Liste des œuvres
Ce corpus « Mercure Airs » est consacré à la musique éditée dans le Mercure galant. Il complète la base de données « Mercure », quantitativement beaucoup plus importante, qui s’attache aux textes relatifs à la musique, à la vie musicale, aux spectacles dramatiques et généralement à tout événement auquel participe la musique.
L’édition parallèle de ces deux outils de recherche complémentaires progresse régulièrement. La base « Mercure », dont la mise en ligne suivra celle-ci, contient actuellement les notices des textes publiés entre 1672 et 1686.
Les airs édités par le Mercure galant
En l’état actuel, ce corpus recense et indexe les musiques publiées jusqu’en 1700, ce qui forme un ensemble de 462 œuvres. Au cours des premières années, le Mercure, créé par Jean Donneau de Visé en 1672, était édité sous la seule responsabilité de son directeur et ne publiait pas de musique notée, mais proposa, à partir de l’automne 1673, des poésies à mettre en air. La parution du journal fut suspendue pendant un peu plus de trois ans. En mars 1677, il recommençait à paraître, sous le titre (éphémère) de Nouveau Mercure galant et dès janvier 1678, il adopta sa forme définitive et publia régulièrement de la musique notée, majoritairement en format italien, sous forme de planches insérées dans le périodique, à raison d’un ou de deux airs par mois en moyenne.
Le corpus ainsi réuni privilégie très nettement l’air pour voix seule. Les duos sont nettement plus rares (87 au total) et bien que le Mercure ait tenté, à partir de novembre 1678, d’intégrer des trios à ses publications (il en édita sept), l’expérience fut définitivement suspendue dès février 1680.
La tessiture privilégiée est celle de la voix de dessus, notée en clef de sol 2 ou d’ut 1, cet ensemble représentant environ 85% du total. Deux tiers de ces airs comportent une basse continue, cette proportion tombant à un sur cinq dans le répertoire des airs pour voix masculines.
Ce corpus contient une nette majorité d’airs sérieux, bientôt concurrencés par les airs spirituels dont la vogue croît sensiblement à la toute fin du siècle. La typologie de l’air conditionne sa mise en musique, ou du moins sa tessiture: celle des airs sérieux, dans une très large majorité, les destine aux voix de dessus, tandis que les airs à boire, massivement dévolus aux voix d’hommes au cours des premières années, sont progressivement aussi édités en clef d’ut 1 ou de sol 2 ; de sorte qu’ils sont statistiquement presque également répartis entre voix féminines et masculines.
Auteurs et compositeurs
La lecture des airs publiés reflète l’engagement du Mercure galant dans le monde des lettres et le goût de ses rédacteurs pour la poésie et sa mise en musique, qu’ils stimulent en proposant aux lecteurs des vers propres à la musique et en offrant non seulement des airs notés, mais aussi un réservoir de textes à mettre (ou remettre) en musique (1). Assumant un rôle d’intermédiaire entre les artistes, le Mercure se prête au jeu de la « tribune » des lecteurs: il leur offre un moyen de diffusion et se nourrit en retour des effets d’une émulation entre artistes amateurs ou professionnels (2). Le Mercure galant appelait en effet ses lecteurs à participer au journal en y envoyant leurs propres contributions, dans les domaines les plus variés: informations relatives à l’actualité, relations de l’étranger, histoires galantes, mais aussi des poésies et des musiques notées (3).
Pour publier petits amateurs et grands musiciens, les rédacteurs se sont assurés l’aide de musiciens chevronnés chargés de superviser la gravure musicale, et la collaboration de Bertrand de Bacilly fut déterminante jusqu’en 1685. Ce compositeur est aussi le plus édité par le périodique, où figurent au moins trente-deux de ses airs jusqu’en 1690. Bien que le journal publie un nombre élevé de poètes et de compositeurs mal documentés, les meilleurs représentants de l’air sérieux sont aussi les plus influents auprès du Mercure: seize airs au moins de Michel Lambert sont édités jusqu’en novembre 1692, tandis que les airs de son élève Honoré d’Ambruys couvrent vingt années de parution du périodique (1682-1702). Étoile montante des années 1690, Charles Le Camus, enfin, se voit publier à dix reprises entre 1691 et 1704.
Plus encore que les airs, les paroles à mettre en air appellent la contribution de très nombreuses plumes, souvent méconnues, et (compte tenu de la part d’anonymes) on ne peut observer dans ce domaine le phénomène de fidélisation des auteurs qui transparaît dans le choix des musiques notées. Les femmes, très minoritaires en tant que compositrices, s’imposent davantage dans le domaine poétique ; on compte parmi les auteurs quelques figures connues, parmi lesquelles Mme Deshoulières, sa fille Mlle Deshoulières, ou encore Mme de Saintonge. Le poète le mieux représenté demeure cependant Bacilly, auquel on peut attribuer douze textes, cette représentation exceptionnelle étant liée à sa responsabilité auprès du journal.
Plus de 70% des textes et un peu plus de la moitié des musiques n’ont pu encore être attribués. Ces chiffres, qui rendent compte des attributions effectuées au terme de patients travaux de concordances et de recherches, doivent être largement majorés si l’on considère non plus la quantité d’œuvres qui n’ont pu être attribuées, mais celles qui sont publiées sans nom d’auteur, qui représentent près de 80% des airs et de leurs musiques (4).
L’air nouveau
La parution régulière de musique connaît une évolution sensible au fil des ans. L’ « air nouveau » — dénomination la plus fréquente dans le périodique — est, du moins au cours des premières années, non seulement inédit mais généralement inconnu du public: l’éditeur met un point d’honneur à ne pas livrer de musiques en circulation, au point de renoncer à faire imprimer la musique d’un air qu’on suppose déjà connue (5) ; ce qui le distingue des éditions de recueils des Ballard qui, selon A.-M. Goulet, s’accommodent plus volontiers de nouveautés relatives. Au fil des années cependant, la notion de nouveauté s’assouplit aussi dans le Mercure ; ce qui pourrait, après des années d’expérience, refléter l’importance relative qu’attachaient les lecteurs du Mercure amateurs de musique à l’inédit.
Présentation
La présente édition propose à la fois le document (musique en fac similé, texte chanté et son commentaire en transcription diplomatique) et une indexation complexe, qui offre un outil de recherche totalement inédit, à la fois dans la perspective d’une recherche ponctuelle (attributions, datations, concordances) et dans une perspective plus large, telle que l’étude de l’édition poétique et musicale, le traitement statistique ou encore les recherches relatives à la place du Mercure galant dans la sociabilité musicale — notamment son rôle dans la circulation des vers de musique, sa fonction dans la vie culturelle de province, etc. Elle conduira surtout, on l’espère, grâce à une utilisation systématique, à évaluer avec une précision nouvelle des éléments jusqu’alors étudiés de manière disparate, en faisant apparaître équilibres quantitatifs, évolutions chronologiques et choix éditoriaux, qui peuvent souvent apporter leurs réponses propres aux recherches consacrées aux compositeurs ou aux éditeurs de musique.
L’unité de base est l’article du périodique : chaque air, assorti de son texte et de son commentaire, fait l’objet d’une notice ; deux airs publiés dans un même volume font l’objet de deux notices distinctes. Cette édition propose, pour chaque air, la musique notée (accessible en fac similé au format PDF), le texte mis en musique, et les commentaires livrés par les rédacteurs du périodique. À cette source immédiatement accessible s’ajoute un outil de recherche « multi-critère », constitué par une indexation détaillée du document. Le détail de chaque champ, les abréviations et codes utilisés, sont communs à l’ensemble de la base « Œuvres » qui accueille cette publication. On se reportera pour plus de détails à l’introduction générale.
De l’usage de la base de données
Parce qu’elle propose à la fois la source et un traitement scientifique poussé sous forme d’index et de thésaurus, cette base de données offre de multiples possibilités, dont on peut présenter brièvement les grands axes.
Elle permet des recherches ponctuelles ou systématiques de type attributionniste, par compositeur, par titre, par incipit littéraire, par incipit musical. Selon les normes en usage dans la base « philidor-œuvres » du CMBV, l’attribution des œuvres permet de distinguer différents degrés de certitude. Par exemple, sur trente-huit airs attribués à Bénigne de Bacilly, vingt-deux sont publiés sous son nom, dix autres lui ont été attribués de manière certaine, six le sont de manière probable ; reste une attribution possible, qui n’est pas confirmée. Les hypothèses d’attribution reposent sur des concordances effectuées dans le Mercure galant lui-même, ou sur des ouvrages de référence cités dans la notice.
Dans la perspective de l’interprétation musicale et de la création d’un programme de concert, une recherche par effectif ou par genre musical est possible. Ces critères peuvent être combinés. Ainsi, un interprète à la recherche d’un air à boire à deux voix pourra croiser le critère « genre musical » avec les effectifs correspondants et choisir parmi les seize airs, dont il pourra imprimer la musique.
Grâce aux recherches systématiques qu’il propose, par date, et plus encore en croisant recherche par date et par poète, par compositeur ou par effectif, un tel outil ouvre aussi de nouvelles voies à une étude du Mercure galant, de la sociabilité musicale et de l’histoire de l’édition, à sa chronologie et à ses évolutions. Ainsi, une recherche croisée par nom de compositeur et par date permet de cerner immédiatement la période d’activité de Bacilly. Ce type d’usage devrait faciliter les travaux de concordance entre le Mercure et d’autres sources poétiques ou musicales.
Enfin, la mise à disposition des sources, de leur traitement scientifique, et la possibilité d’interrogations multi-critères permettent des recherches spécifiques au répertoire musical du Mercure galant : étude des poésies, de la proportion d’airs sérieux par rapport aux airs à boire par exemple, des textes notés sous le chant comparés aux textes versifiés imprimés en regard, des musiques, des effectifs, des nomenclatures, de l’usage de la basse continue par rapport aux voix, de l’instrumentation, etc.
Références bibliographiques
Les données ont été indexées à partir du périodique lui-même, dans certains cas, mais aussi grâce à des recherches périphériques, incluant un travail de concordances entre la présente base de données et les catalogues et bases de données suivants:
Concordances musicales :
Greer GARDEN-HARLICK, Catalogue de l’œuvre de Jean-Baptiste Drouart du Bousset, CMBV, Ressources numériques philidor, en cours de réalisation ; concordances établies avec l’aimable accord de l’auteur ;
Anne-Madeleine GOULET, Paroles de musique (1658-1694). Catalogue des « Livres d’airs de différents auteurs » publiés chez Ballard, Wavre, Mardaga, 2007, 1088 p. (Études du Centre de Musique Baroque de Versailles) ;
Wiley H. HITCHCOCK, Les œuvres de Marc-Antoine Charpentier: catalogue raisonné, Paris, Picard, 1982, 419 p. (La vie musicale en France sous les rois Bourbons) ;
Catherine MASSIP, Catalogue thématique dans Michel Lambert (1610-1696): contribution à l'histoire de la monodie en France, Thèse, univ. Paris-IV, 1985, 2e partie, 563 p. ;
Herbert SCHNEIDER, Chronologisch-thematisches Verzeichnis sämtlicher Werke von Jean-Baptiste Lully (LWV), Tutzing, Hans Schneider, 1981, 570 p. (Mainzer Studien zur Musikwissenschaft, XIV).
Concordances littéraires :
Frédéric LACHÈVRE, Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 à 1700, Paris, H. Leclerc, 1901-1905, 4 vol. ; reprint Genève, Slatkine, 1967, 4 vol., XII-441 p. ; XVI-770 p. ; XIX-814 p. ; VIII-335 p.
Anne-Madeleine GOULET, Indexation de la Bibliographie des recueils collectifs de poésies (1597-1700) publiée par Frédéric Lachèvre, CMBV, Ressources numériques philidor, octobre 2007, [http://philidor.cmbv.fr/intro-lachevre]
Remerciements
Ce corpus, partie essentielle du programme de recherche « Mercure galant » de l’IRPMF, a été développé depuis 2002 dans la perspective d’une base de données et a alors fonctionné sous ma direction, tout en bénéficiant de vacations du Ministère de la recherche et de la technologie, du CNRS et du Ministère de la Culture.
La situation a évolué au fil du temps, d’abord sous l’impulsion de la convention passée en 2005 entre l’Institut de recherche sur le patrimoine musical en France (IRPMF, UMR 200 du CNRS) et l’Atelier d’études du Centre de musique baroque de Versailles (UMR 2162) par leurs directeurs respectifs, Florence Gétreau et Jean Duron puis Catherine Cessac, et ensuite grâce à l’arrivée à l’IRPMF de Nathalie Berton-Blivet, qui assure la responsabilité de la base de données depuis 2008.
Avant le patient travail de publication mené au CMBV par Benoît Michel, responsable scientifique de PHILIDOR, et de Jérémy Crublet, responsable des ressources numériques PHILIDOR, une longue et minutieuse phase de dépouillement, de transcription et d’indexation a permis d’élaborer ce travail, qui doit aussi beaucoup aux doctorants qui ont prêté leur concours à l’entreprise : Thomas Vernet, Benoît Michel, Myriam La Bruyère, Marie Demeilliez, Camille Tanguy, et enfin Jana Franková, qui s’est longuement consacrée aux airs de la période 1688-1707. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma gratitude pour le travail accompli et pour le climat de sympathique collaboration dans lequel ils l’ont mené, en dépit des aléas d’un statut précaire et des difficultés propres à la technicité d’une base de données.
Anne Péjus, responsable du programme de recherche Mercure galant
Notes
(1) Voir Anne-Madeleine Goulet, Poésie, musique et sociabilité au XVIIe siècle. Les Livres d’airs de différents auteurs publiés chez Ballard de 1658 à 1694, Paris, Champion, 2004, p. 179.
(2) On lira sur ce point la synthèse que propose A.-M. Goulet, op. cit., p. 178-182.
(3) L' « Avis » placé à la fin du numéro de novembre 1678 reflète cet intense échange entre lecteurs et rédacteurs. Cf. A. Piéjus, « Le Mercure galant éditeur de musique. Trente ans d’airs nouveaux », dans A. Piéjus (dir.), Le Mercure galant témoin et acteur de la vie musicale, [édition en ligne], Paris, IRPMF, à paraître.
(4) Cette proportion est encore plus importante si l’on y inclut les attributions possibles ou probables.
(5) A.-M. Goulet (op. cit., p. 177) cite le texte du Mercure accompagnant l’air de Des Halus, en mai 1678, dont la rédaction ne propose pas la musique, au motif que cette dernière circule déjà. Ajoutons que cette attitude éditoriale justifie parfois l’édition de musique réduite à la seule ligne mélodique ; au-delà de la quête de nouveauté, les rédacteurs témoignent d’une forme d’égard pour les éditeurs de musique.