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GONNIN, Jean Louis (ca 1752-1788)
État civil
NOM : GONNIN     Prénom(s) : Jean Louis     Sexe : M
Autre(s) forme(s) du nom : GONIN
Date(s) : 1752-4 ca  / 1788-10-16
Notes biographiques

De peu antérieur à la 'génération 1790' puisqu'il meurt fin 1788, l'organiste Jean-Louis GONNIN bénéficie de l'éclairage incroyablement détaillé – même s'il est partial, forcément partial – apporté par les écrits du curé de Saint-Salomon de Pithiviers avec lequel il fut en conflit plus ou moins larvé durant ses quatre années d'exercice à l'orgue de cette paroisse.

• [1752] : Selon l'âge indiqué à son décès, Jean-Louis GONNIN serait né vers mars-avril 1752, on ignore à quel endroit.

• [Depuis une date qui reste à éclairer, et jusqu'à l'été 1783], Saint-Benoît-sur-Loire [Loiret] : Jean-Louis GONNIN est organiste de l'abbaye mauriste de Saint-Benoit, sur la rive droite de la Loire, entre Sully et Jargeau. Il y gagnerait  "800 livres annuellement", selon le curé Regnard de Pithiviers qui, évoquant ce niveau de rémunération écrit : "en un mot le même sort qu’il avoit à St-Benoit". Cela paraît toutefois un "sort" élevé, sans doute exagéré à la faveur des tensions entre le curé Regnard et son organiste.
Parmi les organistes antérieurs de l'abbaye, on connaît André AMNON, jusqu'à son départ pour Sully fin 1768. Parmi ses successeurs figure l'organiste de 1790, Bernard VIANNY.

• [Été 1783], Paris : Le curé Regnard de Pithiviers, en juillet 1784, présente GONNIN comme "ci-devant organiste à St-Benoit-sur-Loire et depuis un an demeurant à Paris où il avoit quelques écoliers de clavecin". Même si l'indication "depuis un an" est approximative, cela laisse donc supposer que Jean-Louis GONNIN est installé à Paris depuis au moins plusieurs mois. Au cours des longs épisodes de tension entre le curé de Pithiviers et son organiste, celui-ci évoque "le sort qu’il se faisoit de quinze francs par jour à Paris", mais le curé semble douter : "ces prétendus écoliers de Paris sont-ils bien avérés et bien constatés ?". Il rappelle aussi que "Mr GONNIN a dit mille fois que toutes ces courses de Paris le fatiguoient à un point extrême et qu’il n’auroit pu y résister longtemps". Cela correspond à ce qui est connu par ailleurs sur la difficulté principale des maîtres d'agrément : courir d'un écolier à l'autre, de salons en pensions ou couvent… C'est vrai dans toutes les villes, mais encore plus fatigant à l'échelle d'une ville de la taille de Paris.

• 10-12 juillet 1784, Pithiviers : Lors de la réception d'un nouvel orgue de huit pieds conçu par Jean-Baptiste ISNARD, maître facteur d'orgues à Orléans, l'instrument est touché par Jean-Louis GONNIN, depuis un an maître de clavecin à Paris, antérieurement organiste à Saint-Benoît-sur-Loire. Son jeu éblouit le public, qui mesure la différence avec celui de Pierre MÉRIOT, l'organiste en poste depuis l'Annonciation 1783 (25 mars). Pour en donner une idée, le curé évoque "la noblesse et la rapidité du jeu de Mr GONNIN […], la science et la fécondité que tout le monde admiroit". On réclame un concours, dont les juges seraient l'organiste Nicolas CARRÉ et le maître de musique Charles HERISSÉ, tous deux venus d'Orléans pour la réception de l'orgue. MÉRIOT abandonne la partie et remet sa démission au curé Regnard, qui offre alors le poste à GONNIN.
Toutefois celui-ci repart pour Paris quelques jours plus tard : "les 300# d’appointemens ne pouvant contenter Mr. GONNIN, il s’en retourna à Paris" écrit le curé. Ce dernier envoie une missive à GONNIN pour l'encourager à revenir et lui promet que si la fabrique ne veut pas augmenter les gages de l'organiste au dessus des 300 livres qu'avait MÉRIOT, il ajoutera 200 livres de sa propre bourse pour lui assurer un fixe de 500 livres. À ce fixe viendraient s'ajouter "le casuel des confrairies, baptêmes, mariages", le revenu des leçons de musique, notamment de clavecin, "et les espérances des châteaux des environs". Le curé estime plus loin que tous ces revenus complémentaires pourraient monter à 700 livres par an au moins, soit un total de l'ordre de 1 200 livres, ce qui représente, estime-t-il, "un sort enviable".
• Mi-août 1784 : "Mr GONNIN jugeant que probablement la parroisse lui accorderoit 500 livres d’appointemens, revint à Pithiviers avant l’Assomption et touchat l’orgue aux offices de cette fête. Sa présence et son jeu ranimat les esprits, on s’intéressat plus vivement à le conserver et au lieu de 500 livres dont il étoit résolu de se contenter, on lui accordat à lui et à ses successeurs 600 livres d’appointements à la charge de payer son souffleur". Dans un second récit, le curé Regnard explique que ce doublement de rémunération a été mûrement réfléchi, après examen des comptes de la fabrique par l'assemblée paroissiale, "qui étoit très nombreuse, composée de tous les députés des Corps et de toutes les personnes en place".
• Le début de l'activité de GONNIN à Pithiviers se place sous de bons auspices : "Les premiers mois depuis la réception de Mr GONNIN attirèrent beaucoup d’étrangers à Pithiviers. On admiroit le beau jeu de cet organiste".
Pourtant, très vite, alors qu'il loge encore chez le curé, GONNIN commence à le harceler. Lors de leurs promenades digestives après le dîner, "Mr GONNIN y parloit souvent de la médiocrité des appointements de six cens livres, et donnoit à entendre que cette somme ne suffiroit pas pour le retenir si une Cathédrale venoit à vacquer". Il réclame avec insistance les 200 livres évoquées antérieurement par le curé et fait semblant d'avoir compris qu'elles étaient promises fermement, quel que soit le niveau de gages décidé par la fabrique.
Le curé reconnaît qu'il a peur de perdre l'organiste : "Ces discours rebattus aux oreilles du Sr Curé l’inquiétèrent. Toujours changer étoit pour lui un supplice". Il a l'idée de proposer une condition à l'organiste : il aura ces 200 livres s'il forme un élève "avec soin et assiduité". L'organiste accepte avec suffisance, disant "en propres termes qu’il n’avoit jamais rien tant désiré que de faire un élève pour l’orgue et qu’à cette condition qu’il en formeroit un semblable à celuy de Mr SÉJAN" (cette référence à l'organiste parisien revient plusieurs fois sous la plume du curé Regnard, répétant les dires de l'organiste).
Au cours d'un séjour dans sa famille à Orléans en septembre 1784, le curé écrit à l'organiste pour lui proposer d'être son premier élève et de prendre avec lui 200 leçons d'orgue chaque année, moyennant quoi il lui versera en effet les 200 livres évoquées. On voit donc qu'il estime la valeur de la leçon à une livre, sachant qu'ailleurs il dit qu'à Pithiviers "on ne paye que 9 livres pour un mois de leçons de clavecin avec peine de se transporter chez l’écolier".

• [Durant l'hiver 1784-1785], le curé Regnard commence à prendre ses leçons d'orgue : "Il me donna donc plusieurs leçons jusques vers le Caresme suivant. Sa Méthode peu ordonnée me fit renoncer à l’espérance d’un élève et de tout marché. Il ne me donnât même plus de leçons dès le Caresme". Malgré tout, il fait une remise de 200 livres sur 300 dues par l'organiste pour sa pension au presbytère : "Néanmoins pour récompenser Mr GONNIN de ses peines jusqu’au Carême, quand La Toussaint fut arrivée, je consentis à remettre à Mr GONNIN par présent 200 livres sur les 300# de pension échus au mois d’août précédent. Et il reste mon débiteur de 305# pour les trois autres mois de pension qu’il a passé chez moi depuis le 1er août jusqu’au 4 de novembre".

• 5 novembre 1785, Pithiviers : Au lendemain de La Toussaint 1785, l'organiste prend pension ailleurs à Pithiviers où, pour 400 livres par an il est "nourri, logé et raccommodé". Ce déménagement fait retomber un peu la tension ("Et depuis, ni lui ni moi n’avons parlé de rien"). Le curé écrit joliment : "Mr GONNIN sentoit bien que je n’opposois que de la franchise et de la générosité à sa taciturnité un peu double". Entre temps le curé et la fabrique lancent le projet d'une nouvelle tribune (dont le coût est pris en charge par le curé) pour y placer un orgue seize pieds qui sera construit par le facteur ISNARD.

• 9 juin 1786, Pithiviers : Ce jour-là sont achevées les fondations de la nouvelle tribune, "construites en 15 journées de 9 hommes… en gros mœlons et mortier de chaux et sable".

• Janvier 1787, Pithiviers : Pourtant le conflit perdure et prend même un tour judiciaire ou a minima infra-judiciaire. On le perçoit à travers les écrits du curé, qui argumente comme s'il était devant un juge, reprenant méthodiquement ses arguments, répétant notamment que puisqu'aucune convention écrite n'a été signée, il ne peut être obligé de verser les 200 livres annuelles à l'organiste ("Tout étoit donc projetté et rien de convenu"). Il répète également que les lettres qu'il a envoyées à l'organiste à Paris puis à Pithiviers pendant que lui-même était en séjour à Orléans ne constituent en rien un engagement. On devine les arguments du camp d'en face : l'organiste prétend faire témoigner CARRÉ et HÉRISSÉ qui en juillet 1784 auraient été témoins des promesses verbales du curé. Il se peut qu'une partie de la paroisse soutienne l'organiste, c'est difficile à discerner, mais le curé fait allusion à "un très petit nombre d’esprits inquiets et inconstants" qui lui auraient "déclaré la guerre".
Pourtant, à en croire le curé, l'organiste a beaucoup déçu les paroissiens. Si la première année il a eu un grand nombre d'écoliers – et d'écolières, peut-on supposer –, pour au moins 300 livres, deux ans et demi après son installation à Pithiviers, il n'en aurait plus qu'un seul. "Ses écoliers de deux ans de son aveu n’en savent pas plus qu’il n’en savoient après la 1ère quinzaine de leçons. Il débite pour excuse qu’on n’a pas de goût à Pithiviers, que les écoliers sont paresseux ou inaptes". Du coup les parents renoncent aux leçons de musique: "On regarde cet art comme inintelligible, innapprennable, inutile, ruineux. Ceux qui s’étoient proposé de la faire apprendre à leurs enfants sont décidés à renoncer à ce dessein". Le curé, qui a testé à travers ses leçons d'orgue de l'hiver 1784-1785, écrit que "le Maître ne sait pas montrer" car il enseigne "sans méthode, sans explication qui put faciliter l’intelligence des écoliers". S'il ne conteste pas qu'il soit bon organiste, il l'accuse tout de même de "répéter toujours les mêmes idées sur l’orgue". Par ailleurs il le dépeint comme perdant 4 ou 500 livres par an au jeu et dépensant sans compter pour son habillement.
Le clou de ce portrait à charge se place en janvier 1787. Lorsque le curé lassé et peut-être fragilisé par d'autres attaques (il évoque son "aversion des inimitiés et des procès"), finit par capituler et rédiger un billet s'engageant à verser 200 livres par an à l'organiste, celui-ci répond avec une forfanterie et une misogynie confondantes "que s’il parvenoit à épouser une demoiselle qui eut du bien", il rendrait cette obligation au curé "n’en voulant user que jusques à cette époque".

• 16 octobre 1788, Pithiviers : Jean-Louis GONNIN, "organiste de cette paroisse" [Saint-Salomon de Pithiviers], décède après avoir reçu les sacrements de pénitence, du saint viatique et d'extrême onction, âgé de 36 ans et demi. Il est inhumé le lendemain en présence de plusieurs amis et témoins, dont le "Sieur Jean Baptiste ISNARD maitre facteur d'Orgues et présent en cette ville occupé à poser l'Orgue de seize pieds", ainsi que Jacques Cézard Vincent cadet, maître en chirurgie, et Pierre François Royer, "employé dans les fermes du Roy". Sept signatures sont apposées en bas de l'acte, dont celle d'ISNARD, mais aussi celle de "brivois souffleur d’orgue", et bien entendu celle du curé Régnard.
Le défunt semble être resté célibataire – faute d'avoir trouvé une demoiselle qui eut du bien et qui voulut de lui…

C'est ensuite Jacques MARLÉ qui devient organiste de la paroisse Saint-Salomon de Pithiviers à partir du 1er janvier 1789 et qui y exerce en 1790.

Mise à jour : 3 août 2019

Sources
F-Ad45/ BMS Pithiviers ; F-Ad45/ BMS St-Salomon, Pithiviers ; www.orgues-pithiviers.fr/ [...]

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