Login
Menu et informations
NARBONNE, Pierre Marie (1751-1823)
État civil
NOM : NARBONNE     Prénom(s) : Pierre Marie     Sexe : M
Date(s) : 1751-10-7   / 1823-7-8 
Notes biographiques

Formé à la maîtrise de la cathédrale de Beauvais [Oise], Pierre Marie NARBONNE (1751-1823) est recruté dès l'âge de seize ans par l'Opéra de Paris, où sa voix de haute-contre fait sensation. Il se fait entendre au Concert spirituel, toujours bien disposé à l'égard des jeunes prodiges. Mais le jeune homme n'avait pas achevé sa mue : il s'avère qu'il n'est doté que d'une banale voix de basse-taille, qui n'intéresse pas la direction de l'Opéra. Il reprend donc le cours d'une carrière classique de musicien d'Église. Exilé à la cathédrale de Blois [Loir-et-Cher] en 1769, il voit s'ouvrir en 1771 les portes de Notre-Dame de Paris, institution de grand prestige. L'année suivante, contre toute attente, une formidable opportunité s'offre à lui : une place lui est proposée à la Comédie italienne. A-t-il bénéficié de quelque protection ? Toujours est-il qu'il y connaît rapidement le succès, apprécié davantage pour ses qualités de musicien que pour son jeu de scène. Il constitue l'un des piliers de la troupe jusqu'en 1794, avec une interruption de quelques mois en 1788-1789. Il s'engage ensuite au Théâtre Feydeau, mais son heure de gloire est passée. Sous le Consulat, il se retire dans son département natal, l'Oise.

• 7 octobre 1751 : Pierre Marie NARBONNE, fils de Pierre NARBONNE, chantre, et de Marie Catherine Thomas, naît à Compiègne [Oise]. Il est baptisé le même jour en la paroisse Saint-Jacques. Son frère Jean Louis NARBONNE a aussi fait carrière dans la musique d'Église.

• 28 octobre 1757, Beauvais [Oise] : Le chapitre de la cathédrale reçoit deux enfants de chœur, dont Pierre Marie NARBONNE, de la paroisse Saint-Jacques de Compiègne.

• 7 avril 1758, Beauvais : Le chapitre prend connaissance du certificat de bonne santé de Pierre Marie NARBONNE, enfant de chœur qui prend la place de GANTIER.

• 23 octobre 1767, Paris :  NARBONNE débute à l'Académie royale de musique dans Hippolyte et Aricie, tragédie de Pellegrin, musique de RAMEAU.
• 1er novembre 1767, Paris : Au Concert spirituel, il chante le motet à deux voix de DAUVERGNE Exultate justi avec la célèbre Marie FEL. Il reviendra à six reprises, la dernière le 3 avril 1768.
• 22 novembre 1767 : Il joue dans le Devin du village, intermède de Jean-Jacques ROUSSEAU (créé en 1752) aux côtés d'Anne Victoire DERVIEUX, elle aussi débutante. "M. Narbonne, à peu-près du même âge, a rempli le rôle de Colin, non seulement en acteur dont tout annonce les progrès futurs, mais encore en musicien dont les talens ne peuvent que confirmer cette espérance", rapporte le Mercure de France.

• 5 janvier 1768, Paris : Il reprend le rôle de Colin dans le Devin du Village. Le même jour, il chante celui de Vertumne dans Pomone
• 23 janvier 1768, Paris : La Gazette littéraire de l'Europe raconte comment NARBONNE a remplacé au pied levé un chanteur (LEGROS ?) : "Ce jeune homme, ci-devant enfant de chœur à Beauvais & engagé depuis peu pour l'Opéra, travailloit à se former, & ne comptoit paroître devant le public que dans quelques mois. Vendredi 23, l'Acteur qui devoit chanter une ariette de haute-contre après l'acte de Vertumne, se trouvant extrêmement fatigué, l'un des Directeurs imagina de la faire chanter par M. Narbonne. Aussitôt des perruquiers s'emparent de lui, pour le coëffer ; on lui ajuste des habits ; en même tems, on lui fait apprendre cette ariette qui est fort travaillée & qu'il ne connoissoit point. Lorsque l'instant fut arrivé, on lui fit un signe, il s'avança au milieu du théâtre, & sans se déconcerter le moins du monde, il la chanta avec beaucoup de précision & une assés jolie voix. Il a répondu à ceux qui lui demandoient si la vue du Public ne l'avoit point intimidé : Non, j'ai cru être au lutrin".
• 28 novembre 1768, Paris : Pierre Marie NARBONNE, musicien de l'Académie de musique, demeurant rue du Plâtre-Saint-Jacques, paroisse Saint-Séverin, "chez le marchand de vin", porte plainte contre le nommé Boisson, tailleur, pour vol d'un portefeuille de maroquin rouge. Ce dernier a agi ainsi pour forcer le jeune homme à lui régler une dette de 13 livres.
• Fin 1768, Paris : Il quitte ses fonctions, probablement à cause de la mue de sa voix.

• 13 décembre 1769, Blois : Pierre Marie NARBONNE, clerc du diocèse de Soissons, prend possession de la chapelle Notre-Dame "sous le pupitre" desservie dans la cathédrale Saint-Louis. Il jure de bien remplir ses fonctions dont celle de "de chanter dans la musique et de porter la chape".

• 12 avril 1771, Paris : Pierre Marie NARBONNE est reçu machicot [musicien] à la cathédrale Notre-Dame. Le chapitre le présente comme laïc, originaire du diocèse de Soissons. Depuis quand a-t-il quitté Blois ? On ne le sait. En 1776, les chanoines blésois constatent que la chapelle Notre-Dame-sous-le-Pupitre est toujours vacante "par désertion du sr Narbonne".

• 11 septembre 1772, Paris : Pierre Marie NARBONNE est appelé par le duc de Richelieu à faire ses débuts sur la scène de la Comédie italienne. On ne sait combien de temps il a servi à Notre-Dame, mais on note que le 16 septembre, le chapitre recrute un nouveau machicot, Bernard BOURGOIN.
• 21 octobre 1772, Paris : Le Mercure de France se montre élogieux à son sujet. "M. Narbonne, âgé de vingt-un ans & demi, Elève de M. Trial Comédien du Roi, a débuté dans le rôle de Silvain [personnage principal de la comédie mêlée d'ariettes de GRÉTRY, paroles de Marmontel] ; il a joué le même rôle le dimanche suivant, & le mercredi 28, il a joué le rôle de Western ou du Chasseur, dans Tom-Jones [comédie lyrique de Poinsinet, d'après le roman de Fielding]. Cet acteur est excellent musicien, ayant exercé la musique dès sa plus tendre enfance. Il [...] a débuté par le plus fort rôle qui soit peut-être dans les nouveaux intermèdes. Graces aux soins & aux bons avis de M. Trial, qui a lui-même beaucoup de talent, avec tout le zèle possible pour son état, M. Narbonne a pu entreprendre ce qu'il n'auroit point osé sans un guide expérimenté ; il a joué Silvain avec feu, il a rendu ce rôle pathétique avec sensibilité ; & il a mis beaucoup de vivacité dans le rôle du Chasseur de Tom-Jones. Le public espère beaucoup de son jeune talent, & lui a prodigué ses applaudissemens". Il faut noter que son mentor Antoine TRIAL est lui aussi passé par une maîtrise. NARBONNE n'a plus la voix de haute-contre qui était la sienne en 1767 : "Cet Acteur a déjà eu plusieurs voix ; mais l'âge paroît enfin lui donner un concordant, genre de voix très-précieux, parce qu'il participe des sons graves de la basse-taille, & des sons élevés de la taille. Son organe est flatteur, étendu & sensible". Seule réserve, il a tendance à forcer sa voix, alors que "le cri n’est pas un ton ; & d'ailleurs quand on est bien partagé par la nature, il ne faut pas la contraindre". Grimm, qui regrette le départ de l'acteur Caillot, est moins indulgent : "Ce jeune homme n'a pas la voix formée, il a une basse-taille fort dure, il ne sait pas chanter ; son jeu n'est pas plus formé que sa voix", juge sévèrement l'écrivain, qui ne l'a vu que dans le rôle du Fermier dans Le Roi et le Fermier. Cependant, Grimm ne cache pas que le public est d'un autre avis et applaudit à ses prestations.
• 21 novembre 1772, Paris : NARBONNE est reçu dans la troupe des comédiens italiens du roi "sur le pied de deux cents livres par mois avec les jetons d'assemblée et de répertoire" (soit 2 400 livres par an).

• 26 avril 1773, Paris : NARBONNE obtient un quart de part, "à la charge par lui de continuer de jouer tous les rôles de son emploi et tous ceux qui seront jugés nécessaires pour le bien du service".

• 1773-1787 : NARBONNE joue dans de nombreuses comédies en musique ou mêlées d'ariettes, dont La belle Arsène (1773), La colonie (1775), Les mariages samnites et L'inconnue persécutée (1776), Félix ou L'enfant trouvé (1777), Le jugement de Midas (1778), Aucassin et Nicolette ou les Mœurs du bon vieux tems (1779), Le Sicilien ou L'amour peintre (1780), La nouvelle Omphale (1782), Blaise et Babet ou la Suite des Trois fermiers et Le droit du Seigneur (1783), Alexis et Justine (1785) et L'amitié à l'épreuve (1786). Plusieurs ont été représentées en avant-première à Versailles ou à Fontainebleau devant le roi et la reine.

• 12 avril 1775, Paris : Les ducs de Richelieu et de Duras, gentilshommes de la Chambre, accordent à NARBONNE, comédien italien du Roi, "un quart de part d'augmentation pour faire avec le quart dont il a joui jusqu'à ce moment une demi-part", aux mêmes conditions que précédemment.

• 7 avril 1780, Paris : Sur ordre du duc de Richelieu, une amende de 100 livres est infligée à NARBONNE, coupable de ne pas s'être trouvé chez lui alors qu'il avait demandé au sieur Ménier de le remplacer dans le rôle de Blaise (dans la comédie La colonie) pour cause de rhume.

• 5 avril 1788, Paris : Le Mercure de France annonce sa retraite, qui prend tout le monde de court. Le rédacteur revient sur la carrière de NARBONNE, davantage apprécié pour ses aptitudes pour le chant que pour son jeu d'acteur : "Dans le fait il seroit difficile de décider quel étoit le genre de sa voix, quoiqu'il fût plutôt chanteur que comédien. On l'entendoit avec plaisir, on le voyoit avec indulgence ; & pendant les quinze années qu'il est resté au Théâtre, il a constamment joui des applaudissemens publics, sans avoir jamais eu de grands succès". Le départ de NARBONNE est-il lié à un scandale survenu au cours de l'année 1787 ou au début de l'année 1788 ? L'affaire est contée par l'ancien page Félix de France d’Hézecques: "Peu d'années avant la mort du maréchal [Richelieu], il parut sur le théâtre de la Comédie Italienne une petite pièce intitulée Les Dettes. Un acteur, nommé Narbonne, trouva plaisant de prendre, dans le rôle du tuteur, le costume et les manières du vieux maréchal ; et il le fit avec tant d'habileté que l'allusion fut comprise aussitôt, et le nom de Richelieu répété par toute la salle. Le duc de Fronsac, chargé de l'inspection de ce théâtre, comme gentilhomme de la chambre, chassa l'acteur insolent, et ne le laissa reparaître qu'après la mort de son père" (qui arriva le 8 août 1788). À défaut d'être chassé, l'artiste a peut-être été suspendu, ce qui a pu le rendre amer.

• Février 1789, Paris : La direction du Théâtre italien, peu satisfaite des prestations de ses successeurs Ménier et CHENARD, souhaite le retour de NARBONNE. À la demande du nouveau duc de Richelieu, prêt à accorder son pardon, Ménier et CHENARD se rendent chez leur ancien collègue pour le prier de reprendre ses activités, ce qu'il accepte. En échange de ce sacrifice, CHENARD reçoit un quart de part. Le 22, NARBONNE fait sa rentrée dans Félix de Monsigny. Son statut est celui d'un pensionnaire à appointements fixes, 15 000 livres par an.

• 13 janvier 1790, Paris : NARBONNE interprète Georges Morin, maître charpentier, dans Pierre le Grand, comédie en trois actes de Jean Nicolas Bouilly, en prose mêlée de chants, dont c'est la première représentation. La musique est de GRÉTRY.

• 28 avril 1792, Paris : NARBONNE est remboursé d'une somme de 1 500 livres prêtée à ses collègues comédiens italiens pour qu'ils s'acquittent du don patriotique annuel. Le 25, il s'est présenté à l'Assemblée nationale avec TRIAL, CHENARD et CLAIRVAL pour déposer la somme sur le bureau, sous les applaudissements des députés.

• 5 juillet 1793, Paris : À la Convention, les représentants de la section de 1792, venus pour proclamer leur fidélité à la nouvelle constitution, font exécuter par trois de ses membres, les citoyens CHENARD et NARBONNE, du Théâtre lyrique national, et VALIÈRE, du Théâtre de la rue Feydeau, plusieurs strophes de l'hymne des Marseillais.

• 1er mars 1794, Paris : Pierre Marie NARBONNE épouse Marie Victoire Sophie Prévost. 
• 1794, Paris : Il passe de l'Opéra-Comique (ex-Théâtre italien) au Théâtre Feydeau.

• 6 novembre 1795, Barbery à l'est de Creil [Oise] : Veuf sans enfant, Pierre Marie NARBONNE, artiste demeurant à Creil, se remarie à Marie Françoise Angélique Levasseur, 24 ans, fille d'un cultivateur. L'acteur avait acquis en cette ville un "petit domaine", spécialement choisi dans l'optique de sa retraite, qu'il visitait régulièrement.

• 1797-1801, Paris : Au Théâtre Feydeau, il interprète Dom Manuel dans l'opéra Sophie et Moncars ou L'intrigue portugaise (septembre 1797), Diego dans la comédie mêlée d'ariettes La rencontre en voyage (avril 1798), Gervais dans l'opéra comique Les comédiens ambulants (décembre 1798), Zangelli dans La bonne sœur, comédie-lyrique en un acte et en prose, mêlée de chants (janvier 1801).

• 1801, Paris : NARBONNE, "jadis attaché au théâtre des Italiens, dont il est maintenant pensionnaire", note La nouvelle lorgnette des spectacles, travaille toujours au Théâtre Feydeau. Cet opuscule le décrit comme un artiste sur le déclin : "Cet acteur a une voix forte et soutenue et une grande habitude de la scène ; mais sa manière de chanter n'annonce pas une excellente méthode. Il est bien placé dans tous les rôles où il faut des manières franches, du sentiment sans apprêt et même de la rusticité. Il jouoit très-bien aux Italiens le père de Babet dans Blaise et Babet, le rôle du Fermier dans Félix et l'oncle de Damis dans Les Dettes". Dans l'almanach Melpomène et Thalie vengées pour l'an VII, le ton est plus critique : "Narbonne aurait dû se retirer dès le temps qu'il était aux Italiens ; on peut juger que depuis cette époque, il n'a pas dû gagner".

• 1807, Paris : Il est toujours mentionné parmi les pensionnaires de l'ancien Théâtre italien.

• 8 juillet 1823, Creil [Oise] : Pierre Marie NARBONNE s'éteint à son domicile à l'âge de 72 ans. L'acte de décès n'indique pas sa profession. Il est dit veuf de Marie Sophie Victoire Prévost.

Mise à jour : 28 décembre 2021

Sources
An/ LL 232/33/1  ; Annales patriotiques et littéraires de la France, et affaires politiques de l’Europe, juillet 1793 ; C. Pierre, Histoire du Concert spirituel ; Campardon, Emile, 1837-1915, L'Académie Royale de Musique au XVIIIe siècle  ; Correspondance littéraire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot depuis 1753 jusqu'en 1790, édition de 1830 ; Costumes et annales des grands théâtres de Paris, 1789 ; F-Ad41/ G213 ; F-Ad41/G216  ; F-Ad60/ 1MI/ ECA045R2 ; F-Ad60/ 3E159/ 30 ; F-Ad60/ 5MI2150 ; F-Ad60/ G 2763 ; F-Filae/ Fonds Andriveau  ; F. Pillet, La nouvelle lorgnette des spectacles, 1801 ; F. de France d’Hézecques, Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI, 1873 ; François Henri Joseph Castil-Blaze, L'Académie impériale de musique [...], 1855 ; Gazette littéraire de l’Europe, janvier 1768 ; J. Cambry, Description du département de l’Oise, 1803 ; Jean Gourret, Nouveau Dictionnaire des chanteurs de l'Opéra de Paris, 1989 ; Journal de Paris, février 1789 ; Les Spectacles de Paris et de toute la France, 1792 ; Livrets imprimés ; Mercure de France, avril 1788 ; Mercure de France, déc. 1767 ; Mercure de France, janvier 1768 ; Mercure de France, nov. 1767 ; Mercure de France, nov. 1772 ; É. Baux, Notes et documents inédits sur l’Opéra-Comique et quelques-uns de ses artistes..., 1909 ; É. Campardon, Les comédiens du roi de la troupe italienne..., 1880 ; É. Campardon, L’Académie royale de musique au XVIIIe siècle..., 1884 ; É. M. J. Lepan, Histoire de l’établissement des théâtres en France…, 1807 ; Émile Campardon, Les Comédiens du Roi de la Troupe Italienne pendant les deux derniers siècles, 1970

<<<< retour <<<<