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SIMON, Louis, à La Fontaine-Saint-Martin (1741-1820)
Complément de nom : à La Fontaine-Saint-Martin
Date(s) : 1741-3-11 / 1820-5-21
Né en 1741, mort en 1820, donc "né sous Louis XV et mort sous la Restauration", selon la formule d'Anne Fillon, Louis Simon a écrit le récit de sa vie en 1809. Étaminier, c'est-à-dire tisserand de laine fine, il est né et mort villageois, ce qui est rarissime parmi les mémorialistes dont les écrits ont été conservés. Par la plume de Louis Simon écrivant ses souvenirs, on peut entendre la voix directe d’un homme du peuple.
Or il se trouve que cet homme fut aussi musicien et chanteur. Chantre d'Église depuis sa jeunesse, il chantait toujours au lutrin paroissial lorsque la Révolution survint.
La Fontaine-Saint-Martin est un village d'environ 400 habitants (424 en 1761), situé un peu à l'écart de la route royale 23 du Mans à La Flèche, approximativement à mi-chemin entre ces deux villes. C'est un village sans école, mais où est implanté un important prieuré de bénédictines (ce qui entraîne une certaine ouverture vers l'extérieur). Ce prieuré est doté d'un orgue, dont on connaît les deux dernières organistes, Marie-Ursule GAIGNOT et Marie-Anne DUCLOS.
• [Vers 1732 environ], La Fontaine-Saint-Martin [Sarthe] : À l'âge de 11 ans, son père, Louis François SIMON, qui est fils du sacristain, chante "la messe tout seul au pupitre".
Son grand-père, Pierre Simon, sacristain, est-il lui-même chantre ? Il existe un doute à ce sujet : le propre père de Pierre, Michel Simon (arrière-grand-père du mémorialiste), était "fameux chantre d'église" et savait lire et écrire, mais, mort trop jeune, il n'avait pu transmettre tous ses savoirs à son fils. Pierre Simon restera analphabète. Chantait-il cependant ?
La chaine du savoir se renoue grâce au curé : voyant que le fils de son sacriste "avait de l'esprit", il lui enseigne la lecture, l'écriture, l'arithmétique et le plain-chant. Louis-François Simon est le (futur) père de Louis SIMON.
• 11 mars 1741, La Fontaine-Saint-Martin : Louis SIMON naît deux mois après le mariage de ses parents, Louis-François Simon, "étaminier", et Anne Cureau.
"Louisot" SIMON grandit en petit-fils du "sacriste" du village, et fils de l'un des chantres du lutrin paroissial.
• [Vers 1748] : Quand il a "eu un peu de Raison", soit sans doute vers l'âge de 7 ans, le père de Louis SIMON commence à enseigner ce qu'il sait à son fils, d'abord la lecture, puis un peu plus tard l'écriture, l'arithmétique et le plain-chant. Son grand-père étant toujours "sacriste", l'enfant est "obligé d'aller chanter étant fort jeune". Il débute avec les vieux livres de chant datant du XVIe siècle.
En 1750, sont gravés et imprimés de nouveaux livres de chant réformés par l'évêque qui "y fit de grands changements, tant sur le chant que sur le bréviaire".
• [Vers 1756] : Vers l'âge de quinze ans, Louis se met au métier d'étaminier. Il travaille avec son père "dans la même boutique", et devient "bon ouvrier".
[Peu après] sa voix d'homme se forme, elle est "assez forte". Le chapelain du couvent, M. GUIARD, qui est "très savant chantre", lui propose alors de l'aider à se "perfectionner sur le chant". Louis accepte, "quoique cela ne put pas me servir beaucoup".
• De fin juillet au 29 octobre 1763, il tente une amorce de tour de France (Nantes, Rennes, Paris, Beauvais, Amiens, Arras), mais fait assez vite demi-tour pour rentrer en droite ligne à la maison avant l'hiver (Paris, Versailles, Chartres, Nogent-le-Rotrou, Le Mans…). Le dimanche de son retour, sa sœur de 19 ans est seule à la maison, chantant des chansons nouvelles.
Après avoir rendu visite à ses amis, le jeune homme se remet à faire de l'étamine. Il reprend ses leçons de plain-chant avec le chapelain du prieuré. Son temps de loisir est occupé à lire "tous les livres" qu'il peut se procurer, et "à jouer des instruments de musique". Il joue notamment du violon aux fêtes et aux veillées du dimanche "pour faire danser la jeunesse". Il joue également du fifre et de la vielle à roue (sans doute celle que possède le curé du village, mentionnée ultérieurement par l'inventaire après-décès de celui-ci). Louisot commence à "faire la sacristie" à la place de son grand-père vieillissant.
• [1765-1766], La Fontaine-Saint-Martin : Durant la période de sa fréquentation amoureuse de la belle Nannon (Anne Chapeau, arrivée au prieuré, pour y être servante tourière, le 24 juin 1765), Louis SIMON continue à prendre des leçons de chant "toutes fêtes et dimanches", en compagnie de deux autres villageois, FOURNIER et Michel PAGEOT (couvreur en ardoise), dans la chambre du chapelain à l'étage du pavillon d'entrée du prieuré (côté droit quand on arrive). Cette formation durait encore en janvier 1766.
La fin de sa formation peut être plus précisément située au moment où le chapelain Guiard quitte le prieuré "pour être chanoine au Mans", vers mai-juin 1766.
• 24 janvier 1767, La Fontaine-Saint-Martin : Le mariage de Louis SIMON et d'Anne Chapeau est célébré. Le surlendemain, la jeunesse du bourg vient danser : "on fit plusieurs danses à la fois car il y avoit trois violons".
• Louis SIMON a continué à chanter à l'église au moins jusqu'à la Révolution, où il dit que sa voix s'"affaiblit". Probablement a-t-il malgré tout chanté au lutrin jusque vers la fin de sa vie.
À la veille de la Révolution, il est le dernier syndic de la paroisse. De 1790 à 1792, il en devient le premier maire. Il reste ensuite membre du Conseil municipal et greffier de la Municipalité. Acheteur de biens nationaux, il est menacé de représailles par les chouans.
• 5 avril 1803, La Fontaine-Saint-Martin : "Enfin le jour fatal de notre séparation arriva par le décès de ma chère amie". Anne Chapeau, la chère épouse de Louis Simon, s'éteint d'une "malheureuse hydropisie de poitrine".
• 1805-1806 : La dernière organiste du prieuré, Marie-Anne DUCLOS, restée à La Fontaine Saint-Martin après la fermeture de son couvent, tombe amoureuse de Louis Simon après son veuvage. Il se plait en sa compagnie, dit-il, "parce quelle avait de l’esprit et qu'elle avait fréquenté le grand monde étant organiste au couvent". De plus, il lui sert d'homme d'affaire dans un procès. Elle espère qu'il va la demander en mariage, mais "un de mes amis me débarrassa" écrit-il : le mariage de Marie-Anne Duclos avec Vincent Chédieu est célébré le 27 janvier 1807.
• 28 août 1808, La Fontaine-Saint-Martin : Le décès de Marie-Anne DUCLOS, survenu la veille, est déclaré à la mairie par Louis SIMON, qui signe l'acte.
• 1809 [et peut-être 1810] : Louis Simon rédige, assez rapidement, les 60 premières pages de son manuscrit, qui constituent le récit de sa vie. Un peu plus tard, sans doute vers 1812-1814, il y ajoute des "Conseils", puis ensuite jusqu'à sa mort diverses informations d'ordre plus généraliste. Certaines d'entre elles s'intéressent de près à l'histoire de la liturgie et aux aménagements réalisés dans l'église paroissiale au lendemain de la Révolution.
• Novembre 1818 : À l’occasion de la cérémonie qui célèbre l’exhumation en mars précédent d’un sépulcre en pierre de roussard contenant des ossements humains qui furent aussitôt attribués au bienheureux Démétrius, fondateur légendaire du village, Louis Simon écrit et chante, seul, un long poème racontant la vie de Démétrius. Il avait donc conservé sa voix, quoiqu'il en dise.
Le baron de Wismes en 1861, donc plus de quatre décennies plus tard, qualifie Louis Simon de "barde indigène" : "…la légende mérovingienne de Saint Démétrius que le père Simon de La Fontaine St-Martin, barde indigène, a mise en lignes rimées, il y a près de quarante ans, et qu’au détour d’une ferme on peut encore entendre chanter sur l’air de Judith par un pâtour caché sous une truisse feuillue"...
• 21 mai 1820, La Fontaine-Saint-Martin : Le décès de Louis SIMON, survenu à dix heures du matin, est déclaré le lendemain par son fils Paul et son gendre, Jean Le Veau, tous deux qualifiés de "propriétaires". Aucun des nombreux métiers et fonctions du défunt n'est indiqué dans l'acte : il est dit "veuf d'Anne Chapeau, âgé de 79 ans, né en cette commune, fils de Louis Simon et d'Anne Cureau".
Aujourd'hui la maison de jeunesse de Louis SIMON se visite à La Fontaine-Saint-Martin sur rendez-vous, ainsi bien entendu que l'église où il chanta si longtemps. Pour tout renseignement : http://www.amisdelouissimon.fr/
• • • Bibliographie :
• Anne Fillon, Louis Simon étaminier, 1741 - 1820, dans son village du Haut-Maine au Siècle des Lumières, Thèse Doctorat Histoire, Université du Maine, sous la dir. de Jean-Marie Constant, 1982, Le Mans, 2 vol., 655 pages [avec publication de la transcription exacte du manuscrit dans sa version originale].
• Anne Fillon, Louis Simon, villageois de l'ancienne France, Rennes, Ouest-France, 1996, 342 pages [avec publication du texte du manuscrit, intégral mais modernisé].
• Sylvie Granger et Benoît Hubert, Souvenirs d’un villageois du Maine, Louis Simon (1741-1820), édition augmentée et annotée, à partir du texte original établi et commenté par Anne Fillon (1982 et 1996), préface de Pierre Chaunu (1996), PUR, collection Mémoire Commune, 2016, 548 pages (dont 36 planches couleurs).
Mise à jour : 7 octobre 2019