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Pour citer Muséfrem
MALLET, Anne Flore Suzanne (1745-1817)
Date(s) : 1745-2-17 / 1817-3-24
Anne-Flore MALLET est le parfait exemple des femmes musiciennes que l'enquête Muséfrem fait peu à peu sortir de l'ombre. Fille, nièce, sœur, belle-sœur, cousine d'organistes, organiste elle-même, elle voit son destin professionnel et personnel considérablement infléchi par la Révolution qui lui fait perdre sans recours son poste d'organiste dans une abbaye bénédictine, poste qu'elle avait occupé durant un quart de siècle.
• 17 février 1745, Évreux : Anne-Flore Suzanne MALLET [peut-être née la veille ?] est baptisée paroisse Saint-Nicolas. Elle est la fille de Louis-Jacques MALLET, organiste de la cathédrale, et de Suzanne Juglet, qui se sont mariés à Honfleur un an auparavant. Son parrain est Louis-Jacques THIAU, le maître de musique de la cathédrale. On sait par ailleurs que son oncle paternel Robert-Alexandre MALLET est lui aussi organiste, alors en poste à Honfleur (il est aussi attesté à Rouen et Montivilliers notamment). La fille de cet oncle, cousine germaine d'Anne-Flore, donc, Marie-Rosalie MALLET, deviendra elle aussi organiste.
On peut penser qu'Anne-Flore et sa sœur Anne Aimée sont formées à l'orgue par leur père, qui après Évreux occupe divers postes, dont celui de la cathédrale du Mans.
L'organiste du Mans Michel BOYER écrira plus tard à son sujet : "L’ancien organiste de la cathédrale avait transmis son talent à sa fille".
• [Vers 1765 ou 1767] Le Mans : Anne [Flore] MALLET devient organiste à l'abbaye bénédictine Saint-Julien du Pré au Mans. À peu près à la même période, vers fin 1765 ou début 1766, son père Louis-Jacques MALLET devient organiste de la cathédrale St-Julien, succédant à Guillaume LE BOURDAIS, décédé en septembre 1765. Qui a le premier obtenu un poste au Mans, le père ou la fille ?
Sa jeune sœur Anne Aimée est quant à elle restée à Dreux, ou elle a succédé à leur père à la tribune de l'église Saint-Pierre. En 1772 elle y épouse un organiste, Jean Noël CHAILLOU, lui-même fils d'organiste.
• [Vers 1783-1785], Le Mans : Son père Louis-Jacques MALLET devient peu à peu infirme. Ce n'est pas elle qui le supplée, mais un amateur, le marquis de Flers, avant qu'il ne soit remplacé provisoirement par Michel BOYER, de fin juin 1785 à mi décembre 1785, et enfin par René COINDON, à partir de février 1786. Son père meurt au Mans le 22 juin 1786.
• [1790], Le Mans : Anne-Flore MALLET est toujours organiste de l'abbaye bénédictine Saint-Julien du Pré, elle déclare occuper ce poste "depuis 25 ans" (soit depuis 1765 environ, mais le chiffre total de ses années de service a peut-être été arrondi) et toucher 300 livres de gages annuels plus le casuel. Elle est mentionnée dans la liste des religieuses de l'abbaye du Pré adressée au Comité ecclésiastique (en réalité elle n'est pas religieuse, mais "affiliée" à l'abbaye). Elle adresse une supplique aux administrateurs du district du Mans afin d'obtenir un traitement, une pension ou une gratification.
• 14 janvier 1791, Le Mans : Les administrateurs du district estiment qu'il faut lui accorder une pension viagère de 100 livres étant donné qu'elle n'a d'autre ressource pour vivre que son état.
• 25 janvier 1791, Le Mans : Le directoire du département de la Sarthe examine sa demande en même temps que celles de sept autres musiciens, Nicolas BESNARD, Nicolas BOUTELOU, Joseph DORIZE, Pierre GOUPIL, François MARC, François PRÉVOST et une autre organiste femme, Françoise Adélaïde VEIMRINGER. Il accorde à la delle MALLET un premier mandat de 56 livres 5 sols, à titre de provision alimentaire.
• [Courant 1794], Le Mans : Un état administratif la dit organiste, touchant une pension de 300 livres… et la qualifie de "paisible", c'est-à-dire non impliquée dans les luttes politiques.
• Octobre 1794, Le Mans : Anne-Flore MALLET publie dans la presse une annonce proposant de prendre des fillettes en pension et de leur enseigner la musique. Elle s'est installée rue de l'Union, dans le tout nouveau quartier en cours de lotissement du champ des casernes [vers l'actuelle rue Auvray].
• Novembre 1794, Le Mans : Elle met en vente un beau et grand clavecin à ravalement et piano.
• En frimaire an VI (novembre-décembre 1797) : Le recensement mentionne une certaine “MÉRELLIN [ou MÉRETTIN], fille, 55 ans, organiste à la cy devant abbaye du Pré, pauvre” vivant chez la veuve Ranvoisé, 70 ans, fileuse et propriétaire, à la Croix Herreau, rive droite. Or à la même adresse en messidor an VIII (juin-juillet 1800) vit une Anne MÉRÉTIN, sans état, 51 ans : sans doute est-ce la même personne lors des deux recensements.
Malgré la relative similitude des âges et le titre d'organiste à l'abbaye du Pré qui lui est appliqué (erreur, confusion ?), il ne peut pas s'agir d'Anne-Flore MALLET qui, au même moment, est toujours domiciliée rue de l'Union.
• Été 1800, Le Mans : Anne-Flore MALLET, 55 ans, est recensée rue de l'Union, avec sa mère, Suzanne Juglet, institutrice, âgée de 78 ans et dite "depuis 33 ans au Mans" (soit depuis environ 1767), et avec la veuve Fontaine, 67 ans, "leur aide" (recensement an VIII). Ces indications professionnelles ténues montrent que sans doute les trois femmes continuent à tenir un petit pensionnat comme annoncé en octobre 1794.
• • •
• 24 mars 1817, Sainte-Croix [commune limitrophe du Mans, qui sera ensuite absorbée par la ville] : Anne MALLET meurt à l’hospice des incurables. Son ancien état professionnel n'est pas indiqué.
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Sylvie Granger, « Femmes organistes en Sarthe au temps de la Révolution », La Vie Mancelle et Sarthoise, n°431, octobre 2013, p. 16 à 20.
Mise à jour : 13 mars 2019