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Vous avez dit prosopographie ?

Prosopographie, vous avez dit prosopographie ?

Ce mot savant vient du grec prosôpon : "personnage (de théâtre)", d'où "personne", "individu" en général ; et graphein : écrire, décrire. Étymologiquement, prosopographie signifie donc "description des personnes".

Pour les historiens, c'est une méthode d’enquête, utilisée pour l’étude des groupes sociaux qui possèdent de fortes caractéristiques communes, par exemple l’exercice d’une même profession ou de responsabilités (politiques, syndicales…) identiques. Il s’agit de comprendre la constitution et le fonctionnement du groupe (manière d’y accéder, déroulement des carrières, hiérarchies et réseaux internes…). Il s’agit, par la confrontation des données individuelles, de repérer des invariants (au moins relatifs) et de définir un (ou des) profil(s) commun(s). Le parti est donc celui d’une histoire sociale qui refuse de s’intéresser seulement aux "grands hommes" pour appréhender au contraire les comportements de l’ensemble du groupe auquel ceux-ci ont appartenu, sans toutefois gommer les écarts individuels par rapport à la norme collective.
Autant dire que l’emploi de cette méthode ne vaut que si les corpus étudiés sont suffisamment amples et si les sources livrent des renseignements homogènes.

Concrètement, pour chaque personne du groupe est établie une fiche dont les rubriques sont identiques, afin de permettre un traitement quantitatif de l’ensemble des renseignements collectés. Toutefois, les fiches peuvent aussi inclure des "champs" ouverts pour saisir les éléments originaux de la vie d’un individu. Longtemps exploitées manuellement, ces fiches sont aujourd’hui rassemblées dans des bases de données informatisées, qui facilitent les opérations de tris et l’établissement de statistiques. Publiées en ligne, elles offrent en plus la possibilité de mettre des informations à la disposition aussi bien de la communauté des chercheurs que d’un plus large public.

C'est cette démarche que MUSÉFREM a adoptée pour les musiciens d'Église du XVIIIe siècle. Au-delà de la connaissance du parcours de chaque musicien (les notices individuelles constituent un "dictionnaire biographique"), la méthode retenue dessine une typologie des corps de musique des églises (effectifs, tessitures, instrumentarium); elle fait aussi émerger les caractéristiques du groupe social des musiciens, à la fois dense et mobile, fracturé de contrastes et cependant tissé de solidarités, qui naissent dans l’apprentissage du métier ou dans l’emploi par une même église. L'outil permet aussi de reconstituer des réseaux relationnels, de mettre au jour des généalogies familiales (fratries, dynasties…) ou professionnelles (quels maîtres ont formé quels musiciens, quels musiciens se succèdent dans un poste), et d'identifier qui a côtoyé qui au sein des corps de musique les ayant successivement employés etc.
Mené à l'échelle du pays entier, ce travail révèle du même coup d'importantes disparités régionales, l'inégale attractivité des églises ou des villes, les grands axes des flux de déplacements, et les innombrables facettes du métier de musicien. À travers les itinéraires des humains, le musicologue et l’historien trouveront enfin matière à éclairer la circulation des œuvres et des goûts esthétiques.

Pour l’équipe MUSÉFREM,
Bernard Dompnier et Sylvie Granger
(juin 2014)

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