château-du-Loir, sur la rive gauche du Loir. Son dossier de 1792 dit qu'elle a demeuré "pendant seize ans consécutifs dans la ci devant abbaye en qualité d'organiste avec les appointemens de 150 livres par an". On s’interroge sur les raisons de ce changement de poste et sur celles de son retour ensuite aux Clairets.

• 14 août 1783, Mâle : Elle reprend son service d'organiste aux Clairets. "Madame BINVILLE" apparaît au chapitre des "charges extraordinaires" de l'abbaye des Clairets en 1783 pour un seul quartier de gages, 25 livres. Son premier quartier de 1784 étant arrivé à échéance le 14 février avait donc commencé au 14 novembre 1783. Le quartier précédent, celui qui figure dans les comptes de 1783, couvrait donc la période 14 août - 14 novembre 1783. D'où on peut déduire que l'organiste est revenue aux Clairets pour les fêtes de l'Assomption d'août 1783.
L'année précédente, après Pâques 1782, son mari, malade, avait quitté son poste de la cathédrale d'Angers pour se retirer "à Chartres, sa patrie" avec une pension viagère de 500 livres / an. Y a-t-il dans les mouvements d'aller-retour de Marie-Claude RENAULT une volonté de se rapprocher de son mari, au moins en revenant dans le diocèse de Chartres, ou bien ce retour aux Clairets procède-t-il d'autres raisons dont nous ne savons rien ?
Vers la fin de l'année 1783, elle a remboursé à l'abbaye une petite somme pour ports de lettres. La sœur Cécile FABRI, peut-être musicienne, qui avait été reçue en 1775, est toujours présente à l'abbaye.

• 1784, Mâle : "Madame BINVILLE" figure à nouveau dans les charges extraordinaires de l'abbaye des Clairets, pour quatre quartiers de 25 livres chacun. Le 25 mars 1784, le sieur PARISOT facteur d'orgue, reçoit 30 livres pour l'entretien de l’orgue. Tout indique que l'orgue avait cessé d’être antérieurement entretenu. L'abbaye a décidé de dépenser l'argent nécessaire pour que ses offices soient de nouveau accompagnés à l'orgue.
• À partir de 1785, Mâle : Les appointements de madame BAINVILLE ne figurent plus dans les "charges extraordinaires" mais désormais au sein des charges ordinaires du budget de l'abbaye.

• En 1787, des travaux plus importants ont lieu sur l'orgue, pour lesquels PARISOT reçoit 220 livres "à conte sur son marché". La même année, l’Abbesse fait donner 72 livres de gratification à Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE, en plus de ses gages, signe sans doute de l'importance qu'elle accorde à son rôle d'organiste.

• 26 septembre 1788, Chartres : François BAINVILLE qui, malade depuis longtemps avait quitté Angers en 1782 pour revenir dans sa ville natale, y meurt, paroisse Saint-Aignan.
Leur fils Michel François Adrien, seul héritier, vient de Molesme (où il est organiste) à Chartres pour régler la succession paternelle. Il y est attesté en personne le 22 novembre 1788, date à laquelle, avant de repartir, il laisse une procuration chez un notaire pour terminer le règlement de ses affaires. On peut imaginer qu’il a rendu visite à sa mère (il y a 62 km de Chartres aux Clairets) et qu’il lui a alors demandé de faire le nécessaire pour lui établir une autorisation de mariage en bonne et due forme.
• 5 novembre 1788, Abbaye des Clairets : Le notaire de "Nogent-le-Béthune" [actuellement Nogent-le-Rotrou] se déplace à l’abbaye pour établir une procuration par laquelle "Dame Marie Claude Renaut, veuve François Bainville organiste demeurante à ladite abbaye des Clairets" autorise son fils, devenu organiste à l'abbaye de Molesme "en Champagne", à se marier "avec qui bon luy semblera de bonne vie et mœurs, s’en rapportant à son choix à cet égard"Michel François Adrien attendra finalement une année avant de faire usage de cette autorisation.
En cette année 1788, en plus de ses gages de 100 livres, Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE reçoit "25 livres que madame [l'abbesse] luy a donné de gratification à sa fête".

• 8 novembre 1789, Molesme [Côte-d’Or] : Son fils Michel François Adrien passe un contrat de mariage avec la fille d'un laboureur. La procuration signée par Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE aux Clairets un an plus tôt est conservée en annexe au contrat. Le mariage est célébré le 23 novembre. Dès le 23 avril 1790, cinq mois après les noces, une première fille, Marie-Jeanne-Cécile, est baptisée à Molesme.

• En 1790, Mâle : Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE est toujours organiste à l'abbaye des Clairets.
• 19 février 1791, Mâle : Elle reçoit 25 livres "pour solde entière de tout ce qui m’étoit dû aux Clairets". La somme lui est versée directement par l'abbesse, qui la fera inscrire ensuite sur les divers documents comptables établis pour solder les comptes de l’abbaye (de recopie en recopie, cette somme est attribuée sur certains documents à "madame Bonneville, organiste").

• À la fermeture des Clairets, en février-mars 1791, Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE quitte le Perche et part se réfugier à l'abbaye de Bonlieu, où la vie en communauté continue plus longtemps.
"La dame veuve Bainville organiste" vit jusqu'en septembre-octobre 1792 dans "une chambre près le grand grenier au bled" au sein de l'abbaye de Bonlieu, dans laquelle se trouvent "les meubles et effets à elle appartenant" dont les administrateurs "lui font délivrance". Elle signe après les religieuses le procès-verbal d'inventaire de l'abbaye.

• Fin 1792 : À la fermeture effective de l'abbaye,  Marie-Claude RENAULT-BAINVILLE se réfugie à Château-du-Loir, où elle est vite dans une situation "alarmante".
• Janvier 1793, Château-du-Loir : Une délibération des administrateurs du district de Château-du-Loir propose d'accorder 300 livres de pension annuelle à la veuve Bainville, en application de la loi du 1er juillet 1792. Cette proposition est réitérée par le district le 18 février 1793.

• 6 brumaire an IV (28 octobre 1795), Château-du-Loir : Les administrateurs municipaux examinent le cas de la citoyenne BAINVILLE "d'un grand âge et ancienne organiste de l'abbaye de Bonlieu" qui se trouve actuellement "sans aucun domicile". Ils décident d'autoriser l'hôpital de la ville à l'héberger dans une "chambre" situé au sein de l'établissement. Ils y mettent deux conditions : qu'elle se fournisse "suffisamment de grains pour se sustenter et des effets et meubles à son usage" et deuxièmement qu'elle n'y reste "que pendant la mauvaise saison, devant aller en sa famille à la prochaine et belle saison". À quelle famille pensent-ils ? Le seul fils qu'on lui connait demeure alors en Champagne, à environ 330 km à l'est de Château-du-Loir. Ils savent que "le surplus" de son entretien devra être fourni par l'Hôpital "à titre gratuit attendu le grand âge et l'état de détresse et d'indigence où se trouve lad. BAINVILLE".
Cette délibération apporte un éclairage poignant sur les difficultés rencontrées alors par l'ancienne organiste, malgré la pension viagère qui lui avait été théoriquement accordée en 1793 (elle ne semble pas lui avoir été versée tout de suite, ou pas régulièrement).

• 28 messidor an IV (16 juillet 1796), Château-du-Loir : Marie-Claude REGNAULT "cidevant organiste à l'abbaye de Bonlieu", domiciliée à Château du Loir, touche un mandat de 1 450 livres en assignats, "pour ses arriérés" et un mandat de 75 livres "valeur fixe" le même jour "pour le trimestre de germinal an IV" (mars 1796). La grosse somme reçue en assignats a sans doute perdu l'essentiel de sa valeur...

• 23 août 1803, Château-du-Loir : Le voisin, cordonnier, et l'apothicaire "ami de la défunte" qui viennent  à la mairie déclarer le décès de Marie-Claude RENAULT, veuve BAINVILLE, n'ont presque aucune information sur son état-civil. Son ancien état d'organiste n'est pas non plus mentionné.
• 19 septembre 1803, Château-du-Loir : Son fils Michel François Adrien vient de Molesme recueillir sa petite succession (463 fr).
Peut-être est-ce à ce moment-là qu'il prend des contacts dans la Sarthe, commence à toucher l'orgue de La Ferté-Bernard et décide d'y rester ?

• • • Bibliographie :
       Sylvie Granger, « Deux Organistes aux destins voisins : Marie-Claude Renault-Bainville (1724-1803) & Jeanne-Marie Bertrand-Jannot (1738-1804) », Annales Historiques de la Révolution française, 2011, n°4, pages 3 à 27.
         Sylvie Granger, « Femmes organistes en Sarthe au temps de la Révolution », La Vie Mancelle et Sarthoise, n°431, octobre 2013, p. 16 à 20.

Mise à jour : 21 décembre 2019

Sources
F-Ad14/ NMD Falaise ; F-Ad21/ 4E 98-64 ; F-Ad21/ BMS Molesme ; F-Ad28/ BMS Chartres, St-Aignan ; F-Ad28/ BMS Chartres, St-Michel ; F-Ad61/ H 3928 ; F-Ad61/ H 5579 ; F-Ad72/ 1 MI 1343 (R98) ; F-Ad72/ L 2024 ; F-Ad72/ L 453 ; F-Ad72/ NMD Château-du-Loir ; F-Am St-Cloud/ BMS 1723 ; F-An/ S 7551

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