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Bas-Rhin

Musique et musiciens d’Église dans le département du BAS-RHIN autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens du Bas-Rhin

Url pérenne : https://philidor.cmbv.fr/musefrem/bas-rhin

0-Vue de Strasbourg

Antoine Aveline, Vue de Strasbourg, détail [entre 1720 et 1740] (BNU Strasbourg, MCARTE10831, Sce : gallica.bnf.fr)

 

Tout voyageur qui découvre l’Alsace en venant de l’ouest, à la fin du XVIIIe siècle, est saisi d’un sentiment de dépaysement. L’aspect des édifices, les costumes et l’usage généralisé de l’allemand – seulement 10 % de francophones en 1789 – suscitent l’étonnement. Pour l’Anglais Arthur Young qui la traverse en juillet 1789, « l’Alsace, c’est l’Allemagne ». Les contrastes de densité de population et de développement économique se remarquent immédiatement : passer des « forêts ténébreuses » des Vosges à la vallée du Rhin, « c’est passer de la Tauride dans les champs de l’Indus », écrit Joseph Lavallée en 1792.

I –Un territoire aux particularités marquées

Intégrée par étapes au royaume de France (1648-1697), l’Alsace s’apparente à la veille de la Révolution à un agrégat de fiefs au statut juridique incertain. Les dix-huit princes du Saint-Empire qui y sont possessionnés reconnaissent la souveraineté du roi de France, mais administrent leurs terres selon le droit germanique. Les plus acharnés à défendre leurs privilèges, le prince-évêque de Spire, le margrave de Hesse-Darmstadt et le duc de Deux-Ponts, possèdent d’immenses domaines dans le nord de la Basse-Alsace. Le comté de Sarrewerden, aux mains des Nassau-Sarrebruck, forme une enclave étrangère entre Alsace et Lorraine. La principauté de Salm, au sud-ouest du département, est dans le même cas. Le « ban de Plaine » et, partiellement, le « ban de Salm », qui en font partie, n’intègrent le Bas-Rhin qu’en 1793. Au nord, les seigneuries de Diemeringen et Asswiller ont également échappé aux « réunions » décidées par Louis XIV au siècle précédent. Inversement, la France contrôle l’« exclave » de Landau in der Pfalz (Rhénanie-Palatinat), acquise par le traité de Münster en 1648. Fortifiée par Vauban, considérée comme alsacienne par le géographe Philippe-Xavier Horrer (Dictionnaire géographique, historique et politique de l’Alsace, 1787), elle est incorporée au Bas-Rhin dès 1790. L’Alsace, séparée du reste du royaume par le cordon douanier vosgien, jouit d’un statut fiscal particulier. Les impôts directs n’y pèsent pas d’un poids énorme : la subvention remplace la taille, la capitation et le vingtième se règlent par abonnement. Semblable constat vaut pour la fiscalité indirecte : la gabelle, les aides et les traites n’existent pas et le commerce du tabac est entièrement libre. En matière judiciaire, l’Alsace a sa propre cour d’appel, le Conseil souverain de Colmar. Depuis son hôtel strasbourgeois, le représentant du roi, l’intendant Antoine Chaumont de La Galaizière, transmet ses ordres à ses subdélégués basés à Strasbourg, Saverne, Wissembourg, Landau et Sélestat.

• • • La cohabitation confessionnelle

En 1789-1790, le diocèse de Strasbourg, divisé en quatorze « chapitres ruraux » (archidiaconés), s’étend sur la quasi-intégralité de la Basse-Alsace et, à proportion d’un tiers environ, sur le duché de Bade, outre Rhin (chapitres ruraux de Lahr, Offenbourg et Ottersweier). Entre 1704 et 1790, quatre représentants de la famille Rohan se sont succédé sur le siège épiscopal. Bâtisseur et ami des arts, le premier d’entre eux, Armand-Gaston de Rohan-Soubise, a introduit dans la région le style versaillais, symbolisé par deux somptueux édifices, la résidence épiscopale de Saverne et le palais Rohan, à côté de la cathédrale. Le dernier représentant de la dynastie, Louis-René-Édouard, prince – cardinal à partir de 1778 – de Rohan, élu coadjuteur du diocèse en 1759, a occupé le poste d’ambassadeur à Vienne avant de succéder à son oncle Louis Constantin en 1779. Le « scandale du collier de la reine », qui lui a valu la prison et l’exil entre 1785 et 1788, n’a pas entamé sa popularité auprès des Alsaciens, qui le reçoivent en grande pompe au début de l’année 1789. Même les protestants de Strasbourg « l’ont en haute considération », assure l’abbé Gelin. Passionné de musique, ce prélat mondain salarie quatre instrumentistes : Jean BISCH, Mathieu Frédéric BLASIUS, François DEVIENNE et Joseph Séraphin KERN.
Au nord du département, les chapitres ruraux de Dahn, Herxheim et Wissembourg relèvent de l’évêché de Spire, ce qui est aussi le cas de Landau. Au nord-ouest, l’archidiaconé de Bouquenom englobant les comtés de Sarrewerden et de La Petite-Pierre dépend de celui de Metz. Au sud-ouest, plusieurs paroisses frontalières du département des Vosges se situent dans le ressort du diocèse de Saint-Dié. Au sud-est, enfin, la paroisse de Marckolsheim est sous l’autorité de l’évêque de Bâle.

• L’édit de Fontainebleau de 1685 n’a pas été appliqué en Alsace. Les sujets protestants du Grand Roi, luthériens pour l’essentiel, alors majoritaires, exercent librement leur culte, au prix de quelques restrictions. Un catholique n’a pas le droit de se convertir au protestantisme, alors que l’inverse est encouragé. Longtemps prohibés, les mariages entre époux de deux confessions distinctes sont autorisés à partir de 1774, à condition d’élever les enfants qui en seraient issus dans la religion romaine. André BARTISCH, musicien à la cathédrale de Strasbourg, peut ainsi convoler avec une luthérienne en 1789. Pour soutenir la minorité catholique dans les seigneuries détenues par la noblesse réformée, le pouvoir monarchique a instauré le « simultaneum ». Concrètement, les lieux de culte protestants doivent faire une place aux catholiques, ce qui implique un réaménagement de l’espace intérieur. Le procédé a touché 123 églises à la mort de Louis XIV, dont deux collégiales strasbourgeoises, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le catholicisme a pris le pas sur la « confession d’Augsbourg » : vers 1770, on dénombre dans le diocèse 277 610 catholiques, contre 98 650 luthériens, 6 250 calvinistes, 7 710 juifs et 370 anabaptistes. Alors qu’en 1681, les fidèles de l’Église de Rome ne formaient qu’une infime minorité de la population strasbourgeoise, à la fin du règne de Louis XV, ils sont entre 21 500 et 23 900, face à 18 550 à 20 000 luthériens. Le phénomène s’explique moins par les abjurations que par l’immigration massive de « Français » après 1680 et le taux de fécondité plus élevé des catholiques. La Compagnie de Jésus, qui prêchait des missions dans les campagnes et contrôlait la plupart des collèges (Haguenau, Molsheim et Sélestat en particulier) et des sanctuaires mariaux comme Marienthal, a fortement marqué de son empreinte le catholicisme alsacien. L’influence des jésuites, qui perdure au-delà de leur bannissement, n’est pas sans rapport avec le faible écho rencontré par le jansénisme dans la province, où règne un « esprit ultramontain » dans le clergé et les élites jusqu’à la Révolution. Au contraire de ce qui s’observe dans une large partie du royaume, la ferveur religieuse ne décline pas au cours du siècle : le développement des confréries, le succès des pèlerinages et la multiplication des travaux d’embellissement dans les églises entre 1761 et 1780 en témoignent.

• Les juifs bénéficient aussi de la protection royale. Discriminés, ils exercent des activités socialement peu valorisantes comme le colportage et le prêt à intérêt. Des rabbins sont établis à Haguenau, Bouxwiller, Mutzig et Niedernai, mais les juifs ont l’interdiction de s’établir dans certaines villes, dont Strasbourg. Le chapitre de Haguenau s’adresse régulièrement à des juifs pour différentes prestations, par exemple la dératisation de ses greniers en 1789-1790. Les arrêtés du Département livrent de rares noms de chantres juifs. En juin 1793, par exemple, Isaac HIRCH, « chanteur des psaumes de la religion mosaïque », et Moïse CASSEN, chantre de la religion juive à Niederrœdern, font viser leur certificat de civisme à Strasbourg.

• • • Orgues à foison et autres spécificités locales

1-Portrait Silbermann

Fig. 1 : Joh. Andreas Silbermann, facteur d’orgues, 1791 (estampe de Christophe Guérin, BNU Strasbourg, NIM17383, Sce : gallica.bnf.fr)

• C’est l’une des originalités de la région : la plupart des églises d’Alsace, tant catholiques que protestantes, sont dotées d’un orgue. En 1800, l’Annuaire politique et économique du département du Bas-Rhin consacre quelques lignes au « jeu des orgues » parce qu’il « concourt à donner de l’intérêt aux fêtes nationales ». Il « est peu de départemens où les communes rurales en possèdent plus », affirme le rédacteur. Selon un recensement incomplet (32 cantons – dont Strasbourg ne fait pas partie – sur 42 ont fait remonter l’information), le département en compte 186, peut-être pas tous en état de servir. La facture d’orgue traverse un âge d’or au XVIIIe siècle. Un nom la symbolise en particulier : Silbermann. Le génial André SILBERMANN et ses fils Jean André (1712-1783) [Fig. 1] et Jean Daniel (1717-1766) ont confectionné en quatre-vingts ans 91 orgues, parmi lesquels ceux des abbayes de Marmoutier et d’Ebersmunster, qui nous sont parvenus non modifiés. Jean-André a accumulé au long de sa vie quantité de répertoires, descriptions, commentaires, dessins relatifs à sa pratique formant cinq volumes de 2 000 pages, aujourd’hui déposés à la Bibliothèque d’État de Saxe. D’autres facteurs d’orgues talentueux ont sillonné la Basse-Alsace dans la seconde moitié du siècle : Conrad SAUER, lié aux SILBERMANN, Jean George ROHRER, beau-père du trompette de la cathédrale de Strasbourg Pierre Laurent WILLIG, George HLADKY, George Frédéric MERCKEL, Jean Nicolas TOUSSAINT, Théobald EPPEL

• Le vocabulaire alsacien répertoriant les fonctions d’Église présente quelques spécificités. Le terme marguillier désigne non pas le comptable élu d’une fabrique paroissiale ou d’un chapitre, mais un simple employé de la fabrique, à l’instar d’un organiste, chargé de la sonnerie des cloches, du balayage des locaux, du blanchissage du linge et de l’approvisionnement en cire et en chandelle. Certains occupent en même temps la fonction de maître d’école et / ou de chantre. Il serait l’équivalent, dans le Bassin parisien et ailleurs, d’un sacristain ou d’un clerc d’église. Le mot sonneur est peu répandu, celui de carillonneur inexistant. L’individu qui joue du serpent est appelé serpentiste (« saraband » dans les comptes en allemand), presque jamais serpent. L’expression souffleur d’orgues se rencontre occasionnellement, mais la plus commune dans les sources est tireur de soufflets.

• • • Le Bas-Rhin en 1789-1790 : crise économique et troubles religieux

La réforme administrative de 1790 a entraîné le découpage de l’Alsace en deux départements d’une superficie légèrement inférieure à la moyenne nationale.

2-Armoiries Bas-Rhin

Fig. 2 : Blason du département du Bas-Rhin, en-tête d’un arrêté du 16 février 1792 (Ad67/ Q 2869, cl. F. Caillou, 2017)

3-Département du Bas-Rhin

Fig. 3 : Le département du Bas-Rhin divisé en quatre districts (carte tirée de La République française en LXXXVIII départemens, Paris, an III, coll. part.)

• Au nord, le Bas-Rhin [Fig. 2], dont Strasbourg devient le chef-lieu, correspond à la Basse-Alsace historique. Il est divisé en quatre districts : du nord au sud Wissembourg (incluant Landau), Haguenau, Strasbourg et Benfeld [Fig. 3]. La population strasbourgeoise s’élève à environ 48 000 habitants en 1790. Les autres villes ont moins de 10 000 habitants : Sélestat 8 500, Haguenau aux alentours de 7 000, Obernai 6 390, Wissembourg 4 258 (chiffre de 1791), Saverne un peu au-dessus de 4 000. Le département compte 340 000 habitants en 1793 selon la Géographie de la France, qui note qu’il « produit des grains de toutes espèces, des vins, du tabac, de la garance, de la graine de moutarde, des chanvres, beaucoup de gibier, du poisson & des bestiaux en quantité ». Entre 1700 et 1789, la population d’Alsace a crû de 66 %, conséquence de l’amélioration des rendements agricoles et de l’immigration. Arthur Young ne tarit pas d’éloges sur l’agriculture alsacienne. Pourtant, la conjoncture économique s’est dégradée. La récolte de 1787 a été catastrophique, les deux suivantes ont déçu les espérances. Comme dans le reste du pays, la population a souffert d’un hiver 1788-1789 rigoureux et la misère a pris de l’ampleur. La crise n’épargne pas la viticulture et l’industrie. Les administrateurs éclairés critiquent la rigidité des structures sociales, symbolisée par le système corporatif strasbourgeois. La sclérose de l’organisation politique n’échappe à personne : au sein des conseils permanents chargés d’administrer la ville de Strasbourg, quasi-inaccessibles aux artisans, quelques grandes familles se partagent le pouvoir. Le même fonctionnement oligarchique fondé sur la cooptation et le népotisme s’observe dans les cités de l’ancienne Décapole – Haguenau, Obernai, Rosheim et Sélestat. À Strasbourg, le 21 juillet 1789, des émeutiers exigeant la suppression du droit d’accise sur la viande mettent à sac l’hôtel de ville, la chancellerie et les écuries municipales de Finckwiller. Des troubles touchent aussi les campagnes. Entre fin juillet et début août 1789, des paysans armés de fourches font irruption dans plusieurs riches abbayes (Andlau, Biblisheim, Kœnigsbruck, Neubourg…) à la recherche de titres féodaux à faire flamber.

• Après plusieurs mois de calme relatif, les désordres ressurgissent en 1790. La suppression des ordres contemplatifs, le 3 février, génère de l’inquiétude. En juin, le cardinal de Rohan s’installe à Ettenheim, sur les terres allemandes de son évêché. Le 20 novembre, il dénonce la Constitution civile du clergé dans une déclaration qui, adressée aux ecclésiastiques du diocèse, dénie à l’Assemblée nationale tout droit de légiférer sur la discipline de l’Église. Il approfondit sa critique dans une Instruction pastorale datée du 28 novembre, interdite par les autorités mais diffusée sous forme de tracts clandestins. L’inventaire des biens des cures, chapitres et communautés religieuses, qui constitue un prélude à la mise en vente des biens du clergé, donne lieu à de multiples manifestations de colère. En janvier 1791, à Strasbourg, le transfert des archives du chapitre de Saint-Pierre-le-Vieux provoque une émeute. Le pape, par son bref du 10 mars 1791, fustige à son tour la décision de l’Assemblée nationale. Dans leur immense majorité, les membres du clergé du Bas-Rhin refusent de prêter serment : on estime qu’il y eut seulement 7,9 % de jureurs, le taux le plus faible de France. Ce rejet massif est essentiellement imputable aux règles de désignation du clergé paroissial et de l’évêque par le corps civique, qui inclut les protestants. Lorsque François Antoine Brendel, prêtre, docteur en théologie, professeur de droit canon à l’Université épiscopale, est élu évêque du Bas-Rhin le 6 mars 1791, il est immédiatement considéré comme la créature des protestants par la plupart des catholiques, qui enragent de voir que la nationalisation des biens du clergé ne concerne pas ceux des luthériens. Les nouvelles autorités diocésaines sont contraintes de faire appel à un personnel ecclésiastique extérieur à la ville. C’est ainsi qu’Euloge Schneider, un moine franciscain bavarois, devient vicaire épiscopal. Rendu célèbre par ses prêches très politiques, il accède en 1793 à la fonction d’accusateur public au tribunal révolutionnaire et participe à la persécution qui s’abat sur les prêtres réfractaires.

• • • Strasbourg : un rayonnement européen

La Géographie de la France présente Strasbourg comme une « ville très commerçante », avantageusement située sur le Rhin entre les Provinces-Unies au nord, porte d’entrée des denrées coloniales, la Suisse au sud et l’Allemagne à l’est. L’industrie « y entretient des fabriques d’ouvrages d’orfèvrerie, des manufactures de tabac, d’armes blanches & autres objets » ; à cette liste s’ajoutent la production de faïence et de porcelaine, de draps, de toiles, de tapisseries de Bergame et de moquette, la ferronnerie, l’ébénisterie, l’horlogerie, la pelleterie et la tannerie. La famille Dietrich, qui a fait fortune dans les forges, y réside : Philippe Frédéric de Dietrich exerce le mandat de maire de Strasbourg de 1790 à 1792. Place fortifiée essentielle dans le dispositif défensif à l’est du royaume, sous la menace constante des armées austro-prussiennes à partir de 1792, la ville abrite une importante garnison, ce qui explique la tranquillité relative qui y règne pendant la période révolutionnaire. Mais Strasbourg fait avant tout figure de capitale culturelle, non seulement à l’échelle de France, mais aussi de l’Europe.

• La ville doit sa renommée intellectuelle à son université protestante, qui attire des étudiants de toutes confessions et de tous pays, jusqu’à la Russie orthodoxe. L’un des plus célèbres, Johann Wolfgang von Goethe, s’y forme à la médecine en 1770-1771. D’excellents pédagogues y dispensent des cours, à l’image de Jean Daniel Schœpflin, professeur d’histoire et d’éloquence latine, auteur d’ouvrages sur l’Alsace, qui a rassemblé un « cabinet d’antiquités » ouvert aux érudits et aux curieux. Une université catholique, transférée de Molsheim à Strasbourg en 1702, s’efforce de lui faire concurrence mais n’a pas la même réputation. Hors de ce cadre très officiel, les idées s’élaborent et se discutent dans les cafés du quai Saint-Nicolas, les cinq loges maçonniques, qui recrutent surtout dans l’armée et le négoce, les salons tel celui de la baronne d’Oberkirch, le cabinet de lecture de la place d’Armes, la bibliothèque publique et les sociétés savantes, à l’instar de la Deutsche Gesellschaft ou encore de la Tablée du Sturm und Drang. L’imprimerie reste dynamique dans la ville d’adoption de Gutenberg : six imprimeurs s’y activent en 1792. Les citadins cultivés sont d’avides lecteurs de journaux : une quinzaine de périodiques paraissent entre 1780 et 1790. Les professeurs particuliers ont l’assurance de trouver des élèves à Strasbourg, quelle que soit leur discipline de prédilection. L’Almanach du département du Bas-Rhin de 1792 recense un démonstrateur en physique, quatre maîtres de fortifications, quatre d’arithmétique, deux d’armes, huit de danse, sept de dessin, treize d’écriture (en allemand ou / et en français), deux d’allemand, deux d’anglais, dix de français et trois d’italien. Domiciliés dans les paroisses du centre, quarante-sept maîtres d’instrument dont quinze de clavecin et onze maîtres de chant proposent leurs services. Dans le domaine de l’enseignement musical, quelle ville française était en mesure de rivaliser avec Strasbourg, en dehors de Paris ?

• Toutes les formes d’art s’épanouissent en cette cité. Le mécénat des princes-évêques a drainé des artisans français et allemands qui excellent dans les métiers de la décoration et de l’ameublement de luxe. La peinture, dominée par deux grandes figures, Jean Daniel Heimlich et Jean Jacques Sorg, rencontre un succès grandissant dans la noblesse et la bourgeoisie, en particulier le genre du portrait. En 1792, neuf artistes peintres, neuf graveurs, trois marchands d’estampes et deux faiseurs de silhouettes mettent leur talent à la disposition du public.

4-Théâtre Strasbourg

Fig. 4 : Incendie du Théâtre de Strasbourg le 30 mai 1800, s. d. (lithographie de Xavier Sandmann, BNU Strasbourg, NIM25528, Sce : gallica.bnf.fr)

5-Concert Amateurs

Fig. 5 : Programme du Concert des Amateurs du 23 janvier 1786, Feuille hebdomadaire de la Ville de Strasbourg, 1786 (Médiathèque Malraux, Strasbourg, cl. F. Caillou, 2017)

La musique n’est pas moins prisée, et ce dans toutes les catégories sociales. Nombreux, les amateurs animent fêtes populaires et soirées mondaines et joignent parfois leurs forces aux professionnels. D’après le recensement de 1789, 118 individus exercent une profession liée à la musique, métiers de l’enseignement compris. Entre le théâtre, les concerts organisés par le Magistrat (ou corps de ville) et les bals, l’activité ne manque pas. La Comédie française, bâtie en 1701 à l’extrémité du Marché aux Chevaux, où a ensuite été formée la promenade de Broglie, propose pièces de théâtre et opéras à un public de connaisseurs dans une « salle très-laide et très-désagréable », juge sévèrement l’Almanach général de tous les spectacles de Paris et des provinces pour l’année 1791 [Fig. 4]. La direction de l’établissement salarie vingt-cinq musiciens, en plus des chanteuses et chanteurs. Les étrangers de passage s’y précipitent. Le 13 mars 1785, Sophie von Laroche assiste à l’opéra Didon abandonnée de JOMMELLI dans sa version française : elle apprécie les « sons de gorge magnifiques » de Mademoiselle Lili, la première chanteuse, mais trouve déplaisants les « évanouissements répétés de la pauvre Didon » et s’agace des gesticulations des acteurs. La Comédie allemande, établie en 1733 à la salle de la tribu des Drapiers, donne entre autres des opéras de MOZART, qui passe en 1778 plusieurs jours à Strasbourg, où il rencontre RICHTER et d’autres personnalités du monde culturel. En 1781, les concerts municipaux prennent le nom de Concert des Amateurs et passent sous la direction de Jean Philippe SCHŒNFELD, le nouveau maître de chapelle du Temple Neuf. En 1785, Ignace PLEYEL qui vient d’arriver à Strasbourg s’associe à lui et devient l’année suivante codirecteur de l’institution. Dans l’orchestre, des musiciens des deux confessions collaborent sans difficulté. La saison comporte seize concerts, qui ont lieu tous les lundis de novembre à Pâques à la salle du Miroir, plus deux ou trois manifestations exceptionnelles au bénéfice d’un artiste et, en fin de saison, des pauvres. Chaque concert comprend huit œuvres dont une symphonie de PLEYEL et une de son maître HAYDN [Fig. 5].

HOFFMEISTER, CIMAROSA, SARTI, PAISIELLO, PICCINI et GOSSEC ont la faveur des deux chefs, MOZART aussi, mais ses compositions sont jouées moins souvent. Les mélomanes qui s’abonnent reçoivent un programme détaillé. Ils entendent aussi bien de la musique instrumentale que des airs chantés : comme au Concert spirituel de Paris, « il est de rigueur d’engager une bonne et si possible jolie cantatrice » (Geneviève Honegger). Seuls les meilleurs symphonistes se produisent au Concert des Amateurs. Les autres subsistent notamment grâce aux bals. Les plus courus, organisés en la salle de la Comédie française, ont lieu au moment du Carnaval. Dans une lettre du 18 février 1776, un voyageur écrit qu’on y danse des valses « du soir jusqu’au matin ». Ces manifestations attirent « quantité de princes allemands, que les plaisirs du carnaval rassemblent à Strasbourg ». Les bals populaires égayent les guinguettes des faubourgs, rapporte un voyageur anonyme en 1768. En ces lieux, « on va voire dancer les grisettes, les paysannes et les servantes. L’on y trouve des orquestes nombreux et bruiants ; les ménétriers qui les composent ont leur musique sous les yeux ». Les musiciens manient le hautbois, la basse, le basson, la clarinette ou encore le violon, précise-t-il. Le goût des Strasbourgeois pour la fête est tel qu’il incite le prêteur royal François Baron d’Autigny à faire tracer les plans d’un vauxhall sur la promenade des Contades dans les années 1770, mais le projet, trop ambitieux, est finalement enterré.

La passion des habitants pour la musique et la présence en ville de plus d’une centaine de professionnels ont favorisé la multiplication des « magasins de musique ». En 1792, huit « faiseurs » d’instruments tiennent boutique. Jean Frédéric EDELMANN est aujourd’hui davantage connu pour son talent de compositeur et sa mort tragique sous le couperet de la guillotine que pour les clavecins et épinettes sortis de son atelier. JEANDIN, musicien à la cathédrale, conçoit et vend des serpents, KELLER des instruments à vent, REISS des anches pour hautbois et des bassons, SILBERMANN des clavecins et des pianoforte, STORCK des luths. L’Almanach n’indique pas la spécialité de SCHWARZ, si tant est qu’il en ait une. En homme d’affaires avisé, STORCK fait régulièrement paraître des annonces dans la presse locale pour informer le public de ses activités d’éditeur musical. Associé au sieur STUBER, il demeure au n° 17, place du Temple Neuf. Son principal concurrent pour la vente d’instruments et de partitions paraît être le sieur VOGT, installé près de la Grande Boucherie.

6-Orgue St-Pierre-le-Jeune protestant

Fig. 6 : Orgue Silbermann en la partie protestante de l’église Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg (cl. F. Caillou, 2017)

Les principaux employeurs de musiciens de la ville restent les églises, tant catholiques que protestantes. La liturgie luthérienne accorde beaucoup d’importance à la musique. Chaque église paroissiale – Temple Neuf, Saint-Pierre-le-Jeune, Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Thomas, Saint-Guillaume, Saint-Nicolas et Sainte-Aurélie – est équipée d’un orgue Silbermann [Fig. 6]. La fonction de maître de chapelle n’existe qu’au Temple Neuf, ce qui situe cette « cathédrale protestante » un cran au-dessus des autres églises, mais le titulaire de ce poste compose en réalité pour toutes les paroisses luthériennes. Les conseils presbytéraux chargés d’administrer ces dernières rétribuent entre quatre et huit chantres, effectif adapté à la cantate allemande. L’un d’eux, le choragus, sert à la fois d’intendant de la musique et de chef de chœur, tandis qu’un autre, le cantor, exerce parallèlement la fonction de maître d’école. Beaucoup sont des jeunes gens inscrits à l’université protestante, qui laissent assez rapidement leur place à d’autres. Ces chapelles emploient en outre un organiste et au minimum six symphonistes, violons surtout, mais aussi hautbois, bassons, contrebasses et cors, auxquels peuvent s’amalgamer d’autres musiciens en certaines occasions – timbales et trompettes lors d’un Te Deum, par exemple. Le maître de chapelle du Temple Neuf est toujours un musicien d’excellent niveau, capable de composer dans des genres variés. Avant SCHŒNFELD, il y eut Jean Frédéric BRÜCK, auteur de 71 cantates. L’organiste titulaire en 1790, le maître de clavecin Sixte HEPP, s’est forgé une solide réputation grâce à ses sonates. En 1787, les calvinistes obtiennent l’autorisation d’ouvrir leur propre lieu de culte, rue du Bouclier. L’orgue a pour titulaire Jean Daniel TUBACH, un maître de clavecin luthérien. Le recensement de 1789 indique que la « maison d’assemblée des réformés » utilise les services d’au moins un « chanteur », Conrad KOPF.

II - La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, un lieu de musique hors du commun

7-Cathédrale Strasbourg

Fig. 7 : Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg (carte postale ancienne, coll. part.)

La cathédrale Notre-Dame éclipse tous les autres lieux de musique d’Alsace, voire de France. Dans cet écrin de grès achevé en 1439, deux compagnies de chanoines coexistent [Fig. 7]. Au nombre de vingt-quatre dont douze titulaires appelés capitulaires car ayant voix au chapitre, les chanoines du Grand Chapitre, revêtus des ordres sacrés et d’ascendance aristocratique (noblesse titrée côté français, familles princières du Saint-Empire côté allemand), élisent l’évêque et le grand doyen. Ils portent un surplis à la romaine sur une simarre de velours rouge et siègent dans les hautes stalles du chœur. Les douze autres, qualifiés de chanoines domiciliaires, deviennent capitulaires à l’ancienneté et jouissent en attendant d’être promus d’un quart de compétence. Théoriquement soumis au Grand Chapitre mais en réalité souvent en conflit avec lui, le Grand Chœur, créé pour favoriser l’ascension des clercs issus de la bourgeoisie strasbourgeoise, regroupe vingt prébendiers, « seuls chargés de l’office canonial & de tout le service divin », écrit Grandidier qui en a fait partie. Ils occupent les stalles dites intermédiaires. Parmi eux, le maître des cérémonies et directeur du chœur doit veiller à la décence du culte et organiser les grandes solennités. L’utilisation et le positionnement des musiciens relèvent de sa compétence. Ce n’est pas un hasard si le dernier détenteur de la fonction, l’abbé François Antoine RAUCH, était le fils d’un maître de musique également organiste de la cathédrale. Très actif dès sa nomination en 1763, il planifie les services funèbres du Dauphin et de la reine Marie Leszczynska, fait expulser du chœur les officiers de la garnison et les dames qui avaient pris l’habitude d’y prendre place et obtient la destruction des boutiques adossées à la cathédrale.

• • • « Un des meilleurs [orchestres] de tout le royaume »

8-Cathédrale intérieur

Fig. 8 : La musique dans la cathédrale de Strasbourg (plan : François Miller, Description nouvelle de la cathédrale de Strasbourg et de sa fameuse tour…, 5e éd., Strasbourg, Chez Haeusler, 1788)

Le chœur inférieur, formé de quatre prêtres chapelains, de seize chantres et de huit enfants de chœur (chiffres repris par la France ecclésiastique), est placé sous sa direction générale, indique Grandidier. Les chapelains, établis en 1726 par Jean Ernest, prince de Lœvenstein, évêque de Tournai, ancien chanoine et grand doyen de la cathédrale de Strasbourg, qui à cet effet légua au Grand Chapitre l’énorme somme de 67 961 livres, ont bien pour tâche principale de chanter : ils doivent « assister & chanter à tous les offices de l’église cathédrale, tant du matin que du soir [et] sont de plus obligés à dire chacun toutes les semaines quatre messes » en l’honneur du fondateur. Grandidier distingue huit dessus (les enfants de chœur), deux hautes-contre, trois hautes-tailles, deux basses-tailles et deux basses de chœur. Les informations manquent sur les autres chanteurs : étaient-ils chargés du plain-chant ? La consultation des comptes du Grand Chapitre et du projet de réorganisation de la musique de 1791 aidera à y voir plus clair. Au bas chœur sont réservées les stalles du niveau inférieur, ou pavimentum. Lors des messes chantées, il se regroupe autour du « beau & grand » lutrin de marbre et de bronze doré réalisé en 1767 par le Marseillais Olivier [Fig. 8].

« La chapelle de la cathédrale entretient un bon orchestre, qui a joui jusqu’ici d’une réputation méritée, et qui est compté pour un des meilleurs de tout le Royaume », écrit en 1791 Ignace PLEYEL (Ad67/ 133L 222). L’Almanach d’Alsace pour l’année 1783 affirme qu’il s’agit du « plus nombreux corps de musiciens qu’il y ait dans le royaume, après celui de la chapelle du Roi », formé de « plus de trente musiciens ». De son côté, le chantre-musicien HAUTEMER déclare qu’il rassemble « environ 50 concertants ». Si les estimations chiffrées divergent, l’unanimité s’établit sur l’idée qu’il s’agit d’un record à l’échelle du royaume entier. Grandidier expose les usages en matière musicale : « La grand’messe se chante en musique tous les dimanches, à l’exception de ceux du carême & de l’avent, & toutes les fêtes qui sont de commandement dans le diocèse de Strasbourg. Les vêpres sont aussi en musique aux veilles & jours solemnels ». Il dénombre trente-deux instrumentistes : un organiste, deux serpents, quatre premiers violons, quatre seconds, deux altos, deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux violoncelles, deux bassons, deux contrebasses, deux cors de chasse, un timbalier et quatre trompettes. 

9-Dépenses 1789-1790

Fig. 9 : Dépenses de la cathédrale de Strasbourg pour les salaires des chantres et symphonistes, extrait, 1789-1790 (Ad67/ G 3210, cl. F. Caillou, 2010)

Dans l’édition la plus récente de son ouvrage sur la cathédrale de Strasbourg (1788), François Miller écrit que les tribunes des musiciens « sont élevées aux deux côtés » du grand chœur. Plus précis, HAUTEMER les localise « sous les arcs des deux premiers piliers de la nef », de part et d’autre des degrés menant au chœur. Cette disposition est nouvelle. En effet, jusqu’en 1780, les deux tribunes, l’une pour l’orchestre, l’autre pour le chant, surplombaient les autels de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Arbogast, à l’entrée du chœur : le plan de Miller montre encore les escaliers permettant d’y accéder, conçus en 1743. Grandidier rapporte qu’en 1780, les deux tribunes furent réunies en une seule, située « vis-à-vis la chapelle de Saint-Laurent », donc probablement à l’extrémité de la nef, face à l’entrée du chœur. Le timbalier et les trompettes, placés jusque-là sur une tribune particulière près de l’orgue, celle-là même qui accueillait les musiciens protestants au XVIIe siècle, rejoignirent leurs collègues. Les musiciens ont donc été progressivement écartés du chœur, dont la sacralisation s’est accentuée. La fusion des deux tribunes avait du sens, tant pratiquement qu’acoustiquement, pourtant elle ne semble pas avoir donné satisfaction. La tâche du maître de chapelle, à la veille de la Révolution, n’apparaît pas des plus faciles : où se plaçait-il, et comment s’y prenait-il pour diriger ses musiciens scindés en deux groupes relativement éloignés l’un de l’autre ?

Pour vérifier si la composition du corps de musique de la cathédrale correspond aux affirmations de Grandidier, il faut se référer aux comptes du Grand Chapitre (les protocoles postérieurs à 1768 ont disparu) [Fig. 9], que l’on peut recouper avec le projet de réorganisation de la musique envoyé au District en 1791.

• • • De Sébastien de Brossard à Ignace Pleyel, des maîtres de musique réputés

10-Richter

Fig. 10 : François Xavier Richter, maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg, mi-corps, en méd. rond, 1785 (estampe de Christophe Guérin, BNU Strasbourg, NIM24108, Sce : gallica.bnf.fr)

Le maître de musique, qui touche 900 livres par an, est déchargé de l’éducation et de l’entretien des enfants de chœur. Le poste fut d’abord confié à Sébastien de BROSSARD lors de la restitution de l’église aux catholiques à la fin du XVIIe siècle. Jean George RAUCH et son fils prirent le relais. Le Lyonnais Paul VILLESAVOYE l’occupa de 1738 à 1760, remplacé par l’expérimenté musicien bourguignon Joseph GARNIER jusqu’en 1769. Le chapitre se tourne ensuite vers des compositeurs des pays catholiques d’Europe centrale. François-Xavier RICHTER, maître de musique de 1769 à 1789, imprégné des codes de l’école de Mannheim, introduit le classicisme allemand dans la musique religieuse strasbourgeoise [Fig. 10]. Estimé par MOZART qui le rencontre lors de son passage à Strasbourg, il a choisi de poursuivre sa carrière dans la capitale alsacienne pour « approfondir son art dans un environnement musical de haut niveau » (Pierre Breiner). L’Autrichien Ignace PLEYEL, ancien élève de Joseph HAYDN, assiste à titre bénévole le maître titulaire dont il devient officieusement le survivancier à partir de 1785. Comme RICHTER auquel il succède en septembre 1789, PLEYEL dirige le corps de musique, compose de la musique sacrée et enseigne le solfège aux enfants de chœur. En 1789-1790, il perçoit, outre son salaire de 900 livres, l’importante somme de 112 livres 7 sols pour le papier de musique utilisé au cours de l’année.

• • • Quatre prêtres chapelains, vingt-deux chantres, huit enfants de chœur et un organiste

• L’ordre protocolaire place à la tête du bas chœur les quatre prêtres-chapelains : Charles Joseph Antoine JÆGLÉ, Henri Joseph WOLBERT, Jean Philippe Dominique KACZOROWSKY et le sieur SCHODER. Le premier, curé de la paroisse de la cathédrale (Saint-Laurent), est un protégé du prince Joseph de Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstein, l’un des chanoines-comtes.

11-Troc par Hautemer

Fig. 11 : Frontispice du Troc, opéra-comique, parodie des Trocqueurs, par Charles [Farin] de Hautemer, Paris, 1756 (coll. part.)

• Les chantres en activité sont au nombre de vingt-deux, y compris trois serpentistes recrutés au départ pour leur voix, et non de seize comme l’affirme Grandidier. Le maître ou directeur des enfants de chœur François ROQUIN, un Lorrain, se trouve parmi eux. À l’instar de ses prédécesseurs, il est prêtre. Reçu vers 1780 après le départ du Liégeois François LECLERC, il perçoit depuis 1783 une somme forfaitaire de 2 400 florins (4 800 livres) par an pour l’entretien des enfants de chœur. La maîtrise se trouve à environ 250 mètres au nord de la cathédrale, au n° 4 (ex-28) rue Brûlée, dans une vaste maison canoniale encore appelée au XVIIe siècle hôtel d’Eberstein. Les garçons y côtoient d’autres élèves, puisque ROQUIN dirige, à la même adresse, une « académie » où l’on enseigne les langues, l’histoire, la géographie, la musique, le dessin et la danse, indique une annonce de 1789. Dans le bas chœur, il chante la taille – PLEYEL le qualifie de ténor en 1791 – et touche pour cela 600 livres de gages. Des « musiciens vocaux » talentueux l’entourent : la haute-taille Jean George GRAFF, les tailles Jean MONGEOT, Charles Joseph FRIDMANN et Loup Germain LEROUX, les hautes-contre Nicolas GAUDRON dit MARTIN et Jean Nicolas DUPONT, la basse-contre François Ignace ENGELSPACH, les basses-tailles Louis Joseph WOLFF, Charles HAUTEMER, George JACOBI et François Hubert SALAÜN dit FLEURY. Le Messin GAUDRON dit MARTIN, qui a débuté sa carrière à la primatiale de Nancy, collabore étroitement avec PLEYEL en tant que maître du chant en faux-bourdon, poste créé pour lui en 1785, et s’adonne à la composition. GRAFF, un maître de chant expérimenté originaire d’Autriche, a dans un premier temps travaillé à Hambourg, peut-être sous la direction de TELEMANN. Également maître de chant, JACOBI, originaire de Mannheim où il semble avoir débuté, a pu être attiré à Strasbourg par RICHTER. En 1770, il a chanté un motet de la composition de ce dernier devant la jeune Marie-Antoinette. DUPONT, maître de chant également, est l’un des chanteurs les mieux rétribués de la cathédrale avec 1 000 livres de gages annuels. PLEYEL lui accorde sa confiance : DUPONT le remplace pour diriger un Te Deum en 1791. HAUTEMER présente un profil original : il a une longue carrière théâtrale derrière lui, à la fois comme auteur et acteur dans le registre de la comédie, lorsqu’il intègre le bas chœur en 1762. Ce virage spectaculaire ne l’empêche pas de donner un opéra de sa composition à Strasbourg quelques années plus tard, À bon chat, bon rat, et de rédiger des ouvrages savants sur l’histoire de l’Alsace [Fig. 11]. Dix individus se consacrent exclusivement au plain-chant. Les serpentistes se dissimulent parmi eux : Jacques Nicolas JEANDIN, de Saint-Dié, qui fournit les serpents de la cathédrale, son père Jacques JEANDIN, très âgé et probablement peu actif, et Valentin HOFFMANN. Les comptes du chapitre passent sous silence cette spécialisation : il faut consulter les documents administratifs de la période révolutionnaire pour la découvrir. Les trois hommes côtoient le chantre « ponctateur » François Joseph MASSON, André MITSCHLER, qui enseigne le plain-chant au séminaire, Blaise BIRCHNER, François Joseph Ignace GUISING, Jean George Michel WITTELSPACH et François Joseph PROBST.

• Les renseignements sur les enfants de chœur en fonction en 1790 sont fragmentaires. Sept sur huit ont pu être identifiés : Michel WITTELSPACH, Jacques Joseph GLASER et Sylvain Meinrad DUMONCHAU, dont les pères sont chantres ou musiciens à la cathédrale, Isidore POTHIER, Louis BRESSLER, le dénommé MOMBRAN et Nicolas ISENBRANDT, que l’on retrouve ensuite au Temple de l’Être suprême et au Théâtre français. Ils touchent 50 livres par an en argent plus un versement en nature (blé, seigle, vin « vieux »). Lorsqu’ils quittent la maîtrise à l’issue d’un cursus complet de dix ans, ils reçoivent une gratification de 150 livres. Les plus doués ont la possibilité d’apprendre à jouer d’un instrument (serpent, violon) ou de composer des airs de musique sacrée, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres cathédrales.

• L’organiste Jean François RAUCH est l’ultime représentant d’une dynastie attachée à la cathédrale depuis le retour de celle-ci au catholicisme. Conçu par André SILBERMANN entre fin 1713 et août 1716, l’orgue, accordé « sur l’ancien ton français » (Grandidier), comporte six sommiers, trois claviers manuels, un à pédale, 2 242 tuyaux et six grands soufflets. Entretenu avec soin (nettoyage complet en 1753, 1765 et 1780, emploi de trois souffleurs qui se partagent chaque année 300 livres), il est mis en valeur par un superbe buffet polychrome du XVe siècle orné de sculptures. L’orgue de chœur installé par Joseph WALTRIN en 1712 fonctionne toujours à la fin de l’Ancien Régime, si l’on en croit Miller.

• • • Les symphonistes de la cathédrale, élite de la musique strasbourgeoise

Le dernier registre comptable énumère trente-deux symphonistes (serpents exclus), ce qui confirme les dires de Grandidier. Les listes de musiciens convoqués à la messe du Saint-Esprit en début d’année et le projet de 1791 permettent d’attribuer à chacun sa spécialité, sauf pour Ignace Louis MUHR. L’orchestre comporte dix violons, Félix BARTISCH, François Laurent CHAPPUY, Jean-Baptiste CLADÉ, Louis MUHR, Jean Sébastien SKOTSCHOFSKY, Louis Jacques JUSTITIUS, Hyacinthe Jean-Baptiste POPP, Michel Pierre MÜLLER, Matthias Philippe AMON et Joseph JEANDIN (fils d’un des serpents) ; deux altos, Joseph GLASER et Christophe ERB ; quatre violoncelles, Charles Joseph DUMONCHAU, André BARTISCH, Charles Joseph RIEDINGER et Ambroise HARTMANN ; deux contrebasses, Joseph Barthélemy LAUSENMEYER et Richard MOSER ; trois hautbois, Laurent RHEIN, Jean Nicolas Antoine DEISSELBACH et Marc Sébastien PERWEIN ; deux cors, Jean Guillaume BUSCH et Jean Michel MERCKEL ; deux bassons, Vit Modeste BUSCH et Abraham MARTIN ; une flûte, François Henri DORN ; un timbalier, Pierre Laurent WILLIG ; enfin quatre trompettes, Hermann WILLIG, Pierre Claude WILLIG, François George WILLIG et Jean François REISS. Comment expliquer l’écart entre ce nombre et les « 50 concertants » signalés par HAUTEMER ? Lors des messes à grande symphonie, le maître de chapelle convie des musiciens professionnels résidant en ville voire d’excellents amateurs pour renforcer l’orchestre. Le recours à des militaires était apparemment fréquent dans cette ville-forteresse, comme le montre ce passage d’une lettre de l’Anglais Francis Moore (vers 1781) :
« Un matin, parcourant les rues avec quelques-uns de mes compatriotes, on nous apprit que la musique de plusieurs régimens de la garnison devoit se rendre à une certaine église où le comte de…, fils de Louis XV & de mad. la marquise de Pompadour [le voyageur fait erreur sur ce point, le roi et sa maîtresse n’ayant pas eu d’enfants], devoit assister à la messe… Nous nous y sommes tout de suite rendus pour entendre cette musique militaire, nous y avons trouvé une compagnie assez nombreuse & choisie ».

Par ailleurs, lors de la procession de la Fête-Dieu, il était de coutume de rassembler une fanfare, ce qui impliquait d’inviter des trompettes supplémentaires : entre 1781 et 1790, le chapitre leur verse chaque année la somme de 76 livres, à se partager. Parmi les trompettistes externes conviés en cette occasion et peut-être en d’autres moments, on peut citer le sieur LORENZ (1781-1782) et Pierre Claude WILLIG (1785-1789). D’après une autre source, le violoniste François Antoine STEINBIEGL a renforcé plus d’une fois le corps de musique avant la Révolution.

Les symphonistes de la cathédrale constituent l’élite du monde musical strasbourgeois. Sur dix-huit artistes pensionnés par le corps de ville – une faveur réservée à ceux qu’on voulait fixer à Strasbourg –, quatorze sont des employés du Grand Chapitre et un quinzième, le violoncelliste WOLFF, fait partie du bas chœur. Polyvalent, ce WOLFF a même été brièvement chargé de l’instruction des enfants de chœur avant le recrutement de l’abbé ROQUIN. Douze symphonistes – plus du tiers – sont nés hors du royaume, pour la plupart dans l’espace germanophone : Bade (BUSCH père, GLASER, HARTMANN) Palatinat (DEISSELBACH, SKOTSCHOFSKY), Bavière (LAUSENMEYER, probablement MOSER), Hesse (ERB), Thuringe (REISS) et Autriche (PERWEIN). POPP a vu le jour à Vigano, en Piémont-Sardaigne, CLADÉ à Lunéville en Lorraine, avant qu’elle ne devienne française. Plus tôt dans le siècle, deux musiciens originaires de Bohême – mais maniant l’allemand – ont fait partie de l’orchestre : Christophe ALT et André Léopold GRIMM. Quelques-uns avaient accumulé une longue expérience au service de cours princières ou d’églises illustres ; malheureusement, les données sur les débuts de carrière font largement défaut. Richard MOSER et avant lui François DARONDEAU ont travaillé en Bavière, on ne sait (actuellement) pour qui. Marc Sébastien PERWEIN a été membre de l’orchestre du prince-archevêque de Salzbourg et a fréquenté MOZART, auquel il a acheté en 1777 le concerto pour hautbois en do majeur à la demande de son employeur du moment, le prince de Wallerstein. Sous le règne de Louis XV, Jean Ignace JELLER et Jean Frédéric CLADÉ (le père) ont animé la cour de l’ex-roi de Pologne et duc de Lorraine Stanislas à Lunéville. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la majorité des symphonistes sont des autochtones. DUMONCHAU, né à Bouchain en Hainaut, est le seul Français non originaire d’Alsace en fonction en 1790. La stabilité est de règle à la cathédrale. Lorsque l’on demande son congé, avant 1790, c’est pour intégrer un établissement plus prestigieux. L’un des seuls exemples connus est celui du contrebassiste Charles Philippe SCHUTZMANN, engagé en 1777 à l’Opéra de Paris, qui, très vite, rejoint le Concert spirituel. La plupart des symphonistes avaient la capacité de composer, à l’image de LAUSENMEYER, et trois d’entre eux ont occasionnellement perçu des primes pour avoir copié des partitions, sans doute à la demande du maître de chapelle : MUHR, FRIDMANN et MOSER. ERB était le copiste officiel de la cathédrale, touchant 100 florins chaque année pour cette tâche en plus de son salaire de symphoniste. Anne Claire Pfeiffer révèle dans sa thèse qu’il a transcrit pour le chapitre des messes de RICHTER, CALDARA, HAYDN ou encore JOMMELLI.

En 1790, la rémunération d’un symphoniste n’excède pas 160 livres par an, sauf pour le premier violon Félix BARTISCH, qui touche 240 livres. La modicité des salaires s’explique par le caractère ponctuel du service. Seuls MERCKEL, ERB, DEISSELBACH, Pierre Claude et François George WILLIG tentent en 1793 d’obtenir un « secours », mais le Département leur oppose l’article 7 de la loi du 1er juillet 1792, qui stipule que « ceux des employés laïcs des chapitres supprimés dont le service n’était point habituel mais seulement déterminé à certains jours de l’année comme de dimanches et fêtes » n’ont droit ni à une pension, ni à une gratification. Les démarches des chantres, à l’opposé, ont porté leurs fruits. Heureusement pour eux, les symphonistes disposent d’autres revenus. Un voyageur anonyme de passage à Strasbourg en 1786 écrit que « la musique qui a lieu à la cathédrale tous les dimanches et fêtes est exécutée par d’excellents musiciens qui vont à 8 heures du matin dans le Temple Neuf, qui est une église luthérienne, à 9 heures ils viennent à la cathédrale, et le soir ils composent l’orchestre de la comédie ». La cohabitation religieuse est à ce point apaisée qu’il n’est pas considéré comme choquant que des instrumentistes exercent à la fois dans des lieux de culte catholiques et protestants. Chose impensable hors d’Alsace, BUSCH père et fils, MERCKEL, DEISSELBACH, PERWEIN, Abraham MARTIN et DORN sont eux-mêmes luthériens. Leur présence – à l’extérieur du chœur, on l’a noté – ne heurte pas la sensibilité des chanoines, habitués à fréquenter l’élite strasbourgeoise en grande partie protestante. Sous le règne de Louis XV, le chapitre a même brièvement admis dans le corps de musique Martin TAUFFENBERGER, un juif converti au catholicisme originaire de Mannheim. Les musiciens qui émargent à la Comédie ne subissent aucune tracasserie de la part du chapitre, alors qu’il en aurait été tout autrement dans d’autres cités épiscopales. Certains gagnent aussi leur vie grâce à l’enseignement : les almanachs mentionnent parmi les maîtres de musique de la ville les sieurs MUHR, AMON, JUSTITIUS, MOSER, SKOTSCHOFSKY, LAUSENMEYER, RIEDINGER et, en dehors de la catégorie des symphonistes, l’organiste RAUCH et le serpent JEANDIN.

12-Dépenses

Fig. 12 : Graphique des dépenses musicales du Grand Chapitre de la cathédrale de Strasbourg, 1769-1790 à partir de Ad67/ G 3192-3210

La somme allouée chaque année à la musique tourne autour de 30 000 livres si l’on en croit Grandidier, chiffre confirmé par les comptes du Grand Chapitre. La barre des 30 000 est franchie au début des années 1780 à cause du versement de pensions et de gratifications à plusieurs musiciens âgés et surnuméraires, remplacés dans l’orchestre mais non rayés des cadres car bons et loyaux serviteurs. Les crédits dépassent même les 38 000 livres en 1789-1790, soit 21 % des dépenses en argent du Grand Chapitre (179 406 livres en tout) [Fig. 12]. L’augmentation a été progressive : en 1688, les symphonistes n’étaient que sept. Pour les chanoines-comtes, c’était une question de prestige dans une ville marquée par la rivalité confessionnelle. Le Temple Neuf apparaît lui aussi comme un pôle de musique religieuse attirant les meilleurs musiciens, avec lequel il importe de pouvoir soutenir la comparaison. Outre le versement des salaires, primes et pensions des chantres et des musiciens, le chapitre fait acheter des instruments – cors, trompettes, timbales, bassons, serpents, etc. – qui doivent parfois être réparés ou révisés : les maisons STORCK et DIEBOLD effectuent ce travail dans les années 1770-1780. Une fois par an, la compagnie loue et fait transporter à la cathédrale un clavecin. Peut-être était-il utilisé lors de la Sainte-Cécile, à l’occasion de laquelle une gratification de 100 livres était accordée à tous les chantres et musiciens. L’entretien des contrebasses de MOSER et de LAUSENMEYER est aussi à la charge du Grand Chapitre. Celui-ci possède une bibliothèque musicale impressionnante, qu’il s’efforce d’enrichir : à trois reprises (1783, 1788, 1789), MOSER achète à sa demande une messe de HAYDN. En 1788, ERB en fournit une de RICHTER.

• • • La musique de la cathédrale face à la Révolution

En 1791, Ignace PLEYEL propose aux autorités locales la réorganisation du corps de musique, dont l’existence paraît alors compromise. Selon lui, sa préservation est indispensable pour conserver « une pépinière de talents » dans une ville cosmopolite, où les étrangers font volontiers éduquer leurs enfants. La musique religieuse, explique-t-il, contribue à l’édification des fidèles et remplit leur cœur de sentiments « touchants et purs ». Son maintien permettra de rassurer les catholiques et de « détruire les fausses idées que les malveillans cherchent à répandre avec tant d’affectation, en avançant impudemment que la religion et le culte de nos pères sont en danger ». Les « malveillans » semblent ici désigner Rohan et ses amis émigrés. Pour conclure son plaidoyer, PLEYEL prévoit que la nouvelle structure – bas chœur plus orchestre – occasionnera 10 000 livres d’économie grâce à la suppression de la maîtrise. D’après lui, il suffira d’engager quelques enfants de chœur à 40 ou 50 livres par an, qui recevront une formation minimale et surtout des femmes comme sopranos. Conscient du caractère révolutionnaire de sa proposition, il utilise l’argument de la modernité : le refus de faire appel à des chanteuses à l’église « était un préjugé que l’Église ultramontaine avait transmis aux Français et à d’autres parties de l’Europe ; cette Église, qui a mieux aimé de mutiler des hommes que d’emploier des femmes dans sa musique, comme si l’auteur de la religion avait rejetté les louanges que la voix d’une femme porteroit à la divinité ; comme si une femme, mêlée dans un orchestre, devenait un objet de scandale, tandis que l’Église ne lui a jamais défendu d’être confondue dans la foule des fidèles au temple même » (Ad67/ 133L 222).

L’administration approuve le projet, tandis que l’évêque constitutionnel ne s’y oppose pas. En février 1792, la nouvelle formation, sous la tutelle des préposés laïcs de la paroisse cathédrale, comprend un directeur général, trois chanteuses, un chantre-instructeur des enfants de chœur, six enfants de chœur, deux hautes-contre, six tailles, quatre basses-tailles, un soprano (Georges TAUGÉ, transfuge de la cathédrale de Toul), cinq chantres, deux serpents, huit violons, trois altos, quatre violoncelles, deux contrebasses, deux hautbois, deux cors, deux bassons, une flûte, un timbalier, quatre trompettes et un organiste, soit soixante personnes – et non soixante-et-une, car BUSCH fils joue à la fois du violon et du cor. L’économie réalisée n’est pas aussi importante que prévue, la masse salariale – souffleurs inclus – atteignant tout de même la somme de 25 540 livres. PLEYEL lui-même, avec 2 400 livres d’appointements, n’est pas à plaindre. Pour presque tous, les gages ont été revus à la hausse par rapport à 1790, sans doute pour éviter un exode généralisé et compenser une perte de revenus due au départ de nombreux élèves. La première chanteuse, la demoiselle MICHEL, perçoit 600 livres, plus que la plupart des hommes et autant que le sieur TAUGÉ. Ses deux jeunes collègues, les demoiselles DUMONCHAU et DUPONT, étaient filles de musiciens de la cathédrale. L’effectif est somme toute peu modifié, même s’il a fallu remplacer une dizaine d’individus trop âgés ou ayant refusé de servir l’Église constitutionnelle.

La Révolution, en effet, n’a pas suscité un enthousiasme généralisé. Trois des quatre chapelains émigrent en 1791. Seul WOLBERT décide de poursuivre son ministère à Strasbourg, bien que sous la menace d’une peine de déportation pour refus de serment. Sa résolution lui coûtera la vie : il meurt guillotiné en 1794 avec deux femmes qui lui avaient offert l’asile. JÆGLÉ, curé de Saint-Laurent, déclare le 21 janvier 1791 que certains décrets de l’Assemblée nationale lui paraissent « contraires à la sainte doctrine » et qu’il adhère « sans réserves aux principes développés dans l’instruction pastorale de monseigneur le cardinal de Rohan », le seul évêque légitime selon lui. Le 26 mars, il a une vive altercation avec Brendel, l’évêque constitutionnel, venu assister au Salve à la cathédrale. Plusieurs dames se mêlent à la dispute et accablent le prélat d’injures (« Judas ! ») et de coups. JÆGLÉ franchit le Rhin avant d’être mis en état d’arrestation. Réfugié à Ettenheim, il obtient grâce à son protecteur le prince de Hohenlohe la quatrième prébende du Grand Chœur transféré à Offenbourg. C’est en effet en l’église Sainte-Croix de cette petite ville de Bade qu’a été reconstitué le chapitre au début de l’année 1791. Deux chapelains (KACZOROWSKY et SCHODER ?), quatre chantres et six enfants de chœur composent le bas chœur. Les chantres émigrés HOFFMANN et BIRCHNER – dont l’épouse est arrêtée à Strasbourg le jour de l’esclandre entre JÆGLÉ et Brendel en possession de dix-sept exemplaires d’une Monition canonique signée de l’évêque en exil – y poursuivent leur service. Les sources manquent pour affirmer que les deux autres sont bien MITSCHLER et PROBST, que GAUDRON dit MARTIN, l’adjoint de PLEYEL, qualifie de « fugitifs » en avril 1791. Un couplet d’une chanson strasbourgeoise de l’époque moquant le cardinal de Rohan, le vicomte de Mirabeau et les officiers de « Légion noire » fait allusion à ce bas chœur, qui fait pâle figure à côté de celui de la grande cité voisine (« Curiosa », Revue alsacienne, 1880-1881) :

« En passant par Offenbourg
Ils vont à l’office ;
Les grands comtes de Strasbourg [les chanoines du Grand-Chapitre ayant émigré]
En font le service ;
Au lutrin sont quatre enfants,
Trois gueulards et deux serpents :
La bonne aventure, oh gué !
La bonne aventure ».

L’orchestre n’a pas connu une telle hémorragie. Seul SKOTSCHOFSKY quitte la ville avant la mi-1791, mais rien n’indique que la politique y soit pour quelque chose. Accueilli en 1793 à l’abbaye de Neresheim, en pays de Bade, LAUSENMEYER prétend avoir dû fuir la France à cause de ses convictions royalistes : en réalité, il semble plutôt avoir déguerpi pour échapper à ses créanciers. Dans l’autre camp, DUMONCHAU et POPP font partie des membres fondateurs de la Société des Amis de la Constitution. En 1792, le jeune violon JEANDIN s’engage dans un bataillon de volontaires de l’armée du Rhin pour défendre « la patrie en danger ». Au même moment, CHAPPUY sert en qualité d’officier dans la « Légion de Biron », une compagnie de chasseurs chargée de la surveillance de la frontière, sous les ordres du général Custine. La plupart des symphonistes continuent de se produire dans l’orchestre du Temple de l’Être suprême (ex-cathédrale) de 1793 à 1795, dont la direction a été confiée à CHAPPUY, appuyé par un comité directeur composé du chanteur DUPONT et des violons CLADÉ et Félix BARTISCH. PLEYEL lui-même collabore avec ROUGET DE L’ISLE et compose des airs révolutionnaires en 1793-1794 sans que personne ne l’y contraigne : Geneviève Honegger a démontré qu’il n’avait pas été inquiété pendant la Terreur, démentant par la même occasion certains récits hagiographiques forgés à une époque où le fabricant de pianos et son fils avaient besoin de se faire bien voir dans les milieux royalistes.

III - Les autres lieux musicaux de Basse-Alsace

• • • Huit collégiales, presque toutes dotées d’un orgue

D’après La France ecclésiastique, il existe huit églises collégiales en Basse-Alsace en 1790. Diverses sources attestent une activité musicale dans toutes, mais aucune ne rivalise de près ou de loin avec la cathédrale.

13-Employés St-Pierre-le-Vieux

Fig. 13 : Reçu pour les chantres de Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg, quartier de la Saint Michel 1789 (Ad67/ G 4701, cl. F. Caillou, 2010)

L’église collégiale et paroissiale Saint-Pierre-le-Vieux de Strasbourg est l’héritière d’une abbaye fondée en 721 sur une île du Rhin. D’abord sécularisé au XIIe siècle, l’établissement est transféré à Strasbourg en 1398. Depuis l’annexion de l’Alsace, catholiques et luthériens se partagent l’édifice : les premiers occupent le chœur, séparé de la nef par un mur accolé au jubé. Le chapitre se compose à la fin de l’Ancien Régime de dix-huit chanoines, y compris un prévôt et un doyen. Avant sa réception en 1778, l’organiste Ignace JOST a travaillé pour les prémontrés de Notre-Dame de Mureau à Pargny-sous-Mureau [Vosges] puis pour le chapitre de Saint-Florent d’Haslach. Sous le Directoire, il gagne sa vie en enseignant le clavecin. L’orgue de chœur qu’il utilise a été conçu par MERCKEL en 1723. Georges OTTEMER, un Lorrain engagé en 1765, chante et s’occupe de la formation des enfants de chœur. Avec un salaire en partie en nature évalué à 960 livres, il est le mieux rémunéré des « officiers » du bas chœur. Deux chantres « secondaires » l’épaulent, qui ne réclament aucune pension après 1790 : Michel MEYERHOFFER et Jean Épiphane JACOB [Fig. 13]. Le nombre exact d’enfants de chœur nous échappe. Deux déposent une demande de gratification en 1791 : Joseph Valentin SCHMITTLÉ et Charles WESTERMANN. Un compte de 1789-1790 indique, dans la rubrique « dépense de la custodie », que le chapitre offre aux enfants de chœur une nouvelle paire de souliers chaque année. L’arrêté départemental de 1791 précise leur durée de service habituelle : quatre ans. La compagnie avait coutume de financer les frais d’apprentissage des sortants à hauteur de 150 livres, rappelle l’arrêté.

14-Caudrillier ordres mineurs

Fig. 14 : Certificat d’admission aux ordres mineurs en faveur de Jean-Baptiste Caudrillier, 18 septembre 1734 (Ad67/ Q 2870, cl. F. Caillou, 2017)

• Saint-Pierre-le-Jeune, autre église collégiale et paroissiale située dans le centre ancien, également fréquentée par des fidèles des deux confessions, date de 1031. Quinze chanoines forment le chapitre, dont un prévôt et un doyen. La compagnie emploie quatre chantres percevant 500 livres chacun : le Champenois Jean-Baptiste CAUDRILLIER, passé par Saint-Pierre-le-Vieux, qui présente la particularité d’avoir reçu les ordres mineurs et de s’être marié ensuite [Fig. 14], l’Allemand Michel ENGEL, le Lorrain Pierre DIDELOT et le seul Alsacien de l’équipe, Joseph NACHBAUR, un ancien maître d’école de village.

Si ENGEL quitte ses fonctions en 1791 pour ne pas avoir à obéir à un curé assermenté, NACHBAUR se réjouit du changement de régime et s’investit dans la vie politique : membre de la faction la plus fanatique du Club des Jacobins, il dénonce plusieurs « suspects » en 1793-1794, ce qui lui vaut un séjour d’un an en prison après la chute de Robespierre pour « terrorisme ». Comme son collègue de Saint-Pierre-le-Vieux, l’organiste Joseph Ferdinand NEUMEYER, payé 300 livres par an, exerce parallèlement la profession de maître de clavecin. Aucun serpent ni enfant de chœur n’a effectué de démarche pour toucher un secours après 1790.

L’Oratoire de la Toussaint à Strasbourg
Toujours à Strasbourg, une troisième collégiale fondée en 1327 près de Saint-Pierre-le-Jeune, encadrée par douze bénéficiers et un chapelain, est équipée d’un orgue : l’Oratoire de la Toussaint (aujourd’hui disparu). Ni le dernier compte de ce modeste établissement ni la documentation postérieure ne précisent si des musiciens y travaillaient. Le facteur qui entretient l’instrument en 1790 est Conrad SAUER. L’année suivante, le maire d’Herbsheim demande vainement cet instrument pour sa commune.

La collégiale Saint-Léonard de Bœrsch
Hors de la grande ville mais toujours à l’intérieur du diocèse, le village de Bœrsch, près d’Obernai, dans le vignoble alsacien, a connu la prospérité au Moyen Âge. L’abbaye bénédictine Saint-Léonard, fondée en 1109, se mue en collégiale en 1215. En 1525, l’établissement subit les assauts des « rustauds » puis, à dix ans d’intervalle (1622 et 1632), des troupes suédoises de Mansfeld. En 1633, la peste sème à son tour la mort. La situation se redresse heureusement au siècle suivant. Au commencement de la Révolution, les huit chanoines du lieu ne salarient qu’un organiste, François Jacques SCHEID.

À Haguenau, la collégiale Saint-Martin
Le transfert de la collégiale – ex-abbaye sécularisée – de Surbourg en l’église Saint-Georges de Haguenau remonte à l’année 1738. La ville de Haguenau, troisième du département par le nombre d’habitants, domine un territoire peu fertile, qui produit de la garance et du tabac et où le catholicisme est très implanté. Constitué de douze chanoines et de deux vicaires, le chapitre de Saint-Martin n’emploie en 1790 que deux chantres. Le plus expérimenté, l’Allemand Théophile KRAFFT, est un ancien sous-officier de l’armée royale. Homme à (presque) tout faire des chanoines, il exerce aussi les fonctions de marguillier et de maître des enfants de chœur – le nombre et l’identité de ceux-ci sont inconnus. Plus jeune que son collègue, Jean-Baptiste LACK présente également l’avantage d’être polyvalent : il touche l’orgue de l’église et reçoit des écoliers. La place accordée en cette collégiale à la musique s’avère somme toute négligeable : seulement 945 livres 10 sols de dépenses pour la période allant d’avril 1789 à mars 1790, soit 2,25 % du total.

La collégiale Saint-Florent de Haslach, située dans un bourg du massif vosgien aujourd’hui nommé Niederhaslach, dispose de revenus plus modiques encore : 32 338 livres sur la même période. Néanmoins, le chapitre, qui réunit dix chanoines, rétribue deux chantres-serpentistes, les frères Étienne et Florent WESTHEIMER, quatre enfants de chœur instruits par le premier et un marguillier-organiste, Pierre BENDER. Les comptes de 1784-1785 dévoilent l’importance de la fête de Saint Florent, à laquelle des musiciens externes contribuent. Logés et nourris par BENDER, auquel la compagnie rembourse ses frais, ils perçoivent 30 florins (60 livres) le 8 novembre 1784. Au cours de l’année, Étienne WESTHEIMER a touché 3 florins pour le raccommodage d’un serpent et le facteur TOUSSAINT 81 florins pour la remise en état de l’orgue. En cet établissement de l’Alsace rurale, la rémunération des musiciens s’effectue en partie en nature. BENDER, par exemple, reçoit 30 florins, plus dix rézeaux de froment, dix de seigle, quatre d’orge et trente mesures de vin. La suppression du chapitre et les mesures à l’encontre du clergé ont suscité un profond mécontentement à Niederhaslach. La demande de pension de BENDER est rejetée car il a refusé de servir le curé assermenté et parce qu’un de ses fils a rejoint « l’armée noire ». Étienne WESTHEIMER, recherché pour sa participation à une émeute, émigre et n’obtient par conséquent aucune pension, malgré ses vingt-cinq ans de service.

15-Charles Guintzer

Fig. 15 : Certificat de vie, d’individualité et de résidence pour Charles Guintzer, 19 juillet 1798 (Ad67/ 133 L 145, cl. F. Caillou, 2010)

 À Neuwiller-lès-Saverne une abbaye devenue collégiale
Fondée au VIIIe siècle à la lisière de la forêt de Bouxwiller au nord de Saverne, l’abbaye de Neuwiller fut érigée en collégiale par le pape Alexandre VI en 1496. L’administration et les tâches d’encadrement spirituel sont assurées, à la veille de la Révolution, par quinze chanoines dont un prévôt crossé et mitré et un doyen, auxquels s’ajoutent six vicaires prébendés. La recette générale, pour 1790, s’élève à 49 888 livres 2 sols 10 deniers. Le personnel musical se compose de l’organiste Joseph WINKLER, du serpentiste François Antoine RETTER, des chantres Michel LANG, Charles GUINTZER et Jacques CHABLE et de quatre enfants de chœur, Jean HERBST, Michel GASSERT, François Joseph BERGER et Jean Adelphe FRISENHAUSER [Fig. 15].

La collégiale Notre-Dame à Saverne
Sur les contreforts des Vosges, la ville de Saverne, « dans un territoire fertile en grains & en vins » (Géographie de la France…), possède également sa collégiale, une ancienne commanderie hospitalière sécularisée en 1482. Le chapitre – dix chanoines dont un prévôt et un doyen – a fait installer en 1784 un nouvel orgue par Sébastien KRAEMER, dont le premier tuyau a été posé par la fille de l’organiste François Adam MEYER. Pilier du bas chœur, Joseph Thomas EPPEL est à la fois chantre, marguillier et maître des enfants de chœur. Six chantres non professionnels lui prêtent leur concours : Jean Michel RIEFFEL, François Joseph ERNST, André STÜBENRAUCH, Jean Nicolas SOMMER, Jean Jacques EPPEL et Joseph Christophe VOLTZ. La rétribution des enfants de chœur, au nombre de quatre, consiste en un sac de froment et un de seigle, un écu de 3 livres à Noël pour l’achat d’une paire de souliers, 20 sols au Nouvel An pour étrennes, 10 sols à Pâques pour œufs de Pâques, 4 sols aux processions de Saint-Marc et des Rogations, 16 sols à celle de la Fête-Dieu et à l’octave, un cierge d’un quarteron à la Purification, sans compter les casuels versés lors des enterrements et services.

À Landau : la collégiale Notre-Dame
Dans le diocèse de Spire, la ville « très forte » de Landau [aujourd’hui en Rhénanie-Palatinat] a profité d’une conjoncture économique favorable après 1715, malgré les désordres engendrés par les périodes de guerre. La population constituée surtout d’agriculteurs et d’artisans vit de l’élevage, de la culture du tabac et de la garance. Très majoritairement protestante sous le règne de Louis XIV, la cité, peuplée de 5 000 habitants en 1789, s’est peu à peu ouverte au catholicisme grâce au zèle missionnaire des capucins, établis dans la cité depuis 1711. Les chanoines de la collégiale dédiée à la Vierge Marie, qui a succédé en 1483 au couvent des frères de la Steigen fondé en 1276 par le comte de Linange, ont sans doute œuvré eux aussi à la reconquête des âmes en organisant des cérémonies fastueuses dans le chœur de l’église, qui leur a été attribué en vertu de la règle du « simultaneum ». En 1790, trois employés chantent l’office, dont les noms montrent le poids de l’immigration française en cette contrée germanique : Romain VERNIER, Nicolas FLEURENCE et Charles LEROI.

16-Wissembourg

Fig. 16 : Collégiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Wissembourg (cl. F. Caillou, 2004)

Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Wissembourg
À une vingtaine de kilomètres au sud de Landau, à la frontière nord du Bas-Rhin, Wissembourg exporte des grains, du vin, du tabac et de la garance. Sa collégiale, ancienne abbaye princière fondée par le roi Dagobert et sécularisée en 1524 par le pape Clément VII, a pour prévôt le prince-évêque de Spire [Fig. 16]. Jean BAUER, l’organiste, semble régulièrement suppléé par son jeune fils Alexandre. Le chantre principal, Nicolas HENRIOT, également qualifié de musicien, a fait partie du bas chœur de la cathédrale de Metz puis, brièvement, de celle de Strasbourg, Son collègue Guillaume WAGNER cumule les fonctions de chantre, sacristain et marguillier. Le nombre des enfants de chœur est de quatre. Après la suppression du chapitre et l’adoption de la Constitution civile du clergé, l’agitation s’empare des catholiques de la ville. Pour calmer la foule, l’administration départementale consent au réengagement d’HENRIOT et de WAGNER, qui avaient perdu leur emploi, à l’église paroissiale. Le premier finit cependant par émigrer et par prendre les armes contre la République : il meurt au combat en mai 1794.

• • • Les abbayes et les couvents de Basse-Alsace

Les sources de la période révolutionnaire ne signalent l’existence d’une activité musicale que dans dix établissements réguliers, ce qui paraît peu dans une province qui en est couverte. Dans son ouvrage sur les orgues d’Alsace, Pie Meyer-Siat recense pourtant un assez grand nombre de monastères et de couvents pourvus d’un orgue : du côté des femmes, les dominicaines de Sélestat et de Strasbourg (Sainte-Marguerite), les sœurs grises d’Haguenau et les visitandines de Strasbourg (Saint-Étienne) ; chez les hommes, les franciscains de Bischenberg, Ehl, Haguenau, Hermolsheim et Sélestat, les dominicains de Sélestat, Haguenau et Strasbourg, les augustins de Wissembourg, Haguenau et Strasbourg, les prémontrés d’Haguenau et du Mont-Sainte-Odile, les bénédictins de Walbourg et la commanderie Saint-Jean de Sélestat. En 1790, la personne touchant l’orgue en ces lieux faisait probablement partie de la communauté et n’a pas pris la peine d’indiquer aux autorités qu’elle exerçait cette activité. Il n’est pas non plus exclu que certains employés laïcs – organistes et choristes – aient jugé vain de réclamer un « secours » à l’administration, car en fonction depuis trop peu de temps ou de façon non permanente.

• La plus prestigieuse abbaye féminine de Basse-Alsace est sans conteste Sainte-Richarde d’Andlau, au pied des Vosges. L’abbesse de ce chapitre noble fondé vers 800 prend la qualité de princesse du Saint-Empire et les dames chanoinesses qui forment la communauté doivent prouver seize quartiers de noblesse. L’abbaye étant sécularisée, elles ne prononcent aucun vœu et peuvent se marier « quand elles le jugent à propos » (La France ecclésiastique). Le titulaire de l’orgue en 1790, François Joseph GOMMENGINGER, appartient à une dynastie d’organistes. La tradition raconte qu’un de ses prédécesseurs, Jean André HUEBER, aurait été guéri vers 1750 d’une paralysie des membres inférieurs grâce à l’intercession de sainte Richarde.

• L’abbaye bénédictine de Biblisheim, fondée au début du XIIe siècle, se situe au nord du département, en bordure d’une zone forestière. Un état des dépenses du début de la Révolution révèle que les religieuses ont déboursé 110 livres pour l’achat de papier, cordes à instruments, la gratification de l’instructeur de musique et l’acquisition d’instruments. L’orgue nouvellement construit a coûté 1 200 livres, apprend-on dans un arrêté de novembre 1792. L’organiste était-elle une moniale ? Deux frères se présentant comme musiciens attachés à l’abbaye dans une requête de 1792 réclament et obtiennent une pension : Joseph et Jean HUETHER. Dans d’autres suppliques, cependant, le premier se qualifie de surveillant des biens du monastère, le second de jardinier. D’évidence, la musique n’était pour eux qu’une activité parmi d’autres, peut-être même secondaire. Tous deux émigrent avant juin 1794.

• En l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Kœnigsbrück, à Leutenheim, l’homme exerçant la fonction de directeur, Augustin KALT, un religieux du monastère de Lucelle en Haute-Alsace, enseignait peut-être la musique aux religieuses : il possédait en effet dans sa chambre un clavecin, deux violons et un violoncelle. Le son de l’orgue se faisait aussi entendre dans le couvent des pénitentes de Sainte-Madeleine de Strasbourg, d’après un inventaire d’effets de 1791.

17-Orgue Marmoutier

Fig. 17 : Orgue Silbermann en l’abbatiale de Marmoutier (cl. F. Caillou, 2018)

• Deux abbayes bénédictines d’hommes comptent un musicien parmi leurs employés : Saint-Étienne de Marmoutier et Saint-Cyriaque d’Altorf. Dans la première, Jean Joseph SCHIRMER, un prêtre âgé de 51 ans en 1790, jouit du statut d’affilié, à l’instar de quatre autres résidents. Engagé en 1787 « pour instruire dans la musique les enfans de chœur et les jeunes religieux », il est logé, nourri, blanchi, chauffé et éclairé et perçoit 10 louis par an « pour son vestiaire et autres besoins ». Peut-être touche-t-il aussi l’orgue de l’église, qui trône sur le jubé [Fig. 17]. Marmoutier, haut lieu de culture où vivent vingt-huit moines, dispose de trois « cabinets » consacrés aux sciences : physique, histoire naturelle et médailles. L’abbaye d’Altorf rétribue un organiste, le maître d’école Jean George DUWA. Ce musicien reste en fonction en l’église devenue paroissiale au début de l’année 1791, avant de démissionner pour ne pas avoir à collaborer avec le curé assermenté.

• Comme leurs confrères de Marmoutier, les bénédictins d’Ebersmunster, près de Sélestat, ont aménagé dans leurs locaux des cabinets de physique et d’histoire naturelle. Riche de 10 000 ouvrages, leur bibliothèque a de quoi faire des envieux. L’orgue Silbermann de la communauté est acheté en 1799 par un habitant du village au prix de 410 livres, ce qui permet de le sauver.

• Des documents comptables font mention, pour la riche abbaye cistercienne de Neubourg à Dauendorf, à environ dix kilomètres à l’ouest de Haguenau, de deux organistes actifs en 1790, qui se sont peut-être succédé, classés parmi les domestiques : François Constantin SEYLER et Joseph WOLFF. En 1788-1789, les gages de l’organiste sont de 54 florins, ceux du choriste – non nommé – de 36 florins. L’orgue bénéficie d’une révision annuelle par le facteur HLADKY, qui reçoit le 15 mai 1789 un louis pour deux années de sa « compétence ». Les moines ont coutume de faire appel, lors de certaines solennités, à des musiciens du voisinage ou itinérants ; par exemple, le 3 juin 1789, ils versent 6 florins à quatre musiciens de « Schönen » (probablement Schœnenbourg). Les sources révolutionnaires permettent encore de repérer deux couvents avec orgue en état de fonctionner en 1790 : celui des augustins d’Haguenau, dont l’organiste est l’un des religieux, Gabriel HERTZOG, et celui des récollets de la paroisse de la Citadelle, à Strasbourg.

• • • L’activité musicale au sein des paroisses

La recension des organistes et des chantres des paroisses n’est pas l’objectif premier de l’enquête Muséfrem. En série L, les arrêtés du Département en signalent quelques-uns, souvent des individus en activité sous le régime constitutionnel qui demandent à toucher des arriérés de gages, dont on ne sait pas toujours s’ils exerçaient avant 1791, et où. Les pièces comptables de la série G (« clergé séculier »), rédigées en allemand sauf exception, n’ont pas fait l’objet d’investigations poussées. Les actes de baptême, mariage et sépulture, en latin, ne livrent guère d’informations sur l’employé chargé de jouer de l’orgue à l’église. La plupart du temps, la tâche semble incomber au maître d’école (« ludimoderator »), jamais ou presque qualifié d’organiste, fonction annexe donc passée sous silence par le curé. Malgré ces écueils, il est possible de nommer plus d’une vingtaine d’organistes, chantres et serpentistes actifs en 1790.

• Sous l’Ancien Régime, la ville de Strasbourg est découpée en huit paroisses catholiques : Saint-Laurent en la cathédrale, dont le curé est titulaire d’une chapelle de Notre-Dame ; Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune, deux églises à la fois collégiales et paroissiales ; Saint-Marc-Saint-Jean, dans l’église des Johannites (chevaliers de Malte), dont le collateur est le prince-évêque ; Saint-Étienne, desservie de 1687 à 1777 par des chanoines réguliers de Saint-Antoine, ensuite par un prêtre séculier, avec le même collateur ; Saint-Louis, confiée aux bons soins des chanoines de Saint-Augustin de la congrégation du Saint-Sauveur ; Saint-Louis en la Citadelle, sous la responsabilité des récollets ; enfin La Robertsau, une paroisse des faubourgs de la ville, au nord, dans une zone maraîchère. Le personnel de Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Pierre-le-Jeune et probablement Saint-Laurent se confond avec celui du chapitre. L’organiste de la paroisse Saint-Étienne, Jean KIRN, opposé à la Constitution civile du clergé, démissionne en 1791. À Saint-Louis, le titulaire Jean Sébastien KLINGENMEYER cède la place en 1791 à un jeune maître de clavecin, Joseph LABORY, que l’on retrouve par la suite à la cathédrale. En l’église Saint-Marc-Saint-Jean, le sieur WÜRZBURGER, qui n’a guère laissé de trace dans les archives, est aux claviers. Au moins trois chantres servent les Johannites, dont Pierre Antoine BLONDEAU – qui reprendra du service à la cathédrale au temps du Concordat – et François Joseph MÜLLER. Tous deux sont jetés en prison sans ménagement le 17 mars 1793 pour avoir « osé chanter vêpres » alors qu’au même moment, une cérémonie en l’honneur de l’armée se déroulait sur la place d’Armes. Les paroisses Saint-Louis de la Citadelle et de La Robertsau ont pour organistes Sébastien LASSIA et Jean KELLER. En 1791, les autorités décident de remanier la carte des paroisses : si Saint-Pierre-le-Jeune, Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Louis, La Robertsau et Saint-Louis de la Citadelle sont maintenues (la dernière comme simple succursale), Saint-Étienne et Saint-Marc-Saint-Jean disparaissent. Saint-Laurent connaît le même sort, mais une paroisse « de la cathédrale » lui est substituée. Deux paroisses nouvelles voient le jour, Sainte-Madeleine et Saint-Jean-aux-Ondes. L’organisation musicale s’en trouve bouleversée. Beaucoup de chantres font défection car rejetant la Constitution civile du clergé ou trop âgés pour travailler. Dans les anciennes collégiales, seuls OTTEMER et DIDELOT continuent à chanter, le premier à Saint-Pierre-le-Vieux, le second à Saint-Pierre-le-Jeune. Pour combler les vides, le District et la municipalité prient le directeur du chant de la cathédrale Nicolas GAUDRON dit MARTIN d’activer ses réseaux en Basse-Alsace et en Lorraine, ce qui permet le recrutement en urgence de plusieurs chantres vosgiens, entre autres. Si l’on excepte la cathédrale, la succursale de la Citadelle et La Robertsau, les effectifs et les salaires sont identiques d’un lieu à l’autre, comme à Paris : un organiste payé 600 livres par an, quatre chantres dont un jouant du serpent à 540 livres, quatre enfants de chœur à 50 livres et, pour instruire ceux-ci, un des chantres ou l’organiste (NEUMEYER à Sainte-Madeleine), qui touche à cet effet 50 livres.

Hors de Strasbourg, on peut diviser le département en quatre zones géographiques.

• Au nord, Joseph BENGRAF est organiste en l’église paroissiale de Wissembourg, Claude WAFFNER à Reichshoffen, François Ignace SEEMANN – aubergiste de son métier – à Saint-Georges de Haguenau, François Louis BRAA à Neubourg et Jean Adam HINTZLER à Bouquenom – de nos jours Sarre-Union, commune mosellane en 1790, qui n’est réunie au Bas-Rhin qu’en 1793. La musique semble particulièrement à l’honneur en ce lieu, puisqu’un serpent, Charles WAGNER, et deux chantres, Jean George STRAUCH et Jean Pierre DELOUS, figurent aussi parmi les employés de la paroisse. La seule musicienne repérée en Basse-Alsace, l’organiste Marie Cécile Dieudonnée MALBRUN, originaire de Lorraine, a exercé son art à Bouquenom jusqu’à sa mort en 1762.

• Dans la vallée du Rhin, du nord au sud, Ignace HEROLD touche l’orgue de Seltz, Jacques WENDLING celui de Fort-Louis, où il côtoie le chantre Joseph RICHARD, François-Xavier HELFFER l’instrument de Plobsheim.

• La densité de musiciens paraît forte dans les campagnes centrales de Basse-Alsace, à l’ouest de Strasbourg. Le maître de musique Joseph François LEBSCHÉ occupe le poste d’organiste à Obernai, petite cité dynamique qui fit autrefois partie de la Décapole, son collègue Antoine BUHECKER à Mutzig, un bourg viticole prospère. Le Suisse François Rémi DURRER fait résonner chaque dimanche et jour de fête l’orgue de la paroisse Saint-Georges de Molsheim, un bastion du catholicisme très hostile aux réformes de 1790-1791, où ne réside qu’un seul « patriote », affirme non sans exagération le Mercure universel du 21 juin 1791, en la personne du procureur de la commune, « encore a-t-il failli cinq ou six fois être assassiné ». À quelques kilomètres au nord, la fabrique de Neugertheim emploie le chantre et maître d’école Antoine WENDLING, qui rallie Strasbourg en 1791 à l’invitation de Nicolas GAUDRON dit MARTIN pour occuper une place de chantre à Saint-Jean-aux-Ondes. Joseph CHARPENTIER a eu la même opportunité mais a rejoint un établissement plus prestigieux : chantre et maître d’école de Lutzelhouse, dans le canton de Molsheim, il remplace à la cathédrale en 1791 Jean Pierre SCHMITT, adversaire de la Constitution civile du clergé. Plus au sud, au pied des Vosges, la paroisse de Birkenwald a son organiste, François Joseph PROBST, père d’un chantre « fugitif » de la cathédrale.

• Deux individus actifs en 1790 sont établis dans le sud du département : à Saulxures le chantre et maître d’école Nicolas BASTIEN, autre recrue du directeur du chant strasbourgeois que l’on retrouve à Saint-Pierre-le-Vieux en 1791, et l’organiste Théobald EPPEL à Sélestat, ville qualifiée de « rendez-vous des moines factieux et des prêtres réfractaires » par le Moniteur universel. Facteur d’orgues connu dans la région, EPPEL refuse en 1791 de servir le curé assermenté, l’ex-dominicain François Joseph Colnet, mais ne va pas jusqu’à émigrer [Fig. 19].

• • •

Cette présentation se focalise sur la situation en 1790. Le Bas-Rhin apporte à l’enquête Muséfrem un peu plus de 140 musiciens actifs en 1790, répartis entre 45 lieux de musique. Pour la période antérieure, les données recueillies sur les musiciens de la cathédrale de Strasbourg, établissement hors norme, sont nombreuses et la recherche se poursuit. Le profil des collégiales est plus conforme à ce que l’on peut observer par ailleurs, tant sur le plan des effectifs que pour l’importance accordée au plain-chant. Le Bas-Rhin présente des spécificités par rapport aux départements de la moitié septentrionale de la France. L’absence de femmes dans le corpus des organistes, même si les investigations dans les archives paroissiales méritent d’être poursuivies, en est une. L’omniprésence des orgues en est une autre, – même si on l’observe aussi dans la Lorraine voisine. Un autre trait remarquable est la quasi-absence de liens avec le reste du royaume – Lorraine exceptée, et encore dans une faible mesure. Sur le plan culturel, alors que débute la Révolution, la Basse-Alsace regarde davantage vers l’est que vers l’ouest.

François CAILLOU
Chercheur associé au Laboratoire Temos (TEmps, MOnde, Sociétés) UMR 9016 CNRS
(juin 2021)
Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de : Youri Carbonnier, Bernard Dompnier, Mathieu Gaillard, Sylvie Granger, Benoît Jordan (conservateur en chef du patrimoine aux Archives de Strasbourg), Isabelle Langlois et Christophe Maillard.
Par leurs travaux scientifiques sur les musiciens strasbourgeois et leurs précieux conseils, Geneviève Honegger et surtout Anne Claire Pfeiffer ont contribué à la réalisation de cette étude. Qu’elles en soient ici chaleureusement remerciées.

Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)

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L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

Les lieux de musique en 1790 dans le Bas-Rhin

Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse). Sont inclus Sarre-Union, municipalité qui n’est rattachée au Bas-Rhin qu’en 1793 (mais dans le département dans son état actuel), et Landau in der Pfalz, place forte française jusqu’en 1815, aujourd’hui située dans le Land de Rhénanie-Palatinat.

Diocèse de Bâle

Diocèse de Metz

Diocèse de Saint-Dié

Diocèse de Spire

Diocèse de Strasbourg

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

  • Manuscrit
    • [Anonyme], Relation d’un voyage dans l’Est de la France, 16-27 juin 1768, BnF, Ms. NAF 18902.
  • Sources imprimées
    • Almanach de Strasbourg pour l’année 1781, Strasbourg, Chez Lorenz & Schouler, 1781.
    • Almanach d’Alsace pour l’année 1783, Strasbourg, Chez Lorenz & Schouler, 1783.
    • Almanach d’Alsace pour l’année 1789, à Strasbourg, Chez Lorenz & Schouler, Imprimeurs du Directoire de la Noblesse, 1789.
    • Almanach du département du Bas-Rhin pour l’année bissextile 1792, Strasbourg, Chez Lorenz & Schouler, 1792.
    • Almanach général de tous les spectacles de Paris et des provinces, pour l’année 1791…, par une société de gens de lettres, Paris, Chez Frouillé, 1791.
    • Annuaire politique et économique du département du Bas-Rhin par le cit. Bottin, Strasbourg, Chez l’auteur et F. G. Levrault, an VIII.
    • Pierre Louis du COUËDIC DE VILLENEUVE, Géographie de la France, d’après la nouvelle division…, tome second, Paris, Chez Garnéry, 1793.
    • P. J. FARGÈS-MÉRICOURT, Annuaire historique et statistique du Département du Bas-Rhin, pour l’année 1811, Strasbourg-Paris, Levrault et Lenormant, 1811.
    • Feuille hebdomadaire de la ville de Strasbourg, 1786-1789.
    • La France ecclésiastique pour l’année 1788…, Paris, Chez l’Auteur [Henri Gabriel Duchesne], 1788.
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    • Charles de HAUTEMER, Description historique et topographique de la ville de Strasbourg et de tout ce qu’elle contient de plus remarquable, en faveur des voyageurs, Strasbourg, Chez Amand Kœnig, 1785.
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  • Sites internet

Bibliographie élaborée par François Caillou (mai 2021)

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