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Marne

Musique et musiciens d’Église dans le département de la MARNE autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens de la Marne

Url pérenne : http://philidor.cmbv.fr/musefrem/marne

  

0-Reims

Veüe et Perspective de la Ville de Reims du coté du chemin de Paris, par Louis-Pierre Daudet, 1722 (Source gallica.bnf.fr / BnF, dépt Cartes et plans, GE BB 565 (8, 51))

« Pendant les onctions, les Musiciens chantèrent l’Antienne suivante. Unxerunt Salomonem Sadoch Sacerdos & Nathan Propheta Regem in Sion, & accedentes laeti dixerunt : Vivat Rex in aeternum » [Le Prêtre Sadoch & le Prophète Nathan sacrèrent Salomon dans Sion et s’approchant de lui, ils lui dirent avec joie : Vive le Roi éternellement »], lit-on dans la Formule de cérémonies et prières pour le Sacre.

Nous sommes le dimanche de la Trinité 11 juin 1775, dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Reims. L’abbé Pichon n’évoque pas directement cet instant dans sa relation du sacre parue la même année mais il mentionne le « Chœur » qui chante à plusieurs reprises lors de la « consécration » (remise de l’épée de Charlemagne, mélange du baume de la Sainte Ampoule avec le Saint Chrême, réponse aux litanies chantées par les évêques entourant Mgr de La Roche-Aymon) juste avant les neuf onctions qui font du roi « l’oint du Seigneur ». En réalité, « cent Musiciens » sont installés dans l’immense « orchestre » construit au fond du chœur, au-devant d’un amphithéâtre à colonnades. Qui sont-ils ?

1-Couronnement de Louis XVI

« Le couronnement du roy », figure en taille-douce, Sacre et couronnement de Louis XVI, roi de France et de Navarre, à Rheims, le 11 juin 1775 [...], Paris, Chez Vente [...], et chez Patas (Source gallica.bnf.fr / BnF, dépt Arsenal, RESERVE4-H-3511)

La plupart sont les chantres (au nombre de quarante) et instrumentistes (également quarante) de la Chapelle du roi venus de Versailles. Quant aux trompettes et tambours de la Grande Écurie du roi, ils ont été installés entre les deux escaliers qui montent au jubé sur lequel le trône a été placé. Après l’intronisation du souverain, on entonne le Te Deum mis en musique par François REBEL, surintendant de la Musique du roi. Puis débute la messe composée par François GIROUST, maître de musique de la Chapelle du roi. Elle est « courte et brève », intitulée Gaudete in Domino semper. Il la fait exécuter « avec autant de succès qu’il avoit mis de goût à la composer ». Les autres « musiciens » installés dans l’orchestre sont ceux de la Métropole, c’est-à-dire de la cathédrale rémoise ; en théorie une dizaine, ils ont été rejoints par des chantres des cathédrales de Châlons et de Troyes. Leurs interventions sont mentionnées dans la relation de Pichon. La première d’entre elles est relevée dès le samedi 10 juin [1775], de conserve avec la Chapelle du roi, lorsque sont chantées les premières vêpres du sacre en présence de la famille royale, juste avant le sermon de l’archevêque d’Aix. Les musiciens de Notre-Dame semblent être seuls à chanter les vêpres lors de la cérémonie de l’ordre du Saint-Esprit qui se déroule dans la cathédrale le mardi 13 juin, puis le Veni Creator et les complies. Aucune œuvre musicale du maître de musique de la cathédrale, Henri HARDOUIN, n’est mentionnée dans les relations du sacre. Toutefois, en 1952, l’abbé Prim, qui redécouvrit la messe de GIROUST, révéla que HARDOUIN avait composé des Répons qui furent exécutés en juin 1775. Enfin, le mercredi 14 juin, le roi se rend dans le parc de l’abbaye Saint-Remi afin de toucher les écrouelles. Auparavant, il va faire sa prière devant la châsse de saint Marcoul qui a été installée près de l’autel. Elle a été amenée en ville depuis le prieuré de Corbeny par une procession constituée des habitants de ce village et de ceux de Saint-Thierry et Thil, accompagnés de leurs « chantres & choristes ».
C’est donc un vaste échantillon des musiciens d’Église en poste dans les localités champenoises du département de la Marne, qui est associé à l’institution millénaire du sacre des rois de France. Cette sorte de privilège, né de l’usage et de la tradition, est toutefois bien près de sa disparition. En 1793, la Sainte Ampoule sera fracassée sur le socle de l’ancienne statue de Louis XV à deux pas de la cathédrale et toutes les églises seront fermées.

• • •

I. UN TERRITOIRE AUX FORTS CONTRASTES

2-Département de la Marne

Département de la Marne, carte tirée de La République française en LXXXVIII départemens, 3e édition, Paris, An III, in-8° (coll. privée)

• • • Le département de la Marne, d’une superficie d’environ 8 200 km2, est créé le 4 mars 1790. Il est composé de six districts : ceux de Reims et d’Épernay, au nord-ouest, dominés par les coteaux du Bassin parisien et dotés de riches vignobles ; celui de Châlons au centre, qui s’étend dans les plaines de la Champagne crayeuse ; ceux de Sainte-Menehould et de Vitry-le-François à l’est marqués par les collines de l’Argonne et enfin celui de Sézanne, au sud-ouest, aux limites de la Brie. Il est l’un des quatre départements taillés dans l’ancien ressort de la généralité de Châlons mise en place par un édit de 1542 (forte de sept bailliages). Les textes royaux définissent ce territoire comme une « frontière ». Pendant des siècles, cet espace couvrait la capitale (Paris n’est qu’à 162 kilomètres de Châlons) sur son flanc oriental depuis l’annexion de fait du comté de Champagne au domaine royal entre 1284 et 1361. Un gouvernement militaire englobe la généralité, plus le territoire de la Brie, et on voit fleurir les forteresses qui jouent encore leur rôle en 1635. Ce caractère stratégique explique l’implantation de très grandes familles aristocratiques comme les Guise au XVIe siècle, puis l’essor de familles de la moyenne noblesse au siècle suivant, placées au service de la monarchie. La présence des Guise explique sans doute aussi la quasi disparition des communautés réformées lors des guerres de religion.

• • • L’organisation ecclésiastique du département de la Marne repose sur le diocèse de Reims au nord-ouest, qui s’étend surtout sur l’actuel département des Ardennes, et le diocèse de Châlons. Aux marges, certaines localités relèvent des diocèses de Soissons (Montmirail, Châtillon-sur-Marne) et de Troyes (région de Sézanne). Les deux prélats sont pairs de France et ils sont issus de la très grande noblesse curiale. Il s’agit, en 1790, d’Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord, archevêque-duc de Reims et premier pair de France, et d’Anne-Antoine de Clermont-Tonnerre, évêque-comte de Châlons. L’archevêque de Reims est à la tête de la province ecclésiastique homonyme qui couvre neuf diocèses de Picardie, jusqu’au port de Boulogne-sur-Mer.

• • • Les guerres civiles et étrangères avaient provoqué des crises économique, sociale et démographique au XVIIe siècle. À la fin de l’Ancien Régime, la généralité de Châlons voit stagner sa population de 750 à 800 000 habitants.

Sur le plan économique, l’espace a été profondément marqué par de forts contrastes. En 1802 encore, la Description topographique du département de la Marne évoque « un carré irrégulier [formant] une espèce de plateau qui, du centre aux extrémités, ne contient, au moins dans sa plus grande partie, qu’un sol aride et presque stérile ». Ce sol, constitué de « tuf de craie », à peine recouvert de terre, est peu densément peuplé, avec des espaces immenses presque vides. L’auteur de cette Description topographique en fait, d’une façon sans doute stéréotypée, une terre prédestinée aux combats depuis la bataille des Champs Catalauniques qui repoussa Attila, qu’il compare d’une certaine manière à celle de Valmy en 1792 ! « Cependant cette grande étendue de terres est bordée de quelques parties plus fertiles, qui, par accident, forment des espèces de ceintures autour de ce site malheureux ». Cette évocation est à peine exagérée car l’agriculture a des rendements encore médiocres ; en dehors de quelques riches propriétés ouvertes aux innovations physiocratiques, elle est peu transformée par l’emploi d’amendements. Arthur Young traverse le département les 8 et 9 juillet 1789. Il ne s’intéresse qu’au vignoble, le reste n’étant qu’un « pauvre pays » aux « pauvres récoltes ». On produit du blé, du seigle, de l’orge, du sarrasin, de l’avoine, des plantes potagères et des fruits, dont les melons de Châlons, une spécialité alors appréciée. Les prairies qui occupent les rives de la Marne, axe structurant du centre du département, fournissent surtout du foin pour un élevage assez médiocre. Sur cette rivière qui est navigable jusqu’à Paris et au-delà aux « ports de l’Océan », on transporte un peu de ces denrées agricoles mais surtout des productions industrielles et artisanales comme des fers (venus du cours supérieur de la Marne), du charbon, de la poterie d’Épernay, du chanvre, de la verrerie, des osiers. On voit aussi du bois de flottage. Toutefois, la rivière souffre d’un manque d’aménagements qui seraient nécessaires pour développer ce trafic.

• Au XVIIIe siècle, la Champagne a connu un grand essor artisanal et manufacturier, en particulier à Troyes et Reims. Cette dernière ville s’est spécialisée dans la draperie, avec trois cents fabricants en 1788. Ce secteur est celui qui offre le plus d’emplois aux Rémois (ainsi, un millier d’ouvriers œuvrent sur les cent métiers appartenant à Ponce Jean-Nicolas Ponsardin). Les trois-quarts de la production de ce fabricant (soit 300 000 pièces) s’écoulent à l’extérieur de la province. Les sources mentionnent les fabriques d’étoffes de laine, de flanelle, d’étamine ainsi que de la bonneterie, des tanneries, de la mégisserie, de la papeterie.

• Le vignoble champenois s’étend alors sur 15 000 hectares, dont un peu plus du tiers en « fin cru », ce qui motive le voyage d’Arthur Young. Les vins renommés se trouvent dans les régions d’Épernay et de Reims. En 1802, C. L Bourgeois de Jessaint rappelle qu’avant la Révolution il y avait « peu d’années dans les temps libres, où les seuls vins de Champagne, exportés à l’étranger ne donnent à la France un bénéfice de plusieurs millions ». Les « excellents vins rouges et blancs » sont recherchés « dans toutes les nations de l’Europe, ils ont en particulier qu’ils excitent et inspirent une gaité que ne produit aucun autre vin ». On distingue alors les « vins de rivière », qui sont les vins mousseux de la région d’Aÿ et Hautvillers, et les « vins de montagne » [des hauts de coteaux], qui sont davantage exportés. Ce commerce, étudié notamment par Benoît Musset, a permis l’émergence de familles récemment enrichies (Clicquot, Moët, Ruinart...) dans les centres de pouvoir aux côtés des dynasties issues du textile (Coquebert...). Il a également établi solidement la prospérité de certaines abbayes.

II. REIMS, LA CITÉ DES SACRES

3-Plan de Reims et environs

Plan général de la ville de Reims et de ses environs, Lattré, 1755 (Source gallica.bnf.fr / BnF, dépt Cartes et plans, GE D-14611)

« La première vue que l’on a de cette ville, juste avant la descente, à la distance de 4 milles, est magnifique. La cathédrale a une grande allure et l’église de Saint-Remy termine la ville dignement. [...] Les rues sont presque toutes larges, droites et bien bâties, valant ce que j’ai vu de mieux » écrit Arthur Young lors de ses pérégrinations. Vingt années auparavant, Roland de La Platière avait lui aussi décrit « une grande ville, riche, commerçante, peuplée, bien bâtie et bien percée », mais il critiquait les derniers travaux urbanistiques (place royale et statue de Louis XV). 

La façade de la cathédrale recueillait ses suffrages, un « bel édifice [...] d’un très bon gothique, un peu obscur », aux deux tours « chargées d’une quantité prodigieuse de figures, d’hommes, d’animaux, de saints, de diables ». En 1790, la ville compte environ 30 000 habitants. La cité est encore enserrée dans ses remparts médiévaux percés par plusieurs portes monumentales dont certains noms rappellent le riche passé gallo-romain de Durocortorum (portes de Mars et de Cérès). Si l’intendant est à Châlons, Reims possède une université depuis 1548 : la faculté de médecine semble plus réputée que celles des arts et de théologie. Depuis quelques dizaines d’années, des écoles de dessin et de mathématiques établies à l’Hôtel de ville ont gagné en réputation. Derrière ce portrait, on imagine une ville paisible, presque endormie sous ses innombrables clochers. Pourtant, quelques mois avant la venue de Young, de très graves émeutes frumentaires ont secoué la cité, en particulier dans les quartiers populeux de la « ville haute », au sud-est, le quartier des abbayes. Des émeutiers ont exigé de contrôler l’état des greniers à blé de Saint-Remi (comme en 1770), de Saint-Nicaise et de l’abbaye Saint-Pierre. Des dégâts ont été commis. Dans les cahiers de doléances, les abbayes commendataires sont visées, ainsi que leurs droits seigneuriaux ; on pointe aussi le déclin des effectifs réguliers. L’emprise spatiale du clergé (un cinquième des maisons rémoises, vastes enclos des établissements réguliers) est dénoncée.

• • • Les élites rémoises s’adonnent à la musique

Depuis 1749, à la demande de certains notables très liés aux familles d’échevins (98 souscripteurs en tout), des représentations musicales sont organisées à l’Hôtel de ville par le Concert, appelé parfois Académie de musique. Il y a 36 spectacles par an. Les échevins versent une subvention de 1 200 livres jusqu’en 1779. Chaque vendredi soir d’octobre à juillet, Henri HARDOUIN puis Jean LASNIER dirigent les représentations. Par exemple, le Journal de Champagne du 21 décembre 1788 annonce le concert spirituel du jour de Noël qui sera donné au bénéfice des pauvres. Les places sont vendues 30 sols. On y joue des extraits d’œuvres de GLUCK, BAMBINI, ROUSSEAU, PERGOLÈSE, DEZÈDE, Pierre MARC, EDELMAN. THIRIAT y chante un air et donne « le motet Laudate Dominum, avec un duo & le chœur, de la composition de M. Lasnier [et] le motet Beatus Vir, récit chanté par Mde Chambon & chœur de la composition de M. Lasnier ». Rares toutefois sont les annonces dans la presse, elles correspondent aux moments d’ouverture au grand public. Bien que l’orchestre et les chanteurs soient en nombre restreint, les spectateurs ont un large aperçu des œuvres à la mode, la proximité de Paris jouant à plein.

En 1777, un nouveau théâtre est construit dans l’actuelle rue Talleyrand. Derrière une façade pleine « de noblesse et d’élégance » se tiennent deux rangs de loges et l’amphithéâtre s’avance sur une grande partie de la salle. Une société d’actionnaires a pu financer le chantier de 52 500 livres. L’on y chante, entre autres, des opéras ou des opéras-comiques. Le chapitre cathédral punit toutefois ceux de ses musiciens qui s’y produisent. En avril 1777, les joueurs de basson et serpent DESPERY et CARON sont admonestés à la suite d’une rixe, celle-ci prouvant leur participation au spectacle. Il leur est strictement interdit de jouer dans des opéras sous peine de renvoi. En décembre 1790, le sieur Redon, « directeur des petits élèves » (« tous de l’Académie royale de Musique ») propose ses voix, son répertoire d’opéras (surtout des œuvres de Grétry) ; on lui demande en retour 80 francs de frais de location par jour, dont une partie servira à payer l’orchestre « à raison de huit musiciens de notre Concert ». Les bals parés y font fureur ; il y en eut treize du 1er janvier au carême 1774. Quant au peuple, il danse dans les redoutes et les faubourgs de Cormontreuil.

• • • La musique à la cathédrale de Reims

Le chapitre de la cathédrale Notre-Dame est constitué, selon La France ecclésiastique de 1790 de 64 chanoines prébendés, dont neuf sont des dignitaires : prévôt, trésorier, doyen, vidame, chantre, écolâtre, pénitencier, deux archidiacres. Les revenus du chapitre sont parmi les plus importants du monde canonial à l’échelle du royaume (avec Chartres, Cambrai...). Ils s’élèvent à 263 727 livres et les dépenses (minorées) à 67 727 livres en 1790. En 1788-1789, ces dépenses s’élèvent à 103 000 livres. Le montant d’une prébende canoniale est fixé à 3 018 livres (2 009 livres de traitement).

• Le bas chœur est quant à lui composé de 61 chapelains [plutôt 48 au regard des sources de 1790], quatre « grands-prêtres » et un « corps de musique ».

La structure musicale de la cathédrale Notre-Dame de Reims en 1790

Prénom et NOM Fonction Lieu d’origine Âge en 1790 Ancienneté en 1790
Jean François BOULART Basse-contre Village près de Noyon [Oise] 39 ans 20 ans
Pierre Claude CARON Serpent et basson Reims [Marne] 38 ans 15 ans
Louis François CARPENTIER Basse-contre Village près de Nesle [Somme] 28 ans 5 ans
Jean François Auguste DOUSSY Basse-contre Village près de Saint-Quentin [Aisne] 36 ans 11 ans
Henri HARDOUIN Maître de musique (prêtre) Village près de Vouziers [Ardennes] 63 ans 41 ans [y a été enfant de chœur]
Jean LASNIER Basse-taille Troyes [Aube] 54 ans 15 ans
Nicolas Blaise MANFAIT Serpent et basson Reims [Marne] 32 ans 9 ans
Jean-Baptiste MONS Basse-contre Guise [Aisne] 58 ans 23 ans
François THIRIAT Haute-taille [Metz ou sa région ?] 33 ans environ 10 ans
Jacques TURPIN Organiste titulaire Saint-Maur-des-Fossés [Val-de-Marne] 62 ans 39 ans
Pierre Nicolas TURPIN Organiste suppléant Reims [Marne] 27 ans 5 ans
Jean-Baptiste Étienne BARBELET « Grand prêtre » (prêtre) Reims [Marne] 42 ans environ ?
Guillaume TILMON « Grand prêtre » (prêtre) Montmédy [Meuse] 33 ans ?
Jean Pierre TROUSSIN « Grand prêtre » (prêtre) Reims [Marne] 43 ans ?
François MAUVY « Grand prêtre » (prêtre) Torcy (lequel ?) ? ?
Jean-Baptiste PELLETIER « Musicien » (clerc) Ludes [Marne] 73 ans environ ?
L’effectif compte aussi 10 enfants de chœur : Remi BOCQUET, Louis BORY, DAMERY, Louis François DENIVELLE, Antoine FOSSIER, Joseph FOURNIER, MERESSE, Jean-Baptiste François NOAILLES (le grand enfant, sorti en août 1790), PLÉ, RONDELET.

L’étude de la musique à Notre-Dame de Reims est entravée par la perte des registres capitulaires, brûlés en 1793. Seuls quelques « plumitifs de registres capitulaires », parfois lacunaires, des années 1768-1778, apportent l’éclairage indispensable pour saisir l’organisation et le fonctionnement de la musique dans cet illustre établissement. En réalité, les grands-prêtres et quelques chapelains ont des fonctions cantorales et/ou musicales.

4-Cathédrale de Reims

Cathédrale Notre-Dame de Reims (cl. C. Maillard, juillet 2021)

• Les chapelains sont organisés en « congrégations ». Ceux de la « nouvelle congrégation » sont au nombre de douze en novembre 1790 (dont deux « grands-prêtres »), le calcul des revenus et dépenses de cette congrégation sur une période de dix ans donne 2 065 livres de revenus pour 1 918 livres de dépenses. Les chapelains de l’ « ancienne congrégation », au nombre de 34, déclarent collectivement 16 520 livres de revenus en janvier 1790. Ces chapelains des deux congrégations tiennent une « chapelle », dans laquelle ils célèbrent un certain nombre d’offices relevant de leurs obligations religieuses et liturgiques. Parfois, comme lors de l’octave de l’Assomption, les offices sont solennisés grâce à une messe en musique et à l’orgue. Les chapelains sont souvent rappelés à leurs devoirs statutaires par le chapitre, comme en juillet 1783. Agacés, les chapelains rétorquent « nous chanterions plus souvent nos messes et toujours avec la solennité que nous le devons s’il plairoit au chapitre de nous fournir une sacristie moins étroite et consequemment plus commode ». Un accord est trouvé entre les deux parties et il est prévu que « deux basses contres seront demandés pour soutenir le chœur en tous les offices à chanter, il leur sera payé pour ce à chacun douze livres par an ».

• Les quatre grands-prêtres sont tous des chantres, mais tous n’ont probablement pas la même tessiture. Une annonce insérée par le chapitre le 1er septembre 1774, dans les Annonces, affiches et avis divers de Reims et Généralité de Champagne, permet de saisir le profil de ces membres du bas-chœur : « Il y a une place de Grand-Prestre vacante dans la cathédrale de Reims. Il faut que le sujet soit Prêtre, ou dans le cas de l’être bientôt, qu’il sache la musique & le chant sur le livre & qu’il ait une voix de haute-taille. Les revenus sont de 1 200 liv. & on les augmenteroit, si le sujet avoit des talens supérieurs. Il faut s’adresser à M. l’Abbé Bourlier, Chantre & Chanoine de l’église de Reims ; ou à M. l’Abbé Hardouin, me de Musique de lad. Eglise ». Des investigations supplémentaires restent à mener afin de bien documenter ces quatre ecclésiastiques dont la tessiture devait varier. Les honoraires de ces quatre bénéficiers s’élèvent à 9 900 livres par an.

• Huit adultes sont attachés au « corps de musique » à proprement parler : six chantres (quatre basses-contre, une basse-taille, une haute-taille) et deux instrumentistes (joueurs de serpent et basson), plus l’organiste, mais il reste à situer exactement le musicien PELLETIER dont le statut exact n’est pas connu. Un chantre de basse-contre, Jean TIROT, s’est éteint en avril 1790.
Avec les grands-prêtres et l’organiste, l’effectif total atteint les treize individus, dont trois instrumentistes. Si l’on excepte les quatre grands-prêtres et PELLETIER, pour lesquels les données restent incertaines, on peut fixer à 42,7 ans l’âge moyen des musiciens (de 27 à 63 ans) et à 17,5 ans la durée de leur service (de 5 à 39 ans) en 1790. Avec le maître de musique, seuls BOULART, MONS et sans doute Jacques TURPIN ont assisté au sacre de 1775. LASNIER y était aussi comme chantre externe, venu de Troyes. Six musiciens sont nés en dehors de la Champagne (quatre Picards, un Lorrain, un « Parisien ») et trois sont natifs de la ville de Reims même. La stratégie de recrutement de la compagnie passe par la correspondance du chantre en dignité ou du maître de musique avec leurs homologues de Champagne, surtout Troyes, ou d’un vaste bassin parisien. Les chantres de Notre-Dame sont également invités à aller rehausser les fêtes solennelles à Châlons ou dans les grandes abbayes rémoises.
Si la plupart des musiciens logent dans le quartier canonial, il n’existe pas de maison des chantres comme à Metz ou Paris, même si l’on relève un « dormentier » et un « réfectorier » parmi les nombreux petits officiers de la cathédrale. Les appointements annuels s’élèvent de 696 livres (aux deux serpents) à 936 livres (aux deux basses-contre qui chantent aussi pour les chapelains).

• Les jours de fête solennelle, plusieurs symphonistes viennent jouer dans le chœur. Leurs interventions sont programmées et financées (447 livres par an). Par exemple, en juin 1772, huit musiciens du régiment de Bouillon sont payés 42 livres, sans doute à l’occasion de la Fête-Dieu. Il en est de même pour les voix, en particulier pour la fête de la Dédicace. On fait venir de belles voix de Paris en utilisant le réseau d’HARDOUIN. En octobre 1776, DORIOT, maître de musique de la Sainte Chapelle, propose les services d’une haute-contre qui sera rétribuée 68 livres, frais de voyage compris. Enfin, l’usage est de donner une rétribution aux musiciens extérieurs qui chantent « en passant », elle est estimée à 48 livres pour l’année 1790.

• Documentée au moins depuis le début du XIIIe siècle, la présence d’un orgue à la cathédrale est fort ancienne. Plusieurs instruments se sont succédé, et celui qui est en place en 1790 date de 1647. C’est celui qu’avait touché Nicolas de Grigny entre 1696 et 1703. Il s’agit d’un seize pieds possédant trois claviers complets, un demi-clavier et seize jeux d’anches. Il survit à la Révolution et continue à être utilisé jusqu’au milieu du XIXe siècle. Il est régulièrement entretenu et réparé par le facteur Louis PÉRONARD « depuis de longues années », moyennant 150 livres à l’année. Le 23 juin 1775, peu après le sacre, le chapitre et PÉRONARD avaient signé un état des travaux à mener sur l’orgue. L’année précédente, d’autres travaux avaient concerné le positif. C’est Jacques TURPIN qui touche l’orgue de la cathédrale Notre-Dame depuis 39 années. Toutefois, depuis 1785, le chapitre a désigné son fils Pierre-Nicolas TURPIN comme suppléant et survivancier. Ses gages ne sont pas connus en 1790, hormis trois setiers de blé froment. Le fils touchera en 1792 la somme de 800 livres dans la nouvelle structure cathédrale.

• Selon un état de 1790, la maîtrise, établie depuis 1285, est composée du maître de musique, d’un sous-maître, de dix enfants de chœur, recrutés sur concours, et de deux gouvernantes, tous logés et entretenus dans la maison qui leur est destinée, à l’exception du sous-maître. Cette maison se trouve dans le quartier du Cloître au chevet de la cathédrale. Une prébende destinée à son entretien depuis 1423 est gérée par un chanoine en liaison avec le maître de musique. Ce dernier reçoit annuellement la somme de 3 600 livres et le chapitre paie les éventuels dépassements. Ses honoraires propres s’élèvent à 300 livres sous forme d’une « pension ». Le financement de la maîtrise n’a jamais cessé d’être une préoccupation pour le chapitre. En 1769 encore, il obtient de l’archevêque « la réunion de la sixieme chapelle de st Barthelemy a la maison des enfants de chœur » à condition « que les messes fussent chantées au lutrin par lesdits enfants de chœur ». L’éducation musicale repose sur le maître de musique mais l’organiste vient aussi donner des leçons de clavecin. Une fois les rudiments de la composition acquis, les plus grands des enfants peuvent faire jouer certaines de leurs œuvres lors des offices comme à la Saint-Nicolas ou à la Sainte-Cécile. En 1774, le motet composé pour la Saint-Nicolas est récompensé par une gratification de trois livres mais on ignore le nom du jeune compositeur. Le niveau d’étude des enfants est contrôlé par une commission canoniale lors d’un examen et les meilleurs sont orientés vers le collège, grâce à l’existence de bourses qui sont à la disposition du chapitre. La plupart des enfants de chœur poursuivent leur cursus au séminaire et reviennent peupler ultérieurement le chœur de Notre-Dame, comme chapelains par exemple. À tous, une gratification de sortie de la maîtrise est versée, elle monte à 133 livres, en sus des 38 livres pour les vêtements. En août 1790, le grand enfant de chœur, qui va sortir après l’Assomption, est Jean-Baptiste François NOAILLES. Suivant le chanoine responsable de la prébende des enfants de chœur, il parle bien l’italien, il chante bien et joue « supérieurement du violon et assez joliment de la basse, de l’alto serpent, flute et touchant de l’orgue, en un mot, il est peu d’enfants qui réunisse [sic] à son âge autant de talents et même de vertus ».

5-L'abbé Hardouin

L'abbé Hardouin, par Nicolas Perceval, huile sur toile, vers 1780, Musée des Beaux-Arts de Reims, Inv. 904.3.1 (cl. © Reims, Musée des Beaux-Arts, photo C. Devleeschauwer)

• Pendant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle, un seul maître de musique est resté au service du chapitre. Il s’agit d’Henri HARDOUIN. Formé à la maîtrise de Notre-Dame depuis 1735, il est déjà en fonction en février 1749 (il a alors 22 ans). Toutefois, en 1753, il a tenté d’être reçu à la cathédrale de Chartres. En 1790, la situation du maître est confortable et sa réputation dépasse les limites de la cité. Il cumule les revenus tirés d’une chapelle et d’un canonicat de la collégiale Sainte-Balsamie de Reims, octroyé sans doute dans la perspective du sacre par ordre du roi en novembre 1774, suivant son droit de « joyeux avènement », et dont il a pris possession en juin 1776. Ainsi, en 1790, le revenu « net » qu’il déclare au district se monte à 1 689 livres. Depuis 1773, les chanoines lui versent également une pension viagère et annuelle de 120 livres, qui est la récompense des six messes imprimées qu’il a composées et dédiées à la compagnie en 1771. Ces messes en musique sont proposées dans tout le royaume par une efficace souscription, puisqu’une cinquantaine d’établissements les ont achetées. Enfin, l’abbé HARDOUIN a dirigé la musique de l’Académie entre 1749 et 1771 et a pu y donner un large aperçu de ses compositions religieuses, ce qui évoque la pratique du jeune François GIROUST (1737-1799) à Orléans au même moment. Un des motets d’HARDOUIN a même été joué au Concert Spirituel, à Paris, en 1765. Il se rend parfois dans la capitale, où il est d’ailleurs affilé à la loge maçonnique Saint-Jean de Palestine. On peut établir un corpus de 600 œuvres de sa plume, dont une part non négligeable a été conservée et cataloguée [bibliothèque Carnegie de Reims]. Un certain nombre de chantres, instrumentistes et enfants de chœur de la cathédrale sont rémunérés également par l’Académie de musique de Reims. Pour Patrick Taïeb, « l’abbé Henry » [nom donné à HARDOUIN dans les comptes] aurait laissé au début des années 1770 la place à Jean LASNIER à la tête du Concert en raison de l’évolution du répertoire, concomitante de celle du goût musical. Le maître de musique est resté fidèle à une « certaine tradition » (messes a capella...).

• • • Les collégiales de Reims

• La collégiale Saint-Symphorien abrite l’autel de la paroisse du même nom. Les mêmes chantres desservent les deux établissements. Pas très éloigné de la porte de Cérès, l’édifice se situe à peu de distance du chevet de la cathédrale et des remparts, en face du couvent des Cordeliers. Le chapitre déclare 49 000 livres de revenus pour 10 000 livres de dépenses et partage les bénéfices entre vingt-et-un prébendés. L’un d’eux est le curé de la paroisse, un autre est le doyen, seul dignitaire. En juillet 1754, les fabriciers de la paroisse évoquent la nécessité d’ajouter un jeu de clairon à leur orgue qui est alors en réparation. Il est précisé dans la délibération que le chapitre contribuera pour les deux tiers à la dépense, la paroisse fournissant le tiers restant selon un accord préalable. Georges, l’un des membres de la famille THULLIER qui occupe depuis plus de vingt ans la tribune, touche l’orgue les dimanches et fêtes. Le chapitre lui verse 130 livres, la paroisse 40 livres 10 sols pour ses appointements de l’année. Au lutrin, cinq chantres donnent de la voix. Il s’agit de Jean LOBREAU (Ardennais en poste depuis 35 ans, il perçoit 300 livres, est logé et il assure en outre les fonctions de sacristain et de secrétaire capitulaire), Jacques LOBREAU, frère du précédent (en fonction depuis 27 ans, aux gages de 368 livres tant en fixe qu’en casuel), Jacques BRIQUOT (350 livres depuis 14 ans), Louis Bertrand RONDELET (368 livres depuis 5 années) et enfin Louis Marie RANDOULET (340 livres), reçu deux ans auparavant. Un joueur de serpent, Joseph GÉRARD, « tisseur » récemment recruté pour 174 livres de gages à l’année (dont 24 par la paroisse), complète l’effectif.

Dans la « ville haute », deux petites églises collégiales se tiennent à peu de distance l’une de l’autre, dominées par les deux grandes églises abbatiales.
• La collégiale Sainte-Balsamie, située à proximité de Saint-Nicaise, porte le nom de la nourrice de saint Remi. Elle avait été fondée dans la seconde moitié du XIe siècle par Henri le Libéral, comte de Champagne. Son chapitre comporte douze chanoines prébendés et trois chapelains, dont le maître de musique de la cathédrale Notre-Dame, tous placés sous la juridiction du chapitre métropolitain. Ses revenus s’élèvent en 1790 à 13 000 livres, pour 2 922 livres de dépenses. Elle entretient deux chantres et des enfants de chœur. DELACROIX reste un bien mystérieux premier chantre laïc, rémunéré 200 livres par an, alors que le profil de Pierre RAINOT, le second chantre est mieux connu. Maître d’école, il est en fonction à la collégiale depuis 1780 et perçoit 129 livres 15 sols de gages. La petite église Sainte-Balsamie est détruite à la Révolution.
• La collégiale Saint-Timothée, mitoyenne de l’église paroissiale Saint-Martin, se situe à côté de la « Halle S.Remy », au chevet de l’abbaye. Elle est aussi sous la juridiction du chapitre cathédral et comporte douze chanoines prébendés, dont le curé de la paroisse du même nom, et quatre chapelains. Ses revenus s’élèvent à 9 189 livres, pour 3 992 livres de dépenses.
Deux chantres et deux enfants de chœur (RIGAULT et REIGNER) s’activent lors de l’office divin. Jean-Baptiste Éloy BUTELLE assure depuis 1777 les fonctions de premier chantre laïc et de sacristain. Jacques-François MASSET est depuis 1781 le second chantre de Saint-Timothée, après avoir été maître d’école dans un village ardennais situé à 35 km de Reims. Ils reçoivent chacun 380 livres d’appointements, casuel compris.

• • • Abbayes et couvents de Reims

6-Abbaye Saint-Nicaise de Reims

Abbaye Saint-Nicaise de Reims, planche gravée du XVIIe siècle, dans le livre Monasticon Gallicanum (Source gallica.bnf.fr / BnF, Dépt des manuscrits, Latin 11820F)

Dans la « ville haute », deux vastes et magnifiques abbayes, situées à faible distance l’une de l’autre, proches de la porte du Dieu-Lumière où commence la « route d’Allemagne par Châalons », dominent le paysage urbain. Toutes deux sont des établissements bénédictins, appartenant à la congrégation de Saint-Maur. Elles ont perdu de leur splendeur.

• L’abbaye Saint-Nicaise, rebâtie au XIIIe siècle sur le tombeau du saint évêque de Reims, mort en 407, a été contournée à faible distance par le rempart de la cité, elle trône au-dessus de la vaste place homonyme non pavée, encadrée par la petite église paroissiale Saint-Jean[-Baptiste], la collégiale Sainte-Balsamie et les bâtiments conventuels. En dépit des doléances des Rémois, l’édifice fut intégralement détruit entre 1791 et 1819. Chaque 14 décembre, jour de la fête patronale, une masse de fidèles y afflue afin d’obtenir des indulgences. Il y a encore quinze religieux en 1790 et les revenus s’élèvent à 41 346 livres pour 22 974 livres de dépenses. Cet édifice abrite un orgue qui sera vendu après la fermeture pour la faible somme de 501 livres à un plombier de la ville. En 1790, l’orgue est touché pour la somme annuelle de 150 livres par Jean-Henri PHILIPPE, en place depuis sept années mais repéré auparavant dans plusieurs églises rémoises. Les sources ne mentionnent pas de chantres, mais un joueur de serpent, payé 250 livres par an, nommé Gérard Rémy CANCÉ. Il dit être en poste depuis seize années. Ce musicien est également connu au Concert de la ville. Il y a sûrement des enfants de chœur car le sonneur de l’abbaye a été l’un d’eux.

7-Abbaye Saint-Remi de Reims

Abbaye Saint-Remi de Reims (cl. C. Maillard, juillet 2021)

• L’abbaye Saint-Remi, également de vastes dimensions, dont la construction a débuté au XIe siècle, est conservée à la Révolution. Les moines y veillaient le tombeau de saint Remi, le célèbre évêque rémois, lié au baptême de Clovis, mort en 530. Sa fête était fixée au 1er octobre, jour de la translation de ses reliques. En 1790, il y avait encore 29 religieux, menés par un prieur. Ses revenus, tirés d’un très vaste domaine foncier, s’élevaient à 32 000 livres (la mense abbatiale a été unie à l’archevêché en 1775-1777). C’est le second établissement religieux de la métropole rémoise à jouer un rôle éminent lors du sacre des rois de France, puisque la Sainte Ampoule y est conservée. En 1774, un incendie a ravagé les bâtiments conventuels, mais a épargné l’abbatiale. Les moines possèdent un orgue dans leur église, achevé par Jacques Carouge dans les années 1662-1665. Au XVIIIe siècle, Jacques COCHU effectue des travaux en 1741, puis en 1756-1757. D’après Povillon-Piérard, cet instrument passe pour l’un des « meilleurs et des plus accomplis de France. [...] Les soufflets étaient sur les voûtes collatérales de ce côté [transept nord] avec ses ventelles toutes semées de fleurs de lys d’or sur un champ d’azur ; toute la menuiserie employée à son ornement était d’une noble et riche exécution. L’ouvrage était surmonté au milieu d’un Christ ressuscité, à droite et à gauche étaient les figures de Saint-Benoît et Sainte-Scholastique ». Il fut détruit après 1796, l’église ayant été transformée en église paroissiale de 1791 à 1793]. Son dernier titulaire sous l’Ancien Régime est Jean-Rémy BIGOT, fils d’un sergier du quartier. Il est en place depuis une huitaine d’années, après avoir été organiste de l’abbatiale voisine de Saint-Nicaise. On ignore le montant de ses appointements, ainsi que ses conditions de recrutement et d’exercice en raison de lourdes pertes archivistiques mais aussi du fait que BIGOT soit demeuré organiste paroissial et n’ait donc pas déposé de supplique en 1790. À ses côtés, un joueur de serpent soutient le chant depuis onze ans : il s’agit de Rémy DIOT, un « tisseur de laine » rémunéré 120 livres annuellement, outre le déjeuner qui lui est offert à chaque prestation. Il est chargé par ailleurs d’apprendre le plain-chant aux enfants de chœur, parmi lesquels on ne connaît que le fils cadet du bedeau de Saint-Nicaise, Jean Sinice-Prévot, dont l’aîné occupe la même fonction à la cathédrale de Soissons.

• L’abbaye augustinienne Saint-Denis, rétablie au XIe siècle, est affiliée depuis 1633 aux chanoines réguliers de la Congrégation de France, les Génovéfains. Elle occupe un vaste espace non loin du parvis de la cathédrale Notre-Dame. L’établissement accueille neuf religieux et un prieur desservant la cure. Ses revenus s’élèvent à 91 300 livres, pour 85 000 livres de dépenses. On connaît avec précision l’effectif musical de la fin de l’Ancien Régime : deux chantres, quatre enfants de chœur (BENOÎT, GAILLARD, LANDRAGIN, MONGON), un serpent et un organiste. Tous sont également au service de la paroisse Saint-Denis, très peuplée, dont l’autel se dresse au sein de l’abbatiale aujourd’hui disparue (le reste des bâtiments abrite actuellement le musée des Beaux-Arts). Les deux chantres sont Pierre MOPINOT et Jean-Baptiste DESPRAT. Le premier est rémunéré comme chantre depuis huit années 700 livres par an, mais aussi comme sacristain et chargé des enfants de chœur. Le second est amidonnier de profession et il a été reçu en 1768 pour « soutenir la majesté et la decence de l’office divin », en raison du petit nombre de chanoines. Il reçoit pour cela 250 livres par an. Les voix des chantres sont soutenues depuis 1786 par le joueur de serpent Charles-Louis DROUET, qui fabrique de la serge en temps ordinaire. Il reçoit pour cela 150 livres annuellement. Quant à l’organiste, il s’agit de Pierre THULLIER, autre membre de la dynastie d’organistes champenois. Les chanoines réguliers lui octroient chaque année la somme de 224 livres pour jouer les jours de grande solennité.

• Des traces d’activité musicale sont repérées dans trois couvents de la ville. Dressé en avril 1790, l’inventaire du couvent des Jacobins – édifice qui se trouve entre l’abbaye Saint-Denis et l’hôpital Saint-Marcoul – mentionne un orgue installé « dessus le jubé avec un positif ». L’organiste non identifié est rémunéré 72 livres annuellement. Seuls cinq religieux peuplent encore les 78 stalles du chœur. Le prieuré fontevriste de Longueau est installé depuis 1622 « rue du Jard de la Poterne », dans une zone moins peuplée de la ville, au milieu des jardins. L’inventaire révèle qu’il est desservi encore par neuf religieuses et quatre converses. On sait par les actes de vente que l’établissement possédait un « orgue de dix sept pieds six pouces de hauteur sur quatorze pieds de largeur composé d’un positif [...] le buffet dudit orgue ayant cinq tourelles en face la tribune ». Il est acheté le 21 novembre 1791 par un entrepreneur en bâtiments pour la somme de 800 livres.

La congrégation Notre-Dame, située rue Barbatre, forte de 29 religieuses et 8 sœurs converses, accueille en son sein une organiste, la demoiselle Marie-Nicole CARPENTIER, dont le statut reste encore obscur (pensionnaire, sœur donnée ?).

• • • Des paroisses bien dotées en chantres et organistes

La cité des sacres possède un tissu paroissial très dense constitué de quatorze paroisses. Les sources archivistiques ont révélé la présence de musique ou de chant dans la presque totalité d’entre elles (trois paroisses ont déjà été évoquées lors de la présentation des établissements réguliers).

• La petite paroisse Saint-André est située à l’extérieur des remparts, le long de la route qui mène au faubourg de Cérès. Les comptes de l’année 1790 (1 569 livres de revenus pour 1 229 livres de dépenses) permettent de connaître l’effectif musical : un clerc-chantre, Jean-Noël CULLIER (120 livres par an), un sous-chantre, Nicolas Hubert BIGOT (60 livres), tous deux maîtres d’école, et deux enfants de chœur, MARCHAND et Jean ROY.

• Peu éloignée de la porte de Cérès mais presque attenante au rempart, l’église paroissiale Saint-Hilaire, où fut baptisé Colbert, est proche de la commanderie du Temple et de la Monnaie. Elle était dotée d’un orgue, qui sera installé en 1792 par Louis GORLIDOT dans l’église Saint-Maurice, où il ne restera qu’une année. Il est touché depuis un demi-siècle environ par Jean-Michel BARONNET, qui perçoit en 1790 la somme de 90 livres par an. Ce musicien semble issu d’un milieu modeste et meurt à l’Hôtel-Dieu en 1793. Il y a également deux chantres. Jacques Antoine BERTRAND, payé 66 livres par an, exerce des activités multiples (aubergiste, maître de pension). L’identité du second chantre est encore incertaine. Enfin, quatre enfants de chœur aident à la célébration du service divin.

• Adossée en partie au cloître de la cathédrale, à proximité du bâtiment de la maîtrise des enfants de chœur, l’église Saint-Michel est paroissiale depuis le XIIe siècle. C’est celle où les habitants du quartier canonial se marient parfois, mais surtout où ils font baptiser leurs enfants. Le compte de fabrique de 1787 a été conservé (2 017 livres de recettes pour 916 livres de dépenses). Sont rémunérés le clerc-chantre Ponce THIERRARD, un tisserand venu du massif des Ardennes (109 livres 10 sols par an), et le sous-chantre Antoine FOREZ (61 livres 10 sols). Il y a aussi deux enfants de chœur. Pierre THULLIER, l’organiste de l’abbaye Saint-Denis, attesté à l’orgue en 1787 (moyennant 76 livres 10 sols), apparaît encore dans une source de 1791.

• Du côté de la porte Neuve, se dresse l’église Saint-Pierre [-le-Vieil], rue des Telliers, pas très éloignée de l’Hôtel de Ville, des marchés aux draps et aux blés. Elle est riche, car fréquentée par les élites de la ville. L’année 1784 a été consacrée à l’accroissement de la solennité du culte par l’installation d’une « maîtrise » de deux enfants de chœur et par l’engagement d’un nouveau joueur de serpent. Cette « maîtrise » est confiée à un clerc qui percevra une rétribution spécifique de 600 livres pour mener à bien l’éducation des élèves. Deux autres enfants seront nécessaires les dimanches et fêtes, mais il est prévu de les recruter au sein de l’école paroissiale. Quant au serpent, il interviendra aussi les dimanches et fêtes à certains offices ; une clause précise « qu’à chaque intonation de pseaumes, il observera de jouer le premier & le second verset, selon le chant [au-dessus est écrit « ton »] de l’Antiphonier, afin de donner au Peuple la finale du ton & eviter la cacophonie qui arrive souvent » (rare indice prouvant que l’assemblée chante). Les rémunérations du curé, du chapelain, du clerc-chantre, du sacristain, du bedeau, des sonneurs, des quatre vicaires-chantres (eux-mêmes rémunérés grâce à une fondation de 1525), des enfants de chœur, du serpent [non identifié en 1790] et de l’organiste sont fixées. Ces quatre vicaires-chantres sont en 1790 Jean-Baptiste LEMARIÉ (en poste depuis quinze ans mais mis en pension depuis le mois de mai en raison de son « etat de langueur »), Pierre Antoine Louis LEUILLET (en poste depuis deux ans à peine), Marie Louis Nicolas HANNOTIN (depuis une année) et Claude LECLERC, récemment nommé. HANNOTIN est encore clerc tonsuré, tous les autres sont prêtres, mais il a été choisi en raison de sa voix « suffisamment forte & claire & possedant bien le chant ». Les fabriciers ont également décidé de faire réparer l’orgue et les dépenses « contribueront aussi à l’amélioration de l’instrument en rendant les jeux plus sonores et plus complets ». Un bienfaiteur offre 600 livres pour faire ajouter des jeux et en modifier un, « ce qui donneroit plus de grave et de majesté au jeu pour toucher le plain chant ». C’est l’organiste Jean Nicolas Noël MAIREAU qui joue sur l’instrument en 1774 (il perçoit 90 livres de revenus à sa nomination). L’instrument aurait été installé dans la petite église de Sacy [à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Reims] après la fermeture de la paroisse.

• À quelques rues de là, l’église Saint-Jacques est fréquentée aussi par les notables de la ville. Elle possède au moins depuis 1665 un orgue (vendu pour 365 livres en 1793), dont le titulaire est un marchand-fabricant, Étienne BRIFFOTEAU. Il est déjà en place en 1776. Seize ans plus tard, il perçoit 90 livres d’appointements mais qu’en était-il en 1790 ? On ne sait rien des chantres en raison de la pauvreté des sources.

• Près de la porte de Vesle, des casernes et du jeu de paume, l’église Sainte-Marie-Madeleine salarie deux chantres, Antoine BOURNON (130 livres, dont 10 livres pour instruire les deux enfants de chœur) et Jacques PATEZ (50 livres par an), cardeur de laine. Jean-Claude MANICHON, un teinturier du faubourg de Cérès, touche l’orgue (dont on ne sait rien) pour 40 livres par an.

• L’église paroissiale Saint-Étienne, qui se trouvait dans la rue du même nom, entre le chevet de la cathédrale et l’abbaye Saint-Pierre, en face de l’université, salarie deux chantres, mais seul le second est connu. Il s’agit de Pierre CHEUTIN, qui reçoit 102 livres de gages par an, plus une indemnité de 60 livres pour le logement. L’édifice possède aussi un orgue (éléments du buffet des XVe et XVIIe siècles, partie instrumentale reconstruite au XVIIe siècle, restaurée en 1744, puis 1776), dont le titulaire en 1790 est François MANGEAU. L’année suivante, l’instrument est vendu à la fabrique de la paroisse d’Hermonville (à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Reims) pour la somme de 300 livres.

• L’église Saint-Maurice, située au fond de la place de Puiseux, disposait d’un orgue. L’affectation de cette église aux Jésuites en 1615, en raison de la proximité de leur collège (devenu depuis leur expulsion dans les années 1760 un hôpital général), a entraîné par la suite de nombreux litiges entre les religieux et les paroissiens, qui occupaient le bas-côté nord de l’édifice. L’orgue aurait été vendu aux habitants de la paroisse de Villers-Allerand (à une quinzaine de kilomètres au sud de Reims) après 1761.

• Dans la « ville haute », plus précisément dans le quartier de l’abbaye Saint-Nicaise, l’église Saint-Martin est située entre les collégiales Sainte-Balsamie et Saint-Timothée. Le dernier compte de fabrique qui a été conservé est celui de 1788 (1 935 livres de revenus). Il donne les noms de Rémy BRUNCHET, premier chantre et sacristain (85 livres par an), et de LE ROY (55 livres), second chantre. Il y a au moins un enfant de chœur. L’organiste en titre est celui de Saint-Nicaise, Jean-Henri PHILIPPE (50 livres par an). Tous les trois semblent encore en place en 1790, même si, curieusement, PHILIPPE ne signale pas cette tribune dans sa démarche de 1791.

• L’église paroissiale Saint-Julien, située au chevet de l’abbaye Saint-Remi, en face des Minimes, est difficile à étudier en raison des pertes archivistiques. Un état peut être dressé en 1777 seulement ; il indique deux chantres et des enfants de chœur. Jacques Lambert FAILLE, un tisseur, pourrait toujours être en poste comme chantre en 1790.

• Enfin on peut citer comme autres lieux de musique un établissement hospitalier et une chapelle dépendant de l’université. À l’Hôtel-Dieu, c’est Nicolas LAFOLLIE qui signe comme clerc, entre 1785 et 1791, au bas de la plupart des actes de sépulture. Ses fonctions cantorales ne sont pas précisées, mais elles faisaient partie du service de son prédécesseur. Il existe également des chantres exerçant à la chapelle de l’Hôpital Saint-Marcoul, situé près des Jacobins, rue de Saint-Denis, desservi par douze religieuses. Les sources restent silencieuses à leur sujet après août 1788. Ces chantres accompagnent le chanoine de Saint-Symphorien qui porte les défunts dans la terre du cimetière de cet établissement. Ils semblent être deux, dont l’un vit à demeure, exerçant également les tâches de sacristain. L’autre est au service de la collégiale Saint-Symphorien ; en 1788, c’est Louis Bertrand RONDELET qui est mentionné dans le registre de sépultures. La chapelle Saint-Patrice est, si on en croit sa requête, desservie par le chantre de la paroisse Saint-Étienne, Pierre CHEUTIN, qui reçoit à cet effet la somme annuelle de 36 livres en fixe et 12 livres pour les fondations. Cette chapelle se trouve dans l’enceinte du collège de l’université, fondé en 1348. L’édifice se trouve en face de l’abbaye Saint-Pierre.

III. CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE, LA CAPITALE ADMINISTRATIVE

8-Vue de Châlon-sur-Marne

Veue et profil de la Ville de Chaalons sur Marne, où est visible la collégiale Notre-Dame (M), C. N. Varin, 1761 (cl. © Musées de Châlons-en-Champagne)

Peuplée de 12 000 habitants environ à la fin de l’Ancien Régime, la ville de Châlons est la seconde du département par sa population en 1790. Bordée par les bras dérivés de la Marne, elle domine un vaste espace faiblement peuplé au centre du département. Cela lui permet de s’insérer dans les flux commerciaux (étoffes de laine, bonneterie, produits liés aux tanneries, mégisserie, pelleterie, avoine, lin, chanvre, bestiaux...), mais la cité ne connaît pas de véritable essor économique au XVIIIe siècle en dépit des mille hectares de vignoble de son terroir. C’est d’abord un centre administratif qui connaît dans la seconde moitié du siècle d’importants travaux d’urbanisme (percement de cours, promenades, pont sur la Marne...).

9-Plan de Châlons-sur-Marne

Plan de la ville de Châlons-sur-Marne en 1755, 1854 (Source gallica.bnf.fr / BnF, dépt Cartes et plans, GE D-17493)

S’y ajoute la construction de bâtiments de prestige, dans un esprit d’efficacité et de rationalisation du pouvoir : l’hôtel de l’intendance (1759-1765), œuvre de Jean-Gabriel Legendre, et l’Hôtel de ville (1772-1776), sur les plans de Nicolas Durand. Outre l’administration municipale, cet édifice rassemblait dans le même espace l’élection, le bureau des finances, le présidial et le conseil supérieur établi tout récemment dans la ville après la réforme du parlement de Paris. En 1769, la porte Sainte-Croix est édifiée sur l’emplacement d’une ancienne porte fortifiée et l’année suivante, elle est baptisée porte Dauphine en l’honneur de Marie-Antoinette qui arrivait de Strasbourg. À l’intérieur de la ville, des hôtels particuliers marquent l’emprise des élites, surtout celle des officiers et des riches marchands. Une société littéraire, créée en 1750, se transforme en académie. Elle recrute surtout des bourgeois mais aussi des nobles et des ecclésiastiques. Elle organise des concours liés aux centres d’intérêts nés des Lumières et recherche des moyens permettant de sortir Châlons de sa torpeur économique. En 1771, des « amateurs » participent au financement de la construction, sur les plans de Jean Joseph Bochet de Coluel, d’un théâtre de 900 places situé « au bout de l’ancienne Etape ». En 1789, le théâtre est cédé au bureau des pauvres de la ville qui en assure la gestion. On ne connaît pas son répertoire.

• • • La cathédrale Saint-Étienne

10-Cathédrale de Châlons

Cathédrale Saint-Etienne de Châlons (cl. C. Maillard, juillet 2021)

La France ecclésiastique de 1790 présente les effectifs du chapitre de la cathédrale Saint-Étienne, soit 30 chanoines prébendés dont huit sont des dignitaires (doyen, trésorier, chantre, sous-chantre, grand archidiacre et trois archidiacres). Selon la déclaration que le chapitre a remise au directoire du département, les revenus capitulaires s’élèvent en 1790 à 110 000 livres pour 32 500 livres de dépenses. Parmi les prébendes, au revenu estimé à 2 534 livres chacune, une est destinée au collège de la ville et une autre est réservée à la maîtrise de la cathédrale. Quant au bas chœur, il est composé de quatre chapelains, deux « quart-prébendés », deux vicaires perpétuels et onze musiciens. La volonté des chanoines de se doter d’un corps de musique et d’une maîtrise est ancienne. Dès 1424, une prébende avait été supprimée afin de permettre l’entretien de six enfants de chœur. À la fin du XVIe siècle, quatre prébendes ont été divisées en deux afin de financer de manière plus efficace les chantres et musiciens ayant un statut clérical. Comme souvent dans les corps capitulaires, des tensions apparaissent, dégénérant parfois en procès, entre les semi-prébendés et les prébendés, les premiers exigeant un statut équivalent à celui des seconds. Un arrêt royal du début du règne de Louis XIV remet les semi-prébendés à leur place, c’est-à-dire au lutrin où ils doivent chanter le plain-chant sur le livre.

En 1668, un terrible incendie ravage la cathédrale et détruit l’orgue du XVe siècle, les sacristies, la maîtrise. Les dépenses de reconstruction, échelonnées sur une longue période, plongent le chapitre dans des difficultés financières durables malgré de nombreux dons octroyés par les puissants. Les candidats aux semi-prébendes ne sont plus très nombreux. L’évêque intervient en 1710 et supprime les huit semi-prébendes, dont le revenu peut être affecté à un meilleur fonctionnement de la musique. L’on étoffe aussi les revenus de la maîtrise par des réunions de chapelles, ce qui est un procédé habituel. En 1749, Mgr de Choiseul ordonne, à la demande d’une majorité de chanoines, la suppression des trois premières prébendes qui vaqueront, afin de rémunérer des « prêtres d’augmentation », dont deux vicaires de chœur qui auront, entre autres, des fonctions musicales, et de mieux payer les autres, dont le maître de musique et les musiciens laïcs « ausquels la modicité des gages qu’on leur donne n’est pas capable d’inspirer une grande émulation ». La reconstruction du grand orgue tarde et il faut se contenter de l’orgue de chœur jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.

À la fin de l’Ancien Régime, il est possible de dresser un état très précis du bas chœur châlonnais et de recenser les différentes fonctions musicales des protagonistes.

La structure musicale de la cathédrale Saint-Étienne de Châlons-en-Champagne en 1790

Prénom et NOM Fonction Lieu d’origine Âge en 1790 Ancienneté à St-Étienne en 1790
Nicolas Amon ANCEL, clerc tonsuré, chapelain Maître de musique Toul [Meurthe-et-Moselle] 45 ans 22 ans
Étienne BARBIER Basse-contre Village près de Joinville [Haute-Marne] 58 ans 29 ans
Nicolas Joseph BERNARD, laïc Basse-contre Reims [Marne] 32 ans 5 ans
Jean-Baptiste BULARD, prêtre habitué, « chanoine quart prébendé » Basse-contre Montier-en-Der [Haute-Marne] 33 ans 9 ans
Jean CHARLIER, laïc Basse-contre Châlons [Marne] 42 ans 10 ans
Louis Joseph CLAIRE, laïc Basse-contre Village près de Guise [Aisne] 30 ans 8 ans
Noël COURTEAU, laïc Basse-contre Avenay, près d’Épernay [Marne] 70 ans 48 ans
Pierre Célestin HÉNON, chapelain et « vicaire amovible » Basse-contre Village près de Charleville-Mézières [Ardennes] 41 ans environ 7 ans
Arnould HENCART, prêtre sacristain et « vicaire amovible » Taille Diocèse de Reims 27 ans environ 4 ans
Jean Jacques François HÉRAULT Haute-contre Beauvais [Oise] 38 ans 9 ans
Charles JACQUET, prêtre habitué, « vicaire amovible » Taille Village près de Vouziers [Ardennes] 36 ans 4 ans
Pierre François JARRY, prêtre, vicaire perpétuel Basse-contre Vertus [Marne] 47 ans 27 ans
Jean François LEBÈGUE Basson et serpent Châlons [Marne] 32 ans 4 ans
Louis RAVOISIER Dit ADAM Haute-contre Metz [Moselle]  73 ans 43 ans
Joseph Candide THULLIER Organiste Reims [Marne] 36 ans 2 ans
L’effectif compte aussi 7 enfants de chœur : Jean Nicolas THOMASSET (reçu en 1781), Jean-Baptiste MAILLET (1783), Jean Claude CORDIER (1785), Memmie JOSSE, le cadet (1786), Jean-Baptiste Denis BOBAN (1786), Joseph Memmie JOSSE l’aîné (1787) et Nicolas HOLLIOT (1788).

On relève quatorze adultes dans le bas chœur, dont douze chantres et deux instrumentistes avérés (toutefois l’abbé ANCEL est capable de jouer du violoncelle et de la basse). La moyenne d’âge s’élève à 42,6 ans (trois musiciens dépassent les 50 ans et cinq ont moins de 35 ans). L’ancienneté moyenne est de 15,4 ans. Seuls quatre musiciens sont nés en dehors de la Champagne (diocèses de Reims et Châlons), deux en Lorraine et deux en Picardie, mais il n’y a que deux natifs de la ville de Châlons. Les registres capitulaires montrent aussi que la compagnie n’hésite pas à s’adresser aux maîtres parisiens réputés pour obtenir de nouvelles recrues. L’abbé Dugué, maître de musique de la cathédrale Notre-Dame de Paris, est ainsi sollicité à plusieurs reprises : en novembre 1784, par exemple, il « a fait savoir que le candidat qu’il propose est maintenant assez instruit ». Sept de ces musiciens de Saint-Étienne sont des ecclésiastiques, tous prêtres à l’exception du maître de musique qui est resté clerc tonsuré, condition indispensable pour détenir un bénéfice. Ces ecclésiastiques interviennent également au chœur comme diacre ou sous-diacre d’office et prêtre sacristain. Plus de la moitié des chantres sont des basses-contre, il y a deux tailles et deux hautes-contre. La plupart des chantres laïcs et le serpent sont rémunérés 600 livres par an, mais CLAIRE reçoit 680 livres et HÉRAULT 500 livres. Quant aux chantres ecclésiastiques, leurs revenus sont plus étoffés en raison des bénéfices qu’ils détiennent : entre 600 et 1 035 livres.

Les chantres sont installés des deux côtés du chœur à des places fixes (« banquette des choristes » en 1760) et ils « descendent » au « grand aigle » pour y chanter la musique et le plain-chant. En 1769, il est décidé « que toutes les fois qu’il y auroit musique avec symphonie, elle s’executeroit au jubé » ; c’est le cas en 1782, lors de l’installation de Mgr de Clermont-Tonnerre. La fête de la Dédicace, une des grandes fêtes célébrées à la cathédrale, bénéficie d’un surcroît de solennisation. À cette occasion, le maître de musique offre un repas aux musiciens du chapitre et aux intervenants extérieurs ; le 13 septembre 1784, l’abbé ANCEL reçoit la somme de 130 livres du chapitre pour financer ce repas et rétribuer des musiciens (deux basses-contre, une haute-contre, deux serpents-bassons, un violon), tous venus de Reims, qui perçoivent chacun une gratification allant de 6 à 18 livres.

On ne relève que deux maîtres de musique à la cathédrale Saint-Étienne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle : Jean-Baptiste Charles AUBRON (de 1747 au moins à 1767), puis Nicolas Amon ANCEL (1768-1790). Le premier était clerc tonsuré et il s’est marié peu après sa retraite. Formé à la maîtrise de Notre-Dame de Paris sous Louis HOMET, il a composé pour la cathédrale au moment de la réforme des livres liturgiques, les chanoines lui ayant demandé de faire « chanter aux messes de solemnitées les offertoires du nouveau missel propres a chacune fete". Après sa mort, sa veuve remet en 1770 ses « papiers de musique » au chapitre, qui charge l’un des chanoines et son maître de musique « de faire le choix des meilleurs morceaux en differens genres qui sont de la composition de M. AUBRON et d’en faire l’évaluation pour qu’ils restent à la maîtrise ». En 1768, Nicolas Amon ANCEL, sans doute formé à la psallette de la cathédrale de Toul, lui a succédé. Dès son installation, il compose de nouvelles pièces et recrute de nombreux musiciens et chantres à l’occasion des grandes cérémonies liturgiques. Cela n’empêche pas le chapitre de commander régulièrement des messes en musique à l’extérieur. Ainsi, en août 1771, on achète « les Six messes imprimées du maître de musique de Reims » [l’abbé HARDOUIN] ; en 1773, sont acquises trois messes « jugées très bonnes » de l’abbé ROUSSEAU ; en 1774, le chapitre débourse « 54 livres 10 sols pour l’achat d’un livre de messes en musique composées par M. le maître de musique de Strasbourg » [l’abbé GARNIER]. Les revenus d’ANCEL sont tirés à la fois de son poste de maître de musique (600 livres) et de ses bénéfices (628 livres 19 sols) ; il est en outre logé à la maîtrise.

En effet, Le maître de musique veille en théorie sur huit enfants de chœur. Deux places supplémentaires fondées grâce à la générosité d’un chanoine en 1770 devaient porter l’effectif à dix, mais il n’y eut jamais plus de neuf enfants pour des raisons financières. L’inventaire de la maîtrise en 1790 précise qu’elle est financée par le revenu d’une prébende et mentionne huit pupitres dans la salle d’études, huit « livres de musique en paroles », deux graduels, un antiphonaire, deux volumes de répons, un serpent, deux basses, un clavecin et « plusieurs livres classiques très fatigués ». Les chanoines procèdent deux fois l’an, à l’examen des enfants « sur l’étude du latin, sur le catéchisme, sur la musique, sur la lecture, et l’écriture ».

En 1757, le facteur Jacques COCHU père installe le nouveau grand orgue au revers du portail ouest. Impressionnant avec ses 2 560 tuyaux, l’instrument aurait coûté aux chanoines la somme de 12 000 livres. Depuis 1788, il est touché par Joseph Candide THULLIER, l’organiste de la collégiale Notre-Dame. Le jeune homme a succédé après un concours à son beau-père Jacques COCHU, le fils du facteur qui avait installé les orgues. Ses gages s’élèvent à 436 livres par an.

• • • Les deux collégiales châlonnaises

• La collégiale de la Trinité, fondée au XIe siècle, se trouve à l’ouest de la cité, presque aux pieds de la cathédrale. Son chapitre est placé sous la juridiction immédiate de celui de Saint-Étienne, qui détient la collation de tous les canonicats. Les dix chanoines prébendés en 1790 (neuf connus dont le principal du collège) partagent l’édifice avec le curé de la paroisse de la Trinité. Les revenus de la collégiale s’élèvent à 17 000 livres. L’utilisation de l’orgue fait l’objet d’une transaction écrite entre les deux parties. En 1790, l’organiste de la cathédrale, Joseph Candide THULLIER, est rétribué vingt sols depuis novembre 1778 « pour toucher les messes solemnelles que nous sommes obligés de chanter et dix sols pour chaque salut à notre charge et six sols au souffleur » soit 150 livres par an. Les choristes et les enfants de chœur sont également au service du chapitre et de la paroisse. Deux chantres font des démarches auprès des instances départementales en 1790 : Charles MILLET (payé en tout 108 livres) et un certain MAUCOURT. Les deux enfants de chœur ne sont connus que par leurs noms, THÉVENOT et DOMINÉ.

11-Eglise Notre-Dame-en-Vaux de Châlons

Eglise Notre-Dame-en-Vaux de Châlons (cl. C. Maillard, juillet 2021)

12-Jean-Baptiste Charbonnier

Jean-Baptiste Charbonnier, anonyme, XIXesiècle, pastel, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Châlons, Inv. 895.11.1 (© Musées de Châlons-en-Champagne, photo H. Maillot)

• L’église collégiale Notre-Dame [en-Vaux] est bâtie au début du XIIe siècle au cœur de la cité, sur les bords du Mau. Son chapitre est également soumis à celui de la cathédrale. Il est constitué en théorie de dix chanoines prébendés, sans dignitaire, dont le curé de la paroisse Notre-Dame. Il existe une onzième portion partagée entre trois chanoines tiers-prébendés, tous les trois curés de paroisse. Les revenus s’élèvent en 1790 à 11 697 livres. La perte des registres capitulaires pour les dix dernières années de l’Ancien Régime pénalise un peu notre connaissance du fonctionnement de la musique. On sait toutefois qu’un plan d’économies de septembre 1780 ne maintient que deux bedeaux, un sacristain, un suisse, des sonneurs, un organiste et deux enfants de chœur. Le premier bedeau est le maître d’école. Il est non seulement chargé d’enseigner le plain-chant aux enfants, mais également de chanter lui-même au lutrin lors des messes dites « de Vaux », ainsi qu’aux offices où les chanoines sont absents. En 1790, ce maître d’école-bedeau est Jean-Baptiste GOSSIN. Les deux enfants de chœur s’appellent PETIT et Jean-Baptiste CORDIER, rémunérés chacun 45 livres. L’existence d’un orgue est signalée dès le début du XVe siècle, puis un nouvel orgue, commandé en 1634 pour plus de 8 000 livres à Jehan de Villers, est installé au revers du portail occidental de l’église, dans un buffet monumental richement sculpté, comportant cinq tourelles. L’instrument était composé de 29 jeux, répartis sur trois claviers et un pédalier. Un relevage en est encore effectué par René COCHU en 1789-1790. Il augmente l’orgue pour une somme totale de 1 900 livres. C’est sur cet instrument que joue l’organiste attitré de la collégiale, Jean-Baptiste CHARBONNIER [document 12], auparavant titulaire des orgues de la paroisse Saint-Nicaise et de l’abbaye Saint-Pierre-aux-Monts. Ses appointements s’élèvent à 300 livres par an. Il a succédé à Joseph Candide THULLIER, choisi en février 1788 comme organiste de la cathédrale. Jusqu’en janvier 1789, la moitié de ses émoluments sont reversés sous forme de pension à la demoiselle Anne LEGRAND, qui touchait l’orgue avant THULLIER.

• • • Les abbayes châlonnaises

Le monde des réguliers offre également une activité musicale. C’est le cas dans les deux grandes abbayes de la ville, celles de Toussaints et de Saint-Pierre, et dans celle qui se situe à proximité de ses faubourgs orientaux, Saint-Memmie.

• L’abbaye génovéfaine de Toussaints, de la Congrégation de France, n’est plus peuplée que de cinq à six chanoines réguliers, sous la conduite de leur prieur. L’établissement est très endetté. L’abbatiale accueille depuis 1774 le service paroissial de Saint-Nicolas, après la destruction de cette église voisine ordonnée par l’évêque. Un des chanoines en est le curé. Les deux chantres et les quatre enfants de chœur mentionnés dans les sources de 1790-1791 œuvrent par conséquent au service des paroissiens et des chanoines. Depuis 1761, Pierre-Nicolas SENART, qui est recteur d’école (à raison de 195 livres par an), semble être le premier chantre et, en 1767, Joseph MILLET, un maçon qui habite une autre paroisse, a été nommé second chantre (30 livres par an). En 1792, les administrateurs du département mentionnent aussi Philippe SENART, âgé de 23 ans, en tant que « soudiacre et chantre en la cidevant abbaye de Toussaint » : il est le fils de Pierre-Nicolas et perçoit de l’abbaye 36 livres d’appointements annuels. Les enfants de chœur sont Jean-Baptiste Silvestre BRUNET, Jean-Baptiste PRIN et les frères Agnès Augustin et Joseph AUBRIET.
L’église possède un orgue. On sait, grâce à un acte de baptême dans le registre paroissial de Saint-Nicolas, qu’en mai 1787 Marie Madeleine COLLOT, l’organiste de la paroisse Saint-Alpin, en était la titulaire, probablement jusqu’à la fermeture de l’abbaye. Le « jeu d’orgues et ses soufflets et la tribune adjugée avec les deux pilliers qui la portent » sont vendus en septembre 1791 pour la somme de 610 livres au facteur René COCHU, qui l’installe ensuite dans la petite église de Vraux (située à une douzaine de kilomètres au nord-ouest de Châlons).

• L’abbaye bénédictine Saint-Pierre-aux-Monts, de la congrégation de Saint-Vanne, située dans la partie orientale de la ville, existe au moins depuis le VIIe siècle. Elle possède un vaste domaine foncier dans toute la région. L’église et les bâtiments ont été reconstruits ou agrandis à de nombreuses reprises, grâce à plusieurs abbés commendataires, dont Richelieu. Sa bibliothèque, riche de plus de 8 600 volumes, est la plus importante de la cité. En 1772, l’église est détruite lors d’une nouvelle phase de travaux et une chapelle sert d’édifice de culte provisoire. À cette occasion, le grand orgue, qui datait du XVe siècle et avait été remanié au milieu du XVIIe siècle, a été vendu à l’abbaye bourguignonne de Pontigny. En 1787, la fabrique débourse 280 livres pour poser l’ancien « positif du vieille orgue […] au-dessus de la porte d’entrée de la sacristie, qui sert alors de nef, [et] il a été fait une tribune avec un petit escalier pour y monter ». Un compte de février 1790 mentionne des gages de 400 livres, versés annuellement à l’organiste et au souffleur. Pourtant, lorsque Marie-Jeanne CHARBONNIER déclare au district en 1790 toucher les orgues de cette abbaye depuis six années environ, ainsi que celles de la paroisse Saint-Nicaise, elle ne mentionne que 196 livres d’appointements annuels indistinctement. Elle est la jeune sœur de Jean-Baptiste CHARBONNIER, mentionné à ce poste en 1788 alors qu’il postule à la tribune de la cathédrale.

• L’abbaye génovéfaine de Saint-Memmie, en grand déclin, qui appartient à l’ordre de Saint-Augustin, Congrégation de France, salarie deux chantres. Le premier d’entre eux est, depuis près d’un demi-siècle, Pierre LEGRAND, qui reçoit 100 livres d’appointements annuels. Le second est Pierre COUTIN, le maître d’école, payé 55 livres par an (dont partie sous forme de repas) ; il est depuis au moins une quarantaine d’années au service des chanoines réguliers.

• Les inventaires effectués en mai 1790 dans les couvents châlonnais ont révélé la présence de buffets d’orgue chez les Dominicains et les Cordeliers. Si nous ne possédons aucune information supplémentaire sur l’orgue des Dominicains, celui des Cordeliers a été installé en 1791 par René COCHU dans l’église paroissiale de Juvigny. On trouve la mention d’un petit « jeu d’orgue », monté sur « un jubé en boiseries » chez les Augustins. L’organiste, dont on ignore l’identité, est rémunéré 60 livres par an. Chez les Trinitaires, nul orgue, mais on relève la trace d’un « serpent avec son embouchure » et la mention dans les comptes de l’emploi d’un chantre lors des dimanches et fêtes. Il s’agit de Louis Nicolas NOIRON, cardeur de laine, payé annuellement 40 livres depuis 1774 environ.

• • • Les paroisses de Châlons-en-Champagne

En 1790, le maillage paroissial de la ville de Châlons est dense, puisqu’on compte treize paroisses de tailles et populations variées. En janvier 1771, la paroisse Saint-Germain a été supprimée par décision épiscopale et son église détruite afin de permettre le lancement d’un vaste chantier de réaménagement urbanistique. Il y avait un orgue datant du XVIe siècle, restauré en 1696, tenu par Jacques COCHU fils, et l’une ou l’autre de ses filles, tandis que le chant était assuré par deux chantres et deux sous-chantres. L’édifice se trouvait en face de l’ancien hôtel de ville, tout proche à la fois de la collégiale Notre-Dame et de l’église paroissiale Saint-Alpin, qui annexe d’ailleurs son territoire. Deux paroisses sont couplées avec des collégiales (Notre-Dame et la Sainte-Trinité). Les sources disponibles ne révèlent des traces d’activité musicale que dans sept des onze paroisses restantes. La situation de la paroisse Saint-Nicolas, jointe à l’abbaye de Toussaints, a été évoquée précédemment.

• Au cœur économique et politique de la cité, l’église Saint-Alpin était dotée d’un orgue qui avait été restauré, en 1705 d’abord puis par René COCHU entre 1789 et 1791. Il a disparu après 1793. En 1790, Marie Madeleine COLLOT touche l’instrument depuis une dizaine d’années. Elle a succédé à son père Nicolas. Ses appointements sont mal connus, mais elle reçoit du receveur de la confrérie du Saint-Sacrement, établie dans cette église, une somme de 9 livres pour avoir accompagné en musique les cérémonies de cette institution. Le chantre Pierre HURPÉ, qui exerçait le métier de cordonnier, est mort en 1787. Son successeur n’a pas été identifié et on ne sait pas s’il y avait un second chantre. À l’extrémité occidentale de l’espace urbain, l’église Saint-Sulpice se dresse au milieu du faubourg homonyme, juste avant le pont où se trouvaient les moulins de l’évêque. Les registres paroissiaux mentionnent l’existence d’un chantre, Pierre BRISSET, en 1785-1787. Par la suite, seul le recteur d’école Claude Nicolas Coutin signe au bas des actes de sépulture, mais jamais son éventuel statut cantoral n’est mentionné. L’église Saint-Antoine se trouve la plus au nord de la ville, en bordure des murs extérieurs et des fossés, non loin du collège et des Dames de Saint-Joseph. Deux chantres y sont rémunérés en 1790, Charles CLAUSE et Claude ROZET. Toujours en bordure des remparts, la minuscule paroisse Sainte-Catherine bénéficie aussi de son propre chantre en la personne du maître d’école Mathieu FAILLY. L’église Saint-Éloi est située un peu plus au nord que la précédente, à proximité du Mau, elle sera détruite en 1793. Un maître d’école, Joseph BRIQUET, y assure le service cantoral, accompagné peut-être par un certain DIART. Plus à l’est, dans le quartier du grenier à sel et des Récollets, l’église Saint-Nicaise possède un personnel un peu plus étoffé. Le premier choriste, LORIN, également maître d’école de la paroisse, perçoit la somme de 150 livres pour ses deux fonctions selon un compte de 1784. À son côté chante le nommé LEMAÎTRE (48 livres de gages par an). En avril 1788, MATHELIN est rémunéré 18 livres pour une année de ses gages de serpent. Enfin, il existe un orgue dans cette église, touché depuis le début des années 1780 par Jean-Baptiste CHARBONNIER, l’organiste de Notre-Dame. D’après une quittance de 1786, il perçoit 120 livres par an. Il apparaît toujours à ce poste en 1788 ; toutefois, sa jeune sœur Marie Jeanne CHARBONNIER effectue des démarches auprès du district en 1790 et déclare toucher les orgues de cette paroisse depuis six années environ, ainsi que celles de l’abbaye bénédictine Saint-Pierre. Les CHARBONNIER ont succédé à la tribune aux COCHU, Jacques puis Cécile.

• Pour terminer ce panorama châlonnais, on peut citer trois autres lieux où est célébré l’office divin avec l’aide de chantres ou d’un orgue. La chapelle du séminaire est depuis 1754 en possession du petit orgue vendu par les chanoines de la cathédrale pour la somme de 600 livres. Il est touché occasionnellement par Joseph Candide THULLIER et son épouse. L’Hôtel-Dieu salarie deux chantres en 1790, déjà en fonction à la paroisse de la Trinité sur le territoire de laquelle se dresse l’établissement, Charles MILLET et Joseph MILLET. Le Collège, dirigé par des prêtres du diocèse, possède sans doute encore un chantre qui accompagne le service de la chapelle ; en 1786, il s’agissait de Nicolas LONGUET.

IV. AILLEURS DANS LE DÉPARTEMENT : DES ORGUES ET DES CHANTRES

• • • Quelques orgues aux portes de l’Argonne

13-Eglise de Sainte-Menehould

Eglise Notre-Dame de Sainte-Menehould vers 1900 (carte postale, coll. privée)

• Connue comme étant le lieu de naissance de Dom Pérignon, Sainte-Menehould, située en bordure orientale de la Champagne, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Châlons, à l’orée de la forêt d’Argonne, compte environ 3 000 habitants. La ville basse, reconstruite après l’incendie de 1719, tranche avec l’aspect plus médiéval de la ville haute. Selon le Dictionnaire de Robert de Hesseln (1771), elle est le chef-lieu d’une élection, le siège d’un bailliage au très large ressort, d’une maîtrise des Eaux-et-Forêts et d’un grenier à sel. On y fait un important commerce de bois et de faïences. À l’église paroissiale Notre-Dame du Château, qui domine la ville, on relève la présence d’un orgue et d’une activité cantorale dès la fin du XVe siècle. L’instrument avait été remplacé en 1665 par un orgue de Pierre COTTEREAU, que Jacques COCHU restaura plus d’un siècle plus tard, en lui adjoignant un positif. En 1790, Jean-Baptiste PIERRON occupe la tribune, et ce depuis 1748. Il perçoit comme appointements 423 livres en argent, et deux setiers de froment pour les deux années 1789-1790. Deux chantres, présents au lutrin depuis 1770 au moins, apportent leur concours à l’office divin. Il s’agit de Joseph CARRÉ, maître d’école, et Jean-Baptiste THENAULT, maître couvreur et plus tard instituteur. Chacun est rémunéré 200 livres par année. L’existence de quatre enfants de chœur n’est révélée que par des sources tardives (1792-1793).

14-Ancienne abbaye de Moiremont

Ancienne abbaye de Moiremont vers 1900 (carte postale, coll. privée)

• Dans les environs de Sainte-Menehould, deux abbayes ont livré des noms d’organistes et de chantres. Sept religieux forment la communauté de l’abbaye bénédictine de Moiremont, située à six kilomètres au nord, qui déclare 15 000 livres de revenus pour 11 000 livres de dépenses. Dans l’abbatiale, qui fait également office d’église paroissiale, se trouve un orgue dont le titulaire, un certain JULLIOT, touche 106 livres par an. Son nom est connu car il doit s’acquitter d’une redevance sur le froment en 1789-1790.

• L’abbaye augustinienne Notre-Dame de Châtrices, à huit kilomètres au sud de Sainte-Menehould, a été reconstruite après un incendie au début du XVIIIe siècle. Six religieux et un prieur-curé y sont signalés dans l’inventaire d’avril 1790 (81 000 livres de revenus pour 42 000 livres de dépenses). On y mentionne « un aigle tres beau sculpté avec son pied », un banc pour les chantres et un petit orgue. Pas de trace de l’organiste, qui est sans doute un frère. Le chantre en fonction est Rigobert TOBIE. Âgé de 58 ans, il a commencé sa carrière à l’abbaye de Saint-Memmie, près Châlons. Depuis 1781, il sert les religieux de différentes façons « au chœur, à la sacristie et pour sonner », leur fait la cuisine et exerce les fonctions de maître d’école.

• À 14 kilomètres au nord de Sainte-Menehould, Vienne-le-Château, petite ville de l’Argonne peuplée de 1 500 habitants environ, recèle un orgue en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul. L’instrument, dont il reste le buffet, a été construit en 1748 par le facteur messin Claude LEGROS qui s’installe en ville et devient le premier titulaire de l’instrument jusqu’à son décès en 1759. Charles Toussaint GAUTIER, d’origine ardennaise, mentionné dans les sources comme organiste en 1770, pourrait être encore à la tribune en 1790. Il meurt en effet sous l’Empire, vivant de ses rentes dans la petite cité.

• • • Autour de Vitry-le-François : une collégiale et des abbayes où chantent les orgues

• Sur la rive droite de la Marne, à 32 kilomètres au sud-est de Châlons, Vitry-le-François est la capitale du Perthois. Fondée par François Ier, elle reste enserrée dans ses bastions et compte 7 300 habitants en 1793. Elle est le siège d’un bailliage et compte un présidial, un grenier à sel, un hôtel de ville, un hôpital général et un collège. La cité abrite des fabriques de serge « façon de Londres » et de la bonneterie. Le commerce du blé, du vin, du bois ou du charbon est d’autant plus actif que la Marne est navigable dès Vitry.

15-Eglise de Vitry-le-François

Eglise Notre-Dame de Vitry-le-François vers 1900 (carte postale, coll. privée)

La ville abrite quatre couvents et une collégiale dédiée à Notre-Dame qui se dresse sur la grande place et fait également office d’église paroissiale. Quatre dignitaires et seize chanoines prébendés (aux revenus s’échelonnant de 400 à 600 livres par an) y célèbrent l’office divin. Les revenus capitulaires s’élèvent à près de 22 000 livres, tandis que 19 000 livres sont dépensées, dont les « frais de culte et gages des officiers laïcs et enfans de chœur montant à 1562 livres 16 sols 3 deniers ». C’est là qu’on repère la structure musicale la plus étoffée de la ville, avec un maître des enfants de chœur faisant fonction de chantre, un organiste, un serpent et un autre chantre. Claude GOUJAT est au lutrin depuis vingt-cinq ans, tout en s’occupant des six enfants de chœur ; ses revenus annuels s’élèvent à 500 livres, « y compris les petites rétributions ». À ses côtés depuis seulement quatre années, le chantre Jean-Baptiste ADNET, ancien recteur de village, reçoit 400 livres par an, outre 100 livres « du casuel de la cure ». Un certain MEUNIER est rémunéré en mai 1790 comme chantre de la paroisse Notre-Dame : il perçoit 24 livres pour une année de gages. On sait peu de chose du serpent nommé LESURE. L’église est dotée d’un orgue qui était déjà en place au milieu du XVIIe siècle. Il a été réparé en 1761 puis en 1790 par Pierre DÉPINOIS. Depuis 1787 au moins, c’est Jacques Rémy PERIGNON qui s’assoit aux claviers. Son décès en décembre 1790 nous prive de précieux renseignements. Son parcours est riche, puisqu’il a desservi les tribunes de l’église d’Épernay et surtout de la collégiale Saint-Maclou de Bar-sur-Aube, où il chantait, jouait du serpent et dirigeait les enfants de chœur.

• À quatre kilomètres de Vitry-le-François, la localité de Vitry-en-Perthois, jadis incendiée par Charles-Quint, a perdu de son lustre. Ses 700 habitants entendent à l’église paroissiale Saint-Memmie la voix d’au moins un chantre, Claude MINÉ.

• À six kilomètres au sud-ouest de Vitry-le-François, l’abbaye vanniste Saint-Martin d’Huiron ne comporte plus que sept religieux en 1790 et ne déclare que près de 8 000 livres de revenus pour un montant équivalent de dépenses. Des domestiques et « gens de moisson » sont salariés. Jean-Baptiste LAPIERRE, membre d’une dynastie d’organistes ardennais, touche l’orgue de l’établissement depuis une quinzaine d’années. Célibataire, il perçoit une maigre rétribution de 70 livres annuelles, au point qu’on peut se demander s’il n’exerçait pas une autre activité dans l’abbaye ou ses environs.

• Aux confins sud-orientaux du département, à quelques kilomètres seulement de la ville de Saint-Dizier située dans le département voisin de la Haute-Marne, la présence d’orgues est attestée dans deux abbayes.

16-Orgues de Vitry-le-François

Orgues de l'ancienne abbaye de Trois-Fontaines, installées dans l'église de Vitry-le-François (cl. E. Marchal, 2022, détail)

La première est celle de Trois-Fontaines, forte encore d’une quinzaine de moines, qui appartient à l’ordre cistercien et qui est surnommée la « Première Fille de Clairvaux » ; elle vient d’être presque entièrement reconstruite par le cardinal de Tencin, son abbé commendataire. L’établissement est encore bien doté et déclare 64 000 livres de revenus au moment de l’inventaire, pour 57 000 livres de dépenses. Ses orgues se trouvent actuellement dans l’église de Vitry-le-François. Construites par un facteur inconnu dans les années 1740, elles ont été enrichies par le facteur Jean RICHARD en 1788-1789. Depuis une dizaine d’années, Jean Nicolas PHILIPPE fait chanter l’instrument. Ce Lorrain d’origine exerce dans le village le métier de recteur d’école.

À moins de cinq kilomètres de là, plus au nord, le même facteur a installé un orgue à la même époque dans l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Cheminon (on la qualifie de « trappiste » au XVIIe siècle). Sept religieux y maintiennent l’office divin à la fin de l’Ancien Régime. L’orgue se trouve aujourd’hui dans l’église de Vitry-en-Perthois. L’inventaire d’avril 1790 précise que « les religieux de Cheminon etoient en marché ouvert pour une orgue neuve avec le sieur Richard facteur a Nanci ». Une copie de cet inventaire datant de 1793 permet de découvrir le titulaire de cet orgue neuf, un certain LA CLOCHE qui, parmi de très nombreux « domestiques », est rémunéré au moins depuis Noël 1789 de la faible somme de 40 livres pour une année de gages. L’établissement vit pourtant dans l’aisance avec 50 000 livres de recettes pour 48 000 livres de dépenses en 1790.

• À Ambrières, tout près de l’actuel lac du Der, à la limite de la Haute-Marne, se dressait l’abbaye cistercienne Sainte-Marie de Hautefontaine. L’inventaire d’octobre 1790 mentionne la présence de huit religieux, dont le prieur, et celle de deux sièges de chantres. En revanche, on ne discerne pas d’orgue. L’établissement déclare 12 000 livres de revenus pour 10 000 livres de dépenses environ.

• Enfin, à Moncetz, à une douzaine de kilomètres de Vitry-le-François, a été bâtie l’abbaye prémontrée Notre-Dame-Saints-Maurice-et-Nicolas. Composée d’un abbé, de quatre religieux et de huit domestiques de basse-cour, la communauté perçoit en 1790 la somme de 17 000 livres de revenus pour une dépense de 14 000 livres. Dans l’église, on relève « une banquette pour le chantre » sans que le nom de ce dernier, si ce n’est pas un hebdomadier, soit précisé dans les comptes.

• • • Entre Champagne et Brie : quelques orgues remarquables

• Au sud-ouest du département, la principale concentration de musiciens se situe à Sézanne, petite cité éloignée de 58 kilomètres de Châlons. Encore en partie enserrée dans ses fortifications anciennes dont le démantèlement commence tout juste, la petite ville, forte de 4 000 habitants, a été relevée presque entièrement après un vaste incendie en 1632. Elle est dotée d’une abbaye bénédictine, d’une collégiale, de deux paroisses. Chez les treize religieuses de l’abbaye royale bénédictine Notre-Dame, il est uniquement fait mention d’un clavecin dans l’inventaire de septembre 1790, sans doute destiné aux jeunes filles pensionnaires, mais nulle trace d’orgue.

La collégiale Saint-Nicolas a été fondée au XIIe siècle par le comte de Champagne Henri le Libéral mais, des cinquante chanoines qui occupaient naguère les stalles, il n’en reste que dix, dont le Principal du collège de la ville et cinq dignitaires. Les revenus de 12 000 livres environ (pour 11 000 livres de dépenses) ne permettent sans doute pas au chapitre de se doter d’une structure musicale importante. En 1790, les chanoines versent neuf mois de gages aux chantres, soit 313 livres, et 12 livres aux quatre enfants de chœur pour les gages de l’année et le chant des « Gaudes ». Il n’a pas été possible d’identifier ces chantres et ces enfants, les registres conservés s’arrêtant en 1785. Seul le « chantre laïc » Jean-Baptiste Charles NARDEAU, également maître d’école, apparaît dans les sources à l’occasion d’une démarche qu’il effectue en 1790. C’est un ancien enfant de chœur qui a succédé à son père. Il déclare 250 livres de revenus annuels. En 1789, les chanoines le désignent même comme leur « maître de musique ».

17-Eglise de Sézanne

Eglise Saint-Denis de Sézanne vers 1900 (carte postale, coll. privée)

L’église paroissiale Saint-Denis est un des principaux lieux d’animation de la cité avec ses ouvroirs nichés entre les contreforts, où sont installées jusqu’à 23 échoppes [document 17]. À l’intérieur de l’édifice, on peut admirer le buffet du grand orgue, qui a échappé aux flammes de 1632. L’instrument a été restauré et agrandi à de nombreuses reprises, entre 1765 et 1776, par le facteur Jean RICHARD. Le coût total s’éleva à 5 016 livres. L’organiste titulaire, Pierre GUÉRARD, l’entretient par la suite pendant une dizaine d’années avant la Révolution. Ce natif de Provins exerce la profession d’horloger. L’un des chantres de la paroisse, Pierre DENEVERS, régent d’école en ville, est lié au monde des organistes par le mariage de deux de ses filles. Le second est en fonction depuis un quart de siècle, il s’agit de Louis BOUILLON, maître d’école lui aussi.

Dans l’église paroissiale Notre-Dame, plus excentrée, un vigneron nommé Nicolas MAQUELIN assure le service cantoral.

• En Brie champenoise, à 24 kilomètres de Sézanne, se dresse Montmirail (1 600 habitants environ), plus proche de Château-Thierry (25 kilomètres) que des deux principales villes de Champagne (70 kilomètres environ). Elle appartient au diocèse de Soissons. Son église paroissiale Saint-Martin salarie deux chantres. Le premier, Jacques-Charles GUIARD, qui exerce aussi les fonctions de clerc paroissial et de régent d’école, est en poste depuis plus de vingt ans. Quant au second chantre, c’est un maître vitrier dénommé Philippe MINET. L’édifice est doté au moins depuis 1639 d’un orgue qu’on peut encore entendre de façon avérée en décembre 1785 sous les doigts de Jean Louis DENEUFCHATEL, qui a succédé à Pierre PETRA. Est-il toujours en place en 1790 ? Le jeune Louis GORLIDOT, natif de cette ville, facteur d’orgues installé à Reims, a sans doute touché l’orgue paroissial dans sa jeunesse avant de le restaurer en 1763.

• Le petit village de Baye (500 habitants), à 16 kilomètres au nord de Sézanne, sur la route d’Épernay, relève du diocèse de Châlons. En 1790, un orgue y est signalé dans la riche abbaye bénédictine Notre-Dame d’Andecy (20 000 livres de revenus, une abbesse et 17 religieuses de chœur), Avec son modeste buffet de trois pieds en montre, il a survécu aux aléas historiques et se trouve actuellement dans l’église de Villevenard, distante de cinq kilomètres. On sait peu de choses sur cet instrument, si ce n’est qu’il était déjà en place en novembre 1745, lorsque la jeune Rose Agathe BEGAT entre au service de l’établissement comme « organiste séculière ». Elle est nourrie et logée, mais ne perçoit aucun salaire.

• • • Orgues et chantres en pays viticole : le district d’Épernay

• La ville d’Épernay, située sur la rive sud de la Marne, ne compte à la fin de l’Ancien Régime que 3 700 habitants environ (1793). Cette localité est connue par ses tanneries, ses productions de poterie de terre et par le trafic de bois convoyé sur la rivière jusqu’à la capitale. Établie au cœur d’un riche vignoble, la ville voit dès 1729 l’ouverture de la première maison de Champagne, celle de Nicolas Ruinart, un marchand drapier, suivie de celle de Chanoine en 1730.
Une présence musicale a été relevée dans trois établissements ecclésiastiques de la ville, située dans le diocèse de Reims : l’abbaye augustinienne Saint-Martin (aux revenus de 13 000 livres par an), le couvent des Minimes et la paroisse, établie dans le même édifice de culte que les chanoines réguliers de Saint-Augustin. Ces derniers sont au nombre de cinq, plus le prieur qui est le curé de la paroisse. Les chanoines salarient deux chantres qui servent les deux structures. Antoine FIGON, le seul identifié, reçoit en 1790 des appointements s’élevant à 48 livres par an, dont 12 livres au titre de ses fonctions cantorales. Il est en effet également clerc de paroisse et maître d’école. L’existence d’enfants de chœur est attestée par la présence dans le chœur d’un banc à leur usage. L’édifice contient un orgue, construit en 1623, devenu un huit-pieds en 1690 avec son positif de quatre pieds. Il est touché, au moins depuis 1784, par Jean Louis Nicolas Victor JACTA, fils d’un menuisier d’Avenay. Une correspondance de 1793 atteste qu’il est rémunéré par les chanoines réguliers bien que, dans certains actes, on ne le mentionne que comme l’organiste paroissial.

• Le 31 décembre 1789, le receveur des Minimes verse à une demoiselle COCHU, organiste, la somme de 24 livres correspondant aux honoraires « pour la tenue et le service de leur orgue sans préjudice et indépendamment de la fonction faite par Geoffroy pour le même objet » [cela semble vouloir dire qu’il existe un autre organiste, peut-être un religieux ?]. Cinq religieux assurent le service divin, les revenus de l’établissement montent à 3 500 livres environ pour des dépenses supérieures à mille livres. La musicienne, prénommée Julienne, alors âgée de 43 ans, n’est autre qu’une des filles de l’organiste de la cathédrale de Châlons, Jacques COCHU. Elle perçoit en plus de ses gages annuels la somme de 50 livres au titre des fondations, sans compter ce qui lui est octroyé par le receveur des confréries, non chiffré dans les sources disponibles. Elle semble également en mesure de « racommoder l’orgue », c’est-à-dire d’en assurer les menues réparations.

Au nord de la ville, on relève une présence de chantre et d’organiste dans quatre localités situées au sud de la « Montagne de Reims », dans le vignoble champenois, que les ressources financières des fabriques paroissiales permettent de salarier.

• À Aÿ (à 4 kilomètres), l’église Saint-Brice accueille depuis 1750 un orgue établi par le facteur parisien Pierre AUBÉ pour la somme de 3 600 livres, achevé en 1756 par Jacques COCHU. Joué et entretenu par Louis FRIQUET vers 1765-1768, il est ensuite confié au Picard Simon Antoine GAUTIER, entre 1779 et 1786, date de son décès. Son métier de menuisier et d’horloger le prédispose sans doute à cette responsabilité.

• À peu de distance de cette localité, la paroisse d’Avenay [-Val-d’Or] possède deux orgues en 1790. L’abbaye bénédictine Saint-Pierre renferme le premier instrument. Il y a été installé vers 1780, remplaçant le vieil orgue des années 1670. On hésite encore à en donner la paternité à Jacques COCHU (une signature de 1787 a été retrouvée sur un sommier) ou à Louis PÉRONARD (on a retrouvé aussi sa signature sur un des panneaux). En mars 1789, le fils de COCHU, René (indice en faveur du facteur châlonnais ?) récupère l’ancien orgue pour construire un positif de dos, mais le projet n’aboutit pas en raison du contexte incertain. Les religieuses de chœur sont au nombre de 26, dont l’abbesse, et l’établissement déclare un peu plus de 43 000 livres de revenus en 1790. Parmi ces religieuses, Marguerite Eugénie BERTHÉLEMY, native de Laon, est l’une des organistes de la maison.

• Dans l’église paroissiale Saint-Trésain, l’orgue est en place depuis au moins le début du XVIIe siècle. En 1790, l’instrument est touché par Jacques VIVIEN, fils de l’organiste de la paroisse de Ludes, dont la principale occupation est de gérer le domaine (sans doute viticole) d’un certain Monsieur de La Goupillière. Revendu à la commune de Condé-sur-Marne, il sera détruit en 1917. En 1793, René COCHU revient pour installer l’orgue de l’abbaye dans l’église paroissiale, où il reste sur une tribune au revers du grand portail, avant de gagner son emplacement actuel en 1846. Pierre Noël Trésain DELACÔTE, le chantre qui s’active au lutrin, est vigneron comme son père.

• À cinq kilomètres environ au nord d’Épernay, de l’autre côté de la Marne, le bourg de Hautvillers accueille l’abbaye vanniste Saint-Pierre. Richement dotée (62 000 livres de revenus pour presque autant de dépenses), elle fait travailler quatre domestiques et cinq employés exclusivement pour les vendanges. Toutefois, il ne reste plus que dix religieux (Dom Pérignon y passa sa vie monastique jusqu’à sa mort en 1715) et quatre frères. Un orgue y était établi depuis les années 1630, œuvre de deux facteurs d’origine germanique. Son somptueux buffet a été conservé [aujourd’hui dans l’église paroissiale], mais abrite un instrument reconstruit entre 1764 et 1769 par Louis GORLIDOT et Matthieu WYSKIRCLUM [document 17]. Le Soissonnais Étienne Marie Claude Gervais BOUCHER, également le blanchisseur de la maison, s’installe aux claviers depuis huit ans environ en 1790.

• L’église paroissiale de Fleury [-La-Rivière], à six kilomètres au nord-ouest d’Hautvillers, possède aussi un orgue. Offert par le curé à l’extrême fin du XVIIe siècle, un petit huit-pieds enfermé dans un double buffet comporte trois tourelles et deux plates-faces, au grand-orgue comme au positif. Louis GORLIDOT fut chargé de le remonter dans le nouvel édifice construit entre 1772 et 1774. Jean Pierre BARBEZ, un vigneron, en est le titulaire en 1784, comme les actes paroissiaux le prouvent. Nicolas DEMILLY lui succède en 1787 et tient probablement la tribune jusqu’à son départ pour Damery en 1792.

• À 18 kilomètres au sud-est d’Épernay, la cité de Vertus [aujourd’hui englobée dans la commune de Blancs-Côteaux] compte environ 1 800 habitants. Elle a été jadis richement dotée en établissements ecclésiastiques par les comtes de Champagne. L’abbaye vanniste Saint-Sauveur conserve encore un « petit jeu d’orgues », construit en 1709, comme l’indique l’inventaire du mois d’avril 1790. Installé en 1792 dans l’église de Vraux (25 kilomètres au nord-est) par le facteur Jacques COCHU, qui l’avait d’ailleurs restauré huit ans plus tôt, il est encore visible aujourd’hui. Plusieurs organistes ont touché cet instrument comme le Messin Antoine CORRIGEUX (1776), le Bourguignon d’ascendance alsacienne Philippe BRICKER (1782) ou le Lorrain Pierre CHÉRY (1784). Le successeur de ce dernier, nommé en mai 1785, et à qui les religieux paient des chaussures en janvier 1789, n’a pu être identifié. À la collégiale Saint-Jean-Baptiste de Vertus, le petit chapitre (trois chanoines s’assemblent encore), toujours en place en janvier 1791, envoie au district un historique du chant dans son église. Depuis mars 1781, le charcutier Jean PLOIX y exerce les fonctions de premier chantre, qu’il cumule avec celles de sergent et de mesureur du minage. En 1782, son fils Joseph Laurent PLOIX, déjà sonneur et sacristain, est désigné comme « huissier porte-verge ». Au moment de son mariage en 1788, il est présenté comme second chantre de la collégiale. Les enfants de chœur, attestés dans les sources, restent inconnus en 1790. Quant à la paroisse Saint-Martin, elle est dotée de deux chantres dont l’identité n’est pas connue.

• À une dizaine de kilomètres au sud d’Épernay, sur le territoire de la paroisse de Moslins, « au milieu des bois », l’abbaye royale cistercienne Notre-Dame d’Argensolles (30 000 livres de revenus pour 32 000 livres de dépenses en 1790) a la particularité en 1790 de rémunérer deux organistes séculières, sœurs d’organistes. Elles mangent à la table des 13 religieuses et 7 converses placées sous la conduite de l’abbesse. Jeanne ALAIZE, âgée de 27 ans, sœur d’un organiste de paroisse à Metz en Lorraine, possède un statut de « donnée » au sein de l’établissement, tout comme la très jeune Marie Jeanne Victoire THULLIER, âgée de 17 ans. Cette dernière est la fille de l’organiste de l’abbaye Saint-Denis de Reims. Leurs appointements semblent s’élever autour de 25 livres par année.

• • • À l’ombre de Châlons et de Reims

• À huit kilomètres à l’est de Châlons, le petit village de L’Épine abrite une splendeur architecturale gothique inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO : la basilique Notre-Dame. Dressée au milieu des plaines, elle se voit de loin et on y vient en pèlerinage depuis le XVe siècle. Ses gargouilles, son jubé, sa monumentale mise au tombeau fascinent le visiteur, ainsi que l’ensemble buffet-tribune d’orgues qui constitue l’un des plus beaux monuments Renaissance du pays. L’orgue fut restauré au milieu du XVIIe siècle et sans doute remanié au XVIIIe siècle. L’absence presque totale de sources ne permet pas de savoir si un organiste était en activité en 1790. Les investigations dans les registres paroissiaux, qui fournissent rarement la profession des paroissiens, n’ont rien donné.

• À 23 kilomètres au nord-est de Châlons, en pleine Champagne crayeuse, la petite ville de Suippes compte environ 1 800 habitants à la fin de l’Ancien Régime. Son église paroissiale dédiée à Saint-Martin possède un orgue de dix jeux qui est en place au moins depuis 1621.

• Dans le village de Prouilly (à 16 kilomètres au nord-est de Reims), l’église paroissiale Saint-Pierre abrite un orgue depuis 1697, provenant de Cormicy. En 1788 encore, il a pour organiste Olivier DELOZANNE, ancien recteur d’école [et chantre ?] dans les environs, en place depuis au moins une dizaine d’années. On ignore tout d’un éventuel successeur.

• À une quinzaine de kilomètres à l’ouest, la petite ville de Fismes peuplée d’environ 2 000 habitants se dresse en bordure de Vesle sur la route de Soissons. Son église paroissiale Saint-Macre rémunère deux chantres, Nicolas MOREL, également sacristain et maître d’école (132 livres de revenus annuels pour l’ensemble de ses fonctions), et François CHALLE (36 livres par an), ainsi qu’un organiste. Ce dernier, en place depuis une trentaine d’année, est Étienne DOYEN, venu de la Picardie voisine. Il perçoit 300 livres d’appointements par année. On ne sait rien des origines et de la composition de l’instrument.

• Au sud de la ville des sacres, à treize kilomètres, le petit village de Ludes se situe au nord de la « montagne de Reims ». Son église possède un orgue qui était déjà en place en 1683. Il a été joué pendant plus de quarante années, jusqu’à son décès en 1785, par Adam VIVIEN, un vigneron du village, dont le fils est à l’orgue d’Avenay. Il n’a pas été possible de découvrir s’il avait eu un successeur.

• Sacy, un autre village de la « Montagne », éloigné quant à lui de 12 kilomètres de Reims, peuplé de 400 habitants environ, possède, avant la Révolution, dans son église Saint-Rémy un orgue à l’origine incertaine. Un organiste est en effet attesté dans les registres paroissiaux depuis 1763 jusqu’en 1785. Il s’agit du vigneron Jean-Baptiste PERCEVAL, qui est lié au milieu ecclésiastique rémois. En 1780, c’est à lui que l’on s’adresse pour confectionner la copie du pouillé diocésain.

• • •

L’étude menée a permis de localiser 82 lieux de musique répartis dans tout le département, principalement dans les zones périphériques, le centre étant presque une « zone vide » en dehors de la ville de Châlons. Les zones urbaines et les régions viticoles concentrent les chantres et les organistes ou bien le personnel plus spécialisé (serpent, maîtres de musique). Seules les deux grandes villes de Reims et Châlons sont des lieux de passage ou de carrière pour des musiciens venus de loin. Le personnel musical a été identifié en totalité ou en partie dans 61 lieux (deux cathédrales, huit collégiales, 30 paroisses, 16 abbayes, quatre couvents, un Hôtel-Dieu). Dans dix lieux (quatre paroisses, trois couvents, deux abbayes et un prieuré), on possède uniquement la mention de la présence d’un orgue ou d’une activité cantorale en 1790 ; dans sept lieux (six paroisses et un collège), les titulaires, tous organistes, sont morts ou connus seulement dans les années 1780). Enfin, quatre lieux (un hôtel-Dieu, un hôpital, un séminaire et une chapelle) sont desservis par du personnel déjà en fonction dans un autre établissement. Au total, 160 individus actifs (dont 7 femmes organistes) ont été recensés en 1790 (mais le nombre de places mentionnées dans les sources s’élève dans l’état actuel des recherches à 177). Aucune trace d’activité cantorale et musicale n’a été relevée dans les petites villes d’Esternay, d’Anglure, de Fère-Champenoise, ainsi que dans les localités de Pleurs et Broyes, dotées pourtant de petites collégiales « crottées ».
Dorment sans doute encore, dans des archives, les traces d’autres musiciens de cette génération 1790 qu’il reste à identifier et à faire revivre sous la forme de notices biographiques. Plaise au lecteur nous aider dans ce long travail de reconnaissance...

Christophe MAILLARD, chercheur associé au Laboratoire Temos (TEmps, MOnde, Sociétés) UMR 9016 CNRS et Françoise NOBLAT, professeure d'Histoire
(août 2022)

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de plusieurs contributeurs : Marylin Begat Gilson (Assistante du Service photographique du Musée des Beaux-Arts de Reims), François Caillou, Youri Carbonnier, Bernard Dompnier, Sylvie Granger (+), Isabelle Homer (Directeur des Archives départementales de la Marne), Élodie Marchal (organiste titulaire de l’orgue de la cathédrale de Châlons-en-Champagne), Édith Marois, Caroline Niess Guerlet (Assistante principale de conservation du patrimoine à la Ville de Châlons-en-Champagne).

Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)

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L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

Les lieux de musique en 1790 dans la Marne

Diocèse de Châlons

Diocèse de Reims

Diocèse de Soissons

Diocèse de Troyes

  

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

SOURCES IMPRIMÉES

  • Affiches, annonces, et avis divers de Reims, et généralité de Champagne, 1772-1780.
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  • Henri-Gabriel DUCHESNE, La France ecclésiastique, pour l’année 1782, Paris, Duchesne, XVI-420 p.
  • Jean Joseph EXPILLY (abbé), Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Paris, Desaint et Saillant, 1762-1770, 6 vol.
  • Formule de cérémonies et prieres pour le Sacre de Sa Majesté Louis XVI, qui se fera dans l’Eglise Métropolitaine de Reims, le Dimanche de la Trinité, 11 juin 1775, à Paris, Chez Vente [...], MDCCLXXV.
  • [Henri HARDOUIN], Méthode nouvelle, courte et facile pour apprendre le plain-chant à l’usage du Diocèse de Reims, avec l’office de la Semaine Sainte, mis en chant par Mr Hardouin, Prêtre, Chapelain, et Maître de Musique de l’Église Métropolitaine de Reims, Charleville, Raucourt, 1819.
  • Pierre Étienne HERBIN DE HALLE, Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, avec une nouvelle description topographique, physique, agricole, politique, industrielle et commerciale de cet État, t. V, Paris, Chez F. Buisson, 1803.
  • Étienne POVILLON-PIERARD, « Description étymologique et topographique de Rheims », 1822, Travaux de l’Académie Nationale de Reims, 166e et 167e volumes, 1987-1988.
  • La République française en LXXXIV départemens, par une Société de géographes, Paris, 1793.
  • Sacre et couronnement de Louis XVI, roi de France et de Navarre, à Rheims, le 11 juin 1775 [...], Paris, Chez Vente [...], et chez Patas [...], MDCCLXXV [sous la direction de l’abbé Pichon].
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  • Aristide MILLARD, Le clergé du diocèse de Châlons-sur-Marne, La Révolution, 1ère partie, Le serment, Châlons-sur-Marne, Martin frères, 1903, XXXII-534 p.
  • Benoît MUSSET, Vignobles de Champagne et vins mousseux : histoire d'un mariage de raison (1650-1830), Fayard, 2008, 792 p. ⟨halshs-00494575⟩
  • Benoît MUSSET, « Les grandes exploitations viticoles de Champagne (1650-1830) », Histoire & sociétés rurales, 2011, p.79-98. ⟨halshs-00661719⟩
  • Daniel PELLUS, Michel PERONNET, La Révolution dans la Marne, 1789-1799, Roanne, Horvath, 1988, 164 p.
  • Daniel PELLUS, Reims, deux siècles d’événements, 1600-1800, Reims, Éditions Dominique Fradet, 2005, 142 p.
  • Maurice POINSIGNON, Histoire générale de la Champagne et de la Brie, depuis les temps les plus reculés jusqu’à la division de la province en départements, 3 vol., Châlons-sur-Marne, Martin frères, 1896-1898 (rééd. Paris, Librairie Guénégaud, 1974), 598-654 et 733 p.

Bibliographie élaborée par Christophe MAILLARD et Françoise NOBLAT (août 2022)

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