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Musique et musiciens d’Église dans le département de la NIÈVRE autour de 1790
Le Nivernais n’est pas une région française connue pour ses illustres musiciens. Nevers ne bénéficie que d’une courte notice dans le Dictionnaire musical des villes de province de François LESURE… Hormis le passage d’Annibal GANTEZ au XVIIe siècle, ou les débuts (à 14 ans) de l’organiste Louis MARCHAND, peu d’éléments figurent dans la chronique musicale du lieu, si ce n’est une importante activité à la cathédrale, durant l’époque médiévale. En 1790, nous sommes loin de ces splendeurs passées, et l’enquête montre une dissymétrie forte – au moins dans les sources – entre Nevers et les autres paroisses du département.
* * *
Le territoire
Le département de la Nièvre reprend en partie les limites du duché de Nivernais, avec une légère extension vers le nord-est. Ce territoire vallonné, bordé à l’ouest par la Loire, à l’est par le Morvan, a globalement la forme d’un quadrilatère, dont les limites suivent les directions cardinales. Fait original, les principales agglomérations se situent à la périphérie du département : Nevers (env. 11 000 hab.) au sud-ouest, La Charité-sur-Loire (env. 4 000 hab.) et Cosne-sur-Loire (env. 4 700 hab.), à l’ouest, Clamecy (4 900 hab. en 1801) au nord-est, Château-Chinon, Decize et Saint-Pierre-le-Moûtier au sud. La population totale de la Nièvre se situe entre 240 000 et 250 000 habitants à la fin de l’Ancien Régime, et il n’existe pas de données démographiques communales plus précises.
La ville de Nevers, relevant de la généralité de Moulins, est le siège de treize juridictions à la fin de l’Ancien Régime : Élection, grenier à sel, marque des fers, eaux et forêts royales, prévôté des maréchaux, consuls, subdélégation, police, bailliage et pairie, chambre des comptes, eaux et forêts ducales, officialité et chambre ecclésiastique. Le siège du duché de Nivernais est fortement marqué par les deux familles italiennes dont il fut successivement la possession : les Gonzague, puis les Mancini-Mazarini. L’influence des premiers fit s’installer à Nevers dès le XVIe siècle plusieurs industries de luxe, dont la réputation porta loin le nom de Nevers : la verrerie, l’émaillerie, et surtout la faïencerie. Les activités commerciales sont démultipliées par le trafic fluvial ligérien : le port est agrandi en 1740, pour répondre à l’intensité des besoins durant les périodes d’eaux « marchandes ».
La vie culturelle se concentre autour de l’enseignement dispensé par les Visitandines et les Ursulines, en complément du collège, plutôt en déshérence depuis l’expulsion des Jésuites. Sur le plan musical, on rencontre beaucoup d’instrumentistes militaires, car la ville est le lieu de casernement du Régiment de « Royal Piémont » durant la seconde partie du XVIIIe siècle. Une saison de bals est attestée, ainsi que le passage de troupes théâtrales, mais nulle société de concert n’y est créée sous l’Ancien Régime.
Les anciennes circonscriptions religieuses
Sur le plan religieux, Nevers est le siège d’un diocèse, légèrement moins étendu que le duché de Nivernais. Le nord de la Nièvre relève du diocèse d’Auxerre, tandis que le sud-est se rattache à celui d’Autun. La puissance du duché fait décliner avec le temps l’importance des pouvoirs temporels de l’évêque de Nevers. Néanmoins l’emprise religieuse sur la ville de Nevers demeure importante, eu égard à l’abondance des bâtiments cultuels : la ville est partagée en douze paroisses, ce qui lui a valu le sobriquet de « ville aux trente clochers », ou encore de « ville pointue », selon Sébastien Locatelli (prêtre bolonais, connu pour le récit de son voyage en France en 1664-65).
Nevers
• • • La cathédrale Saint-Cyr et Sainte-Julitte abrite le plus important lieu de musique d’Église du département. Son chapitre compte cinq dignitaires (un Doyen, un Grand Chantre, deux Archidiacres, un Trésorier) et 31 autres chanoines. Il dispose, selon le pouillé de 1760, d’un revenu annuel de 15 800 livres, l’équivalent du revenu de l’évêché, soit environ 7,11 % des revenus ecclésiastiques de l’ensemble du diocèse. Son bas chœur comporte sept semi-prébendés et deux chanoines non capitulants de la collégiale régulière de Saint-Gildard, ainsi qu’une musique. Selon l’état de paiement de la Noël 1790, cette musique se compose d’un maître de musique, un sous-chantre, un organiste et huit musiciens. Le nombre d’enfants de chœur n’est pas précisé, mais il semble s’élever à six de façon stable, si l’on se reporte au seul registre des décisions capitulaires disponible (1752-1765). Seuls trois d’entre eux réclament le paiement de sommes dues, après 1790.
Toutefois, la musique à la cathédrale n’est pas dévolue aux seuls membres du corps de musique. En février 1769, le service funèbre pour le repos de l’âme de feu monseigneur le duc de Nevers avait occasionné la rétribution « d’un maître de musique, de six bénéficiers musiciens, de six musiciens du bas chœur, de six enfants de chœur, et deux basses de violon ». Ainsi le service musical est réparti entre les musiciens et les semi-prébendés, dont l’appellation locale est « sept-prêtres ». Par exemple Jean-Baptiste SAINT-LOUP (1706 Ca-1779) est un ancien membre du concert de Moulins, et Gilbert TROUFLAUT (1736-1820) fut l’organiste de la cathédrale durant environ 25 ans ; tous deux étaient prêtres et semi-prébendés. D’autre part Claude Marie BONNOT (1728 Ca-1807), contre (chanteur au registre grave) de la cathédrale à ses débuts, accéda à la prêtrise avec l’aide du chapitre, et obtint le titre de custode (chargé de la garde des vases sacrés, reliquaires et des joyaux du trésor), puis de sacristain. Ce dernier signe d’ailleurs la pétition des «chantres et musiciens» de 1791. Des organistes ou maitres de musique accèdent au canonicat : l’organiste Gilbert TROUFLAUT, le maître de musique FERRAND deviennent chanoines de Saint-Gildard. Sans doute existe-t-il d’autres exemples, qui ne nous permettent pas d’établir avec précision l’effectif de ce corps de musique : on y trouve environ une douzaine de musiciens, pour moitié bénéficiers et pour moitié laïcs, régulièrement renforcés par des gagistes de passage.
• • • Outre la cathédrale, d’autres lieux de musique beaucoup plus modestes ont été identifiés à Nevers. En premier lieu, l’abbaye Saint-Martin, entrée en 1629 dans la congrégation de Sainte-Geneviève ; alors qu’en 1676 elle comptait 15 religieux dont un convers et deux prieurs-curés, il n'y avait plus en 1790 que quatre religieux et quatre prieurs-curés. Le corps de musique est réduit : nous y retrouvons alors Jean Claude LORIN (1751-1812), par ailleurs organiste de la cathédrale, ainsi que deux chantres, Mathurin CASSIAT (1751-1798) et Nicolas Augustin BOUCHET (1747-1806 ap).
D’autre part, la présence d’un jeu d’orgues est attestée à l’abbaye bénédictine Notre-Dame : vendu durant la Révolution, il est installé ensuite dans l’église Saint-Jacques de Cosne-sur-Loire. Nous ignorons l’identité de la religieuse qui le touchait.
Enfin, les chantres des paroisses Saint-Trohé, Saint-Arigle et Saint-Victor ont été identifiés. On retrouve parfois ainsi des musiciens de la cathédrale qui cumulent plusieurs emplois. Après la réorganisation des paroisses de la ville en 1792 (il n’en subsiste plus que 3), un organiste et deux chantres sont attestés paroisse Saint-Étienne.
Il semble important d’ébaucher une brève typologie des musiciens d’Église neversois en 1790. On rencontre :
- Des musiciens toujours présentés comme tels dans les registres paroissiaux, pour partie originaires de la ville, pour partie arrivés en Nivernais au terme d’une itinérance. Les non-originaires peuvent venir de relativement loin (Nicolas Augustin BOUCHET d’Orléans, Pierre Louis MERCIER de Beauvais, Augustin Théodore PETITPRÉ de Saint-Omer), mais le nombre de postes occupés auparavant reste faible. Nous n’avons aucun "itinérant compulsif" parmi le personnel identifié.
- Des musiciens originaires de Nevers, en place durant une longue période, parfois occupant des postes-clé (jusqu’à celui de maître de musique), mais néanmoins quasiment toujours qualifiés dans les registres paroissiaux d’une autre profession. En particulier « marchand » (François ROBELIN) ou des métiers liés à la faïence (Mathurin CASSIAT, Simon ROBERT).
Quelques liens entre Nevers et d’autres lieux de musique sont à noter :
- Avec la ville de Beaune, d’où est originaire François ROBELIN, où va se marier Claude ROUEN, musicien, fils d’un sous-chantre de la cathédrale.
- Avec la ville de Bourges, où quelques Nivernais exercent un temps.
Pour des raisons inconnues, on trouve peu de traces des musiciens neversois aux archives nationales, en série D XIX. Leurs pétitions, suppliques, reconstitutions de carrières sont essentiellement conservées aux archives départementales et, fait notable et relativement peu fréquent, aux archives municipales.
Les autres lieux de musique
En dehors de la capitale de la province, les effectifs musicaux sont beaucoup plus disséminés. Cela tient sans doute à un effet de sources : faute de centralisation concernant les démarches entreprises par les musiciens après 1790, c’est l’investigation locale qui permet de découvrir quelques preuves de musique dans des églises nivernaises. Il est en effet très étonnant de ne posséder aucun dossier de pension hors de la ville de Nevers. Ces musiciens-là sont-ils trop jeunes, ou se sont-ils reconvertis sans dommage ? Ou bien leurs dossiers ont-ils atterri dans des dépôts municipaux peu accessibles et encore peu explorés ?
Une seule ville mérite une présentation plus détaillée : Clamecy, largement hors de l’influence neversoise, n’appartient pas au Duché de Nivernais. Son activité commerciale, contrairement aux autres villes d’importance du département n’est pas liée au trafic ligérien, mais se concentre autour du flottage des bois du Morvan, sur l’Yonne. Dépendant du diocèse d’Auxerre, cette cité abrite aussi l’évêché de Bethléem, sans corps de musique en 1790. Le principal établissement de la ville est la collégiale Saint-Martin, qui emploie un organiste, un serpent, un chantre ; le chantre-curé est un dignitaire, titulaire d’un bénéfice.
La collégiale Sainte-Eugénie de Varzy (diocèse d’Auxerre, 8 chanoines, 11 prébendes) dispose en 1790 d’un bas-chœur composé de quatre chapelains, un sous-chantre, un sacristain et quatre enfants de chœur. Nous ne connaissons que l’identité du chantre, dignité donnant droit à deux prébendes, et du sous-chantre. Le fonds musical de cette collégiale (cantiques spécifiques à Sainte-Eugénie, éléments sur le déroulement des offices et les modalités du chant) conservé aux archives départementales de la Nièvre est d’une grande richesse. Dans la même ville, la paroisse Saint-Pierre emploie deux chantres en 1788.
Les moyens musicaux de la collégiale Saint-Laurent de Cosne (diocèse d’Auxerre, 3 chanoines) nous sont inconnus, seul le chantre-curé, dignitaire, est identifié pour 1790. On sait qu'il y existait a minima une sorte de psallette puisqu'au moins deux musiciens actifs ailleurs en 1790 déclarent en être issus : les frères Jean et Marin BARON y furent enfants de chœur dans les années 1760 et 1770. L'un d'eux y joua également du serpent. Pour les collégiales Saint-Caradeu de Donzy (diocèse d’Auxerre, 5 chanoines), Saint-Léger de Tannay (diocèse de Nevers, 10 chanoines), de Cervon (diocèse d’Autun, 11 chanoines réguliers), de Ternant (diocèse d’Autun, 1 chanoine), et Notre-Dame de Saint-Pierre-le-Moûtier (diocèse de Nevers, réduite à son doyen), nous n’avons aucun élément.
* * *
Ce paysage un peu désolé est sans doute trompeur : comment imaginer que des villes comme Decize, Cosne-sur-Loire, La Charité-sur-Loire (et son prieuré bénédictin Notre-Dame), enrichies par le commerce fluvial, puissent être démunies de musique à l’office ? Il en est de même pour Saint-Pierre-le-Moûtier, siège d’un présidial. Des investigations complémentaires méritent d’être menées localement, et l’état actuel des résultats de l’enquête est susceptible d’être amendé.
Quelques chantres de village ont été identifiés, leurs biographies sont succinctes ; néanmoins on pourra s’arrêter sur les détails du contrat d’engagement de Jean CLERT comme chantre-recteur d’école à Alligny-en-Morvan, en 1790.
Au total, ont été identifiés à l’heure actuelle une trentaine de musiciens répartis en un peu plus d’une douzaine de lieux de musique. Cet inventaire est largement dominé par la puissance neversoise, mais il semble probable qu’il puisse être complété quelque peu quant aux villes moyennes du département à la lumière d'investigations complémentaires.
Jean-François « Maxou » HEINTZEN,
CHEC, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand (mai 2014)
Mise à jour : 13 juin 2019
Le travail sur les musiciens de ce département a bénéficié des apports de
Bernard Dompnier, Sylvie Granger & Isabelle Langlois.
Cartographie : Isabelle Langlois (CHEC, Université Clermont-Auvergne)
>>> Si vous disposez de documents ou d’informations permettant de compléter la connaissance des musiciens anciens de ce département, vous pouvez signaler tout élément intéressant ICI.
Nous vous en remercions à l’avance.
L’amélioration permanente de cette base de données bénéficiera à tous.
Les lieux de musique en 1790 dans la Nièvre
Les lieux de musique documentés pour 1790 dans le département sont présentés par diocèses et par catégories d’établissements : cathédrale, collégiales, abbayes, monastères et couvents, autres établissements (par exemple d’enseignement, de charité…), paroisses (ces dernières selon l’ordre alphabétique de la localité au sein de chaque diocèse).
Diocèse de Nevers
- Cathédrale
- NEVERS, cathédrale Saint-Cyr et Sainte-Julitte
- Abbayes, monastères et couvents
- NEVERS, Abbaye bénédictine Saint-Genest et Notre-Dame (femmes)
- NEVERS, Abbaye génovéfaine Saint-Martin
- Églises paroissiales
- NEVERS, église paroissiale Saint-Arigle
- NEVERS, église paroissiale Saint-Étienne
- NEVERS, église paroissiale Saint-Trohé
- NEVERS, église paroissiale Sainte-Croix
Diocèse d’Autun
- Églises paroissiales
- MOUX-EN-MORVAN, église paroissiale Saint-Denis
- ALLIGNY-EN-MORVAN, église paroissiale Saint-Hilaire
Diocèse d’Auxerre
- Collégiales
- Églises paroissiales
- ENTRAINS-SUR-NOHAIN, église paroissiale Saint-Sulpice
- VARZY, église paroissiale Saint-Pierre
Pour en savoir plus : indications bibliographiques
La bibliographie concernant les musiciens de 1790 en Nièvre est quasi-inexistante. Seuls quelques travaux d’érudits des XIXème et XXème siècles les évoquent et, hormis le personnage du chanoine TROUFLAUT, nul musicien d’église n’a eu les honneurs d’un travail monographique.
- François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris Klinksieck, 1999, pages 229 & 230.
- Jean-Marc BAFFERT, «Deux organistes amis de Rousseau : Jean-Joseph Palais, Gilbert Trouflaut», Dix-huitième siècle, 25, 1993, pages 493 à 502.
- Nancy VAN DEUSEN, Music at Nevers Cathedral : Principal Sources of Medieval Chant, Institute for Medieval Music, Binningen, Switzerland, 1980, 2 vol.
- Guy FLORENTY, Une capitale provinciale et sa population, Nevers au XVIIIe siècle, Atelier nivernais d’archives vivantes, 1991, 379 pages.
-
Chanoine J. CHARRIER, Histoire religieuse du département de la Nièvre pendant la Révolution, Paris, Guitard, 1926, 382 + 416 pages.
En particulier tome II, pages 237 & sq. : « État du personnel des chapitres, collégiales et congrégations religieuses tant d’hommes que de femmes dans le département de la Nièvre, au moment de leur suppression en 1790, avec la date de nomination ou de profession des sujets et le montant des revenus de chaque maison ». - Jean BATTEUX (Abbé), « Les orgues et les organistes dans la Nièvre », Mémoires de la société académique du Nivernais, t. LXII (1980), pages 13 à 20, tome LXIII (1981), pages 61 à 72, tome LXIV (1982), pages 49 à 57, tome LXVI (1984) pages 129 à 138.
- Association d'étude pour la coordination des activités régionales musicales (ASSECARM), Inventaire des orgues de Bourgogne, tome 1, Côte-d'Or, Nièvre, Dijon, Direction Régionale des Affaires Culturelles, 1986.
Bibliographie élaborée par J.-F. Maxou Heintzen
(mai 2014)