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BOUTEILLER, Louis (1648-1725)
État civil
NOM : BOUTEILLER     Prénom(s) : Louis     Sexe : M
Autre(s) forme(s) du nom : BOUTEILLIER
Date(s) : 1648-2-3  / 1725-2-7
Notes biographiques

Louis BOUTEILLER – qu'il importe de ne pas confondre avec Pierre BOUTEILLER, avec lequel il n'a rien à voir familialement – est le personnage majeur de l'histoire musicale de la cathédrale du Mans au sein de laquelle il a exercé pendant près de soixante-dix ans... malgré au début des années 1680 quelques tentations extérieures, ou quelques rêves d'ailleurs.

• 3 février 1648, Moncé-en-Belin [Sarthe] : Dans ce village du Belinois, situé à moins de quinze km en droite ligne au sud de la cathédrale du Mans, Louis BOUTEILLER voit le jour au sein d'une famille appartenant au monde de la minuscule bourgeoisie rurale et non à celui du travail de la terre. Son père, Médard Bouteiller, est généralement présenté par les biographes anciens de Louis comme bordager, c’est-à-dire petit exploitant agricole, et sacriste, c’est-à-dire sacristain. Si le second métier est avéré dans les archives, en revanche le premier ne l'est pas. Depuis 1641, Médard Bouteiller est systématiquement présent aux inhumations, ainsi qu’à la plupart des mariages, ayant succédé dans cette fonction de sacriste à Jacques Bouteiller, probablement son père ou son oncle. Mais, à côté, quel est son véritable métier ? Les oncles et cousins de Louis sont en général qualifiés de marchands dans les registres paroissiaux ou les actes notariés, un cousin est meunier à Moncé, un autre huissier royal...
L'activité paternelle de sacriste, par la proximité qu'elle induit avec le clergé local, a sans nul doute facilité l'accès du jeune garçon à la formation maîtrisienne. Moncé-en-Belin fait partie des quarante cures qui dépendent du chapitre Saint-Julien : Noël Robidas, curé de Moncé de 1648 à 1659, a pu aisément recommander le fils de son sacriste à l’un des Messieurs du chapitre.
On remarque que cette fonction de sacriste de village sera aussi, au siècle suivant, exercé par les pères de plusieurs musiciens ou chantres actifs en 1790 tels que les frères Julien, Jacques et René-Jacques LEMERCIER ou encore le célèbre Louis SIMON dont les Souvenirs montrent la place du chant d'Église dans le quotidien villageois.

• D'environ 1655  à 1665, Le Mans : Enfant de chœur à la psallette de la cathédrale, Louis BOUTEILLER est formé successivement par Adrien PICOT, Julien BOURGAULT, Jean COLIN et très brièvement Innocent BOUTRY. La disparition du registre capitulaire correspondant interdit de préciser davantage la date de sa réception. Sa sortie n'a pas été enregistrée dans le registre subsistant suivant, elle s'est nécessairement effectuée avant fin septembre 1665, date à laquelle le jeune homme ne figure plus dans la liste  des “pueri psalletæ”. Au cours de ces années, il reçoit la tonsure, mais il ne semble pas être allé plus loin dans la voie des ordres sacerdotaux.

• 22 novembre 1666, Le Mans : Un motet de Louis BOUTEILLER est classé 1er au Concours de composition de la Sainte-Cécile. Les musiciens locaux en étant exclus par le règlement, le chapitre ne peut lui décerner le prix, mais lui accorde une allocation de 60 sols/mois “pour luy aider à continuer ses études”. Ces études se déroulent chez les Oratoriens du Mans.
• Octobre 1667, Le Mans : Louis BOUTEILLER entre en Seconde au Collège de l’Oratoire.
• Octobre 1668, Le Mans : Entré en Rhétorique, il est dit “bénéficier de St-Julien” et est classé parmi les "pauvres".
• Octobre 1669, Le Mans : Il entre en Logique, toujours classé parmi les “pauperes qui non solverunt”.

• Janvier 1670, Le Mans : À la suite du brusque départ d'Innocent BOUTRY pour la collégiale voisine de Saint-Pierre-la-Cour (dont les registres capitulaires sont, eux, bien conservés), Louis BOUTEILLER devient maître de musique à la Cathédrale Saint-Julien. Il a 22 ans (et non pas "quinze ans" comme l'écrivent ses premiers hagiographes).
Il le restera durant 55 ans, jusqu'à sa mort. Durant les années 1670, il forme Louis LEBATTEUX, René PROVOST, Jacques TROUILLET…

• Décembre 1672, Le Mans : Avec Julien BOURGAULT (entre temps devenu maître à Beauvais), Louis BOUTEILLER proteste contre le maître de Saint-Pierre de Caen qui les a privés du prix du concours de Caen. Durant la même année, Louis BOUTEILLER a remporté les prix de Rouen et d'Angers.

• Automne 1674, Paris : Il part faire un séjour de deux mois à Paris, avec Mathurin BRIANT. C'est pour eux l'occasion d'entendre des maîtres réputés, peut-être de prendre des leçons avec eux. On peut considérer ce séjour comme un complément de formation.

• 1678, Caen : Selon Jules Carlez, Louis BOUTEILLER remporte le concours de composition pour "Attendite omnes ad magnum", devant Loyseau de Tours [Le Puy de musique de Caen, p.18].

• 17 avril 1682, Toulouse : Le chapitre de la cathédrale Saint-Étienne le nomme maître de sa musique et "Messieurs les Celleriers sont priés de luy escrire de s'en venir au plus tost".
Le 29 mai, l'un des celleriers fait rapport au chapitre de "la reponse que le Sieur Bouteilher Maistre de Musique du Mans luy a escrit par laquelle il prie la Compagnie de luy augmanter de quelque chose le revenu de la Maistrise de cette eglise". Le chapitre délibère et décide "de luy rescrire de s’en venir et que lad. Maistrise luy est augmentée de 100 livres". Malgré ce geste financier, Louis BOUTEILLER semble ne pas donner suite et reste au Mans. Il n'en est plus question dans le registre capitulaire toulousain et un an plus tard, en juin 1683, c'est CAMPRA qui est nommé maître de musique de Saint-Étienne de Toulouse.

• 1683, Versailles : Louis BOUTEILLER se porte candidat pour l'un des quatre postes de maître de la chapelle royale. Le Mercure Galant (avril 1683, p. 310-318) fait un récit précis de ce grand concours de 1683.
Les maîtres de musique des cathédrales de France ont été invités à se rendre à Versailles, "en cas qu’ils se sentissent assez habiles pour pouvoir disputer ces Places par la beauté et par la bonté de leur Musique". Le Mercure précise que le roi payera leur voyage "quand mesme ils ne seroient pas reçeus". Ils sont 35 “maistres de France qui excellent dans la musique de l’Église” à se présenter, chacun autorisé à venir faire “chanter en diférens jours chacun un motet à la messe du Roy”.
Louis BOUTEILLER se rend donc à Versailles et il y fait chanter “Ad te Domine levavi [sic], Motet à grand chœur avec symphonie”. Décrivant le motet Ad te Domine clamabo (ps. 27) dans son Catalogue (p. 298), Brossard se trompe de psaume et note “levavi” au lieu de “clamabo”. Comme tous les autres, le Mercure juge que Louis BOUTEILLER a “beaucoup de mérite”, et du reste “on ne leur auroit pas permis de faire chanter devant le Roy, si on ne leur en avoit crû”.
Cependant son aventure à la Cour s’arrête là. Il n’a pas réussi à être admissible à la seconde épreuve que subissent 15 candidats jugés les meilleurs au premier tour : enfermés chacun séparément, ils doivent composer en temps limité un motet sur un psaume imposé. Les vainqueurs furent GOUPILLET, soutenu par la Dauphine et Bossuet ; MINORET, appuyé par Le Tellier, maître de la Chapelle Royale ; COLLASSE, protégé de Lully et LALANDE, le préféré de Louis XIV.
Louis Bouteiller revient au Mans et reprend son poste à la cathédrale Saint-Julien.

• 13 mai 1696, Le Mans : "Le maître du Mans passe pour l'un des meilleurs de France" écrit le bénédictin Dom Lobineau à M. de Gaignières.

• 7 février 1725, Le Mans : Louis Bouteiller s'éteint, en la maison de la psallette. Trois semaines plus tard, le notaire manceau Michel Fay vient dresser un inventaire après décès très détaillé (aujourd'hui conservé dans les archives de la société historique "La Province du Maine"). Il donne beaucoup de précisions sur le cadre de vie de Louis Bouteiller et sur son activité de compositeur.
Cet inventaire livre 70 incipit de motets ainsi que de nombreuses autres partitions, classées selon les fêtes liturgiques auxquels elles sont destinées, et qui étaient rangées dans une armoire de sapin située dans le cabinet de travail attenant à la chambre du maître. La liste de ces incipit a été publiée en 1996 dans l'article référencé ci-dessous en bibliographie. On trouve aussi chez Louis Bouteiller quatre opéras de Lully (Proserpine, Persée, Amadis et le Temple de la Paix) qui lui appartenaient en propre. Lors de la vente qui suit, ces opéras sont rachetés pour 30 livres, avec quatre cahiers de papier réglé, probablement vierges, par Alexis GOHARD, qui vient de succéder au défunt dans les fonctions de maître de la cathédrale mancelle.

À Alexis GOHARD, décédé dès 1729, succèderont ensuite François LASSUS jusqu'en 1747, Jean-Baptiste BOURGOIN de 1747 à 1771, François COUET en 1771-1772, Jean-Charles BIZANNE en 1772-1773, brièvement suivi de DOUGLAS, puis René LEMERCIER de 1773 à 1782, le célèbre Jean-François LESUEUR durant quelques mois et enfin, à compter de Pâques 1783, François MARC, dernier maître d'Ancien Régime au Mans.

• En 1741, GUILLERY, maître de Saint-Germain-l'Auxerrois utilise encore le nom de Louis BOUTEILLER et sa réputation pour argumenter en faveur de François LASSUS, candidat à la maîtrise de Rouen : "il a eu un maître qui étoit un très habile homme, ainsi je crois qu'il est habil puisque messieurs du Mans l'ont reçu après la mort de Mr BOUTEILLER son maître".

• Plus d'un siècle après, Michel BOYER écrit : "M. de la Crochardière affirme dans ses mémoires manuscrits, que longtemps on regarda ses compositions musicales comme des œuvres de génie".

• • • Œuvres de Louis BOUTEILLER

Provenant de la collection de Sébastien de BROSSARD, Ad te Domine clamabo, l’unique motet de Louis Bouteiller à ce jour identifié, est actuellement conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Musique, sous la cote Rés. Vma ms 573, 2 (disponible sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530549010/f5).
Comme le précise Brossard dans son Catalogue (p. 298), c’est le motet du concours de 1683 : “Il composa et fit chanter ce motet à la chapelle du Roy l’an [blanc] lors du concours des maitres de musique pour les quatre places de la chap. du Roy”.
On ignore quelles étaient les relations des deux musiciens, mais, selon Jean Duron, il est probable que Brossard reçut ce manuscrit lors de sa participation au Concours de la Sainte-Cécile du Mans en 1702. Il possédait en effet une “Invitation imprimée aux maitres de musique et autres compositeurs pour travailler a un motet de Ste Cecile, envoyée l’an 1702 par Mr Bouteiller [...] avec le texte ou les parolles sur lesquelles il falloit travailler et les conditions requises en pareil cas” (Catalogue, p. 341). Toutefois, Sylvie Granger rappelle que cette invitation imprimée était envoyée chaque année, selon les termes de la fondation du prix, "à tous les maîtres des diocèses circonvoisins et tous ceux qu'il [le maître alors en poste] verra bon être". Pourquoi Louis Bouteiller aurait-il joint la partition d'un motet vieux de vingt ans à son invitation de 1702 ? Elle estime plus vraisemblable que Brossard ait récupéré le manuscrit, directement ou via des intermédiaires, à l'issue du concours de 1683.

Un extrait de son final Salvum fac populum a été enregistré en 2006 par la Maîtrise de la cathédrale du Mans sous la direction de Philippe Lenoble et publié en cd avec vingt autres pièces composées par des maîtres de la cathédrale du Mans sous le titre "Mille ans de musique", diffusé avec l'ouvrage "La Musique à la cathédrale du Mans du Moyen Âge au XXIe siècle", Le Mans, Psallette édition, 2007, 2 volumes, 510 pages.

• • • Bibliographie

- Sylvie Granger, “Louis Bouteiller (1648-1725), maître de chapelle et compositeur au Mans”, La Province du Maine, Le Mans, 2ème trimestre 1996, pages 117 à 148.
- Serge Bertin et Sylvie Granger, Hommes en Sarthe, acteurs de leur temps, Libra Diffusio, 2015, 272 pages, p.48-49.

Mise à jour : 31 octobre 2020

Sources
F-Ad72/ BMS Moncé ; F-Ad76/ G 4463 ; F-Le Mans/ Archives Province du Maine ; J. Duron, L'œuvre de Sébastien de Brossard (1655-1730) : catalogue thématique, 1996 ; R. Machard, Les Musiciens de la cathédrale St-Étienne de Toulouse…, maîtrise, 1973. ; S.Granger, Les Métiers de la musique…, thèse, 1997.

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