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Gard

Musique et musiciens d’Église dans le département du GARD autour de 1790

Sommaire

Liste des musiciens du Gard

Url pérenne : http://philidor.cmbv.fr/musefrem/gard

  

1-Nîmes

Vue de Nîmes depuis la tour Magne, estampe de Jean Pierre Antoine Sicard, publiée dans Léon Ménard, Histoire civile, ecclésiastique, et litteraire de la ville de Nismes, t. 1, Paris, Chaubert, 1744 (Source gallica.bnf.fr, Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 44738_48)

Le département du Gard recouvre la moitié méridionale de l’ancienne sénéchaussée de Beaucaire-Nîmes, soit les trois diocèses civils de Nîmes, d’Uzès et d’Alès, circonscriptions essentielles dans l’administration fiscale et administrative de cette partie du Bas Languedoc sous l’Ancien Régime. Les trois diocèses recouvrent également, quoique avec des limites légèrement différentes, les territoires sur lesquels s’étend l’autorité spirituelle de trois prélats. Chaque siège épiscopal accueille une cathédrale et un chapitre qui, en ces régions encore fortement marquées par le protestantisme, a à cœur de donner à ses célébrations un lustre rehaussé par la musique, ou du moins le plain-chant. Les archives des chapitres sont inégalement conservées. Si Nîmes offre un ensemble très complet (mais interrompu en 1786), Alès est moins bien servi, tandis que la Révolution a réduit à néant le fonds uzétien, déjà bien entamé par un incendie en 1770. Quelques collégiales complètent le panorama musical du territoire. Elles sont situées dans la partie rhodanienne et dépendent parfois d’un siège voisin, comme Beaucaire qui ressortit à Arles, pourtant sis outre-Rhône, ou Villeneuve-lès-Avignon, rattachée à la cité pontificale.

Au-delà de quelques orgues, souvent récents, et d’une activité musicale ponctuelle à la cathédrale de Nîmes, c’est le plain-chant, soutenu par le son du serpent, qui domine l’univers sonore des églises gardoises. Il est probable aussi que le chant des psaumes en français se fasse entendre ici ou là depuis la promulgation de l’édit de 1787 (qui offre un statut civil aux protestants), en une région où les communautés réformées sont encore nombreuses et vivaces.

I – Un territoire aux contrastes marqués

Le département du Gard est créé le 4 mars 1790, regroupant 382 communes, réparties en 8 districts. Il recouvre une superficie de 5 850 km² et sa forme originale – comme une apostrophe dodue, entre les hautes altitudes du Massif Central et les rivages méditerranéens – implique des climats et des paysages variés. Avant la création du département, l’administration présente un aspect classique de pouvoirs et de circonscriptions imbriqués, au cœur desquels les évêques jouent un rôle important, alors même que la physionomie religieuse de ce territoire est elle aussi singulière, du fait d’une importante population protestante, entre un tiers (dans le diocèse d’Uzès) et une bonne moitié (dans les diocèses de Nîmes et d’Alès) des quelque 314 000 habitants du Gard (Sauzet, 1992, p. 227).

2-Gard

Le département du Gard et ses 8 districts, carte tirée de La République française en 88 départemens, 3e édition, Paris, 1793 (coll. part.)

● ● ● Une géographie contrastée

S’étendant des rives de la Méditerranée au sud aux sommets du mont Aigoual (1565 m) qui marque la limite avec la Lozère, le département du Gard présente une variété de paysages assez marquée. Traditionnellement, on distingue quatre entités paysagères : la montagne cévenole, les garrigues, la vallée du Rhône et la plaine côtière.
Cette dernière englobe la Petite Camargue, autour de la cité médiévale d’Aigues-Mortes, et forme une sorte de corridor large d’une vingtaine de kilomètres, entre le Rhône à l’est et le Vidourle à l’ouest. Cette zone est marquée par les étangs, qui ouvrent sur la mer au Grau-du-Roi, et les « marais mal-sains » (Genssane, p. 150). Les salins de Peccais y drainent une main-d’œuvre nombreuse qui descend des Cévennes à partir du mois de mai (Teisseyre-Sallmann, 1990, p. 347).
Saint-Gilles marque la limite septentrionale de ce milieu palustre et introduit dans la basse vallée du Rhône, qui marque la frontière orientale du département jusqu’à Pont-Saint-Esprit, à la pointe septentrionale. C’est un espace abondamment cultivé, bien que soumis à la menace récurrente des inondations, marqué par quelques villes moyennes : Beaucaire, Villeneuve-lès-Avignon, Roquemaure et Bagnols-sur-Cèze.
À l’ouest, occupant l’essentiel du diocèse de Nîmes, règnent les garrigues où, sur un sol calcaire, poussent les chênes verts, les genêts ou le thym. On y cultive aussi l’olivier, et la vigne gagne du terrain à partir du XVIIe siècle. Cheminant de Nîmes à Sauve, en juillet 1787, Arthur Young résume ainsi le paysage : « Vignes et oliviers » (Young, p. 135). Ailleurs, il insiste sur les vignobles « à plusieurs lieues autour » de Nîmes (ibid., p. 687) et les nombreux oliviers qui entourent le pont du Gard (p. 1149). On trouve au sud-ouest, autour d’Aimargues, de Vauvert et de Gallargues, « le meilleur terrain du Bas-Languedoc, sur-tout pour les Bleds de toute espèce » (Genssane, p. 149-150).
Enfin, tout l’ouest du département, recouvrant en totalité le diocèse d’Alès et une partie de celui d’Uzès, est composé des montagnes cévenoles. Depuis le XVIe siècle, le travail acharné des hommes a façonné des terrasses (appelées bancels en Gardonnenque, faïsses dans le sud cévenol) sur les flancs abrupts des vallées, pour y planter des céréales et surtout des châtaigniers. « L’arbre à pain » nourrit les habitants et leurs animaux (surtout les porcs), tout en fournissant le bois pour bâtir, fabriquer des tonneaux ou se chauffer. Le Gardon, qui a donné son nom au département et à la région de Gardonnenque, y prend sa source avant de s’écouler jusqu’au Rhône, en arrosant Alès au passage. Ce cours d’eau et ses affluents, qui morcellent le relief des Cévennes, connaissent des colères destructrices nourries par les violents orages de l’automne. Alès est ainsi dévastée par « un deluge d’eau sy extraordinaire quon navait jamais entendu parler d’un semblable » en septembre 1741, puis, de façon moins marquée en octobre 1768 (Pugnière, 2002, p. 9).
Entraînant le développement du mûrier blanc, encouragé par les autorités dès 1689, avec l’établissement de pépinières et la plantation de « l’arbre d’or » le long des grands chemins, l’explosion de la sériciculture constitue l’événement économique majeur du siècle des Lumières dans la région.

● ● ● L’expansion industrielle du XVIIIe siècle

Après avoir fait les beaux jours d’Alès et d’Uzès au siècle précédent, la production drapière, déjà importante, s’étend rapidement, avant de subir un coup d’arrêt à partir de 1763. Elle cède sa place à la soie qui dynamise l’ensemble du territoire, sous la houlette des entrepreneurs nîmois. La production soyère est certes déjà attestée au tournant des XVIe et XVIIe siècles, en particulier dans la région d’Anduze, mais elle s’étend surtout dans la seconde moitié du XVIIIe, lorsque la monarchie et les États provinciaux lui accordent des encouragements financiers. Une grande partie du diocèse d’Alès se consacre à l’élevage des vers à soie et à la filature. Devenue « une des villes les plus industrielles de France » (Young, p. 963) – on va jusqu’à compter 20 000 ouvriers et artisans, hommes ou femmes, soit la moitié de la population –, Nîmes produit aussi des cotonnades (mouchoirs et toiles peintes) et développe surtout la fabrication des bas de soie (on y compte 3 550 métiers en 1787). Pour répondre à une demande internationale (9/10e de la production sont vendus aux Indes, en Espagne ou au Portugal), les Cévennes s’adonnent à cette activité rémunératrice, bien implantée au Vigan, à Alès et à Uzès (Teisseyre-Sallmann, 1990, p. 352-353).
Les ouvriers, faiseurs ou fabricants de bas de soie sont au demeurant nombreux dans les familles des musiciens gardois, quand ce ne sont pas les musiciens eux-mêmes qui en font une activité complémentaire. D’autres évoluent dans le milieu des taffetassiers. La laine n’a pas pour autant disparu. On rencontre souvent des fabricants de buratte (parfois appelés burattaires) gravitant autour des musiciens d’église. Il est vrai que ce tissu de laine épais et moelleux se révèle d’un grand secours lorsque le mistral souffle dans la plaine ou lorsque l’hiver saisit les vallées cévenoles. Le père de François SOULLIER, dernier maître de musique de la cathédrale de Nîmes, est précisément un tisserand en burattes du village de Marguerittes, à 7 kilomètres au nord-est du chef-lieu. Plusieurs enfants de chœur alésiens sont fils de burattaires, comme André MAUBERNARD ou François ARNOUX – le père de ce dernier est aussi le sonneur de cloches et le souffleur d’orgue de la cathédrale, son frère en étant le bedeau.
Autour d’Alès et de Saint-Ambroix, de tout petits exploitants paysans s’attaquent depuis longtemps aux filons houillers, dont les revenus complètent ceux de l’exploitation viticole ou de l’élevage du vers à soie. Un essai de rationalisation et de concentration mené à partir des années 1730 par un homme d’affaires normand, qui emploie des mineurs allemands et piémontais, échoue face à la résistance acharnée des autochtones, du plus modeste exploitant jusqu’au comte d’Alès. L’essor de l’exploitation minière à grande échelle attendra les années 1840.
Ce développement industriel et agricole, qui explique la croissance démographique de ces contrées, a partie liée avec l’essor commercial encouragé par les autorités de la province sous la forme de subventions accordées aux routes, canaux et manufactures. Les communications en sont améliorées et contribuent au succès de la foire annuelle de la Madeleine, autour du 22 juillet, qui rassemble à Beaucaire un grand concours de marchands, venus de toutes parts, entraînant une animation particulière des routes alentour. Les Levantins, Arméniens et autres ressortissants de l’empire Ottoman s’y montrent en particulier fort nombreux. Le Rhône y amène les marchandises de Bourgogne, de Suisse ou d’Allemagne et le montant des ventes quadruple presque entre 1772 et 1789 (Léon, p. 321-322). Dans Le souper de Beaucaire, publié à Avignon en 1793, le jeune lieutenant Bonaparte prétend relater une discussion qu’il aurait eue dans une auberge de Beaucaire, le dernier jour de la foire, avec un Marseillais, un Nîmois et un fabricant de Montpellier. Cet opuscule est surtout l’occasion pour le futur empereur d’y exposer ses positions politiques à l’heure où la révolte des Fédérés agite la Provence.

● ● ● Des administrations civile et ecclésiastique enchevêtrées

Avant 1790, le territoire qui forme le département du Gard est tout entier intégré dans la généralité de Montpellier, dont l’intendant a autorité sur la totalité du Languedoc. Des subdélégués relaient l’autorité de l’intendant dans les trois principales villes, Nîmes, Alès et Uzès, mais aussi à Beaucaire, pour veiller sur sa foire et son port, à Villeneuve-lès-Avignon, à Pont-Saint-Esprit et au Vigan. Nîmes accueille depuis 1551 un présidial dont le ressort s’étend, au-delà des trois diocèses gardois, sur ceux de Mende et de Viviers. Ses officiers (une quarantaine) forment l’élite judiciaire de la ville de Nîmes. Le duché-pairie d’Uzès dispose de son propre tribunal. L’ensemble est placé sous la juridiction supérieure du parlement de Toulouse.
La particularité administrative du Languedoc, sans doute le plus puissant des pays d’États à la fin de l’Ancien Régime, est l’organisation de circonscriptions inférieures, appelées diocèses civils, puisque placées sous la présidence de leur évêque, mais aux limites parfois distinctes de celles des diocèses ecclésiastiques. Ainsi, le département du Gard se constitue à partir des trois diocèses civils de Nîmes, d’Uzès et d’Alès, dont certaines communes dépendent au spirituel des diocèses voisins d’Avignon ou d’Arles. Le rôle du diocèse civil est avant tout fiscal, consistant à répartir la taille et à en régler la perception dans le cadre de « l’assiette diocésaine », une assemblée au sein de laquelle les consuls urbains et ruraux sont plus nombreux qu’aux États. Les assiettes participent également au développement des communications en votant des crédits pour les routes de 2e ou de 3e classe.
Au niveau provincial, chaque diocèse civil est représenté aux États par son évêque, député du clergé dès sa nomination épiscopale, et, pour le tiers-état, par des consuls des villes « chefs de diocèse » et d’une ou deux villes « de tour », qui députent à tour de rôle. Les 23 représentants de la noblesse possèdent chacun une « baronnie » à laquelle est attaché le droit de siéger. Le comté d’Alès donne à son possesseur la première place au sein du second ordre et le droit d’opiner en premier. À la veille de la Révolution, le marquis de Castries, secrétaire d’État de la Marine de 1780 à 1787, détient ce titre. Alès, pourtant bien éloignée des océans, lui doit l’ouverture en 1787 d’un collège royal qui forme de futurs officiers de la Marine.
En matière spirituelle, l’autorité de l’évêque d’Uzès s’étend sur neuf doyennés, regroupant 207 paroisses, dont 35 échappent au département nouvellement créé. Lors de sa création, en 1694, le diocèse d’Alès avait distrait à celui de Nîmes les sept archiprêtrés occidentaux (du « pays haut »), rassemblant 84 paroisses. Parmi elles, deux sont rattachées à la Lozère : Gatuzières et Meyrueis, qui devient même chef-lieu de district. Le diocèse de Nîmes conserve quatre archiprêtrés constitués de 88 paroisses, dont cinq sont intégrées au département de l’Hérault.
À l’inverse, plusieurs paroisses gardoises échappent à l’autorité spirituelle des trois évêques. Les 11 paroisses du pays d’Argence, autour de Beaucaire, sont du diocèse d’Arles, tandis qu’Avignon a autorité sur 17 paroisses des vigueries de Roquemaure et de Villeneuve-lès-Avignon. Les diocèses de Viviers et de Mende englobent quelques paroisses septentrionales qui dépendent d’Uzès au civil et sont donc devenues gardoises en 1790.

● ● ● Une présence protestante qui persiste malgré les restrictions

L’encadrement paroissial assez serré tire certes ses origines d’un relief tourmenté et de l’habitat dispersé qui l’accompagne, mais il est renforcé par la volonté de recatholicisation des populations menée de façon systématique après la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. Comme le dit explicitement la bulle du 17 mai 1694, la création d’un nouveau diocèse ayant Alès pour chef-lieu vise à rapprocher des « nouveaux convertis » une autorité épiscopale que l’éloignement de Nîmes et les difficultés de communications avaient jusqu’alors affaiblie.
À la fin du XVIIe siècle, juste après la Révocation, les « nouveaux catholiques » (comprendre les protestants convertis, au moins en façade) forment encore la majorité de la population du diocèse d’Alès, environ la moitié de celui de Nîmes. Dans celui d’Uzès, la balance est de peu favorable aux catholiques. Un siècle plus tard, la présence protestante a globalement reculé, mais ni les persécutions, ni les missions n’ont éradiqué la présence calviniste, loin s’en faut. Un état du diocèse d’Alès en 1788 est éloquent à cet égard (F-Ad30/ G 1312). Dans la ville épiscopale, la population est catholique aux deux tiers, au Vigan à moitié, « mais les principales maisons sont catholiques », croit-on nécessaire d’ajouter. Seuls 10 % des 3 000 habitants de Saint-Hippolyte ou des 5 000 d’Anduze sont catholiques et la situation des villages des archiprêtrés d’Anduze et de Lasalle est au diapason : à Saint-Jean de Gardonnenque (aujourd’hui Saint-Jean-du-Gard), on ne compte que 100 communiants sur 2 000 personnes, à Lasalle, 200 catholiques parmi 1 800 âmes, à Thoiras, 3 catholiques pour 360 habitants. En revanche, dans les archiprêtrés de Sumène et du Vigan, la majorité revient aux catholiques. Dans le diocèse voisin, la bourgeoisie marchande et manufacturière nîmoise est encore majoritairement protestante.
Si les registres capitulaires ne présentent jamais le faste et la beauté de la liturgie comme des moyens de reconquête religieuse, on ne peut manquer de rapprocher la vigueur protestante des efforts financiers consentis par les chapitres cathédraux et, dans une moindre mesure, collégiaux pour décorer leurs églises, entretenir un corps de musique de qualité et assurer ainsi la dignité qui sied au service divin.
Pour autant, les trois évêques, dont il faut se souvenir qu’ils sont autant administrateurs civils qu’ecclésiastiques, prônent unanimement la tolérance envers leurs administrés protestants, qu’ils reçoivent en leur palais avec courtoisie. À Uzès, l’évêque aurait même facilité l’accession de réformés au consulat. C’est dire que l’édit de 1787, qui autorise les réformés à avoir un état civil, est accueilli avec sérénité. Le territoire du Gard fournit l’essentiel des députés protestants aux États généraux de 1789, parmi lesquels se distingue l’un des artisans de l’édit de 1787, Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne, député de la sénéchaussée de Nîmes. Pourtant, la « bagarre de Nîmes » de la mi-juin 1790, qui laisse près de 400 morts, en majorité des contre-révolutionnaires catholiques massacrés par les gardes nationaux patriotes, aussi bien que la Terreur blanche de 1815, qui signe la revanche du petit peuple catholique, montrent à quel point les antagonismes religieux sont loin d’être résolus dans la capitale gardoise.

II – Nîmes, chef-lieu et principale ville du département

Siège de sénéchaussée avant 1790, Nîmes devient la capitale incontestable du nouveau département du Gard à sa création. Avec sans doute plus de 40 000 habitants – Bernard Lepetit avance 49 000 en 1780 –, elle est de loin l’agglomération urbaine la plus peuplée du département.
L’antique Nemausus garde de beaux vestiges de son glorieux passé romain. Les arènes abritent alors un quartier d’habitation, ce qui désole Jean-Jacques Rousseau, en visite en 1764 : « Ce vaste et superbe cirque est entouré de vilaines petites maisons, et d’autres maisons plus petites et plus vilaines encore en remplissent l’arène, de sorte que le tout ne produit qu’un effet disparate et confus où le regret et l’indignation étouffent le plaisir et la surprise » (Rousseau, p. 294). La Maison carrée, temple romain en parfait état de conservation malgré ses multiples usages au fil des siècles, sert alors d’église aux Augustins. Le jardin de la Fontaine, où le temple de Diane fut la chapelle des Bénédictines jusqu’aux assauts des huguenots, est réaménagé par l’ingénieur Jacques Philippe Maréchal au milieu du siècle. Dominé par la silhouette imposante de la tour Magne, vestige de l’enceinte romaine, ce jardin public devient dès lors une des promenades favorites des Nîmois.

● ● ● Une cathédrale rénovée après les troubles de religion des siècles passés

Sise au cœur de la vieille ville, la cathédrale Notre-Dame a connu bien des vicissitudes et l’édifice qui affronte la Révolution n’a plus grand-chose à voir avec l’église du XIe siècle. Les guerres de Religion ont détruit cet édifice en 1567, lors de l’épisode fameux de « la Michelade ». Après une errance du chapitre, entre Tarascon et Beaucaire, la nouvelle église est provisoirement installée en 1584 dans l’ancien réfectoire des chanoines, qui ne sert plus depuis la sécularisation de 1539. C’est cette église que découvre l’étudiant bâlois Thomas Platter en 1596, dont « le pavé est formé de carreaux formant des dessins variés semblables à une page de musique. Elle est très ajourée et renferme beaucoup de signes et symboles anciens » (Debant et al., p. 41). La reconquête et la restauration de l’ancienne cathédrale démarrent vers 1610, mais les travaux sont interrompus dès 1621, dans le contexte d’un nouveau soulèvement protestant, et le bâtiment subit des déprédations. La paix d’Alès de 1629 promet 80 000 livres pour la reconstruction de la cathédrale. Le devis de 1638 propose une dépense inférieure à 60 000 livres pour le gros œuvre. Pour 1 200 livres, Nicolas Mignard d’Avignon fournit une Assomption pour le retable du maître autel. L’un des éléments les plus remarquables est l’intégration dans la façade principale des sculptures de la frise romane originelle, qui fut à l’époque un pis-aller lorsque la mort du cardinal de Richelieu vint éteindre l’espoir du financement par le ministre d’une façade neuve, au goût du jour. Les offices reprennent en 1646. Constatant que les arcs qui entourent le chœur font « perdre la voix et la musique », les chanoines décident la clôture totale du chœur, effective en 1652, ce qui dénote un intérêt particulier à rendre la musique audible (Carbonnier, p. 34). Forts de revenus confortables, les chanoines réaménagent leur chœur en 1758-1759, par un nouvel autel de marbre, une grille ouvragée remplaçant le jubé et un grand aigle de cuivre doré, acheté à un ciseleur parisien. C’est donc un ensemble presque neuf qui accueille les musiciens à la veille de la suppression du chapitre.

3-Orgue cathédrale de Nîmes

Le buffet d’orgue des frères Eustache dans l’église cathédrale de Nîmes, état en juillet 2014 (cl. Finoskov — Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

Lors de la reconstruction de la cathédrale, l’évêque Cohon avait eu à cœur de la doter d’un orgue, qu’il avait commandé en 1643 aux frères Gaspard et André EUSTACHE, facteurs d’orgues marseillais, pour un prix de 6 000 livres. En novembre 1717, l’instrument avait besoin de quelques réparations pour remédier aux fuites de la soufflerie, redresser les tuyaux affaissés, faciliter le toucher des claviers ou le tirage des jeux. Le chapitre confia ces travaux au Bolonais FORTUNATY qui avait travaillé sur plusieurs orgues provençaux. Pourtant, dès juin 1718, le facteur parisien CUISINIER se livrait à une nouvelle restauration « pour mettre l’orgue en état ». Parmi les interventions successives, on peut retenir celles, en 1752, du dominicain tarasconnais Jean Esprit ISNARD, probablement convié par GAUZARGUES, alors maître de musique de la cathédrale, qui ajoute « un nouveau jeu de clairon […] aux pedales non compris dans son premier marché » avant de signer un contrat d’entretien de huit ans, et du Marseillais Jacques GÉNOYER, chargé de l’entretien à partir de 1778. En 1790, l’instrument se présente donc en parfait état de marche.
L’activité musicale de la cathédrale de Nîmes est assez bien connue grâce à des registres de délibérations capitulaires généreux en mentions de recrutement d’enfants de chœur ou de musiciens, d’augmentations d’appointements ou de prise en charge de frais divers, qu’il s’agisse du recrutement d’instrumentistes externes, de soins médicaux apportés aux enfants de chœur ou de renouvellement de la garde-robe de ces derniers. Malgré des lacunes, en partie comblées par des brouillons (appelés plumitifs) peu soignés et parfois difficilement lisibles, les délibérations capitulaires sont conservées aux archives départementales de façon continue jusqu’en 1786, date qui semble clore la collection, puisque les archives de l’évêché n’ont pas non plus trouvé trace du registre pour 1786-1790. Une certaine obscurité recouvre donc les cinq dernières années de l’existence du chapitre de Notre-Dame de Nîmes. Pourtant, les archives du chapitre sont globalement assez bien conservées, malgré un classement défiant parfois la logique, qui s’explique par leur histoire depuis la Révolution, certains documents ayant été un temps envoyés à l’évêché, d’autres non, entraînant des incohérences de classement. Ainsi, la série quasi-continue des rôles annuels du bas chœur présente des cotes disparates formant deux groupes sans logique, G 584 (année 1777) succédant par exemple à G 1450 (année 1776). Outre les registres capitulaires et ces fameux rôles (également conservés pour les chanoines), on dispose encore de pièces justificatives des comptes, particulièrement riches pour le début des années 1780.
Le chapitre est collectivement prieur de Saint-Castor, pendant longtemps la seule paroisse de la ville, desservie dans la cathédrale depuis 1746. Trois nouvelles paroisses sont érigées dans les années 1770 : Saint-Paul, Saint-Baudile et Saint-Charles, en remplacement de la paroisse du faubourg des Prêcheurs qui desservait la ville nouvelle depuis un siècle.

● ● ● Un bas chœur et un corps de musique fournis

Le Bourguignon Pierre Marie-Magdeleine Cortois de Balore, nommé évêque de Nîmes en 1784, n’arrive pas en pays inconnu, puisqu’il occupait précédemment le siège d’Alès depuis 1776. Cette nomination a permis de renforcer les liens entre les chapitres des deux cités épiscopales.
Composé de 20 dignitaires et chanoines – dont certains sont absentéistes, comme Charles GAUZARGUES, nommé par Louis XV alors qu’il était le maître de musique de la Chapelle du roi, qui s’est obstinément refusé à venir occuper sa stalle malgré sa retraite, entamée en 1775 –, le chapitre règne sur un bas chœur composé de 20 officiers amovibles et d’un « corps de musique » (France ecclésiastique, p. 217).
Les officiers, appelés communément « prêtres servants » ou « prêtres du bas chœur » qu’ils aient reçu le plus haut degré des ordres sacrés ou non, assurent avec les chanoines la continuité des offices canoniaux, en sus de leur participation à la célébration des messes fondées et de certaines messes foraines, dans les dépendances rurales du chapitre (prieurés-cures ou chapelles).
Les contours du corps de musique sont difficiles à tracer avec précision. Si le maître de musique, l’organiste et les six enfants de chœur s’y rattachent de façon claire dans tous les documents conservés, l’activité musicale des autres membres, dont certains sont des ecclésiastiques, demeure parfois incertaine. Les rôles annuels du bas chœur, conservés presque sans lacune jusqu’en 1786, présentent certes l’avantage de dévoiler, mois après mois, la liste de tous les membres du bas chœur (sauf les enfants et les deux clercs, pris collectivement sans être identifiés), mais ne distinguent pas explicitement les musiciens. Ainsi, si les prêtres du bas chœur s’alignent toujours au début de la liste, non seulement la rupture avec les autres membres n’est pas nette – sur nombre de listes, néanmoins, le patronyme des premiers est précédé de « Monsieur », celui des autres de « le Sieur », mais ce n’est pas systématique –, mais encore certains prêtres du bas chœur, qui possèdent des qualités vocales avérées, participent à la musique. Ainsi, Jean-Baptiste IMBERT, prêtre originaire de Vacqueyras [Vaucluse], est reçu au bas chœur en 1741 « pour chanter la haute taille ». Pour cette raison, certains prêtres du bas chœur bénéficient d’une notice biographique, tandis que les autres, dont l’activité musicale paraissait limitée, voire inexistante, au regard des indices celés dans les délibérations capitulaires, n’ont pas été retenus.
En 1790, le corps de musique de la cathédrale est constitué d’une dizaine de musiciens, tous laïcs, sans compter les enfants de chœur et le renfort éventuel de prêtres du bas chœur pourvus d’une belle voix.

Tableau 1 : Composition du corps de musique de la cathédrale de Nîmes en 1790

Nom (dates de vie si connues) Fonction Ville d’origine Dates de réception
Ignace BALLIVET (2 août 1744-2 mars 1806) chantre Nîmes 1774
Jean BARDON (3 mars 1736-5 juillet 1825) chantre Nîmes  1756
Étienne COLOMB (18 mai 1768- ) chantre Nîmes 1787 (enfant de chœur 1776-1785)
Guillaume DARVEY (15 février 1740-13 octobre 1802) chantre Nîmes 1769
Jean GALAFRÉS (v. 1750-12 avril 1822) chantre Nîmes 1779
Pierre LAHONDÉS (2 septembre 1764-3 mai 1829)  chantre La Bruguière [Gard]  1788
Guillaume TALLARD (24 avril 1746- ) chantre (taille) Nîmes 1766 (enfant de chœur 1753-1760)
Jean JULIEN (v. 1752-) haute-contre   1785
Joseph Lazare BOURIÉ (22 février 1761-21 mars 1833) basson Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône]  1786
Joseph LAFONT (14 décembre 1719-26 octobre 1799) basson Avignon [Vaucluse]  1769
Charles LEFRANC (v. 1755-) serpent   1787
Clément VERNON (v. 1744-2 juin 1804)  serpent Nîmes 1777
Isidore CORTIE (27 septembre 1733-13 août 1804) organiste Urbania [Pyr.-Or.]  1768

Cet effectif déjà imposant peut être renforcé par des apports extérieurs, en vue de solenniser certaines cérémonies. C’est le cas de Guillaume TALLARD, ancien enfant de chœur, reçu le 1er octobre 1766 « pour chanter la taille les dimanches et fêtes et les autres jours qu’il y aura musique » aux appointements de 12 livres par mois.
Un inventaire des musiques du chapitre, daté de 1724, et les mentions régulières de rémunérations de symphonistes externes pour les grandes fêtes de l’année liturgique (Noël, Pâques, Pentecôte, Assomption et Toussaint) témoignent d’un usage sinon quotidien du moins régulier de pièces « en musique » durant la messe ou pour des Te Deum. Une décision de 1612 témoigne de l’ancienneté de la musique à la cathédrale et des circonstances particulières qui président à son usage. Le chapitre délibère alors qu’« il ne sera permis de dire plus d’ung mottet à chasque grande messe », sauf en présence de « quelques seigneur de marque qui desirat entendre davantage de musique » (Sauzet, 1979, p. 115).
Le maître de musique dirige donc un corps de musique aux dimensions mouvantes selon les occasions, marqué du reste par une certaine volatilité, attestée par les variations mensuelles des effectifs notés sur les rôles du bas chœur. Ainsi, la place de haute-contre est rarement occupée par le même homme durant de longues années. Jean JULIEN, qui l’occupe de 1785 à 1790, est à cet égard peu représentatif, malgré le précédent d’André SOULIÉ, un laïc du diocèse de Lodève, en poste de septembre 1753 à juin 1757, avec toutefois une interruption d’un an à partir de mai 1754.
La présence de deux bassons et de deux serpents est d’autant plus frappante qu’elle semble résulter d’un choix récent (Joseph Lazare BOURIÉ et Charles LEFRANC ont été recrutés depuis peu) qui demeure difficile à expliquer en l’absence de registre capitulaire.

Tableau 2 : Les maîtres de musique/de chapelle de la cathédrale de Nîmes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle

Nom (dates de vie si connues) Ville [ou diocèse] d’origine Dates d’exercice à Nîmes Salaire annuel (en lt)
GOUDON Avignon [Vaucluse] 11 mars 1744-août 1751 1392
Charles GAUZARGUES (17 décembre 1723-6 août 1801) Tarascon [Bouches-du-Rhône] 1er septembre 1751-13 novembre 1756 1392
François VIDALENCHE (5 août 1715-5 juin 1786) Saint-Gervasy [Gard]  novembre 1756-mai 1757 (chargé des enfants de chœur) intérim
Charles GAUZARGUES Tarascon [Bouches-du-Rhône] 4 mai 1757-30 mai 1759 (à Versailles au 1er semestre) 1600
Pascal BOYER (1743-7 juillet 1794) Tarascon [Bouches-du-Rhône] 24 juillet 1759-28 mars 1764 (renvoyé) 1600
François FAURE Gap [Hautes-Alpes] 28 mars 1764-24 juin 1765 1600
Pierre Romain SAUVE (4 mars 1731-19 octobre 1819) Séguret [Vaucluse]  24 juin 1765-mai 1774 1800
François POLLIARD (18 avril 1746-30 avril 1791) Avignon [Vaucluse] 1er juin 1774-juin 1775 1800
François SOULLIER (25 août 1741-10 janvier 1807) Marguerittes [Gard] Juillet 1775-1790 1800

Depuis juillet 1775, François SOULLIER est maître de musique ou de chapelle (les deux appellations se rencontrent) de la cathédrale, avec des appointements de 1 800 livres, qui comprennent l’entretien des six enfants de chœur. Son ancienneté exceptionnelle dans le poste, interrompue par la fin du chapitre, s’explique peut-être par le fait que toute sa carrière s’est déroulée au service de la cathédrale de Nîmes. Il y fut enfant de chœur, puis massier (c’est lui qui porte la masse, symbole du pouvoir capitulaire, lors des cérémonies, en particulier des processions, mais aussi lorsqu’il doit quérir un membre du bas chœur pour le faire comparaître devant les chanoines assemblés), musicien ou prêtre du bas chœur, avant d’accéder à la direction de la maîtrise.
Comme presque tous ses prédécesseurs depuis le milieu du siècle, SOULLIER est prêtre. Seul Pascal BOYER n’était que clerc tonsuré. Au demeurant, il a été renvoyé après moins d’une année de service, « pour des motifs connus du chapitre » que le registre capitulaire se garde bien de préciser. Le chapitre gardois recrute dans les environs immédiats, en Provence ou dans le Comtat Venaissin. Hasard ou indice d’un réseau de recrutement, Pierre Romain SAUVE était bénéficier à la collégiale Saint-Pierre d’Avignon, où son successeur est organiste.

Trois cas particuliers émergent de ce groupe, pour des raisons différentes.
François VIDALENCHE n’a jamais été maître de musique. Musicien du rang, un temps écarté parce qu’il s’était marié, il est bien vite réintégré, preuve de son caractère indispensable. Il est vrai que le chapitre lui confie la maîtrise à chaque fois que la place est vacante, que ce soit en attendant le recrutement de GOUDON, en 1743-1744, ou pendant les absences de GAUZARGUES, en 1756-1757 et durant le premier trimestre des deux années suivantes. Admis à jouir d’une retraite bien méritée en 1766, VIDALENCHE obtient une pension viagère de 200 livres « en raison de ses infirmités et de ses longs services ». Ce faisant, le chapitre précise : « Et pour ne pas se trouver dans le cas d’accumuler à l’avenir de pareilles pensions à des hommes mariés qui l’ont servie pendant un certain temps, [la compagnie] a unanimement délibéré qu’elle ne recevrait plus personne qui ne fût prêtre ou en voie de le devenir et qu’on déclarerait à tout ecclésiastique qui serait reçu à raison de sa voix pour le service du chœur, que s’il quittait l’habit de son état et rentrait dans l’état de laïque il serait exclu sur le champ de l’entrée au chœur et remercié de ses services sans autre délibération ». Les laïcs continuent toutefois de peupler le bas chœur en 1790.
François FAURE présente un cas assez proche, bien qu’il soit prêtre et attaché au bas chœur en tant que haute-contre. En effet, s’il se désigne comme maître de musique dans sa correspondance, il assure en réalité un intérim après le renvoi de Pascal BOYER. Contrairement à VIDALENCHE, néanmoins, il est porté sur les rôles mensuels à la place du maître de musique, avec les mêmes appointements. Une fois SAUVE reçu, FAURE regagne sa place et ses appointements habituels au sein du chœur.
Enfin, Charles GAUZARGUES constitue un cas exceptionnel à plus d’un titre. Accédant presque trentenaire à Nîmes à son premier poste de maître de musique, il démissionne au bout de cinq années, désireux d’aller humer l’air de la capitale. Six mois plus tard, le voilà de retour et reçu derechef, le chapitre, qui offrait pourtant des conditions financières plus alléchantes, ne lui ayant pas trouvé de remplaçant. La situation est inédite : engagé comme sous-maître de la Chapelle-Musique du roi, il doit courir à Versailles dès décembre 1757, pour y assurer le quartier d’avril 1758, puis en décembre 1758 pour le premier trimestre de 1759. VIDALENCHE est à nouveau mis à contribution « pour avoir soin de la maîtrise et faire excecuter la musique ». En mai 1759, GAUZARGUES se démet à nouveau, définitivement cette fois, de la maîtrise nîmoise, puisque sa situation est intenable et sans doute aussi parce que les appointements de la Chapelle du roi sont bien plus attractifs. Le chapitre de Nîmes n’en a toutefois pas fini avec le Tarasconnais, puisque celui-ci est nommé par Louis XV à un canonicat vacant : le voici l’égal de ses employeurs de naguère. Il est vrai que GAUZARGUES se montre fort peu enclin à accomplir les fonctions de sa charge. Venu se faire recevoir in fratrem en août 1760, il quitte Nîmes le troisième jour, pour n’y plus jamais revenir. Véritable agent du chapitre à la Cour jusqu’à sa retraite en 1775, Charles GAUZARGUES devient ensuite, par son obstination à ne pas venir occuper sa stalle et les obligations qui y sont liées, un sujet récurrent des délibérations capitulaires et l’objet d’une longue procédure judiciaire.

Depuis 1768, l’organiste est un Catalan, nommé Isidore CORTIE, appointé à 418 livres en 1790. Entre sa naissance dans le village d’Urbanya [Pyrénées-Orientales] et son arrivée à Nîmes, vers 1762, le parcours de CORTIE demeure inconnu. Il a remplacé Jean GIRAUD, qui s’asseyait aux claviers depuis 1746, après avoir été enfant de chœur de la cathédrale.
Les enfants de chœur sont presque tous nommés dans le registre capitulaire lors de leur recrutement, souvent avec leur prénom, parfois avec la profession paternelle, ce qui facilite les recherches autour de leur naissance.
Plusieurs enfants de chœur nîmois sont devenus musiciens, à commencer par le maître de musique François SOULLIER, en passant par une étape très courante pour l’aîné des enfants après sa sortie, celle d’être nommé massier du chapitre.
Sur les six – on prévoyait en 1608 que deux d’entre eux servent les messes, sans participer au chant (Sauzet, 1979, p. 116), ce qui semble n’être plus le cas –, quatre enfants de chœur ont pu être repérés en 1790 (la disparition des registres de délibérations capitulaires après 1786 nous prive des précisions qui accompagnent les réceptions jusqu’à cette date) : Claude GARCIN, Antoine Agricol LIOTARD, Amand ESTORNEL et, peut-être, Antoine PUGET. Seul le premier a poursuivi au service de la musique : bien qu’il ait été placé en apprentissage auprès d’un tapissier en 1793, Claude GARCIN se déclare artiste musicien lors de son mariage, en 1815, et professeur de musique, lors de ses secondes noces en 1823. 22 ans plus tard, son acte de décès le qualifie toujours de musicien. Antoine Agricol LIOTARD, natif d’Avignon, fait souche à Nîmes, où il devient professeur de mathématiques, puis conservateur de la bibliothèque municipale – on lui doit un catalogue publié en 1861. En 1793, Amand ESTORNEL est apprenti chirurgien dans sa ville natale d’Aigues-Mortes, où il avait grandi auprès de son oncle curé et où sa trace n’a pas été retrouvée. Quant à Antoine PUGET, il n’apparaît que dans un contrat d’apprentissage pour devenir taffetassier, daté de 1793. Qu’il ait été enfant de chœur en 1790 reste de ce fait incertain.
Robert de Hesseln prétend que, du fait de l’air vif (augmenté par le mistral) et du froid hivernal qui règnent à Nîmes, les « habitans y sont fort sujets aux rhumes, aux douleurs de tête, aux fluxions, aux rhumatismes, &c. ». Peut-être faut-il y voir l’explication des « infirmités » qui affligent le chantre François VIDALENCHE et le prêtre Jean-Baptiste IMBERT. Néanmoins, les registres capitulaires ne révèlent pas plus d’absences pour maladie ou de prises en charge de soins que dans d’autres églises.
On ne peut clore l’évocation de la musique à Nîmes sans rappeler la création en 1733 d’un Concert, fondé par 150 sociétaires, qui fait entendre des œuvres de Henry DESMARETS ou de Michel Richard DE LALANDE. Un nouveau règlement édicté en 1755 constitue le dernier signe tangible de son existence, qui n’est pas avérée en 1790 (Lesure, p. 234).

III – Le vénérable chapitre d’Uzès

Au nord du département, l’antique cité d’Uzès, siège épiscopal attesté depuis le Ve siècle, surplombe un paysage de garrigues. Jean Racine, qui y séjourne en 1661-1662 chez un oncle chanoine de la cathédrale, découvre aux alentours des « campagnes […] toutes couvertes d’oliviers qui portent les plus belles olives du monde ». La source d’Eure, qui s’écoule au fond du vallon de l’Alzon, accueillit la première installation humaine. Les Romains captèrent cette eau fraîche pour alimenter Nîmes, en construisant un aqueduc au tracé complexe, tantôt souterrain, tantôt aérien. Le fameux pont du Gard, sur le Gardon, en constitue le tronçon le plus spectaculaire.
Bien que débarrassée de ses murailles sur ordre de Louis XIII après 1629, Uzès ne s’étend guère et offre au promeneur un bâti dense, d’où émergent de beaux hôtels particuliers. Au cœur d’un lacis de rues étroites, la place aux Herbes constitue l’unique espace dégagé, bordé d’arcades dont la fraîcheur est appréciée en été. Deux monuments dominent le paysage uzétien : le château ducal, localement dénommé « le Duché », qui arbore fièrement ses tours en plein centre, et la cathédrale, flanquée de la « tour Fenestrelle », merveille de légèreté romane surplombant le vallon de l’Alzon.
Avec environ 6 000 habitants vers 1790, Uzès est la moins peuplée des cités épiscopales du Gard. Pourtant, contrairement à Nîmes, elle est divisée en plusieurs paroisses depuis longtemps. La paroisse Saint-Étienne dispose d’un édifice cultuel neuf, consacré en 1775, dont l’élégante façade galbée constitue aujourd’hui l’un des plus beaux points de vue de la ville. L’orgue accroché au revers de cette façade, actuellement visible au-dessus du portail principal, est en revanche du XIXe siècle, mais il aurait remplacé (lui empruntant peut-être deux jeux au passage) un instrument plus ancien, édifié en même temps que l'église.

● ● ● La cathédrale Saint-Théodorit : « La plus belle cathédrale du Midi »

4-Orgue Uzès

L’orgue de la cathédrale d’Uzès, avec les volets ouverts, état en mai 2015 (cl. Finoskov - Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

Hormis sa façade néo-romane édifiée au XIXe siècle, la cathédrale Saint-Théodorit présente un aspect quasi-inchangé par rapport à 1790. Démoli par les huguenots en 1620, l’édifice fut entièrement rebâti au XVIIe siècle et consacré le 22 avril 1663. Michel Poncet de La Rivière, évêque de 1677 à 1728, disait, avec quelque exagération, qu’elle était « la plus belle cathédrale du Midi » (Béraud, p. 207). La plupart des transformations datent de son épiscopat, lorsqu’il semblait utile au clergé d’impressionner les « nouveaux convertis », contraints depuis l’édit de Fontainebleau de fréquenter ostensiblement les paroisses catholiques. Ainsi, les tribunes inférieures bordées de garde-corps en ferronneries ouvragées répondent-elles à l’augmentation subite du nombre de fidèles qu’il faut accueillir chaque dimanche, puisque la cathédrale est également paroissiale. L’orgue, exceptionnel avec ses volets peints, participe de cette politique de séduction, d’autant que les calvinistes rejettent alors tout usage de l’instrument à tuyaux. Pour autant, sa construction précède l’abolition de l’édit de Nantes : commandé par l’évêque en septembre 1679 au franciscain François Castie, il est achevé en 1683. En revanche, le contrat de peinture des volets et de dorure du buffet, passé avec Jean Pouveille, maître doreur de Montpellier, intervient deux ans plus tard et vise à « accueillir dignement les nouveaux convertis ».
Confortablement installé dans le spacieux palais qui jouxte la cathédrale au nord, le prélat picard Henri Benoît Jules de Béthisy de Mézières y occupe depuis 1780 son premier poste épiscopal, après avoir été vicaire général de Reims. Il se montre ouvert aux protestants, relativement économe et soucieux de la bonne administration de son diocèse civil.
Le chapitre, sécularisé depuis 1721, se compose de 20 chanoines (dont quatre dignités : prévôt, archidiacre, sacristain et capiscol), tous à la nomination de l’évêque. Quant au bas chœur, selon la France ecclésiastique de 1790 (p. 311), « Il n’est composé que d’Officiers Gagistes ». La perte des archives du chapitre ne permet guère d’en dire plus que ce que signalent les suppliques de 1790 et 1792, ainsi que les tableaux de pensions et de gratifications. Sept chantres (dont deux jouent du serpent), un organiste et quatre enfants de chœur composent ce bas chœur en 1790.

● ● ● Un bas chœur laïc encore mal connu

Né en 1723, Pierre CHEBALIER est le doyen des chantres, sinon par son âge, du moins par son ancienneté de 37 ans au service de la cathédrale, ce qui explique sans doute ses 450 livres d’appointements, alors que ses collègues se contentent de 400 livres. Pris par ordre d’ancienneté, les autres chantres sont Jean Louis LACROIX, 68 ans, en poste depuis 25 ans, Joseph Emmanuel BANON, 55 ans, en fonction depuis 24 ans, Pierre CANET, serpent depuis 15 ou 23 ans selon les documents (sans doute a-t-il été enfant de chœur), Claude MOISSON et Étienne DICTOR, chantres depuis 14 ans, et Charles Joachim BONNARD, chantre et serpent, avec 11 ans de service. L’organiste Michel KIEFFER ne les a rejoints que depuis 1788, après avoir servi dans une église de Strasbourg, dans son Alsace natale. Malgré son jeune âge (une vingtaine d’années), ses appointements atteignent 500 livres par an.
Étienne DICTOR est également maître des quatre enfants de chœur : Charles Stanislas DICTOR, son fils, et Antoine POULON, tous deux en service depuis 3 ans, Joseph MIOMENDRE et MIZIERE, un peu plus jeunes. Ces enfants semblent recevoir des appointements, de 72 ou 84 livres par an. Par ailleurs, lorsqu’un garçon devenu incapable de chanter quittait son service après le temps ordinaire, « Le Chapitre donnoit 100 livres pour apprendre un métier ».
Cet ensemble musical assez important se contente certainement de faire entendre les offices en plain-chant, les voix graves étant soutenues par les serpents, tandis que les enfants se voient confier certains versets. Le faux-bourdon n’est pas exclu et on peut imaginer l’usage du chant sur le livre, bien qu’aucun témoignage ne le corrobore. La polyphonie paraît en revanche assez improbable. La disparition des archives capitulaires n’autorise aucune exploration dans ce domaine et pèse lourdement sur l’élaboration des biographies de ces musiciens, qui demeurent largement lacunaires.
Si l’occident du territoire uzétien englobe les montagnes cévenoles, c’est bien le jeune diocèse d’Alès qui fait indiscutablement figure d’évêché des Cévennes.

IV – Alès, l’évêché des Cévennes

L’évêché d’Alès (orthographié Alais jusqu’en 1926) fut créé en 1694 avec, on l’a vu, pour principal objectif un encadrement plus strict des populations massivement calvinistes des Cévennes. Après une croissance marquée par un doublement en un siècle, la ville épiscopale a sans doute passé les 10 000 habitants à la veille de la Révolution (13 à 14 000 selon l’état du diocèse de 1788, peut-être optimiste), dont les deux tiers seulement sont catholiques. Cette proportion témoigne à la fois de la permanence du calvinisme, un siècle après la Révocation, et du succès (tout relatif) de la reconquête catholique, puisque les « papistes » ne constituaient pas la moitié des Alésiens en 1689 (Pugnière, 2002, p. 39).
L’évêque – Louis-François de Bausset, natif de l’exotique Pondichéry, occupe le siège depuis 1784 – joue, depuis l’origine du diocèse, un rôle important et soutient son chapitre à plusieurs reprises, en finançant une partie de la reconstruction de la cathédrale et de son décor. Les relations avec le chapitre sont généralement bonnes et ce dernier n’hésite pas à recourir au soutien de son prélat, comme en 1781, lors du conflit opposant les chanoines au vicomte d’Oms d’Alès qui prétend, comme seigneur haut justicier de cette ville, faire peindre dans la cathédrale une litre funéraire à l’occasion de la mort de son épouse. Plus encore qu’à Nîmes, chanoines et musiciens évoluent dans un édifice neuf, puisque le réaménagement du chœur a été achevé en 1784 (Pugnière, 2000).
Issu de la réunion des chapitres collégiaux de Saint-Jean-Baptiste d’Alès et de Saint-Pierre de Psalmody, à Aigues-Mortes, le chapitre cathédral regroupe, en 1790, 18 chanoines (dont cinq dignités), soutenus par un bas chœur composé, selon la France ecclésiastique, de « 12 prêtres amovibles, 1 organiste [et] 4 officiers », personnel dépendant à l’origine de la mense d’Aigues-Mortes. La réalité s’avère moins brillante.

● ● ● Sept choristes, dont deux hors d’état de servir

Les « prêtres et chantres ecclésiastiques », ainsi qu’ils sont dénommés dans les registres de délibérations capitulaires, ne sont pas tous revêtus du sacerdoce. Ainsi Jean BLANC (23 ans) est diacre, mais il est surtout reçu en 1782 comme grand clerc du chapitre, une fonction probablement pas musicale. En 1790, ils ne sont que quatre prêtres, dont deux fort incommodés : André BROS, âgé de 35 ans, a été formé dans les lieux ; Blaise DELMAS, 54 ans, reçu en 1770, est « aujourd’hui hors d’état à raison de la délicatesse et de la faiblesse de ses yeux de vacquer à aucune fonction pénible » ; François HESTOR, 47 ans, reçu en 1776, est « hors d’état de remplir les fonctions du ministère à raison d’une attaque de paralisie qui lui est tombée sur la gorge ainsi que sur la poitrine » ; AUTHEMAN, enfin, âgé de 40 ans, reçu en 1785, est, quant à lui, pleinement apte à exercer ses fonctions. Tous reçoivent un revenu annuel de 507 livres (468 livres comme prébendiers et 39 livres comme célébrants), auquel s’ajoutent une vingtaine de livres pour la présence aux obits toute l’année et 11 livres et demie pour 27 messes de fondation que chacun doit acquitter dans l’année (à raison de 8 sols par messe). Dans la réalité, cette charge pèse vraisemblablement sur les deux seuls prêtres valides : BROS et AUTHEMAN.

5-Orgue Alès

L’orgue Boisselin/Lépine de la cathédrale d’Alès, état en février 2022 (cl. Marianne Casamance - Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

Trois choristes laïques soutiennent le chant des offices, payés chacun 216 livres par an « en douze payemens égaux [de 18 livres] chaque fin de mois » : André COURET, né en 1766, reçu au chapitre le 6 juin 1783, Jean BASCON, né en 1760, reçu au chapitre le 1er juin 1784, et le jeune Moïse BOUTIN, âgé de 22 ans, « environ 3 ans » de service.

● ● ● Un organiste chargé de quatre enfants de chœur

Depuis 1769, l’Avignonnais Pierre François LIGOU est « chargé de toucher l’orgue et d’enseigner le chant aux enfants de chœur », tâche pour laquelle il reçoit 600 livres. Parmi ses jeunes élèves, il aurait compté Joseph Agricol MOULET, son neveu natif d’Avignon. Après BAGNOL (de 1729 à 1736), FIRMIN (de 1736 à 1761) et PELATAN (de 1761 à 1768), LIGOU est le quatrième titulaire de l’instrument construit par Charles BOISSELIN en 1729. Encore jeune organiste – il a 25 ans lors de son recrutement –, Pierre François LIGOU profite à partir de 1783 du positif de dos ajouté à l’instrument par Jean François L’ÉPINE.
En 1781, le revenu du chapitre de Notre-Dame de Bonheur, collégiale à l’abandon isolée à plus de 1 000 mètres d’altitude au pied du mont Aigoual, a été affecté « à l’entretien de six enfans de chœur et d’un maître pour les instruire des vérités de notre Sainte religion, dans le chant et la langue latine et les faire vivre en communauté ». Pourtant, en 1790, le chapitre n’entretient toujours que quatre enfants de chœur, qui reçoivent chacun 72 livres par an : François ARNOUX, âgé de 12 ans (2 ans de service), Jean-Baptiste LAVIGNE, également appelé DAUMON, âgé de 14 ans (2 ans de service), César LAFOSSE, âgé de 11 ans (2 ans de service), et Joseph MERCIER, âgé de 16 ans (6 ans de service). Si l’organiste Pierre François LIGOU est leur maître de musique et de plain-chant, c’est André BROS, prêtre choriste, qui est chargé de leur enseigner la lecture et l’écriture. Pour autant, les interventions de l’orgue sont la seule ponctuation musicale dans une liturgie certainement dominée par le plain-chant, tout comme à Uzès.

V – Quatre collégiales qui ponctuent la vallée du Rhône

Les plus importantes collégiales, du moins celles qui peuvent sans ambiguïté prétendre au titre de lieu de musique, du fait le plus souvent de la présence d’un orgue, sont installées le long du Rhône qui, par son rôle d’axe de communication, a permis la richesse du Gard valléen. Depuis Avignon jusqu’au littoral méditerranéen se succèdent quatre chapitres d’importance inégale, installés le plus souvent à l’ombre d’un château surveillant le fleuve : Saint-Jean à Roquemaure, Notre-Dame de Villeneuve-lès-Avignon, Notre-Dame des Pommiers à Beaucaire et Saint-Gilles.

● ● ● Roquemaure : un organiste discret aux claviers depuis près de 30 ans

Dominée par son château, face à Châteauneuf-du-Pape, la petite ville de Roquemaure (environ 3 000 habitants) est entourée de vignobles, qui portent depuis un édit royal de 1737 l’appellation de Côte du Rhône.
Ville députant aux États tous les sept ans pour le diocèse civil d’Uzès, chef-lieu d’une viguerie regroupant dix villages, tous ressortissant au diocèse d’Avignon pour les affaires spirituelles, Roquemaure abrite une église collégiale et paroissiale dédiée à saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste, où les offices sont assurés par douze chanoines et deux bénéficiers. La musique y est servie par un orgue, aujourd’hui remplacé par celui des Cordeliers d’Avignon, transféré vers 1820.
Durant les trois dernières décennies de l’Ancien Régime, Jacques DUCIEL, enfant du pays né en 1745, est l’organiste du chapitre, aux appointements annuels de 300 livres. Ses apparitions dans les registres paroissiaux révèlent qu’il exerce en parallèle le métier de faiseur de bas, très commun dans cette partie du Languedoc. Son existence discrète n’a guère laissé de traces. Il a toutefois été confronté à une situation matrimoniale peu banale. Son mariage ayant été annulé à cause d’une parenté entre époux découverte tardivement, il doit célébrer à nouveau, dix ans et une dispense pontificale plus tard, ses noces avec celle qui avait entre-temps donné naissance à plusieurs enfants, tous baptisés comme « légitimes » !

● ● ● Villeneuve-lès-Avignon : une collégiale qui dépend de la cité des papes

Une dizaine de kilomètres plus au sud, en face d’Avignon, à laquelle elle était jadis reliée par le fameux pont Saint-Bénézet, la modeste ville de Villeneuve (2 400 habitants selon Hesseln, peut-être 3 000 en 1790) doit tout aux papes qui y fondèrent la collégiale Notre-Dame et la chartreuse du Val-de-Bénédiction. Avec le village voisin des Angles, elle constitue la viguerie de Saint-André-de-Villeneuve, dont le territoire dépend de l’archevêché d’Avignon pour les affaires spirituelles.
La vie érémitique et la liturgie sobre des moines de Saint-Bruno n’ont pas développé d’activité musicale dans les lieux dédiés au silence de la chartreuse.
En revanche, la collégiale Notre-Dame accueille, outre son chapitre de douze membres, sept bénéficiers, un organiste et quatre enfants de chœur, placés sous la houlette d’un maître. Un précieux état des charges du chapitre pour les années 1772-1792 renseigne sur la façon particulière dont sont rémunérés ces acteurs du chant et de la musique, hélas restés anonymes. L’organiste reçoit chaque année 90 livres, auxquelles s’ajoutent 24 livres pour la souffleuse (également balayeuse de l’église), tandis que le maître des enfants de chœur ne touche que 60 livres. Il est vrai que les enfants sont eux-mêmes rémunérés, d’une façon originale qui mérite d’être rapportée. Les deux plus anciens ont pour leurs gages 6 émines (soit environ 165 litres) de blé et 6 émines de « conségail » (appellation locale du méteil), tandis que les deux autres reçoivent 12 livres chacun. Il est probable que les gages des deux aînés soient également versés en numéraire, mais leur montant est indexé sur les prix des céréales. On peut noter au passage que, avec 120 livres et 24 émines de grains, l’employé le mieux rémunéré est le sonneur, qui, il est vrai, est également chargé de régler l’horloge.
Le 22 août 1744, le facteur Raymond SOURD, d’Avignon, avait été engagé pour restaurer l’orgue, en refaire à neuf tous les jeux hors d’usage, fournir un sommier neuf et entretenir l’instrument pendant dix ans. Le contrat, signé devant notaire, précise que les réparations devront être effectuées sur place, « dans la chambre appelée la maîtrise, qui luy sera fournie, avec un lit » ; seuls les jeux neufs pourront être réalisés dans la maison de Sourd à Avignon.

● ● ● Beaucaire : la collégiale modeste d’un nœud commercial international

Implantée en rive droite du Rhône, dominée par son château qui fait face à la forteresse provençale de Tarascon, Beaucaire présente une situation administrative d’une complexité courante dans l’ancienne France. Située en Languedoc, elle députe à tour de rôle, tous les cinq ans, aux États pour le diocèse civil de Nîmes, accueille une viguerie et un subdélégué de l’intendant de Montpellier, mais dépend au spirituel de l’archevêché d’Arles. Sa foire annuelle constitue le principal moteur économique de la cité, qui compte plus de 8 000 habitants en 1790.
Au cœur de la ville se dresse l’église collégiale et paroissiale Notre-Dame-des-Pommiers, rebâtie entre 1734 et 1744 en intégrant néanmoins une partie des anciennes sculptures romanes. « Son chapitre est composé d’un précenteur, de dix chanoines, de deux vicaires perpétuels [remplissant les fonctions curiales] et de quatre bénéficiers » (Hesseln, 1, p. 389). Un état de 1790 nomme les quatre bénéficiers, sans préciser s’ils ont une activité musicale : François DERBEZ, 61 ans, Joseph Elzéar GOMBERT, 72 ans, par ailleurs organiste, Jean Joseph FAUCHIER, 27 ans, tous trois prêtres, et Pierre DARLACH, « clerc tonsuré faisant les fonctions du quatrième bénéficier, aux gages du chapitre », âgé de 29 ans.
En matière musicale, bien qu’une transaction de 1596, préalable à la sécularisation du chapitre, ait prévu « Qu’en ledit Chapitre sera tenu un corps de musique composé de quatre enfants de chœur, haute-contre, basse et taille, avec lequel corps de musique se chanteront, toutes les fêtes solennelles et les dimanches, la grand’messe et à vêpres, le Magnificat et oraison de Notre-Dame » (Goiffon, 1901, p. 60), la situation de 1790 ne dévoile qu’un maître de musique, un organiste et quatre enfants de chœur qui agrémentent de leurs voix aiguës le plain-chant plus grave des chanoines et bénéficiers. Le quinquagénaire Guillaume CHASTEL est maître de musique depuis « plus de 20 ans », à 300 livres d’appointements. Il exerce aussi les fonctions de sous-sacristain. Quant aux enfants de chœur, seuls sont connus les noms de ceux de 1792, mais aucun renseignement complémentaire ne subsiste et, surtout, rien ne permet d’affirmer qu’ils servaient le chapitre en 1790. Il s’agit de Jean GIBERT, Jean AUDIBERT, GIRAUD et BRECHET.
L’orgue est commandé au facteur avignonnais Charles BOISSELIN en 1742. Le devis, très précis, décrit deux jeux de pédale, l’un en bois et l’autre, de trompette, en fer blanc, et exige une livraison en septembre 1743. BOISSELIN peut alors récupérer l’ancien orgue, datant de 1654. En 1790, Joseph Elzéar GOMBERT, l’un des bénéficiers du chapitre né en 1718, est le titulaire de cet instrument, depuis une durée indéterminée.
L’église du couvent des Cordeliers, aujourd’hui église Saint-Paul, abrite un orgue au buffet daté de 1773, dont Dominique Cavaillé a fait le relevage en1806. Cet instrument aurait été acheté peu avant à une église de Cavaillon [Vaucluse]. En 1792, le frère cordelier Jean-Baptiste ROUX est signalé comme organiste de l'église devenue paroissiale sous le vocable de Saint-Bonaventure, ce qui corrobore l'existence d'un instrument, dont il joue probablement depuis 1775, date de sa profession.
Aucun indice musical n’émerge des autres églises de Beaucaire, qu’il s’agisse du couvent des Capucins, du monastère des Ursulines, du couvent des Hospitalières, du collège ou des deux hôpitaux.

● ● ● Saint-Gilles : une collégiale nantie d’un bas chœur imposant

Réclamant quelques employés pour son église devenue paroissiale, le curé de Saint-Gilles écrit en janvier 1791 que la population est de « près de 8 000 âmes, touttes catholiques, à l’exception de soixante familles ». Si la population paraît quelque peu surévaluée, elle souligne l’homogénéité confessionnelle bien réelle de cette ville, née et ayant vécu de la présence de son abbaye ancienne – dont le décor sculpté de la façade est aujourd’hui mondialement célèbre, de même que, au chevet de l’église, la fameuse « vis de Saint-Gilles », escalier sur voûte en berceau hélicoïdal considéré comme un chef-d’œuvre de stéréotomie. Fondée à la fin du VIIIe siècle en lisière des marécages qui bordent le Petit Rhône, à l’entrée de la Camargue, l’abbaye de Saint-Gilles fut considérablement enrichie au fil des siècles par les dons des papes et des rois de France, mais aussi par les nombreux pèlerins venus y vénérer le tombeau du saint apôtre de la Provence. Sécularisée en 1538, l’abbaye devint collégiale et souffrit beaucoup des guerres de Religion. Pillée en 1562, l’église fut en grande partie détruite en 1622. La collégiale ne se remet jamais vraiment de ces épisodes malheureux. En 1704, lorsque Charles BOISSELIN propose de reconstruire un orgue, le chapitre évoque encore « les malheurs […] que les rebelles phanatiques nous ont causés ». En 1774, la mense abbatiale est réunie à la mense épiscopale d’Aix-en-Provence, par le dernier abbé commendataire, Raymond de Boisgelin, archevêque d’Aix.
En 1790, 12 chanoines font vivre la collégiale, soutenus par 15 bénéficiers, astreints à chanter les offices et rémunérés par une « pension » annuelle de 500 livres. Le recrutement de chaque nouveau bénéficier précise qu’il a « été examiné sur le chant », formule qui, du reste, apparaît également lors de la réception des chanoines, témoignant de l’importance du plain-chant dans la liturgie quotidienne qui devait sonner d’une manière assez impressionnante sous les voûtes de l’église.

Tableau 3 : Les bénéficiers de Saint-Gilles en 1790

Nom Lieu d’origine  Naissance  Réception
Ives AGUIER Nîmes ? Av. 1782
André Auguste AUGIER DE CHATEAUREDON Mézel [Alpes-de-Haute-Provence] 1745 2 août 1779
Jean Alexandre BARON Saint-Gilles 1764 24 décembre 1781
Henri BOISSIER Vauvert [Gard] 1746 3 juin 1779
Pierre GABOT Arles [Bouches-du-Rhône] ? Av. 1777
Antoine GUYNAUD ? ? Av. 1777
Jean LAGANIER Saint-Gilles  1751 1775 [?]
Mathieu LATY Arles [Bouches-du-Rhône] 1737 ?
Georges Antoine MARTEL ? [1730]  Av. 1776
Antoine MICHEL Saint-Gilles 1763 12 septembre 1788
Louis REY ? ? ?
Benoît THAMAND Saint-Gilles [1730] 1751 [?]
Antoine VERGIER Saint-Gilles [1758]  16 novembre 1789
Jérôme Joseph VINCENT Nîmes 1741 3 décembre 1781
Jacques VIOLLIER ? ? ?

Les registres de délibérations capitulaires témoignent toutefois d’un certain relâchement des bénéficiers face aux devoirs de leur fonction et de tensions avec les chanoines qui frôlent parfois la sédition. En 1777, les chanoines reprochent aux bénéficiers de ne pas les accompagner sur le perron de l’église, pour y chanter l’hymne Ut queant laxis, pendant l’allumage du feu de la Saint-Jean. Antoine GUYNAUD et GUILHEN, les seuls qui soient nommés, car ils ont suivi depuis le chœur le début de la procession, s’immobilisent en effet avant le portail, dans l’église, où leurs confrères, restés jusqu’alors dans la sacristie, finissent par les rejoindre. La même année, le chapitre reproche à Pierre GABOT de desservir une paroisse éloignée au détriment de son service à la collégiale et MARTEL, qui s’obstine à desservir l’église de Salins, en Camargue, est menacé d’être assigné devant le sénéchal de Nîmes. Le 28 janvier 1778, c’est au tour de Jean LAGANIER de se faire remarquer, en provoquant un scandale au chœur par son comportement. Il apostrophe le trésorier avec véhémence en lui reprochant de ne pas chanter, s’étonne effrontément à haute voix de l’absence des chanoines, parle à voix basse pendant le chant des psaumes… puis se déplace brusquement pour chanter. Convoqué devant le chapitre, il refuse d’abord de se présenter, puis nie avec aplomb et échappe à toute punition ! On lui confie même l’éducation des enfants de chœur en 1781.

6-Orgue Saint-Gilles

L’orgue Boisselin de l’église collégiale de Saint-Gilles, état en novembre 2015 (cl. Finoskov — Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

Seul musicien incontestable, un organiste complète l’effectif. Depuis 1785, date à laquelle il a remplacé son éphémère prédécesseur GARDIOL (en fonction de 1783 à 1785), Julien GUILHOT touche les claviers de l’instrument édifié au début du siècle et entretenu par le facteur marseillais Jacques GÉNOYER. Bien que né à Saint-Gilles en 1754, c’est à Grignan [Drôme], où sa famille a très tôt déménagé, que Julien GUILHOT reçoit sa formation musicale. Grâce à un oncle maternel, qui y est chanoine, il est reçu fort jeune comme enfant de chœur à la collégiale, qu’il sert sept années, durant lesquelles il s’initie probablement à l’orgue auprès du chanoine organiste Louis MASSON. Devenu maître de musique sur place, alors qu’il a encore l’âge d’être enfant de chœur (14 ans !), Julien GUILHOT remporte quelques années plus tard le concours pour la même fonction à la collégiale de Gray [Haute-Saône], où les obligations de la charge sont sans doute plus importantes. De là, il regagne les régions méridionales de son enfance, en obtenant la maîtrise de la cathédrale d’Arles [Bouches-du-Rhône], où il chante également la basse taille, avant de retrouver sa ville natale comme organiste. En 1790, marié et père de trois enfants, Julien GUILHOT reçoit 500 livres pour faire chanter l’orgue et 466 livres pour l’éducation et la nourriture des deux enfants de chœur, tâche dans laquelle il a remplacé le bénéficier Benoît THAMAND en novembre 1788. C’est sans doute pour initier les enfants au clavier qu’il fait, pour 96 livres, « l’emplette d’un clavecin » le 27 octobre. Bien que GUILHOT se pare du titre de maître de musique dans ses suppliques, celui-ci n’est jamais utilisé par le chapitre.
Les deux enfants de chœur en activité en 1790 sont le Nîmois Jean-Baptiste MARTIN et Pierre GREFEUILLE, natif de Bouillargues, tous deux âgés d’une douzaine d’années et déclarant six années de service. Un dénommé JOSEPH, « anfant de chœur », apparaît fugacement dans un état comptable pour une main de papier achetée en 1789. Durant la maladie de GREFEUILLE, en 1789, un remplaçant nommé BERNARD fait son apparition. Il adresse en vain une supplique pour obtenir une gratification en 1791. L’arrêté de refus, daté du 4 mai 1791, fait enfin émerger le nom d’Étienne AUGROS, « n’étant employé que les Dimanches et les fettes », qui reçoit 60 livres par an pour ce service. Il fait très vraisemblablement office de chantre.

VI – Quelques notes de musique dans les églises paroissiales ou conventuelles, mais aucun musicien connu

Durement mis à mal par l’essor de la Réforme, le monde régulier ancien est assez peu présent en pays gardois. Les abbayes, jadis nombreuses, ont pour beaucoup périclité ou ont été transformées en collégiales sécularisées, comme l’abbaye de Saint-Gilles, évoquée précédemment.
Là encore, la riche vallée du Rhône se taille la part du lion, à commencer par deux églises équipées d’un orgue dans le diocèse d’Uzès.

● ● ● Pont-Saint-Esprit : un prieuré clunisien à la pointe septentrionale du département

À la limite nord-est du département, un pont sur le Rhône – le seul pont de pierre entre Lyon et la mer, depuis la chute de celui d’Avignon en 1660 –, fameux pour sa longueur et la chapelle miraculeuse dédiée au Saint-Esprit qui le flanque, fait la célébrité et la fortune de la ville de Pont-Saint-Esprit, peuplée d’environ 4 000 habitants.
Dans l’église du prieuré clunisien Saint-Pierre, un « orgue neuf », muni d’un pédalier, occupe en 1790 la tribune au-dessus du tambour d’entrée. Le devis date pourtant du 14 novembre 1752, la soufflerie étant « placée dans la grotte qui est en montant au clocher en y faisant une voûte à une certaine hauteur » et l’adjudication de la tribune et de l’orgue à François Renoyer, du 6 septembre 1754. L’instrument aurait été ensuite déplacé, selon l’inventaire en ligne des orgues de France, dans l’église paroissiale Saint-Saturnin en 1784, remplacé par un orgue neuf, confié aux doigts du prêtre avignonnais Pierre Louis BOUSCARLE, que les bénédictins sont venus chercher dans sa ville natale.

● ● ● Bagnols-sur-Cèze : un bel orgue de paroisse qui reste peut-être muet

À 10 kilomètres au sud de Pont-Saint-Esprit, en retrait par rapport au fleuve et à ses colères destructrices, Bagnols-sur-Cèze est surtout fameuse pour les deux sources d’eau claire qui jaillissent au milieu de la ville. Avec Pont-Saint-Esprit, elle députe aux États une année sur deux et, comme Beaucaire, elle accueille une activité de foire, certes moins internationale, mais d’un intérêt local important. Outre les fruits et légumes, pour lesquels Bagnols constitue le lien entre la vallée du Rhône et les Cévennes, la petite cité voit affluer les éleveurs porcins du Vivarais et du Dauphiné (Dutil, p. 783). Cette aisance relative explique sans doute que l’église paroissiale abrite un orgue construit par Charles BOISSELIN au tout début du siècle. L’organiste de 1790 est inconnu : il n’a en tout cas pas envoyé de supplique… Faut-il en conclure que l’instrument n’est plus jouable ?

● ● ● Orgue et musique chez les Ursulines de Nîmes et d’Alès

7-Orgue Ursulines de Nîmes

L’orgue Isnard de l’église des Ursulines de Nîmes, aujourd’hui Petit Temple, état en septembre 2014 (cl. Finoskov - Travail personnel, CC BY-SA 4.0)

En 1789 et 1790, « les dames du premier monastère de Sainte-Ursule » de Nîmes dépensent 50 livres « pour l’entretien de l’orgue et la musique de l’église pendant l’année », sans qu’aucun nom d’organiste n’apparaisse. Acheté en 1792 par les protestants avec l’église devenue le Petit Temple (où on peut toujours admirer son magnifique buffet), cet instrument avait été construit par Jean Esprit ISNARD vers 1750.
L’existence d’un orgue au monastère des Ursulines d’Alès est révélée de façon originale par quelques pièces comptables et un engagement mutuel, dont deux exemplaires sont conservés. En avril 1789, alors que les religieuses effectuent des travaux dans leur chapelle, un ferblantier alésien nommé Fiacre Robin propose à la supérieure du monastère de lui livrer un orgue « contenant les jeu ci après détaillé, scavoir un bourdon une flûte, un dessus de cromorne, pouvant servir de voix humaine, une doublette, une fourniture, répétée d’un tuyau seul, ayant une montre composée de 3 tourelle et de deux platte face, bien doré et peint en gris bleu, un soufflet seul à double vent, le tout pour la somme de 300 livres payable à la foire de Beaucaire ». Robin s’engage en outre à entretenir et accorder l’instrument gratuitement, en contrepartie de quoi les ursulines promettent de se charger de l’éducation de sa fille aînée durant deux années. Pas plus qu’à Nîmes, on ne sait qui joue de cet instrument, ni la fréquence de son usage, mais il est encore attesté en 1792.

● ● ● Les orgues discrets des Pénitents d’Alès et de Pont-Saint-Esprit

La mise en vente, à l'automne 1792, des chapelles des confréries installées à Alès et à Pont-Saint-Esprit révèle l'existence, en ces deux lieux, la présence d'un petit orgue, avec ses soufflets. Les organistes demeurent inconnus, de même que l'usage qui était fait de ces instruments.

● ● ●

Au terme de cette exploration du département du Gard, force est de constater le petit nombre de lieux de musique avérés. Malgré la subsistance protestante dans de nombreuses communautés, depuis Nîmes jusqu’aux vallées cévenoles, il est toutefois certain que le plain-chant retentit dans beaucoup de paroisses, entonné par des chantres du dimanche, somme toute assez peu différents de ceux, actifs dans les cathédrales, qui exercent un métier en dehors de leurs obligations de présence au chœur. La découverte de cette activité profane est souvent fortuite, comme pour l’organiste Jacques DUCIEL. La facilité avec laquelle, à la fermeture des églises, d’anciens chantres se convertissent en fabricants de bas, taffetassiers ou autres métiers du textile laisse subodorer que cette activité n’est pas nouvelle pour eux. Il est fort possible – aucune preuve n’est apparue et la comparaison des signatures ne permet pas de trancher – que le chantre Jean BARDON soit le tailleur qui fournit les habits des enfants de chœur qu’il côtoie régulièrement à la cathédrale de Nîmes. On aura compris au demeurant que, même dans les églises les plus importantes, le plain-chant domine, alternant à l’occasion des grandes fêtes avec la voix de l’orgue. Seule la cathédrale de Nîmes semble émerger de ce paysage sonore homogène. On y chante en polyphonie, voire en symphonie, à l’occasion des grandes fêtes de l’année liturgique ou des réjouissances officielles marquées par l’exécution d’un Te Deum. Le recrutement d’instrumentistes extérieurs en apporte la preuve, tout en trahissant le caractère extraordinaire de cet usage.
Au total, c’est donc une centaine de notices biographiques qui viennent abonder la base. 64 chantres et musiciens (et aucune musicienne, bien que les orgues des Ursulines soient probablement touchés par des mains féminines) sont actifs dans une dizaine de lieux de musique gardois en 1790 : trois cathédrales, quatre collégiales, trois établissements réguliers et une église paroissiale. Dans quatre églises, si l’existence d’un orgue est avérée, celui ou celle qui le sert n’a pas pu être identifié. Du reste, les biographies de nombre de musiciens demeurent lacunaires. Pour éclairer ces points restés obscurs, l’équipe Muséfrem compte sur l’aide des chercheurs et des curieux de tous ordres qui pourraient avoir découvert des pièces manquantes de ce grand puzzle et seraient prêts à les partager. Que tous et toutes soient ici par avance remerciés.

Youri CARBONNIER
CREHS, université d’Artois
(juin 2023, révisions février-mars 2024)

Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de, notamment : Guillaume Avocat, François Caillou, Christophe Corp, Bernard Dompnier, Roland Galtier, Sylvie Granger (†), Isabelle Langlois, Michel Meunier, Matthieu Perona, François Pugnière

Ainsi que les étudiants de master Histoire de l’université d’Artois qui, entre 2017 et 2022, ont œuvré à saisir les notices documents tirées de la série L : Alexandre Blondel, Pierre Boufflers, Jérémie Brossard, Cyril Clerbout, Romain Cokelaere, Célestine Damour, Rémi de Taeye, Aurore Descamps-Ronsin, Margaux Ducornait, Axel Dumaine, Valérie Garcia, Romain Hecquet, Élise Hédin, Cyril Hermant, Maxence Jeanjean, Denis Kostuj, Romain Lebel-Bauchet, Adrien Leduc, Ève-Marie Lhussiez, Mohamed Elamine Merouani, Noémie Mesureur, Elsa Navet, Hugo Paillart, Élodie Paluszkiewicz, Robin Pilot, Adrien Przymencki, Antoine Ratajczak, Jade Thil, Mark Tinkovitch, Maxime Urbanek, Chloé Vanholme, Julien Venel, Alyson Viseur, Alexandre Wiart, Émelyne Wibaux et Amina Zouaydi-Bechet

Mise en page et en ligne : Caroline Toublanc (CMBV)

 

>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI. Nous vous en remercions à l’avance.

L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.

Les lieux de musique en 1790 dans le Gard

Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).

Diocèse d’Alès

Diocèse de Nîmes

Diocèse d’Uzès

Diocèse d’Arles

Diocèse d’Avignon

Pour en savoir plus : indications bibliographiques

Sources imprimées

  • Calendrier de la ville de Nîmes et de sa sénéchaussée, pour l’année 1789, Nîmes, au bureau du Calendrier, [1789].
  • Dom Claude DEVIC et Dom Joseph VAISSETE, Histoire générale de Languedoc, Paris, Jacques Vincent, 5 vol., 1730-1745.
  • Henri Gabriel DUCHESNE, La France ecclésiastique, pour l’année 1790…, Paris, Chez l’Auteur, 1790.
  • Norbert DUFOURCQ, Le livre de l’orgue français 1589-1789, tome I : Les sources. Documents inédits sur l’Orgue français, Paris, Éditions A. & J. Picard, 1971.
  • Jean Joseph EXPILLY (abbé), Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Paris/Amsterdam, Desaint & Saillant, 6 vol., 1762-1770.
  • Antoine de GENSSANE, Histoire naturelle de la province de Languedoc, tome I, Montpellier, Rigaud, Pons & Cie, 1776.
  • Robert de HESSELN, Dictionnaire universel de la France, Paris, Desaint, 6 vol., 1771.
  • Léon MÉNARD, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nismes, Paris, Hugues-Daniel Chaubert/Claude Hérissant, 7 vol., 1744-1758.
  • Jean-Jacques ROUSSEAU, Les confessions, I, Paris, Flammarion, 1968.
  • Arthur YOUNG, Voyages en France. 1787-1788-1789, éd. Henri Sées, Paris, Armand Colin, 1976 (1re éd. 1931), 3 vol.

 

Bibliographie

Instruments de travail

  • Alexandre de LA MOTHE, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Gard. Série G, Paris, Paul Dupont, 1875, 355 p.
  • Alexandre de LA MOTHE, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Gard. Série H, Mende, Ignon-Petit, 1877, 218 p.
  • Édouard BLIGNY-BONDURAND, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Gard. Supplément aux séries C, D, G et H, Nîmes, Imprimerie A. Chastanier, 1916, XI-43-8-129-329 p.
  • ARAM-LR, Orgues en Languedoc-Roussillon, tome 2 : Gard - Lozère, Aix-en-Provence, Édisud, 1988, 215 p.

 

Atlas en ligne

 

  • François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, 367 p. [sur Nîmes, p. 233-236].

 

  • Pierre BÉRAUD, Uzès, son diocèse, son histoire, Uzès, Éditions de la Cigale, 1953, 336 p.
  • Youri CARBONNIER et Jean DURON, Charles Gauzargues (1723-1801). Un musicien de la Chapelle royale entre Nîmes et Versailles, Paris/Versailles, Picard/CMBV, 2016, 180 p.
  • Yves CHASSIN DU GUERNY et Jean PELLET, Inventaire des Archives de l'évêché d'Uzès en 1578, Le lien des chercheurs cévenols, Hors-série n°46, avril 1995, 134 p.
  • Robert DEBANT, Gérard CAILLAT, Odile MAUFRAS et François PUGNIÈRE, Le quartier cathédral de Nîmes à travers les âges, Nîmes, Société d’histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard, 2013 (2nde éd.), 95 p.
  • Albert DURAND, État religieux des trois diocèses de Nîmes, d’Uzès et d’Alais à la fin de l’Ancien Régime, Nîmes, Imprimerie générale, 1911, 360 p.
  • Léon DUTIL, L’état économique du Languedoc à la fin de l'ancien régime (1750-1789), Paris, Hachette, 1911, XXIV-962 p.
  • Émilien FROSSARD, Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nîmes et de ses environs, à vint lieues à la ronde, Paris, Delay, 1846, 384 p.
  • Roland GALTIER, L’orgue et les organistes dans le Gard pendant la Révolution, Nîmes, C. Lacour éditeur, coll. Eruditae indagationes, 1989, 56 p.
  • Eugène GERMER-DURAND, Dictionnaire topographique du département du Gard, comprenant les noms des lieux anciens et modernes, Paris, Imprimerie impériale, 1868, XXXVI-298 p.
  • Étienne GOIFFON (abbé), Dictionnaire statistique et historique du diocèse de Nîmes, Nîmes, Grimaud, Gervais-Bedot et Catelan, 1881, 422 p.
  • Étienne GOIFFON (abbé), Saint-Gilles, son abbaye, sa paroisse, son grand-prieuré, d’après les documents originaux, Nîmes, Grimaud, Gervais-Bedot et André Catélan, 1882, 201 p.
  • Étienne GOIFFON (abbé), « Pouillés des diocèses anciens compris dans le diocèse actuel de Nîmes », Bulletin du Comité de l'art chrétien, t. VI, 1895, p. 89-217.
  • Étienne GOIFFON (abbé), Monographies paroissiales. Paroisses de l’archiprêtré de Nîmes d’après les documents originaux, 2e éd., Nîmes, Imprimerie typographique Lafare frères, 1898, 506-xii p.
  • Étienne GOIFFON (abbé), Monographies paroissiales. Paroisses de l’archiprêtré de Beaucaire d’après les documents originaux, 2e éd., Nîmes, Imprimerie Lafare, Ducros cousins successeurs, 1901, 347 p.
  • Étienne GOIFFON (abbé), Monographies paroissiales. Paroisses de l’archiprêtré d’Alais d’après les documents originaux, 2e éd., Nîmes, Imprimerie lithographie G. Malachanne, 1916, 540 p.
  • Philippe JOUTARD (dir.), Les Cévennes de la montagne à l’homme, Toulouse, Privat, 1989 (1re éd. 1979), 510 p.
  • Emmanuel LE ROY LADURIE, Les paysans de Languedoc, Paris, Éditions de l’EHESS, 1985 (1re éd. 1966), 2 vol., 1034 p.
  • Emmanuel LE ROY LADURIE, Histoire du Languedoc, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2020 (8e éd.), 127 p.
  • Pierre LÉON, « Vie et mort d’un grand marché international. La foire de Beaucaire (XVIIIe-XIXe siècles) », Revue de géographie de Lyon, vol. 28, n°4, 1953, p. 309-328.
  • Bernard LEPETIT, Les villes dans la France moderne (1740-1840), Paris, Albin Michel, 1988, 490 p.
  • Michel NICOLAS, Histoire des artistes, peintres, sculpteurs, architectes et musiciens-compositeurs nés dans le département du Gard, Nîmes, Ballivet, 1859, 240 p.
  • Albert PUECH, « La musique et les musiciens à Nîmes aux XVIe et XVIIe siècles », Revue du Midi, 1888, p. 44-64.
  • François PUGNIÈRE, « Une reconstruction lente et difficile : l’église cathédrale d’Alès aux XVIIe et XVIIIe siècles », Congrès archéologique de France, 157e session, 1999 : Gard, Paris, Société française d’archéologie, 2000, p. 87-99.
  • François PUGNIÈRE, Clergé et encadrement clérical en Cévennes de la Révocation à la Révolution : le diocèse d’Alès. 1687-1791, thèse de doctorat d’histoire, université de Montpellier 3, 2002, 720 p.
  • Hector RIVOIRE, Statistique du département du Gard, Nîmes, Ballivet et Fabre, 1842, 2 vol.
  • Robert SAUZET, Contre-Réforme et Réforme catholique en Bas-Languedoc. Le diocèse de Nîmes au XVIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne/Université de Paris IV-Paris-Sorbonne, 1979, 524 p.
  • Robert SAUZET, Chronique des frères ennemis. Catholiques et protestants à Nîmes du XVIe au XVIIIe siècle, Caen, Paradigme, 1992, 274 p.
  • Robert SAUZET, Religion et société à l’époque moderne. Itinéraire de Chartres au val de Loire, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2012, p. 31-42 [sur la création du diocèse d’Alès].
  • Line TEISSEYRE-SALLMANN, « Hiérarchie et complémentarité dans un réseau urbain régional. Le Bas-Languedoc oriental et cévenol aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire, économie & société, 1990, p. 337-364.
  • Line TEISSEYRE-SALLMANN, « La place de la ville dans le district textile bas-Languedocien aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Jean-François ECK et Michel LESCURE (éd.), Villes et districts industriels en Europe occidentale, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2002, p. 15-31.

  

Bibliographie élaborée par Youri CARBONNIER (juin 2023-février 2024)

« aux tribunes, une petite orgue, renfermée dans une armoire, les soufflets de l’orgue, une petite balustrade en fer »

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