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PICARD, François Étienne (1752-1841)
Autre(s) forme(s) du nom : PICART
Date(s) : 1752-3-11 / 1841-4-12
Le parcours professionnel de François Étienne (ou Étienne François) PICARD est loin d'être linéaire et gagnera à s'enrichir des recherches Musefrem à venir en région parisienne. Il est originaire de Mantes, ex-diocèse de Rouen [puis Seine-et-Oise et actuellement Yvelines]. Il fait partie d'une famille de musiciens. Après avoir suivi son père clerc et maître d'école à Paris il a commencé à vicarier vers l'Ouest. Chanteur basse-contre exceptionnel, il est engagé alternativement par les cathédrales d'Angers, Nantes, s'en retourne quelque temps à Paris où il retrouve son frère Jacques Bon PICARD avant de se fixer définitivement à Nantes. Montagnard pendant la période révolutionnaire, il est connu après 1790 comme pensionnaire de l’État, instituteur, artiste peintre et ce jusqu'à son décès. L'homme qui pourrait sembler instable au début de son parcours s'avère fidèle dans ses amitiés.
• 12 mars 1752, Limay [Yvelines] : François PICARD est porté sur les fonts baptismaux le lendemain de sa naissance paroisse Saint-Aubin de Limay. La bourgade bien qu'à 55 km de Paris dépendait alors du diocèse de Rouen, et était toute proche de Mantes. Après 1790, elle a été rattachée à la Seine-et-Oise puis actuellement au département des Yvelines.
Les parents du baptisé sont François PICARD maître d'école et Elizabeth Sauversy ; la marraine est une sœur aînée, Marie Madeleine, le parrain un dénommé Étienne Mansion. Père, parrain et marraine sont signataires de l'acte. Les registres paroissiaux de Limay mentionnent régulièrement François PICARD père comme "clerc" le positionnant implicitement comme chantre. Ceci expliquerait la future installation de la famille à Paris La Ville l'Évêque.
• La période de formation de François Étienne s'est probablement effectuée sous le regard attentif de son père à Saint-Aubin de Limay, aux côtés de son frère cadet Jacques Bon[aventure] (né en 1754) et son demi-frère plus âgé Louis Pierre (né en 1737), puis à Paris où il a pu commencer sa carrière. Cela reste à documenter tout comme son parcours antérieur à 1768. Gageons que le maillage Muséfrem parisien permettra de clarifier cette période encore obscure.
• [1767-1768, Paris] : Selon le récapitulatif de carrière transmis par PICARD au département de Loire-Inférieure en 1792, il aurait débuté sa carrière vers 1767-1768, probablement à Paris.
• 10 février 1768, Angers [Maine-et-Loire] : PICARD, basse-contre, venu de Paris pour chanter cathédrale Saint-Maurice d'Angers reçoit 24 lt de débours pour son voyage et les quelques jours où il a chanté.
• 20 novembre 1772, Paris : Son père, François PICARD, clerc et maître d'école, qui était probablement chantre de la paroisse de St-Jacques, St-Philippe du Roule, La Ville-L'Évêque, décède à Paris.
• 1775-1776, Nantes [Loire-Atlantique] : D'après l'Almanach du commerce, des arts et métiers de la ville de Nantes pour ces deux années, un PICARD réside "près le bon-pasteur". Il est classé dans la rubrique des "Musiciens" mais sans plus de précisions sur son état. S'agit-il de François-Étienne ?
• [octobre] 1775, Nantes : Selon l'érudit Mellinet, PICARD, aurait été reçu une première fois basse-contre cathédrale Saint-Pierre appointé 700 lt ce que corrobore le journal des dépenses de la bourse. En effet, ses débours de 42 lt pour frais de voyage lui sont remboursés le 27 septembre. Il ne s'attarde cependant pas en pays nantais et rejoint Angers.
• 8 juillet 1776, Nantes : En compagnie de Charles MATOULET, ex-maître de musique de la cathédrale Saint-Pierre, Étienne-François PICARD est témoin au mariage de l'un des chantres de la cathédrale Philibert GAUDRION célébré en l'église paroissiale Saint-Clément, avec une jeune fille nommée Marie-Madeleine Legris.
• 23 septembre 1776-[1778], Angers : Au lendemain de la saint Maurice, fête majeure de la cathédrale, le chapitre engage Étienne-François PICARD, musicien basse contre "que Messieurs ont mandé de Nantes". Il avait été invité pour étoffer les effectifs musicaux pour la fête. Le chapitre lui verse 24 livres correspondant à ses frais de voyage et prestations puis l'engage comme "psalteur" [chantre] contre des gages de 60 livres par mois "non en titre".
• 29 juillet 1777, Angers : Étienne-François PICARD, musicien originaire de "Limay de la ville de Mantes, archevêché de Rouen", de droit "de la paroisse de Saint-Jacques de Saint-Philippe du Roule de Paris de droit, et [de fait] de celle de Saint-Evroult" épouse Louise Marie Lechalas, angevine de la paroisse Saint-Laud, née en 1739 et dont les parents sont décédés. Étienne François a perdu son père en 1772 et reçoit le consentement de sa mère par voie notariée. La cérémonie se tient Notre-Dame de Lesvière, paroisse annexe de La Trinité située outre-Maine, faubourg de la Doutre, siège de la puissante abbaye de femmes du Ronceray. PICARD signe l'acte de mariage ainsi que son épouse.
• 6 décembre 1777, Angers : Un premier enfant vient au monde dans la famille Picard, un peu plus de quatre mois après le mariage. Il s'agit de Françoise Louise Charlotte.
• 3 février 1779, Paris : Étienne-François PICARD s'est réinstallé à Paris paroisse de la Madeleine-Ville l'Évêque où il est probablement chantre. Une fille, Adélaïde-Françoise, y est baptisée. La date de son départ d'Angers n'est pas connue, peut-être en 1778 qui correspond au mariage de son frère cadet Jacques Bon, dit Bonaventure (20 juin 1778) .
• [1780-1783], Nantes : Le séjour parisien de François-Étienne PICARD semble bref car dès 1780 il revient à Nantes tout en renouant des liens avec le chapitre Saint-Maurice d'Angers qui le sollicite pour la fête de la Saint-Maurice.
• 6 juin 1783, Nantes : Étienne-François PICARD est reçu en qualité de "choriste" chantant la basse-contre à la cathédrale Saint Pierre. Ses appointements sont identiques à ceux des autres choristes. Il recevra sur les 700 lt d'appointements convenus la somme de 550 lt en pension viagère, outre les gains et distributions du chœur. En contrepartie, PICARD s'engage à respecter les pratiques musicales du chapitre à savoir "chanter en plain-chant, sur le livre, la musique, la psalmodie". Le chapitre se réserve en outre le droit de "le congédier lorsqu'il le jugera à propos".
Il est difficile de citer les "choristes" sans évoquer le long procès ayant opposé les chanoines au bas chœur entre 1767 et 1788. La discorde est née consécutivement à la réorganisation des chapellenies mises en régie par le chapitre dans une « bourse commune ». De plus en 1767, le chapitre unit deux sociétés dédiées aux bénéficiers à la mense capitulaire au lieu de les porter à la bourse. C’est un pas de trop qui met le feu aux poudres. L'engagement d'Étienne François PICARD intervient donc dans un contexte conflictuel.
Si la démarche marque la volonté du chapitre d'embellir la musique en multipliant les critères d'exigence, elle représente un surcoût. Le chapitre l'a anticipé en réorganisant les chapellenies, mises en régie dans une "bourse commune". Tel est l'objet de la discorde et du long procès opposant chapitre et bas chœur entre 1767 et 1788.
Le bas chœur des clercs, représenté par les maires chapelains, sous-chantres, diacre et sous-diacre, "s'estimant spolié" fait front, s'organise et porte l’affaire devant le Parlement de Rennes. Le chapitre est finalement débouté après des années de procédures.
Ce remaniement en affectant les distributions de chœur touchait indirectement les « choristes », c’est-à-dire les musiciens laïcs dont une partie de la rémunération était constituée d’une rente viagère. Le maître de musique CAPPA-LESCOT et les musiciens DONON, JOLY, PICARD, ne participent pas à la procédure. Ils ne manqueront cependant pas de faire valoir leurs droits « d’ex-bénéficiers » en 1792 et 1801.
• 23 septembre 1783, Angers : E.F. PICARD, chantre passant, chante à la cathédrale d'Angers à l'occasion de la Saint-Maurice. Il reçoit "24 lt pour lui et 12 francs pour une basse-taille qui l'a accompagné".
• 23 septembre 1783, Nantes : Alors qu'il reçoit le même jour son dû pour service rendu à Angers, le chapitre de la cathédrale de Nantes, soucieux de s'attacher PICARD, s'engage à lui servir à vie, à titre de retraite, une pension viagère de 550 lt. Leur choriste bénéficie d'une réputation hors pair : " basse-contre de Paris, qui s'annonce comme une des plus fortes voix dans son genre". Le même jour est reçu sous-diacre Jacques Joseph RIVIÈRE qui doit se perfectionner en chant.
• 30 septembre 1785, Nantes : Les Affiches générales de Bretagne publient un avis d'un sieur PICARD, peintre en pastel pour le portrait demeurant Cours Saint-André qui propose ses services exerçant donc une activité complémentaire à celle de musicien. Compte tenu de la reconversion ultérieure d'Étienne-François PICARD, il a utilisé ses talents avant 1790 et pourrait être l'artiste cité.
• En 1790, le corps de musique de la cathédrale Saint-Pierre, placé sous l’autorité du maître de musique François CAPPA-LESCOT, est constitué de deux haute-contre Vincent Pierre GAUTIER et François Jude MÉRY, une haute-taille Joseph JOLY, deux basse-taille Henry François DOUVILLE et Vincent LA MARRE, trois basses-contre, Étienne François PICARD et Jean-Baptiste DONON, et HUBERT, deux serpents/basse-taille Jean GILET, Pierre RAGUENEAU – ce dernier jouant également du basson. Deux musiciens symphonistes sont employés régulièrement par le chapitre, à savoir les sieurs JULIEN et Laurent MARIE. L’organiste Denis JOUBERT est quant à lui maître de sa tribune.
Quatre maires-chapelains étoffent le chant à savoir Urbain MABILLE, Charles CHAUVET, Pierre François CHEVREUIL et Jean Toussaint POIGNAUD ainsi que deux sous-chantres Jean François VASSAL et Louis GODÉ. Le diacre Barthélémy BRIAND et le sous-diacre Jacques Joseph RIVIÈRE complètent la structure cantorale.
La psallette est composée de six enfants de chœur identifiés (huit selon certains documents) qui dépendent du maître de musique aidé d’un maître de grammaire, le sieur Praud.
• 13 octobre 1790, Nantes : Le Directoire, considérant l'indiscipline des musiciens, leur fait un rappel à l'ordre et "enjoint aux chantres, musiciens, officiers et serviteurs laïcs de ladite église de se comporter avec décence et de garder la police du chœur."
• 1er août 1791, Nantes : Cette date marque le dernier versement des gages des musiciens de l'Église de Nantes à l'exception de quatre d'entre eux admis à continuer leur service qui s'arrêtera en août 1792, à savoir LAMARRE et PICARD pour la cathédrale Saint-Pierre ainsi que GAUDINEAU et POTIRON pour la ci-devant collégiale Notre-Dame. Sont également concernés CAPPA-LESCOT, JOUBERT ainsi que le serpent Jean GILLET et son successeur CAMUS.
• 1er Juin-octobre 1792, Nantes : Les musiciens de la "cathédrale épiscopale" Saint-Pierre à l'initiative de Joseph JOLY envoient une requête collective au directoire du district afin d'être payés de leurs pensions respectives dues et non versées. Le directoire du district reprend les dossiers, s'en remet finalement au Département de Loire-Inférieure qui statue. Étienne François PICARD est porté dans la catégorie des employés de 1ère classe, ayant 21 ans de service, rémunéré 800 lt par an et bénéficie d'une pension de 550 lt.
• 13 octobre 1792, Nantes : Étienne François PICARD, pensionné titré comme musicien de la ci-devant cathédrale de Nantes prête le serment "de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la défendant".
• 1794, Nantes : M.C. Mussat recense dans son article "Les musiciens de Bretagne" (Revue de Musicologie, 2008) les noms de musiciens réputés Montagnards ayant bénéficié de certificats de civisme. Plusieurs exerçaient à la ci-devant cathédrale Saint-Pierre tels le maître de musique CAPPA-LESCOT, l'organiste Denis JOUBERT, E.F. PICARD ou encore Christophe DUCHATEAU, organiste des Carmes et des Jacobins. Le certificat de PICARD précise qu'il "nous a toujours paru être excellent patriote et zélé défenseur de la République une et indivisible et qu'il est à notre connaissance qu'il a toujours montré le plus pur civisme dès le commencement de la Révolution".
• 8 Vendémiaire An VI [27 septembre 1797], Nantes : PICARD exerce comme instituteur lorsqu'il prononce le serment de haine à la royauté et à l'anarchie et son attachement à la République.
• 1er Nivôse An VI [21 décembre 1797], Nantes : Un certificat de résidence est établi en faveur du citoyen PICARD, ci-devant chantre et pensionné de l'État. Le document inclut un signalement qui esquisse le portrait physique du musicien, élément suffisamment rare pour être mentionné - "taille de 5 p. 6 pp. [1,68 m], cheveux et sourcils châtain, yeux bleus, nez gros, bouche ordinaire, menton rond, visage plein, front haut".
• 22 Pluviôse An VIII [11 février 1800], Nantes : Étienne François PICARD, peintre, perd sa première femme. Le musicien a donc effectué une reconversion professionnelle. Il est désormais artiste peintre.
• 7 Brumaire An IX [29 octobre 1800] : PICARD effectue des démarches administratives regroupées dans le dossier d'Administration des domaines depuis 1790 aux archives départementales. C'est le début d'une procédure, voire d'un bras de fer avec le département qui lui a supprimé sa pension. L'affaire sera portée jusqu'au Ministre des finances en 1801.
• 20 Pluviôse An IX [9 février 1801], Nantes : Étienne François PICARD, artiste et veuf se remarie avec Françoise Vincente Henriette Thiot, rentière. Ils ont une importante différence d'âge (plus de vingt ans). Par ailleurs Françoise Vincente Thiot était déjà présente lors du décès de Louise Léchalas. De cette union vont naître deux enfants Étienne François le 27 Pluviôse An X [16 février 1802] et Jules le 25 Thermidor An XI [13 août 1803].
• 28 Fructidor an IX [15 septembre 1801], Nantes : Les Citoyens DONON, JOLY, PICARD, ex employés de la ci-devant cathédrale rédigent une nouvelle pétition envoyée au Ministre des finances, suite à une radiation du tableau général des pensionnaires ecclésiastiques qu'ils estiment injuste. En effet, le département ayant omis qu'ils avaient été reçus à vie ou avec convention de retraite les a privés de leurs rentes viagères d'ex-bénéficiers.
• 13 Fructidor An X [31 août 1802], Nantes : Pierre Covillard dit Pascal, commis négociant de 23 ans fils d'un traiteur, épouse Adélaïde Françoise Picard, sans état. François Étienne PICARD est cité comme artiste peintre et demeure rue Crébillon. PICARD a toutefois conservé des liens amicaux avec les ex-musiciens de la cathédrale qui sont présents et signent tels Joseph JOLY et Vincent Pierre GAUTIER. La jeune femme décèdera le 27 mars 1805.
• [1802], Nantes : Ainsi que l'attestent les comptes de fabrique, le musicien J.B. DONON qui décède en 1813, fait partie des quatre chantres recrutés par le nouveau chapitre de la cathédrale concordataire. Les documents disponibles ont été fortement détériorés par l'incendie du 15 juin 1944 et ne livrent que quelques noms avec un suivi chronologique incomplet. Qu'en est-il des autres musiciens en exercice ?
• [1812-1816], le corps musical de la cathédrale, ainsi que l'attestent les comptes de fabrique, est composé d'un maître de musique Joseph JOLY, de quatre chantres dont deux exerçaient sous l’Ancien Régime, François ADAM, Étienne François PICARD. COURTOIS et RAIFORT dont les noms sont inconnus et ont été intégrés tardivement. L'organiste François BENOIST, brièvement, a succédé à Denis JOUBERT et Aimée GOUTEL. Un serpentiste, Antoine HUART, complète l’effectif. Les sommes allouées aux chantres oscillent entre 112 lt et 131 lt pour le second semestre, ce qui est insuffisant pour faire vivre une famille. Il s'agit donc d'une activité complémentaire.
• 22 novembre 1832, Nantes : Sieur Étienne François PICARD et Dame Françoise Vincente Henriette Thiot assistent au mariage de leur fils Jules, négociant demeurant place Saint-Pierre avec Demoiselle Pauline Adèle Lucas, sans état, fille majeure du Sieur Pierre Marie LUCAS, musicien, professeur de musique et de Dame Nicole Jeanne Julie Marque. Jules intègre ainsi une dynastie de musiciens. En effet Pierre Marie LUCAS est fils de Joseph Pierre LUCAS, neveu de Pierre Mathurin LUCAS et petit-fils de René LUCAS, maître de danse à Rennes. La cérémonie est familiale rassemblant les Dénery, les LUCAS ainsi qu'Étienne François Picard fils qui a fait le voyage depuis Bordeaux où il est négociant.
• 12 avril 1841, Nantes : Le décès d'Étienne-François PICARD, rentier et pensionné de l'État, âgé de 89 ans, né à Mantes [Limay], veuf en premières noces de Louise Lechalat et époux de Dame Françoise Vincente Henriette Thiot, est déclaré par son neveu François Denery. L'acte omet tant le musicien que l'instituteur ou l'artiste peintre.
• 12 février 1868, Nantes : Françoise Vincente Henriette Thiot, s'éteint à son tour à 93 ans. Elle est rentière, veuve de E.F. PICARD artiste peintre, fille de rentiers et demeure place Royale n°11.
François PICARD illustre la vie d'un musicien d'église mobile, doté d'une belle voix, apte à la reconversion professionnelle puisqu'il devient instituteur et peintre avant d'être repris par le chapitre concordataire de Saint-Pierre. Il a gardé en outre de solides amitiés dans le milieu des musiciens. Informés des lois, attentifs, ils font preuve d'opiniâtreté pour faire valoir leurs droits pendant la période révolutionnaire jusqu'à leur dernier dossier daté de 1801.
Mise à jour : 13 novembre 2020