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La sonate pour violon imprimée en France (1704-1723)

Le début du XVIIIe siècle marque en France l’essor de la musique pour violon et le développement de nouveaux genres liés à ce dernier, comme la sonate et le concerto, sous l’impulsion du modèle italien.[1] Selon Sébastien de Brossard, « tous les compositeurs de Paris… avaient en ce temps-là [1695 ca], pour ainsi dire, la fureur de composer des sonates à la manière italienne. »[2] Ces paroles trouvent un écho dans la remarque de Lecerf de la Viéville, d’après qui « non seulement des Musiciens de profession mais des gens de qualité, des Prélats qui ne chantent plus et ne font plus jouer chez eux que des Pièces Italiennes, des Sonates. »[3] Dans sa préface à l’édition des Nations (1726), François Couperin, affirme également avoir composé La Pucelle, l’une des sonates du recueil, pendant la dernière décennie du siècle.[4]

C’est à cette époque que la notion des « goûts réunis » se définit. Cette expression désignant une synthèse des éléments du langage musical français et italien, est issue du titre du recueil de sonates homonyme publié par Couperin en 1724.[5] L’auteur affirme que « le goût italien et le goût français ont partagé depuis longtemps (en France) la République de la Musique ; à mon égard, j’ai toujours estimé les choses qui le méritaient, sans acception d’auteurs, ni de nation ; et les premières sonades italiennes qui parurent à Paris il y a plus de trente années, et qui m’encouragèrent à en composer ensuite, ne firent aucun tort dans mon esprit, ni aux ouvrages de monsieur de Lully. »[6]  En effet, vers la fin du XVIIe siècle, les ouvrages de Corelli, notamment ses sonates, ont commencé circuler au-delà des Alpes, en trouvant en France un terrain fertile et un accueil favorable. La musique de Corelli et, à partir des années 1720, celle de Vivaldi, allait représenter une référence et un modèle, épaulé dans le processus de diffusion par deux éléments clés : l’édition et l’exécution dans les lieux de concert privés et publics. Un rôle complémentaire a été joué par les mécènes engagés activement dans la promotion de la musique italienne, comme le régent Philippe II d’Orléans ou le financier Pierre Crozat.

Avant même d’être publiées à Paris au début du XVIIIe siècle, les sonates de Corelli étaient connues en France, où elles circulaient déjà pendant les années 1690 à la cour des Stuart, exilée à Saint-Germain-en-Laye.[7] La musique de Corelli figurait également dans la bibliothèque de Louis XIV, où elle était recueillie et copiée au moins depuis 1695 sous la supervision d’André Danican Philidor, responsable,  avec François Fossard, des collections de musique du roi.[8] Les recueils de sonates à trois op. 1 e 2, édités respectivement à Rome en 1681 et en 1685,[9] furent publiés à Paris par Pierre Ribou après 1700,[10] tandis que l’op. 5 parut chez Foucault une quinzaine d'années après la première édition italienne (Rome, 1700).[11]

Comme pour d’autres répertoires, la France a toujours pu compter sur l’édition pour assurer une diffusion capillaire de la musique et la sonate ne fait pas exception à cette règle : dès 1704, les premiers recueils voient le jour chez Henry Foucault, un marchand de musique qui avait ouvert son enseigne dans les années 1690. En défiant le monopole de la famille Ballard et grâce à la collaboration de plusieurs graveurs (Claude Roussel, Henry de Baussen, etc.) qui proposent une typographie moderne et adaptée aux exigences graphiques de la musique instrumentale, Foucault s’impose rapidement comme le principal éditeur et « distributeur » de sonates pour violon à Paris pendant les deux premières décennies du siècle.

La diffusion de la musique instrumentale italienne a été rendue possible aussi grâce à l’institution des premiers lieux de concert qui promouvaient l’exécution de ce nouveau répertoire. L’un des premiers à s’engager dans cette direction a été le financier Pierre Crozat. Après un voyagé à Rome dans les années 1714-15, pendant lequel il a eu l’occasion d’assister aux concerts dans le palais du cardinal Pietro Ottoboni, Crozat a fondé son propre cercle, appelé Le Concert des Mélophilètes, avec le soutien du prince de Conti.[12] Il s’agissait d’une association qui promouvait des concerts publics et gratuits, une initiative au retentissement immédiat. Le répertoire comprenait de la musique française et italienne, avec une prédilection pour les œuvres de chambre comme les cantates et les sonates. Parmi les interprètes, on pouvait entendre des aristocrates et des amateurs se mesurer à côté des musiciens professionnels, selon une coutume qui se diffusait de plus en plus en ces années. 

Spectateur assidu des Concerts des Mélophilètes, Philippe II d’Orléans, régent de France de 1715 à 1723, a été l’une des figures les plus engagées dans la promotion du répertoire italien en France.[13] Il était lui-même musicien et compositeur, formé auprès de Charpentier, Campra, Gervais et Forqueray. Le régent ne craignait pas de se montrer en contraste avec la politique culturelle de Louis XIV, en soutenant délibérement des courants artistiques que ce dernier avait refusé, comme dans le cas de la musique italienne. Son cercle de musiciens était constitué tant de compositeurs français ayant embrassé avec conviction l’esthétique des goûts réunis (Bernier, Morin, Campra, Duval, etc) que d’italiens arrivés à Paris au début du siècle : le compositeur et violoncelliste Jean-Baptiste Stuck, les violonistes Giovanni Antonio Guido et Michele Mascitti. Ce dernier est, avec François Duval et Jean-Baptiste Sénaillé, l’auteur le plus prolifique de sonates pendant les premières deux décennies du siècle. 

 

Ce catalogue recense 32 recueils de sonates publiés entre 1704, date de parution du premier livre de Michele Mascitti et de celui de François Duval, à 1723, année de la publication du premier livre de Jean-Marie Leclair qui est considéré comme l’aboutissement du genre. Plusieurs critères ont présidé au choix du corpus : nous avons considéré uniquement les premières éditions de sonates, en excluant les rééditions françaises d’œuvres publiées précédemment dans d’autres pays (comme les sonates de Corelli) ; nous avons choisi des recueils qui renferment des sonates pour violon seul expressément désignées comme telles, en excluant d’autres genres comme la sonate en trio ou la suite. Dans les cas où le compositeur propose l’option d’un effectif alternatif, avec possibilité d’interpréter une pièce comme sonate soliste ou en trio, nous l’avons incluse dans le corpus. Un dernier critère concerne le choix du violon comme instrument idiomatique. Nous avons répertorié toutes les œuvres qui désignent expressément l’utilisation du violon, en tenant compte des effectifs alternatifs si proposés par l’auteur.

Le catalogue est classé par ordre chronologique : les recueils et les œuvres suivent une numérotation progressive. Pour les recueils, le sigle adopté est SVI.recueil.00 ; pour les œuvres, SVI.000. La plupart des recueils sont également consultables sous un format numérique sur le site de la BNF-Gallica, vers lequel nous avons effectué un renvoi systématique.

 

Barbara Nestola, avril 2014

 

[1] Je souhaite remercier Catherine Cessac et Joseba Berrocal pour leur contribution à la réalisation de ce catalogue. Pour une bibliographie sélective sur la sonate en France au début du XVIIIe siècle, cf. Carol Henry Bates, « The Early French Sonata For Solo Instruments – A Study in Diversity », Recherches sur la musique française classique, XXVII, 1991-92, p. 71-98 ; Guido Olivieri, « ‘Si suona a Napoli!’. I rapporti fra Napoli e Parigi e i primordi della sonata in Francia », Studi Musicali XXV, 1/2, 1996, p. 409-427 ; Samantha Jones, L’établissement de la sonate à violon seul en France, 1704-1723, Memoire de Maîtrise, Université de Paris IV, 1997-98. Julie Sadie, « Devils and Archangels. The French fascination with ultramontane music », dans François Couperin. Nouveaux regards,Actes des Rencontres de Villecroze, 4-7 octobre 1995, sous la direction d’Huguette Dreyfus, réunis par Orhan Memed, Paris, Klincksieck, 1998, p. 149-162. Peter Walls, «‘Sonate, que me veux-tu?’: reconstructing french identity in the wake of Corelli’s op. 5 », Early Music XXXII, 1 February 2004, p. 27-47. Barbara Nestola, « Giovanni Antonio Guido e il petit motet all’inizio del Settecento: dal dessus al violino solo »,  Florilegium Musicae. Studi in onore di Carolyn Gianturco, a cura di Patrizia Radicchi e Michael Burden, Pisa, ETS, 2004, Vol. II, p. 737-755.Sur Leclair cf. le collectifJean-Marie Leclair : virtuose et compositeur (1697-1764), Versailles, CMBV, 2005. Cf. aussi l’introduction de Mary Cyr à Élisabeth-Claude Jacquet de La Guerre, Instrumental Works, New York, The Broude Trust, 2008, p. XIII-XXXVII. 

[2] La Collection Sébastien de Brossard. 1655-1730, Catalogue édité par Yolande de Brossard, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1994, p. 515.

[3] Jean-Laurent Lecerf de La Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la musique française, Bruxelles, Foppens, 1705, II, p. 53-54. 

[4] François Couperin, Les Nations, Sonades et suites de simphonies en trio, Paris, Boivin, 1726, p. [I] (RISM A I - C 4277).

[5] François Couperin, Les Goûts réunis ou Nouveaux concerts à l’usage de toutes les sortes d’instruments, Paris, Boivin, Leclerc, 1724 (RISM A I – C 4275).

[6] Ibidem, p. [I].

[7] Cf. Edward T. Corp, « The Exiled Court of James II and James III : A Centre of Italian Music in France, 1689-1712 », JRMA, 120, II, 1995, p. 216-231 : p. 225-226.

[8] Voir, à titre d’exemple, le Recueil de Plusieurs belles pieces de Simphonie copiées choisies et mises en ordre par Philidor l'aisné ordinaire de la musique du Roy et l'un des deux gardiens de la musique de sa M[ajes]té Second tôme 1695 (F-Pn Rés F 533). Il contient trois sonates de Corelli : p. 186-189, 190-192, 194-196. 

[9] Arcangelo Corelli, Sonate a tre, doi violini, e violone, o arcileuto, col basso per l’organo, Roma, Giovanni Angelo Mutij, 1681 (RISM A I – C 3658) et Sonate da camera a tre, doi violini e violone, o cimbalo... opera seconda, Roma, Giovanni Angelo Mutij, 1685 (RISM A I – C 3693).

[10] RISM A I – C 3687 e RISM A I – C 3724.

[11] Arcangelo Corelli, Sonate a violino e violone o cimbalo... opera quinta, Roma, Gasparo Pietra Santa [1700] (RISM A I – C 3800) ; Arcangelo Corelli, Opera quinta da Arcangelo Corelli, Paris, Henry Foucault [1718 ca] (RISM A I – C 3821).

[12] Sylvie Mamy, « Le triomphe des Mélophilètes. Congiunzioni di Parnaso », dans 4° Festival Vivaldi. L’invenzione del gusto. Corelli e Vivaldi, Venezia, Fondazione Giorgio Cini, 1982, p. 93-101.

[13] Don Fader, Musical thought and royal patronage of the italian style at the court of Philippe II, Duc d’Orléans (1674-1723), PhD dissertation, Stanford University, 2000.

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